Le divorce par consentement et pour altération définitive du lien conjugal

Le divorce par consentement et le divorce pour altération définitive du lien conjugal

Le divorce par consentement mutuel, souvent appelé divorce à l’amiable, est une procédure dans laquelle les époux s’accordent sur la rupture du mariage et sur toutes ses conséquences. Ce divorce repose sur une convention rédigée conjointement par les époux et leurs avocats, qui organise les modalités de la séparation, notamment le partage des biens, l’autorité parentale, la pension alimentaire et la prestation compensatoire.

  • Les époux doivent être pleinement d’accord sur le principe du divorce et sur l’intégralité de ses effets.
  • Les raisons de la séparation ne doivent pas être communiquées : ce divorce repose sur une approche apaisée, où toute idée de sanction ou de faute est exclue.
  • Articles 237 et suivants du Code civil :
    • Ces dispositions régissent les conditions et modalités du divorce, conformément à la réforme introduite par la loi du 26 mai 2004.

Avant la réforme de 2004, le divorce pour rupture de la vie commune, introduit par la loi de 1975, offrait une solution pour dissoudre un mariage en cas de séparation prolongée ou d’autres circonstances, même sans faute. Ce type de divorce se caractérisait par :

  • L’exclusion de tout caractère punitif ou de sanction à l’encontre de l’un des époux.
  • Une vision du divorce comme une « faillite de l’union », où l’État intervient uniquement pour encadrer la dissolution et ses conséquences.

Toutefois, cette procédure était critiquée, notamment en raison des déséquilibres qu’elle pouvait engendrer. On la qualifiait parfois de « divorce-répudiation », car elle permettait à un époux d’imposer la rupture à l’autre, même en l’absence de faute ou d’accord mutuel.

2. La loi du 26 mai 2004 : un tournant majeur

La réforme de 2004 a simplifié et modernisé le cadre du divorce, remplaçant notamment le divorce pour rupture de la vie commune par le divorce pour altération définitive du lien conjugal.

  • Bannissement de la faute et de la sanction :
    • Le divorce par consentement mutuel repose sur une vision pragmatique de la séparation, dénuée de tout caractère moral ou accusatoire.
  • Égalité entre les époux :
    • Le divorce repose sur une volonté commune, et la procédure garantit la protection des intérêts des deux parties ainsi que des enfants.

1. Critiques historiques

Lors de la promulgation des lois de 1975 et de 2004, ce type de divorce a suscité d’intenses débats.

  • 1975 : un divorce innovant mais polémique :
    • Certains voyaient dans le divorce pour rupture de la vie commune une forme de « répudiation légale », permettant à un époux de se séparer unilatéralement de l’autre, même en l’absence de faute.
    • Le fait que ce divorce soit accessible sans consentement mutuel initial a soulevé des inquiétudes quant à la protection des conjoints les plus vulnérables.
  • 2004 : des critiques similaires :
    • La réforme a confirmé l’absence de sanction dans le cadre des divorces amiables, ce qui a été perçu par certains comme une banalisation du mariage.
    • Les opposants au divorce par consentement mutuel ont pointé le risque d’inégalités entre les époux, notamment dans des contextes où l’un des deux pourrait être financièrement ou émotionnellement désavantagé.

2. Une procédure néanmoins plébiscitée

Malgré ces critiques, le divorce par consentement mutuel demeure la forme de divorce la plus répandue en France.

  • Son caractère apaisé et rapide en fait une solution privilégiée pour les époux désireux de mettre fin à leur union sans conflit.
  • Il offre une grande souplesse dans la négociation et la formalisation des accords, tout en étant soumis au contrôle d’un juge ou, depuis 2017, d’un notaire dans certains cas.

 

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II. Le divorce pour altération définitive du lien conjugal avant et après la loi du 26 mai 2004

A. Le droit antérieur à la loi du 26 mai 2004

1. Conditions relatives aux causes de la rupture

Avant la réforme de 2004, le divorce pour altération définitive du lien conjugal (ADLC) était encadré par des conditions strictes définies par la loi de 1975.

  • Deux causes spécifiques de rupture :
    1. Une séparation de fait prolongée d’au moins 6 ans : L’absence de cohabitation devait être constatée sur une longue période, traduisant une rupture durable de la vie commune.
    2. Une altération grave des facultés mentales de l’époux défendeur pendant au moins 6 ans : Ce fondement s’appliquait dans des situations où un trouble mental empêchait la poursuite d’une vie conjugale normale.

2. Conditions relatives aux conséquences du divorce

Le divorce pour ADLC, sous l’empire de la loi de 1975, était encadré par des restrictions visant à protéger l’époux défendeur et les enfants.

  • Support des charges par l’époux demandeur : L’époux demandeur devait accepter d’assumer toutes les charges financières liées au divorce, notamment en conservant son devoir de secours envers son conjoint, même après le prononcé du divorce.

  • Clause de dureté : Le juge pouvait rejeter la demande si le divorce causait des conséquences matérielles ou morales d’une exceptionnelle dureté pour le défendeur ou les enfants.

3. Une procédure restrictive et prudente

Ces conditions traduisaient une approche très restrictive du divorce pour ADLC. Elles reflétaient une volonté de limiter les abus et de maintenir un certain équilibre entre les époux, au prix d’un encadrement rigide.

B. Le droit issu de la loi du 26 mai 2004

La loi de 2004 a profondément remanié le divorce pour altération définitive du lien conjugal, simplifiant les conditions et alignant ses conséquences sur celles des autres divorces.

1. Redéfinition des causes de rupture (article 238 du Code civil)

La réforme a recentré le divorce pour ADLC autour de la notion de cessation de la vie commune, abandonnant la cause liée à l’altération mentale.

  • Suppression de l’altération mentale comme cause :

    • Désormais, la rupture doit découler d’une séparation effective et volontaire. Cela implique qu’un époux souhaitant divorcer d’un conjoint souffrant de troubles mentaux doit d’abord quitter le domicile conjugal.
    • Cette évolution a été critiquée comme imposant une séparation préalable, même dans des situations de grande détresse.
  • Définition de la séparation :

    • La séparation suppose, selon la jurisprudence, deux éléments cumulatifs :
      1. Un élément matériel : l’absence de cohabitation.
      2. Un élément moral : une intention claire de rupture, sans laquelle l’absence de cohabitation pourrait être accidentelle (par exemple, un époux expatrié ou pris en otage à l’étranger).
    • Cette définition est issue de la jurisprudence antérieure à 2004 et demeure valide après la réforme.
  • Reconnaissance de la séparation de corps :

    • La réforme confirme que la séparation de corps (forme légale de séparation) est également admise comme cause de rupture, au même titre qu’une séparation de fait.

2. Réduction de la durée de séparation

La durée minimale de séparation a été abaissée de 6 ans à 2 ans.

  • Point de départ de la durée : La séparation de 2 ans doit être constatée au moment de l’assignation en divorce, et non au moment de la requête. Cette distinction permet à un époux d’introduire une requête dès le début de la séparation et de n’assigner qu’au bout des 2 ans nécessaires.

  • Exception pour les demandes reconventionnelles : Le délai de 2 ans n’est pas requis si la demande est formée en réponse à une demande de divorce pour faute.

3. Uniformisation des conséquences du divorce

La réforme a aligné les conséquences du divorce pour ADLC sur celles des autres divorces.

  • Suppression du devoir de secours post-divorce : L’époux demandeur n’est plus tenu de subvenir aux besoins de son ex-conjoint après le divorce. Cette suppression marque une rupture avec l’approche antérieure qui imposait une solidarité durable entre les époux.

  • Égalité dans la répartition des charges : L’obligation pour l’époux demandeur d’assumer seul les charges financières du divorce a été abrogée.

4. Suppression de la clause de dureté

  • La clause de dureté, qui permettait au juge de refuser un divorce s’il entraînait des conséquences exceptionnellement graves pour l’époux défendeur ou les enfants, a été abrogée.
    • Cette suppression simplifie considérablement la procédure, mais elle a suscité des critiques quant à la diminution des protections offertes aux époux les plus vulnérables.

C. Analyse des changements

Facilitation du recours au divorce pour ADLC : La réforme de 2004 a fait du divorce pour altération définitive du lien conjugal une procédure plus accessible : La réduction des délais et la suppression des contraintes relatives aux charges et à la clause de dureté traduisent une volonté de moderniser et simplifier le droit du divorce.

Uniformisation des conséquences : En alignant les effets du divorce pour ADLC sur ceux des autres divorces, la loi a contribué à sa banalisation : Ce type de divorce n’est plus perçu comme une solution exceptionnelle, mais comme une alternative simple et pratique pour des époux séparés depuis au moins deux ans.

Critiques persistantes

  • Certains regrettent que la suppression de la clause de dureté ait affaibli la protection des époux défendeurs vulnérables.
  • D’autres déplorent que l’époux demandeur doive nécessairement prendre l’initiative d’une séparation physique, ce qui peut être difficile dans certains contextes (par exemple, pour des époux en situation de dépendance).

Ainsi, le divorce pour altération définitive du lien conjugal est passé d’une solution exceptionnelle, complexe et encadrée à une procédure simplifiée, reflétant les évolutions sociétales en matière de séparation conjugale.

 

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