Le divorce pour faute

Le divorce pour faute : article 242 à 246 du Code Civil :

 Avant la loi de 1975, c’était la seule manière de divorcer. Pour éviter ce divorce-sanction, la loi de 1975 avait prévu trois autres formes de divorces. La loi du 26 mai 2004 en fait un des 4 cas de prononcé du divorce. Le divorce pour faute peut être le fondement : d’une demande principale, d’une demande reconventionnelle dans un divorce pour faute ou pour altération définitive du lien conjugal. L’article 245-1 du Code Civil nouveau reprend les dispositions de l’ancien article 248-1 du Code Civil, le juge peut à la demande des conjoints ne pas énoncer leurs torts et griefs. La loi a supprimé un cas de divorce pour faute qui figurait à l’article 243 du Code Civil : la condamnation à une peine afflictive ou infâmante. Le divorce pouvait être demandé lorsque l’autre époux a été condamné à une des peines prévues par l’article 131-1 du Code pénal, au motif que cette condamnation porte atteinte à une solidarité d’honneur entre les époux. Etaient concernées toutes condamnations à une peine de réclusion ou de détention criminelle, à perpétuité ou à temps, une condamnation définitive et non amnistiée.

Exception : lorsque le conjoint est complice ou condamné à la même peine.

 Les conditions du  divorce pour faute

 Le nouvel article 242 du Code Civil reprend les mêmes termes pour présenter les caractères de la faute. Il s’agit :

  • ·         De faits constitutifs d’une violation des devoirs et obligations du mariage, cette violation doit être grave ou renouvelée
  • ·         Des faits qui rendent intolérable le maintien de la vie commune, (impossibilité subjective pour l’époux victime de supporter la vie commune avec le coupable).
  • ·         Imputables à son conjoint (qu’il l’ait commise librement et consciemment).

L’époux demandeur qualifie ainsi la faute de son conjoint qu’il appartiendra au juge d’apprécier. Les juges vont statuer d’après leur intime conviction.

La Cour de Cassation ne contrôle pas l’appréciation des juges mais cependant vérifie que les décisions ont bien repris les caractères exigés pour la faute.

 

Exemples de fautes retenues par la jurisprudence :

  • ·         L’adultère peut être constitutif d’une faute.
  • ·         Refus de cohabitation.
  • ·         Comportement injurieux.
  • ·         Refus ou limitation des rapports sexuels.
  • ·         Pratique d’une religion, au nom de la liberté de conscience, elle ne peut constituer une faute sauf si un zèle excessif est mise en place et nuit à la vie familiale.
  • ·         Le transsexualisme, changement de sexe sans l’accord de l’autre.
  • ·         Manquement aux obligations de secours et d’assistance.

 La Cour de Cassation exerçait un contrôle strict sur la motivation des décisions du fond et exigeait, sous peine d’être cassées que les juges du fond indiquent dans leurs décisions les deux conditions cumulatives caractéristiques de la faute : la violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et le caractère intolérable du maintien de la vie commune. Depuis les 6 arrêts rendus le même jour (première chambre civile le 11 janvier 2005), la Cour de Cassation a relâché substantiellement ses exigences formelles en matière de motivation des juges de fond. La référence à la double condition de l’article 242 n’est plus exigée. Il suffit qu’il y ait référence à un manquement grave ou renouvelé aux devoirs et obligations du mariage, pas besoin de relever le caractère intolérable du mariage ou encore que l’article soit indiqué sans que l’un ou l’autre condition soit visée… La Cour de Cassation a précisé, par deux décisions de la deuxième chambre civile des 13 décembre 2001 et 2 mai 2002 que la gravité d’une faute sera appréciée en tenant compte de l’attitude du conjoint qui l’évoque.

 

 La preuve de la faute :

L’article 259-1 du Code Civil nouveau précise que ne sont pas retenus comme moyen de preuve les éléments obtenus par violence ou fraude :

  • ·         Les témoins : en général, ce sont des personnes proches des époux. En raison de cette particularité, le témoignage des ascendants et des collatéraux est admis en matière de divorce. Par contre pas celui des descendants ni des conjoints des descendants. Ces témoignages se font par des attestations écrites par les témoins qui doivent indiquer s’ils savent que ce document sera produit en justice. Il appartient au juge de fond d’apprécier souverainement ces témoignages à leur portée.
  • ·         Les rapports des détectives privés sont assimilés à des témoignages, mais appréciés avec circonspection. La nécessité de prouver s’oppose au principe de l’article 9 du Code Civil, chacun a droit au respect de sa vie privée.
  • ·         La production des lettres comme moyen de preuve est permise pour les lettres reçues ou écrites par celui qui les produit, par contre les lettres échangées entre le conjoint et un tiers ne sont admises que si elles sont obtenues sans violence ou fraude (article 259-1 du Code Civil).
  • ·         De même pour les journaux intimes ou les sms : arrêt de la première chambre civile de la Cour de Cassation le 17 juin 2009.
  • ·         L’enregistrement de communication téléphonique n’est pas admis comme preuve.
  • ·         Les contrats d’huissier : si l’huissier est autorisé par la justice, il ne porte pas une atteinte illicite à l’intimité de la vie privée, ce qui n’est pas le cas s’il y a eu violation de domicile ou fraude de la part de l’huissier.
  • ·         La preuve de la faute par des courriels est admise s’ils ne sont obtenus par violence ou fraude (première chambre civile de la Cour de Cassation le 18 mai 2005).

 

   L’attitude du défendeur dans le cadre du divorce pour faute

 Dans le cadre du divorce pour faute, le défendeur peut :

  •    Soit se défendre contre la demande de son conjoint, s’il ne veut pas divorcer, il invoque alors une fin de non-recevoir.
  •    Soit introduire une demande reconventionnelle en divorce s’il veut également divorcer.

Les fins de non-recevoir

 Il peut contester la réalité des fautes qui lui sont imputables, en opposant une fin de non-recevoir à la demande de son conjoint :

  •  ·         La non-imputabilité du manquement aux devoirs du mariage au conjoint défendeur : s’il y a contrainte, troubles psychiques ayant aboli son consentement.
  • ·         La provocation : un incite l’autre à commettre une faute.
  • ·         La réconciliation des époux (article 244 du Code Civil).

 Conformément aux dispositions et à la jurisprudence antérieure à la loi de 1975, l’article 244 du Code Civil fait de la réconciliation des époux une fin de non-recevoir en cas de divorce pour faute quelle que soit celle-ci. La réconciliation n’empêche pas d’invoquer les faits allégués mais empêche le juge de les prendre en considération comme cause de divorce et l’oblige à déclarer la demande irrecevable. Du coup, le droit d’agir en justice est éteint. L’époux fautif va essayer de convaincre le juge que l’autre l’a pardonné et que la vie commune a repris. Cette preuve n’est pas facile à rapporter. Le juge exige non seulement une cohabitation effective mais aussi une volonté de pardon manifestée clairement, volontairement et en tout connaissance de cause. Il suppose aussi de la part de l’époux fautif un comportement et une réelle intention d’amendement, un aveu sincère et complet. Exemple : une reprise de la vie commune pour de simples considérations pécuniaires confortées par des menaces ou des promesses ne saurait être constitutive de fin de non-recevoir.

L’article 244 alinéas 3 du Code Civil précise qu’il n’y a pas réconciliation lorsque la reprise de la vie commune résulte de la nécessité (pas d’autre logement), d’un effort de réconciliation ou des besoins de l’éducation de l’enfant ou des enfants.

Lorsqu’elle est établie, la réconciliation a pour effet de faire obstacle à la poursuite de l’instance en divorce (tant que le jugement de divorce n’est pas passé en force de chose jugée).

La demande reconventionnelle

 L’époux défendeur peut invoquer la faute de l’époux demandeur. Dans l’hypothèse d’une demande pour faute et d’une demande pour altération définitive du lien conjugal présentées concurremment, le juge examine en premier lieu la demande pour faute ; s’il la rejette, il va alors statuer sur la demande pour altération définitive du lien conjugal (article 246 nouveau du Code Civil). Si le défendeur forme une demande reconventionnelle sur ce second fondement le divorce est prononcé de ce chef (article 238 nouveau du Code Civil). Le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation très large. Il peut soulever d’office l’existence de torts à la charge de l’époux demandeur (article 245 du Code Civil). Ainsi les faits reprochés au défendeur peuvent être excusés par l’attitude du demandeur. La faute sera ainsi soit cause de rejet de la demande soit cause de divorce aux torts partagés.

Le juge prononce alors le divorce aux torts partagés même en l’absence de demande reconventionnelle « si les débats font apparaître des torts à la charge de l’un et de l’autre » (article 245 alinéa 3 du Code Civil). C’est une faute qui fait contre poids à une autre faute. C’est une faculté ouverte au juge (première chambre civile de la Cour de Cassation du 16 janvier 1991). Le plus souvent, il y a demande reconventionnelle lorsque la demande principale et la demande reconventionnelle sont accueillies simultanément. Il y a alors divorce aux torts partagés.

Exemple : la réciprocité est une cause absolutoire : l’adultère des deux époux étant établi, le TGI de Créteil les déboute successivement. Chambéry le 29 mai 1984, la solitude de la femme trompée constitue une cause absolutoire, le mari sera condamné à ses torts exclusifs.

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