La soumission du pouvoir politique au contrôle d’un juge est le fruit d’un processus long et complexe. Elle repose sur l’idée que les détenteurs du pouvoir dans l’État doivent respecter une norme fondamentale, la Constitution, qui fixe les règles du jeu institutionnel. Ce principe vise à faire de la Constitution un rempart contre l’arbitraire, en limitant les pouvoirs par des techniques juridiques. La soumission du pouvoir politique peut se faire à travers deux concepts visant à limiter le pouvoir politique en instituant des règles contraignantes qui protègent les citoyens et leurs droits fondamentaux. :
Ce processus transforme la Constitution en un outil de régulation, permettant d’organiser l’exercice du pouvoir tout en le limitant, pour éviter les dérives autoritaires.
Le constitutionnalisme français, bien que tardif a permis de renforcer l’État de droit et de protéger les libertés fondamentales. Ce mouvement s’inscrit dans une évolution mondiale du rôle des Constitutions comme piliers des démocraties modernes. Ces deux concepts permettent d’organiser l’exercice du pouvoir tout en le limitant, pour éviter les dérives autoritaires.
Le constitutionnalisme désigne l’idée que la Constitution constitue la norme juridique suprême, au sommet de la hiérarchie des normes. Elle incarne un pacte social entre les composantes d’une nation et bénéficie d’une légitimité qui peut la sacraliser. Si ce concept est ancien dans certains pays comme les États-Unis ou l’Allemagne, son développement en France est relativement récent et a pris de l’ampleur à partir des années 1970.
Dans des pays comme les États-Unis et l’Allemagne, la Constitution occupe une place centrale depuis leur refondation :
En France, entre 1789 et 1958, le paysage politique et institutionnel est marqué par une grande instabilité, avec pas moins de quinze Constitutions. Chaque régime politique remplaçait rapidement le précédent, affaiblissant l’idée de primauté de la Constitution. Cette instabilité a conduit à une dévalorisation de la norme constitutionnelle, perçue comme transitoire et fragile.
Le constitutionnalisme français émerge véritablement à partir des années 1970, grâce à plusieurs évolutions politiques et institutionnelles.
Avec le départ du Général de Gaulle en 1969 et l’arrivée de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence en 1974, une nouvelle classe politique adopte une vision différente de la démocratie. Contrairement à de Gaulle, pour qui le Droit était avant tout au service de l’État, les libéraux considèrent que les procédures juridiques et les règles de droit sont les meilleurs garde-fous pour protéger les libertés individuelles.
Créé en 1958, le Conseil constitutionnel avait initialement un rôle limité :
Cependant, à partir des années 1970, plusieurs événements transforment radicalement son rôle :
Ces évolutions consacrent le Conseil constitutionnel comme un acteur central du contrôle de constitutionnalité, garantissant la conformité des lois à la norme fondamentale.
Grâce à l’action du Conseil constitutionnel, la Constitution retrouve son rôle de norme fondamentale. Elle devient une référence incontournable pour évaluer la légalité des lois et protéger les libertés. Ce renforcement s’inscrit dans une tradition plus large, inspirée notamment par des modèles étrangers :
Le développement du constitutionnalisme a transformé la place de la Constitution en France :
Un État de droit est un système dans lequel les gouvernants et les gouvernés sont soumis aux mêmes règles juridiques, et où les citoyens disposent de voies légales pour contester les décisions des autorités publiques devant un juge. Ce principe repose sur l’idée que le Droit constitue à la fois la source de l’autorité et sa limite. La célèbre formule « Point de Droit sans État ; point d’État sans Droit » illustre bien ce lien indissociable entre le Droit et l’État.
Le concept d’État de droit a donné lieu à des théories divergentes sur le rapport entre l’État et le Droit, principalement à travers deux grandes doctrines : la dualité et l’unité.
Les jusnaturalistes ou tenants du Droit naturel soutiennent que :
Cette approche met l’accent sur la primauté de la raison ou des principes universels sur les règles instituées.
Les positivistes considèrent que :
Pour les positivistes, l’État de droit repose sur un mécanisme d’autolimitation de l’État, où l’autorité publique s’oblige à respecter les règles qu’elle a elle-même instituées. Cette idée est développée notamment dans les théories allemandes du XIXe siècle.
Dans une approche moderne, les conceptions jusnaturalistes et positivistes convergent partiellement pour définir l’État de droit.
Un État de droit repose sur :
Ainsi, le Droit institue les organes de l’État tout en fixant leurs limites.
L’État de droit est rendu effectif grâce à des procédures juridiques accessibles aux citoyens. Ces mécanismes garantissent :
L’État de droit assure un équilibre entre l’institution des pouvoirs publics et leur limitation.
Cette dualité garantit que la puissance publique reste au service des citoyens, évitant les abus de pouvoir et assurant la primauté du Droit dans toutes les sphères de la vie politique et sociale.
En conclusion, l’État de droit est le fondement des démocraties modernes, assurant que l’autorité publique agit conformément à des normes juridiques transparentes et respectueuses des libertés fondamentales. Qu’il trouve son origine dans une conception jusnaturaliste ou positiviste, il repose sur des principes universels : la primauté du Droit, la séparation des pouvoirs et l’accès à une justice impartiale.
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