Le délit de favoritisme (article 432-14)
Favoritisme (article 432-14) (ou passation irrégulière de marchés publics) : délit d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés public. En incriminant ces pratiques, le législateur a montré que l’intérêt de l’entreprise rejoint celui de la collectivité. Les valeurs protégées par l’infraction visent en effet :
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– favoriser une concurrence aussi saine que possible entre entreprises candidates à la conclusion d’un marché public.
– tout en permettant à la collectivité de bénéficier d’un produit plus avantageux.
Infraction issue de la loi du 3 janvier 1991 (article 432-1) sur la transparence et régularité des procédures de marché
Esprit de l’incrimination : il s’agit de sanctionner le fait pour une personne de procurer ou tenté de procurer à autrui un avantage injustifié, en le favorisant par un acte contraire aux dispositions sur la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans le marché public et de délégation de service public.
- I) Condition préalable : qualité de la personne.
L’énumération des personnes susceptibles d’être incriminé es est longue (article 432-14), et tient à sa qualité :
- personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif public → regroupe la catégorie que la doctrine qualifie de « classique » que l’on retrouve // infraction de corruption et trafic d’influence mais à la différence de ces dernières, ne sont pas les seules à pouvoir commettre l’infraction.
- personnes exerçant les fonctions de représentant, administrateur, ou agent de l’Etat :
- – des collectivités territoriales.
- – des établissements publics.
- – des SEM d’intérêt national chargé d’une mission de service public.
- – et des SEM locales.
- – ou par toute personne agissant pour le compte de l’une de celle susmentionné.
- Personnes ayant le pouvoir d’intervenir dans une procédure d’attribution de marché.
Conclusion.
Peuvent donc commettre cette incrimination :
- personne exerçant une fonction publique ou
- mais ouvre le champ à les personnes autres que les agents publiques → celles dont les qualifications professionnelles imposent, justifient qu’elles interviennent à un titre ou à un autre dans une procédure d’attribution de marché public (architecte, responsable d’un cabinet d’étude…).
- Éléments constitutifs.
- Élément matériel.
L’agent doit avoir deux facettes :
- – procuré ou tenté de procurer à autrui, un avantage injustifié
- – par un acte contraire aux dispositions législatives ou règlementaires, ayant pour objet de :
- garantir la liberté d’accès et
- l’égalité des candidats, dans les marchés publics et les délégations de service public.
- Avantage injustifié à autrui.
- a) Avantage.
On analyse, aux vues de la jurisprudence, deux types d’actes :
– transmission d’une information privilégiée (arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 12 juin 2003) lorsqu’elles sont confié es à une entreprise attributaire du marché public (sur le coût des travaux, nombre, qualité des autres candidats..), constituent un avantage injustifié.
– peut être caractérisé par la seule violation à une disposition encadrant les marchés publics, ayant pour objet d’assurer l’égalité entre les candidats.
Par cette interprétation large, elle réduit la portée de cet élément, car il tend à se confondre avec le défaut de justification de l’avantage.
- b) A autrui.
L’avantage doit profiter soit :
- directement à l’attributaire du marché,
- soit à une entreprise sous-traitante
Chambre criminelle : il n’est pas nécessaire que l’auteur de l’infraction ait retiré un bénéfice personnel. Mais la plupart du temps, l’auteur aura commis un tel acte en contrepartie d’un avantage ou d’une rémunération, bien que ne soit pas une EC de l’infraction.
2) Méconnaissance d’une disposition législative ou règlementaire.
L’acte est définit comme étant « contraire à une disposition législative ou règlementaire, ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics ».
- a) Dispositions encadrant les « marchés publics ».
Les dispositions doivent être relatives aux « marchés publics ». Elles sont pour la plupart regroupées dans :
– le Code des marchés publics, depuis décret du 7 mars 2001, puis sensiblement modifié es par décret du 7 janvier 2004, portant notification sur les seuils à partir desquels une procédure d’appel d’offre doit intervenir, fixés à 150 000 € pour l’Etat, 230 000 € pour les collectivités territoriales. Lorsque l’enjeu est en deçà de ces seuils, article 432-14 n’a pas vocation à s’appliquer puisque les marchés peuvent être conclus de gré à gré (donc pas de procédure d’appel d’offre à suivre)
– la loi du 3 janvier 1991 sur la transparence et régulation des procédures de marché � Illustrations : arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 13 décembre 2000 : pratique consistant à fractionner un marché public en une pluralité de marché, permettant pour chacun d’entre eux, de rester en deçà des seuils prévus par le Code pénal : le fractionnement d’un marché public, pour éviter le recours à une procédure d’appel d’offre constitue une infraction de favoritisme (sorte de fraude à la loi). Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 17 décembre 2008 : un président d’université qui traite de gré à gré avec des prestataires de services, pour des montants > seuil légal au delà duquel la mise en c/c est obligatoire, commet une infraction de favoritisme
- b) Dispositions concernant les « délégations de service public ».
Article L1411-1 du Code Général des Collectivités Territoriale : Délégation de service public : contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public, dont elle a la responsabilité : à un délégataire public ou privé dont la rémunération est substantiellement lié au résultat de l’exploitation du service.
Conclusion. But poursuivi par l’article L432-14 de mettre sur le même plan a) et b): éviter une fraude consistant à recourir à une délégation de service public en vue de contourner les dispositions sur les « marchés publics ». Comme les marchés publics, les délégations de service public font l’objet d’une procédure spéciale de publicité.
- B) Élément moral
C’est une infraction intentionnelle donc l’agent a conscience de violer les dispositions réglementaires ou législatives. A ce dol général, on peut également associer un dol spécial, qui consiste dans le but que recherche l’agent qui commet le favoritisme. Ce dol spécial est révélé par la finalité de l’acte et consiste pour l’agent à octroyer un avantage injustifié. Ainsi caractérisé dans ces deux aspects, dol général et dol spécial (conscience plus volonté de procurer un avantage injustifié), on peut penser que c’est dur à prouver, mais la jurisprudence est bien peu exigeante quant à l’établissement de cet élément intentionnel. La Cour de cassation tend à considérer qu’il y a une Présomption qui facilite donc largement l’établissement de l’élément moral puisqu’elle estime que l’intention de favoriser est établi par l’exécution en connaissance de cause d’un acte contraire aux dispositions réglementaires ou législatives qui s’appliquent aux marchés. Un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 14 janvier 2004 témoigne de cette présomption. C’est révélateur d’une certaine sévérité de la jurisprudence qu’on retrouve dans beaucoup d’infractions.
III) La répression.
- A) Les peines.
Les peines principales sont prévues par l’article L342-14 du Code pénal, elles consistent en deux ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende. L’article L432-17 prévoit des peines complémentaires qui peuvent s’ajouter aux peines principales. La tentative est incriminée et est donc punissable ce qui ressort de la lettre de l’article 342-14 du Code pénal qui incrimine le fait de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié.
- B) La procédure.
La prescription de l’action publique: le délit de favoritisme est une infraction instantanée. Dès lors, le point de départ de la prescription est fixé au jour où les faits consommant l’infraction ont été commis. La difficulté qu’on observe est que ce délit est souvent commis de manière occulte, dissimulée, comme nombre d’infractions en droit des affaires. La difficulté est alors de savoir si tant qu’il n’est pas connu, la prescription est en train de courir? La jurisprudence au sujet de l’abus de confiance ou de l’abus de biens sociaux favorise un report du point de départ de la prescription et cette règle qu’elle a dégagé pour ces infractions est transposé e, appliquée par la jurisprudence pour d’autres infractions commis de façon occulte comme le délit de favoritisme donc la Cour de cassation admet un report du point de départ lorsque les actes constitutifs sont dissimulés. La Cour a dit que la prescription ne commence à courir qu’à partir du jour où les faits sont apparus dans les conditions permettant l’exercice de l’action publique, donc à partir du jour où ils sont révélés avec suffisamment de précisions, arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 27 octobre 1999 en ce sens. Solution reprise par un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 19 mai 2004.
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