Le divorce pour altération définitive du lien conjugal (article 237 et 238 du Code Civil)
Le divorce pour altération définitive du lien conjugal est prévu aux articles 237 et 238 du Code civil. Ce divorce suppose la cessation de la communauté de vie entre les époux depuis au moins deux années lors de l’assignation en divorce. Le divorce pour altération définitive du lien conjugal présente de nombreuses spécificités. Historiquement, le divorce pour altération définitive du lien conjugal découle du divorce pour rupture de la vie commune, instauré par la loi de 1975.
Quel était l’objectif initial (1975) : Offrir une solution dans des cas où :
- Un époux était atteint de maladie mentale incurable.
- Une séparation de fait durable existait (plus de 6 ans).
- Aucun divorce consensuel ou pour faute n’était possible.
Critiques et limites de la loi de 1975 :
- L’époux demandeur devait supporter des conséquences sévères, notamment la déchéance des donations consenties à son profit ou le maintien d’une obligation de secours envers l’autre.
- Ce divorce portait une connotation stigmatisante, le rapprochant de la « répudiation ».
Réforme de 2004 : La loi de 2004 a simplifié et modernisé ce type de divorce :
- Le droit des couples (mariage, Pacs, divorce…)
- Le concubinage : définition, effets, preuve
- La procédure de l’adoption simple et les conséquences
- Les conditions de l’adoption simple
- L’adoption plénière : procédure et conséquences
- Les conditions de l’adoption plénière
- La séparation de corps
- Le nom a été modifié pour mettre l’accent sur la rupture définitive des liens conjugaux, plutôt que sur la « vie commune ».
- Le délai de séparation a été réduit de 6 ans à 2 ans.
- L’hypothèse spécifique de maladie mentale a été supprimée.
I) Définition du divorce pour altération définitive du lien conjugal
Le divorce pour altération définitive du lien conjugal est une procédure permettant à un époux d’obtenir le divorce sans le consentement de l’autre, sous réserve que certaines conditions soient réunies. Ce type de divorce repose principalement sur une séparation effective et prolongée des époux.
Caractéristiques principales
- Ce divorce peut être imposé à l’autre époux si les deux ans de séparation sont établis. Une fois ces conditions remplies, le divorce est automatiquement prononcé.
- L’article 238 du Code civil exige que la séparation soit effective depuis au moins deux ans à la date de l’assignation en divorce. Ce délai a été réduit de six ans à deux ans par la réforme de 2004.
Conditions requises pour la séparation
Pour que le divorce soit prononcé, la séparation doit remplir deux critères cumulatifs :
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Une séparation matérielle (physique) :
Les époux ne cohabitent plus, c’est-à-dire qu’ils ne partagent plus le même logement. -
Une séparation psychologique (affective) :
Les époux n’ont plus la volonté de vivre ensemble en tant que couple.
Si l’un de ces éléments fait défaut, le divorce pour altération définitive du lien conjugal ne peut pas être prononcé.
La séparation de fait
La séparation peut résulter d’une simple séparation de fait, c’est-à-dire qu’elle n’a pas besoin d’être formalisée juridiquement (par exemple, par une séparation de corps). Cependant, une séparation décidée ou autorisée par un juge peut également constituer un fondement valable.
Preuve de l’intention de rupture
L’élément psychologique, c’est-à-dire l’absence de volonté de poursuivre la vie conjugale, peut être plus difficile à prouver que la séparation physique. Toutefois, certains points sont à noter :
- La séparation n’est pas invalidée par des contacts réguliers ou des relations cordiales entre les époux.
- Les époux peuvent continuer à effectuer des démarches conjointes, comme une déclaration d’impôts commune, sans remettre en cause l’altération du lien conjugal.
Cas particuliers
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Absence de cohabitation dès le mariage :
Si, par exemple, un époux est en prison dès le mariage, l’absence de cohabitation n’est pas suffisante pour justifier une altération définitive du lien conjugal. L’intention de rupture doit être démontrée. -
Cohabitation sans relation conjugale :
Un couple peut cohabiter tout en ayant rompu leur lien conjugal, par exemple si les époux ne communiquent plus du tout. Dans ce cas, l’altération définitive du lien conjugal peut être reconnue.
En résumé : Le divorce pour altération définitive du lien conjugal repose sur une séparation matérielle et psychologique d’une durée minimale de deux ans. Cette procédure, qui peut être imposée à l’un des époux, ne nécessite pas d’accord mutuel. Toutefois, la preuve de la séparation affective peut poser des difficultés dans certaines situations, notamment lorsque des éléments ambigus sont en jeu.
II) Demande de divorce et tentative de conciliation
La procédure de divorce pour altération définitive du lien conjugal débute par une requête neutre suivie d’une tentative de conciliation obligatoire. Si la séparation de fait atteint deux ans ou en cas de demande reconventionnelle spécifique, le divorce peut être prononcé. Le juge intervient également pour organiser les mesures provisoires nécessaires pendant la procédure
Introduction de la demande de divorce pour altération définitive du lien conjugal
Après l’ordonnance de non-conciliation (ONC), l’assignation en divorce pour altération définitive du lien conjugal doit être déposée dans un délai maximum de 30 mois. Si la séparation de fait débute au jour de l’ONC, les époux peuvent attendre que la séparation atteigne une durée de 24 mois pour introduire leur demande de divorce sur ce fondement.
Attention :
- Si le délai de deux ans de séparation n’est pas atteint au moment de l’assignation, la demande en divorce sera rejetée. Toutefois, il est possible de déposer une nouvelle assignation une fois le délai atteint.
- Il existe une exception : selon l’article 238 alinéa 2 du Code civil, le divorce peut être prononcé sans condition de délai si une demande principale en divorce pour faute est rejetée. Dans ce cas, l’autre époux (le défendeur) peut introduire une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal. Cette demande sera automatiquement acceptée, même si les deux ans de séparation ne sont pas atteints.
En revanche, si le défendeur n’introduit pas de demande reconventionnelle et que la demande principale pour faute est rejetée, les époux restent mariés. Dans ce cas, le juge peut appliquer l’article 258 du Code civil pour organiser leur séparation matérielle (résidence, finances, etc.).
Déroulement de la procédure de divorce
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Requête en divorce :
La procédure commence par un acte unilatéral : le dépôt d’une requête en divorce par l’avocat de l’époux demandeur au greffe du tribunal judiciaire.- Cette requête est neutre et ne mentionne pas les motifs du divorce. Le cas de divorce sera précisé ultérieurement, après l’ONC.
- Dès le dépôt de la requête, il est possible de demander des mesures urgentes, comme :
- La résidence séparée des époux.
- La protection du patrimoine familial (exemple : interdiction de vendre un bien sans l’accord du conjoint).
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Tentative de conciliation :
La tentative de conciliation est une étape obligatoire dans tous les divorces contentieux. Elle est menée par le juge et vise à :- Inciter les époux à trouver un accord sur les effets du divorce (pension alimentaire, résidence des enfants, partage des biens).
- Préparer un projet de règlement des conséquences du divorce pour l’audience de jugement.
Le juge rencontre les époux individuellement, puis ensemble avec leurs avocats. Si aucune conciliation n’est possible, le juge rend une ordonnance de non-conciliation, qui marque la fin de cette phase.
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Mesures provisoires :
Avec l’ONC, le juge peut fixer des mesures provisoires destinées à organiser la vie des époux et des enfants durant la procédure, telles que :- La jouissance du logement conjugal.
- La résidence des enfants et les modalités de droit de visite.
- Le versement d’une pension alimentaire pour un époux ou les enfants.
Cas particulier : procédure en référé pour violences conjugales
Dans les cas de violences conjugales, une procédure en référé-violence peut être engagée pour protéger le conjoint victime ou les enfants. Le juge peut décider :
- Une résidence séparée des époux.
- L’attribution du logement conjugal à l’époux victime.
- Les modalités d’exercice de l’autorité parentale.
À noter : neutralité de la tentative de conciliation
Lors de la tentative de conciliation, le cas de divorce n’est pas encore déterminé. Ce n’est qu’à l’issue de cette étape, lors de l’assignation, que le fondement juridique du divorce sera indiqué. En l’absence de conciliation, le juge établit une ordonnance de non-conciliation qui autorise la poursuite de la procédure.
III) Mesures provisoires du divorce pour altération définitive du lien conjugal
Les mesures provisoires sont établies pour garantir la sécurité matérielle des époux et des enfants jusqu’à ce que le divorce soit définitif. Elles sont prévues par l’article 255 du Code civil et couvrent divers aspects de la vie des époux, notamment la médiation, le logement, les finances et le patrimoine.
Principales mesures provisoires
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Médiation familiale :
Le juge peut proposer aux époux une médiation familiale pour faciliter un dialogue apaisé. Si les deux parties donnent leur accord, un médiateur familial est désigné pour mener à bien cette mission. -
Résidence des époux :
- Le juge décide des modalités de la résidence séparée des époux.
- Il peut attribuer la jouissance du logement familial et de son mobilier à l’un des époux.
- Le caractère gratuit ou onéreux de cette jouissance est précisé, ce qui signifie que l’époux bénéficiaire peut être tenu de verser une indemnité à l’autre.
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Régulation financière :
- Une pension alimentaire peut être fixée par le juge pour contribuer à l’entretien des enfants ou, dans certains cas, de l’autre époux.
- Le juge désigne également l’époux chargé de régler provisoirement les dettes communes.
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Liquidation du régime matrimonial :
Le juge peut organiser la liquidation du patrimoine commun, en répartissant les biens meubles et immeubles appartenant aux époux.
Caducité des mesures provisoires
Les mesures provisoires prennent fin dans deux situations principales :
- Expiration du délai de 30 mois suivant l’ordonnance de non-conciliation. Une fois ce délai dépassé, toutes les dispositions, y compris l’autorisation d’introduire l’instance, deviennent caduques.
- Réconciliation des époux : si les époux décident de reprendre leur vie commune, les mesures provisoires cessent immédiatement d’avoir effet.
Ces mesures peuvent également être contestées. Elles sont susceptibles d’appel dans un délai de 15 jours suivant la notification de l’ordonnance de non-conciliation (article 1112 du Code de procédure civile). Toute demande de modification ultérieure est toutefois strictement encadrée par le juge.
Mesures en cas d’époux sous un régime de protection
L’article 249-3 du Code civil prévoit des dispositions spécifiques lorsqu’un époux est placé sous un régime de protection juridique (sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle). Le juge peut alors prendre des mesures provisoires ou urgentes, même avant la mise en place formelle de la protection.
IV) Instance et jugement du divorce pour altération définitive du lien conjugal
Le divorce pour altération définitive du lien conjugal repose sur une séparation d’au moins deux ans. La procédure exige une rigueur particulière, notamment dans la présentation des intérêts patrimoniaux. Les voies de recours offrent aux parties une possibilité de contester le jugement rendu.
Introduction de l’instance en divorce
Après l’ordonnance de non-conciliation, chaque époux est habilité à initier une procédure de divorce. Cependant, pendant les trois mois suivant cette ordonnance, seul l’époux ayant présenté la requête initiale peut assigner son conjoint en divorce. Passé ce délai, les deux époux retrouvent la possibilité d’engager cette action. Si aucune assignation n’intervient dans un délai de 30 mois suivant l’ordonnance de non-conciliation, les mesures provisoires et l’autorisation d’introduire l’instance deviennent caduques, et ne peuvent plus être utilisées.
Au moment de l’introduction de l’instance, il est impératif d’indiquer le fondement juridique de la demande en divorce, qu’il s’agisse d’un divorce accepté, pour faute ou pour altération définitive du lien conjugal. Une fois ce fondement choisi, l’instance se limite à celui-ci. Toutefois, une demande reconventionnelle peut être formulée par le conjoint pour solliciter un changement du fondement initial du divorce.
Homologation de la convention de divorce
Les époux ont la possibilité, à tout moment de la procédure, de demander au juge de constater leur accord pour un divorce par consentement mutuel, à condition de soumettre une convention de divorce. De même, si le divorce a été engagé sur le fondement de la faute ou de l’altération définitive du lien conjugal, ils peuvent demander au juge de constater leur accord pour un divorce basé sur l’acceptation du principe de la rupture du mariage.
En vertu de l’article 1115 du Code de procédure civile, la demande introductive d’instance doit impérativement comporter une proposition de règlement des intérêts patrimoniaux et pécuniaires des époux, sous peine d’irrecevabilité. Cela inclut notamment une description détaillée des patrimoines respectifs et un projet de partage.
Spécificités du divorce pour altération définitive du lien conjugal
Dans ce type de divorce, plusieurs conditions doivent être remplies :
- Durée de séparation : Le juge doit constater une séparation de fait d’une durée minimale de deux ans à la date de l’assignation en divorce.
- Cessation de communauté de vie : Cette séparation concerne à la fois la vie affective et matérielle des époux.
- Défense de l’époux défendeur : Le conjoint défendeur peut contester l’existence d’une séparation effective de deux ans pour s’opposer à la demande de divorce.
Jugement et voies de recours
Après avoir vérifié que les conditions sont réunies, le juge prononce le divorce. Si la séparation de deux ans n’est pas établie, la demande est rejetée. Une fois le jugement rendu, celui-ci est notifié aux parties.
Les voies de recours sont les suivantes :
- Appel : Le délai est d’un mois à compter de la notification du jugement. L’appel peut être formé par déclaration unilatérale ou par requête conjointe auprès du greffe de la Cour d’appel.
- Pourvoi en cassation : Un délai de deux mois à compter de la notification de l’arrêt d’appel est prévu pour former un pourvoi.