La dignité humaine : Droit à l’image et droit au respect de la vie privée
D’une façon relativement large, on peut entendre par dignité humaine tout ce qui relève de l’intimité de la personne. (ex : la pensée, la croyance, la conscience, l’honneur, la présomption d’innocence…)
Parmi ces éléments le respect de la vie privée a pris une place de 1ère importance. De ce droit s’est détaché petit à petit un droit à l’image de la personne.
I) Le droit au respect de la vie privée
L’art. 9 du code civ tel qu’il résulte d’une loi du 17 juillet 1970 dispose « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Les juges peuvent sans préjudice de la réparation du dommage subi prescrire toute mesure telle que séquestre, saisie et autre, propre à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée.
*L’étendue de la vie privée
L’art. 9 du Code Civil proclame le droit au respect de la vie privée. Le texte ne définit pas ce qu’est la vie privée ; dans ces conditions la vie privée ne peut pas faire l’objet d’une définition précise. On peut certainement entendre par vie privée ce que l’on appelle la sphère d’intimité de l’individu. La vie privée concerne la vie personnelles de l’individu, l’identité, la religion, l’état de santé ou de grossesse, les mœurs, les convictions politiques… Elle concerne aussi les rapports de l’individu avec autrui : vie amicale, sentimentale, familiale, conjugale. La cour de cassation a également admis que le domicile ou l’adresse d’une personne, ou encore le changement de nom d’une personne relève de sa vie privée. Mais ces dernières solutions peuvent être discutées : qu’il s’agisse du domicile ou du nom de la personne, ce sont des éléments d’identification. Or les éléments d’identification d’une personne sont des éléments publics. Concernant le changement de nom, celui-ci est publié au journal officiel. Cette jurisprudence est d’autant plus surprenante que dans le même temps la cour de cassation décide que les éléments d’information portant que la fortune d’une personne ne relèvent pas de sa vie privée (28 mai 1991). Les informations d’ordre patrimonial ne font pas l’objet d’une divulgation publique obligatoire. Selon un article du code de procédure fiscal, la liste des personnes assujetties à l’impôt sur le revenu est tenue à disposition des contribuables, assortie des revenus et de l’imposition. La fortune d’un individu est bien plus large que les revenus assortis de leur imposition. La question s’est également posée de savoir s’il pouvait exister une vie privée professionnelle. Selon la cour de cassation, le salarié a droit même au temps et en lieu de travail au respect de l’intimité de sa vie privée. L’employeur ne peut pas librement ouvrir les mails personnels reçus par le salarié sur son ordinateur professionnel. Les correspondances d’une personne sont protégées et nul ne peut les intercepter ou les divulguer.
La vie privée est donc très large. Où s’arrête-t-elle alors ?
La vie privée s’arrête à la vie publique. Celle-ci n’est pas mieux définie que la vie privée. On peut dire qu’elle concerne tous les faits par nature publics que la personne accomplit. Cette vie publique peut concerner toutes les activités qui se déroulent dans un lieu public. Ex : participation à une manifestation culturelle, à un grève, à un culte.
*La protection du respect de la vie privée
Initialement, la protection de la vie privée reposait sur l’art. 1382 du c civ. Ce texte est relatif à la responsabilité civile en faute. Le respect de la vie privée passait par le devoir général de chacun de ne pas nuire à autrui. L’art. 1382 décide : « Tout fait quelconque de l’homme qui cause un dommage à autrui oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » En application de ce texte, trois conditions devaient être réunies pour sanctionner les atteintes à la vie privée : une faute (lorsque l’individu ne se comporte pas en bon père de famille), un dommage (à défaut de souffrir un dommage, celui dont la vie privée a été violée ne pouvait pas se plaindre de cette violation), et un lien de causalité entre la faute et le dommage. La loi du 17 juillet 1970 qui a réformé la protection de la vie privée a modifié les choses : (l’art. 9 décide « chacun a droit au respect de sa vie privée. ») Changement de perspective à partir de 1970 : on se place du point de vue de l’individu : droit de l’individu et non plus devoir général des autres. Protection centrée sur l’individu lui-même. Ce changement de perspective a eu pour conséquence de modifier les conditions de la protection.
Aujourd’hui la personne est titulaire d’un droit au respect de sa vie privée. Un droit est une prérogative qui peut être protégée en tant que telle, ce qui signifie que la violation du droit permet à elle seule de sanctionner l’auteur de cette violation. Autrement dit, désormais, la victime d’une atteinte à la vie privée n’a plus à prouver l’existence d’une faute et d’un préjudice pour faire respecter sa vie privée. Du seul fait que la personne est titulaire d’un droit elle peut faire sanctionner toute atteinte à la vie privée. Arrêt du 5 novembre 1996 de la cour de cassation : « La seule constatation de l’atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation. »
Concrètement, la sanction des atteintes à la vie privée pourra prendre plusieurs aspects :
La victime pourra prétendre à l’obtention de dommages et intérêts. La seule difficulté sera de quantifier ces dommages et intérêts. Traditionnellement, les dommages et intérêts ont pour fonction de réparer un préjudice, ils sont donc en principe égaux au préjudice. Or, puisque le préjudice n’est plus une condition de la protection de la vie privée, il va être difficile d’évaluer les dommages et intérêts qui vont être versés. C’est donc une sanction symbolique.
L’art. 9 alinéa 2 prévoit plusieurs mesures : séquestre, saisie et autres (mesures préventives > interdiction de vente, mesures curatives > retrait de la vente, encarts obligatoires sur la couverture des magazines)
Il arrive que le droit au respect de la vie privée entre en conflit avec d’autres droits fondamentaux, en particulier la liberté d’expression et le droit à l’information. Le droit est donc obligé d’arbitrer la partie et de déterminer lequel des droits fondamentaux doit l’emporter. La jurisprudence est très casuistique. Cependant, de façon générale il n’y a pas atteinte à la vie privée lorsque la divulgation d’un élément de cette vie privée répond au besoin légitime d’information du public. En revanche, le voyeurisme dont fait preuve la presse people en général constituera beaucoup plus facilement une atteinte à la vie privée.
Par ailleurs, pour la jurisprudence, la divulgation d’un fait relevant de la vie privée d’une personne n’est pas constitutive d’une atteinte à la vie privée lorsque ce fait présente un caractère anodin.
La divulgation d’un élément de la vie privée ne constitue pas une atteinte à cette vie privée lorsqu’elle a été autorisée par l’intéressé. L’autorisation d’une personne peut être tacite.
En somme, il n’y a pas d’atteinte à la vie privée dans trois cas :
Lorsque la divulgation d’un élément est justifiée et légitime au regard du droit à l’information, lorsque l’élément divulgué est anodin, lorsque la divulgation a été autorisée.
II) Le droit à l’image
Pendant très longtemps le droit à l’image d’une personne ne constituait qu’un aspect de sa vie privée.
Depuis quelques années, le droit à l’image tend à se détacher de la vie privée. Il devient un droit de la personnalité autonome. Cette analyse de l’autonomie du droit à l’image a été consacrée par un arrêt du 12 décembre 2000. A priori on pourrait penser que cette autonomie ne présente aucun intérêt. A partir du moment où le droit à l’image est protégé, il importe peu qu’il soit protégé pour lui-même ou au titre du respect de la vie privée.
Pourtant, dans l’arrêt du 12 décembre 2000, la cour de cassation a tiré de cette autonomie la conséquence suivante : la violation du droit à l’image constitue un préjudice distinct de celui résultant de la violation de la vie privée. Il y a donc indemnisation distincte. En reconnaissant un droit à l’image autonome par rapport au droit au respect de la vie privée, on permet à la victime d’obtenir une double indemnisation.
Cela étant, la filiation du droit à l’image par rapport à la vie privée est encore prégnante aujourd’hui. De nombreuses règles relatives à la vie privée se retrouvent donc à l’identique en matière de droit à l’image.
*Les conditions de la protection
Le droit à l’image est protégé pour lui-même sans passer par l’article 1382 du c civ.
Il faut que deux conditions soient réunies pour qu’il y ait atteinte au droit à l’image :
Il faut que la personne soit identifiable ou reconnaissable sur l’image.
La protection de l’image ne concerne que les images relevant de la vie privée de la personne. Les photographies prises dans un lieu public peuvent en principe être librement divulguées. Il en va ainsi lorsque la divulgation ne porte pas atteinte à la dignité de la personne. Au demeurant, pour être valable, la divulgation de l’image prise dans un lieu public doit également être justifiée par un impératif d’information.
*Les limites de la protection
Comme pour le respect de la vie privée, le droit à l’image cesse d’être protégé lorsque la personne donne son autorisation (expresse ou tacite). L’autorisation est toujours limitée à son objet et à sa cause. Autrement dit, il n’est pas possible d’utiliser l’image de la personne dans un autre but que l’autorisation le permettait. La protection de l’image de la personne est également tempérée par des besoins d’informations. Le droit à l’image fait donc encore plus ou moins partie du droit au respect de la vie privée. La cour de cassation a affirmé l’autonomie du droit à l’image, mais derrière cette apparence d’autonomie on peut se demander si le droit à l’image n’est pas seulement un élément de la vie privée.
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