LE DIRECTOIRE
Le Directoire, instauré par la Constitution de l’an III adoptée le 22 août 1795, marque une tentative de stabilisation politique après les excès de la Terreur. Ce régime, en place du 26 octobre 1795 (4 brumaire an IV) au 9 novembre 1799 (18 brumaire an VIII), représente une étape de transition entre la Convention nationale et le Consulat de Napoléon Bonaparte. Il repose sur une séparation stricte des pouvoirs, dans un contexte d’instabilité et de méfiance envers toute forme de concentration du pouvoir. Ce régime est le fruit d’un processus en trois grandes phases : la République thermidorienne, l’adoption de la Constitution de l’an III, et finalement, l’échec du Directoire.
Le cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs parties :
La République thermidorienne constitue une phase de transition essentielle dans l’histoire de la Révolution française, marquée par une réaction contre les excès de la Terreur et une tentative de stabilisation politique. Ce régime, qui débute après l’exécution de Robespierre le 9 thermidor an II (27 juillet 1794), est conduit par les survivants de la période révolutionnaire. Ces derniers, ayant voté la mort de Louis XVI, rejettent toute idée de restauration monarchique. Leur projet est alors celui d’une République constitutionnelle et modérée, rompant avec la radicalité de la période précédente.
Dans un premier temps, les structures héritées de la Terreur sont maintenues, mais leur fonctionnement est profondément modifié :
Cette organisation illustre une volonté de modération : il s’agit de maintenir un cadre institutionnel tout en empêchant toute concentration du pouvoir. Toutefois, cette approche affaiblit la capacité d’action du gouvernement, rendant l’exécutif instable et dépendant des décisions de l’Assemblée.
Simultanément, un travail constitutionnel est engagé pour poser les bases d’un nouveau régime. La Constitution de 1791, associée à l’Ancien Régime et à une monarchie constitutionnelle, est jugée obsolète. De même, la Constitution de 1793, adoptée mais jamais appliquée, est rejetée en raison de son lien avec la Terreur et le régime autoritaire de Robespierre.
Les dirigeants thermidoriens souhaitent élaborer un texte reflétant leurs ambitions d’une République modérée et pérenne. À partir d’avril 1795, une commission de onze membres est formée pour préparer ce projet constitutionnel. Le rapporteur principal, Boissy d’Anglas, joue un rôle central dans la rédaction du texte. Après des débats intenses et des modifications, le projet est discuté en juillet et août 1795, conduisant à l’adoption de la Constitution de l’an III.
La République thermidorienne s’inscrit dans une démarche de réconciliation politique et de retour à une certaine normalité après les bouleversements de la Terreur. Ses principaux objectifs peuvent être résumés comme suit :
Malgré leurs efforts, les thermidoriens doivent faire face à une situation politique, sociale et économique extrêmement difficile. La République thermidorienne reste marquée par des instabilités internes et des tensions entre les différentes factions. Néanmoins, cette période prépare la transition vers le régime du Directoire, qui sera officiellement institué avec l’entrée en vigueur de la Constitution de l’an III en octobre 1795.
La Constitution de l’an III (1795) marque une tentative ambitieuse de créer un équilibre politique après les excès de la Terreur. Inspirée par les idées de modération de Montesquieu, elle vise à éviter les dérives autoritaires tout en se protégeant contre l’instabilité et l’insurrection permanente. Toutefois, malgré sa complexité et ses innovations, ce texte constitutionnel se révèle fragile et inefficace dans sa mise en œuvre.
La Constitution de l’an III s’ouvre sur une déclaration des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen, qui reflète une volonté de tempérance par rapport aux versions précédentes. Si elle s’inspire largement de la Déclaration de 1789, certaines modifications notables traduisent un recentrage :
Ce recentrage montre une volonté d’éviter les excès révolutionnaires tout en cherchant à garantir une certaine stabilité.
Sur le plan électoral, la Constitution revient au système censitaire de 1791, fondé sur la propriété. Ce mode de scrutin exclut une grande partie de la population :
Ce système à deux degrés, bien qu’il vise à éviter les influences directes et à limiter le pouvoir des foules, rend le processus électoral manipulable et vulnérable aux pressions. Les grands électeurs, triés sur le volet, désignent un corps législatif divisé en deux chambres élues pour trois ans :
Le renouvellement annuel par tiers de ces conseils, bien que conçu pour éviter la concentration du pouvoir, introduit une instabilité chronique, les élus étant constamment préoccupés par leur réélection.
L’exécutif est confié à un Directoire, un organe collégial de cinq membres, élu selon une procédure complexe visant à empêcher toute dérive autoritaire :
Pour éviter toute concentration du pouvoir, la présidence du Directoire est exercée à tour de rôle par chacun des membres pour une durée de trois mois. Ce système, destiné à garantir une séparation stricte des pouvoirs, affaiblit considérablement l’exécutif, incapable de répondre efficacement aux crises.
La Constitution de l’an III aurait pu marquer une avancée majeure dans l’histoire juridique avec la création d’un jury constitutionnaire, imaginé par Sieyès. Ce dispositif novateur prévoyait :
Cette idée, bien que visionnaire, est rejetée par la Convention, attachée à la suprématie de la loi, considérée comme l’expression de la volonté populaire. Ce débat, sur la légitimité d’un organe non élu à contrôler des lois votées par les représentants du peuple, reste une question d’actualité dans les démocraties modernes.
La Constitution de l’an III, en multipliant les mécanismes de contrôle et en fragmentant les pouvoirs, sacrifie l’efficacité au profit de la méfiance. Ce système, conçu pour éviter les dérives, produit une instabilité politique chronique :
La complexité du régime et ses faiblesses structurelles aboutissent à son effondrement, quatre ans après son instauration. En cherchant à éviter les excès de la Terreur, cette Constitution a créé un système paralysé par les divisions internes, ouvrant la voie au coup d’État du 18 brumaire et à l’avènement du Consulat.
Malgré son échec, la Constitution de l’an III reste un exemple marquant d’une tentative de concilier modération, stabilité et idéaux révolutionnaires, tout en révélant les défis inhérents à l’élaboration de régimes démocratiques durables.
L’échec du Directoire illustre les contradictions et l’instabilité d’un régime conçu comme une réaction à la concentration des pouvoirs sous la Terreur. Derrière la façade d’un morcellement du pouvoir censé garantir une certaine protection démocratique, se cachent des pratiques et des enjeux bien plus pragmatiques, révélateurs des limites structurelles de ce système politique.
Lors de la mise en place du Directoire, les anciens dirigeants ayant mis fin à la dictature de Robespierre cherchent avant tout à conserver leur position dominante. À cet effet, la Constitution de l’an III (1795) s’accompagne d’un décret dit des « deux tiers », présenté au corps électoral. Ce texte impose que 500 des 750 sièges de députés soient réservés aux conventionnels sortants, limitant ainsi considérablement le renouvellement du personnel politique. Si cette mesure visait à éviter une déstabilisation immédiate du régime, elle suscite une grande défiance et réduit la portée des élections, qui deviennent davantage une formalité qu’un véritable exercice démocratique. Contrairement aux idéaux des premiers révolutionnaires, qui avaient choisi de se rendre non rééligibles, cette manœuvre est perçue comme une trahison des principes de 1789. Le décret est néanmoins approuvé de justesse.
Malgré ces restrictions, l’élection des députés devant siéger dans les deux conseils (le Conseil des Cinq-Cents et le Conseil des Anciens) repose sur un scrutin secret uninominal, exigeant une majorité absolue aux deux premiers tours ou relative au troisième. Cependant, ce processus est limité par le système des assemblées primaires : les électeurs choisissent des grands électeurs, qui eux-mêmes élisent les députés. Ce mode de sélection, combiné à un renouvellement annuel des élus, accentue l’instabilité du système. À chaque élection, le pouvoir en place se voit menacé par des forces politiques adverses, notamment les royalistes.
Dans les campagnes, l’idée d’un retour à l’Ancien Régime trouve un écho grandissant, bien que cette nostalgie reste marginale à Paris. Face à la progression de ces idées, le Directoire adopte des mesures radicales : des coups d’État préventifs, invalidant les résultats électoraux défavorables. Cette pratique controversée, bien que justifiée par la peur de voir le régime renversé, contribue à délégitimer davantage le système, perçu comme manipulant les institutions pour maintenir le pouvoir en place.
Le Directoire est marqué par une instabilité structurelle, où la lutte pour le pouvoir et les manipulations institutionnelles prédominent. Les annulations répétées des élections, combinées à un mécontentement populaire croissant, minent la crédibilité du régime. Pendant les quatre années de son existence, il n’a pas réussi à asseoir durablement son autorité ni à stabiliser la France, ouvrant ainsi la voie à son effondrement.
C’est finalement un coup d’État curatif, et non préventif, qui met un terme au Directoire. Le 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), le général Bonaparte, auréolé de gloire après ses succès militaires, notamment lors de la campagne d’Italie, s’allie à des figures politiques influentes pour renverser le régime. Ce coup d’État est orchestré avec la complicité de son frère Lucien Bonaparte, alors président du Conseil des Cinq-Cents, ainsi que de Sieyès, Ducos, et deux ministres de premier plan : Fouché et Talleyrand. Ces six hommes coordonnent l’opération, qui se traduit par une intervention militaire directe : les grenadiers envahissent les salles de réunion des conseils, expulsent les députés, puis rappellent une minorité docile pour faire voter les mesures souhaitées.
Le lendemain du coup d’État, les restes des conseils votent la loi du 19 brumaire, qui supprime officiellement le Directoire. Celui-ci est remplacé par une commission consulaire exécutive composée de trois consuls : Bonaparte, Sieyès, et Ducos. Cependant, cette répartition du pouvoir est éphémère : dès le départ, chacun des trois consuls ambitionne de dominer ce triumvirat. Bonaparte, soutenu par sa popularité militaire et son influence croissante, finit rapidement par s’imposer comme la figure prééminente.
Ce renforcement de l’exécutif s’accompagne de l’appui décisif de l’armée, qui joue un rôle central dans la transition. Le corps législatif est dissout et remplacé par deux commissions de 25 membres, composées de députés ayant soutenu le coup d’État. Ces commissions sont chargées de rédiger une nouvelle constitution, conformément à une tradition révolutionnaire consistant à redéfinir le cadre institutionnel après chaque bouleversement politique.
Le coup d’État du 18 brumaire marque ainsi le début d’une nouvelle phase politique. Le Directoire, trop faible et impopulaire, cède la place à un régime autoritaire dominé par Bonaparte, ouvrant la voie à la période du Consulat et, ultérieurement, à l’Empire. Ce moment décisif de l’histoire française illustre l’échec des institutions républicaines à garantir une stabilité politique, tout en montrant comment l’autorité militaire et la manipulation des processus électoraux peuvent devenir des outils efficaces pour prendre le pouvoir.
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