Le droit au bail commercial

Le droit au bail commercial.

Il s’agit du contrat de bail qui va lier le commerçant au propriétaire qui lui loue les murs, afin qu’il puisse y exercer son activité commerciale. Ce contrat est appelé bail commercial : il dure 9 ans et est renouvelable tous les 3 ans. Le loyer est modifiable tous les 3 ans. C’est un bail 3-6-9.

Le bail commercial se distingue du bail de droit commun. Les commerçants ont un bail particulier, qui a un régime propre.

Pourquoi faut-il déroger au droit commun des contrats? Pourquoi un bail commercial ?

Le commerçant n’est pas propriétaire des murs, il est propriétaire du fonds de commerce.

Pendant très longtemps, jusqu’en 1926, le bail du commerçant était régi par le Code Civil aux articles 714 et suivants, c’est-à-dire par le droit commun du louage d’immeuble bâti. Dans ces conditions le bail était conclu pour une durée librement déterminée par les parties.

Avant la loi de 1989, au terme du bail ou bien le bailleur renouvelait le contrat, ou bien le bailleur ne renouvelait pas le contrat ce qui était catastrophique pour le commerçant qui perdait toute sa clientèle, tous ses investissements.

En revanche pour le bailleur c’était une opération avantageuse, soit le bailleur s’accaparait la clientèle en tenant lui même le fonds de commerce, soit il louait les murs à un autre commerçant et pouvait augmenter de manière substantielle le montant du loyer.

Ce commerçant pouvait il obtenir un dédommagement ?

Cette situation n’était pas envisagée par la loi. Il fallait une intervention législative. Ce fut le cas avec une loi du 30 juin 1926 et une loi du 30 septembre1953, et l’article L141-1 du Code de Commerce.

Quels sont les principes posés par cet article ?

À l’expiration du bail le locataire à droit au renouvellement de celui-ci, à défaut à une indemnité, représentant le dommage que l’éviction lui a causé, lui sera versée. C’est le principe de base. C’est un régime très favorable au commerçant, c’est le plus protecteur en Europe. Il a été repris par le décret de 1953. Tout le monde veut ce bail favorable, même les associations.

On s’est demandé si les associations qui réalisent de manière habituelle une activité commerciale pouvaient en bénéficier. La réponse est négative : chambre commerciale du 1er mars 1994. Les associations ne peuvent pas profiter du bail commercial, car n’étant pas des commerçants de droit elles ne peuvent pas s’inscrire au RCS.

La protection n’est elle pas désormais excessive. La législation française encourt un certain nombre de critiques :

  • Les commerçants jouissent désormais d’une véritable rente de situation, ils ont quasiment la propriété des murs. N’y a t-il pas ici une atteinte au droit de propriété sacré au terme de l’article 544 du Code Civil.
  • Les commerçants profitent de cette rente élevée lorsqu’ils cèdent leur bail à leur successeur. Ils peuvent augmenter le prix de la vente du fonds de commerce. Cette réglementation est facteur de sclérose, comme les prix des fonds de commerce augmentent cela empêche l’installation de nouveaux commerçants qui n’ont pas les capitaux suffisants pour acheter un fonds de commerce.
  • Les bailleurs furieux, qui ne peuvent récupérer leurs murs refusent de rénover les immeubles. Dans les années 60, beaucoup de rénovations étaient retardées, pour cette raison.
  • Cette réglementation est facteur d’inflation car les commerçants achètent très chers les fonds de commerce, ils ont des prêts à rembourser et ils le répercutent sur le prix de produits et des services.
  • Certains ont même considérés que les dispositions propres à la législation française étaient contraires au traité de Rome, qui postule le libre jeu de la concurrence. Les commerçants étrangers serait écartés du marché français en raison des investissements importants impliqués par le payement d’un pas de porte (lorsque l’on achète un fonds de commerce on va vous demander un prix d’autant plus élevé que la valeur du bail est élevé).

Pourtant la jurisprudence considère qu’il n’y a pas ici violation du principe de libre concurrence ou de liberté d’établissement, car il n’est pas interdit à une loi nationale de prévoir des conditions spécifiques à l’exercice du commerce, dès lors que ces conditions s’appliquent indifféremment à toutes les entreprises quelque soit leur nationalité. Ce qui serait interdit, ce sont les discriminations.

Pas plus que les dispositions du traité de Rome, les conventions européennes, ne constituent pas un argument pour supprimer certaines dispositions nationales sur le fonds de commerce. La jurisprudence française, considère ainsi que les dispositions du décret de 1953 relatif au renouvellement ne sont pas contraire à la convention des droits de l’homme car elles réalisent un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux des individus.

§1 : Le domaine d’application du statut des baux commerciaux.

Ce domaine est fixé par l’article 141-1 du Code de Commerce. Ce régime est impératif, ce qui signifie que serait nulle toute clause contraire. Serait nulle la clause qui ferait par exemple échec au droit de renouvellement. 4 séries de conditions sont prévues pour bénéficier du bail commercial :

A – L’existence d’un contrat de bail.

On va exclure 2 types de contrat :

  • Le bail emphytéotique: bail supérieur à 18 ans et qui peut aller jusqu’à 99 ans, il n’est pas soumis aux décrets sauf pour la révision du loyer.
  • Les petits baux: c’est un bail de moins de 2 ans. Le législateur à prévu que si au bout des deux ans le locataire reste dans les lieux, s’opère alors un bail 3/6/9 qui dure 9 ans.
B. La qualité du locataire.

Il faut avoir la qualité de commerçant.

Mais on a admis des exceptions :

  • Les établissements d’enseignement,
  • Les personnes morales de droit public, à caractère industriel et commercial,
  • Les artistes plasticiens,
  • Les caisses d’épargne,
  • Les sociétés coopératives,
  • Les artisans.

Qu’en est-il des commerçants étrangers ?

On les traite de manière ambiguë. Ils n’ont pas le droit au renouvellement, sinon ils bénéficient de toutes les autres conditions du décret.

Pourquoi ? Parce que la propriété commerciale est un droit civil au sens de l’article 11 du Code Civil, dont les étrangers ne jouissent pas de plein droit.

Les commerçants étrangers sont totalement assimilés aux commerçants français, s’ils ont la qualité de combattant, s’ils ont un enfant français, s’ils peuvent invoquer la réciprocité législative, c’est-à-dire que le commerçant étranger aura droit au renouvellement si un commerçant français aurait eu droit au renouvellement dans son pays, ou s’il existe une convention internationale. Les ressortissants communautaires sont assimilés totalement aux commerçants français.

C – L’existence d’un immeuble ou d’un local.

Le statut des baux commerciaux, ne s’applique qu’aux locations d’immeubles ou de locaux. Il s’agit d’un immeuble bâti avec des murs et un toit. La jurisprudence refuse que cette réglementation s’applique aux terrains nus.

Certains commerçant astucieux ont loué un terrain nu et ont construits quelques baraquements. La jurisprudence a dit oui mais seulement si les constructions sont à usage commercial et qu’il y a bien eu consentement expresse du propriétaire.

Par conséquent on va exclure toutes les constructions mobiles ou démontables (cabanes démontables, caravanes…). On va également exclure les locations de murs, telle qu’une vitrine destinée à l’exposition de marchandises.

Selon la jurisprudence le local est un lieu clos et couvert de dimensions suffisantes pour y faire le commerce. C’est la raison pour laquelle le contrat 3/6/9 ne s’applique pas au contrat de mise à disposition temporaire de bureaux.

D. La clientèle personnelle.

Selon le décret il est question d‘exploitation commerciale autonome. Il n’est pas nécessaire que la clientèle est accès aux locaux. Ceci est critiquable, car si la clientèle n’a pas accès aux lieux pourquoi alors accorder le renouvellement. Il doit s’agir d’une exploitation commerciale autonome car il faut protéger la clientèle, il faut une clientèle personnelle. 3 séries de difficultés :

  • Que se passe t-il si le commerce est exploité dans l’enceinte d’un fonds de commerce plus vaste?

Il faut apprécier au cas par cas.

Dans un arrêt de la Cour d’Appel de Rennes du 21 mai 1974, un fleuriste bénéficiait d’une convention selon laquelle il pouvait exercer au sein d’un supermarché, cela variait selon les saisons. Le bail arrive à expiration. Le fleuriste veut renouvellement du bail et prétend avoir droit au bail du décret de 1953. La CA de Rennes donne gain de cause aux bailleurs, car le fleuriste n’avait pas de clientèle, sa clientèle était celle du super marché. Il forme un pourvoi en cassation et la 3ème civile rend un arrêt de rejet, car il n’a pas de clientèle personnelle, car il est soumis au règlement du super marché pour les horaires d’ouverture et de fermeture, mais aussi en raison de l’indétermination de l’assise territoriale de l’emplacement. En effet, la convention permettait au locataire de changer son emplacement au gré des saisons. Ici il s’agit de satisfaire une clientèle de passage. Il faudra se demander dans chaque cas s’il y a une clientèle personnelle.

  • Qu’en est-il des stations services qui vendent aux automobilistes des produits pétroliers d’une marque déterminée ?

Souvent c’est la compagnie pétrolière qui loue les locaux au pompiste, il s’agit d’un contrat de location gérance. Et pourtant les pompistes ont soutenu qu’il s’agissant d’un contrat de bail 3/6/9, ils invoquaient le fait qu’ils disposaient d’une clientèle propre. En effet, les clients pourraient se déplacer pour le pompiste.

La Cour de Cassation n’est pas convaincue et refuse de manière très explicite au pompiste le bénéfice de la propriété commerciale. La clientèle fait donc confiance à la marque peut importe les qualités des pompistes.

  • Qu’en est-il des contrats de franchise? Le franchisé à t-il droit au contrat 3/6/9 ?

Franchise : c’est un contrat par lequel un commerçant s’intègre à une chaîne de distribution ou de prestation de services dont il utilise la marque.

Le contrat de location est conclu avec le franchisé et dans ce cas le bailleur risque de refuser le renouvellement du bail en soutenant que la clientèle appartient au franchiseur. En effet le franchiseur est le seul titulaire de la marque connue du public. La jurisprudence pendant longtemps a considéré que le franchisé n’avait pas le droit à ce contrat de bail. Depuis 2002 on a un revirement et la jurisprudence accepte que le franchisé ait une clientèle personnelle.

§2 : Les droits et les obligations des parties au cours du bail.

A. Les droits du locataire.

Ils sont au nombre de 3 :

1) Le locataire dans un bail 3/6/9 : le bail dure 9 ans mais tous les 3 ans le locataire peut donner congé, le bailleur lui ne peut donner congé qu’au bout de 9 ans et encore avec indemnité. Le préavis du locataire doit être de 6 mois.

2) Le locataire n’est pas tenu de respecter la destination des lieux de manière absolue. La destination des lieux, sont les activités prévues dans le contrat de bail. Jusqu’en 1965 le locataire ne pouvait pas changer les activités qui étaient prévues initialement dans le contrat de bail. En revanche il faut aussi permettre aux locataires d’étendre son activité, surtout en période de crise. Une loi du 12 mais 1965 est intervenue afin de permettre aux commerçant des modifier les activités prévues au contrat de bail. Elle opère une distinction entre les déspécialisation partielle et la déspécialisation totale :

  • La déspécialisation est partielle quand il s’agit d’adjoindre des activités connexes ou complémentaires au contrat de bail. Dans ce cas, il faut simplement avertir le bailleur, et celui-ci ne peut pas s’y opposer, en revanche, il pourra exiger une augmentation de loyer dans la prochaine révision triennale. La jurisprudence se montre assez libérale en la matière et voit une déspécialisation partielle. Peu importe quez l’activité nouvelle devienne prépondérante.
  • La déspécialisation est totale lorsqu’on décide de changer complètement les activités. Le locataire peut demander l’autorisation du bailleur, s’il dit non il demande l’autorisation au juge du TGI. Il va statuer en fonction de la conjoncture économique et de la destination de l’immeuble. Si le bailleur à dit oui d’emblé ou a été obligation de le faire à cause d’un jugement du TGI, il pourra demander une augmentation de loyer immédiate.

3) Le locataire a le droit de céder son bail à l’acquéreur du fonds de commerce. Cela s’explique car comment pourrait on vendre un fonds de commerce sans vente du droit au bail. Le bail sert de support indispensable au fonds de commerce. Le bailleur ne peut pas s’y opposer. Toute clause faisant échec à la cession du contrat de bail est réputée non écrite : article 35-1 du décret de 1953. Le bailleur doit néanmoins être averti. Le bailleur pourrait prévoir une clause au terme de laquelle il peut être convoqué au moment de l’acte de cession pour faire connaissance avec le nouveau locataire. Il pourrait aussi prévoir une clause au terme de laquelle le cédant sera garant solidairement avec le cessionnaire du payement du loyer et des charges.

B. Les obligations du locataire.

Il faut payer le loyer. Le loyer est fixé librement. Au moment de la conclusion du contrat on fixe le montant du loyer et éventuellement le bailleur se fera payer un pas de porte. Le loyer est fixé librement entre les parties. Le loyer est révisé tous les 3 ans. C’est une révision légale mais pas automatique, car elle doit être demandée par le bailleur :

  • Soit les parties sont d’accord.
  • Soit le loyer doit être fixé en fonction des éléments énumérés à l’article 23 du décret à savoir la caractéristique du local, la destination des lieux, la commercialité et le prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Afin de ne pas imposer au locataire des hausses difficilement supportables, une loi de 1965 a prévu le plafonnement des loyers. En effet, l’augmentation ne peut excéder la variation de l’indice du coût de la construction. En cas de contentieux c’est le TGI qui est compétent.

§3 : Les relations entre les parties à l’expiration du bail.

Soit le bail est renouvelé, soit il n’est pas renouvelé parce que le bailleur ne veut pas.

Le renouvellement du bail n’appelle aucune remarque, s’il est renouvelé s’opère à nouveau un bail 3/6/9.

S’il n’est pas renouvelé. Il existe des refus légitimes de non renouvellement au nombre de 3:

  • Le bailleur veut reprendre les locaux afin d’y habiter,
  • L’immeuble est insalubre et il menace de se ruiner s’il veut le vendre. Dans ce cas le locataire aurait un droit de préemption.
  • Il existe un motif grave ou légitime de non renouvellement sans indemnités, en effet le locataire n’a pas le droit au renouvellement dès lors qu’il a commis une faute.

Les articles 141 et suivants posent 3 types de fautes :

  • Une faute qui se rattache à l’exécution du bail (exemple : retard persistant dans le payement des loyers) l’infraction ne peut être invoquée que si elle est poursuivie ou renouvelé plus d’un mois après la mise en demeure du bailleur à la faire cesser. En matière de non payement de loyers l’infraction ne pourra pas être invoquée si elle n’est pas poursuivie plus d’un mois après la mise en demeure du bailleur.
  • Le locataire se livrerait à une activité immorale et illicite. La jurisprudence est très libérale et ne sanctionne que les activités illicites et non immorales. Dans une décision la Cour de Cassation a refusé que le bailleur, refuse le renouvellement du bail de son locataire exploitant une salle de cinéma, au motif qu’il ne projette que des films pornographiques.
  • Une faute extracontractuelle: arrêt de la 1ère chambre civile du 3 janvier 1067: le locataire était furieux car le bailleur lui avait augmenté le loyer. Le croisant dans la rue il le roue de coup. C’est un motif de non renouvellement.
  • Le locataire laisse subitement tomber le fond de commerce. Le bailleur subi alors un préjudice. La cessation de l’exploitation du fonds sans être sérieuse est un motif de non renouvellement.

Comment fixer le montant de l’indemnité d’éviction ?

En cas de litige c’est le TGI qui est compétent. Deux directives sont données aux juges :

  • À titre principal l’indemnité doit être égale au préjudice causé par le non renouvellement. Elle doit permettre au locataire de se procurer un fonds de commerce équivalent (on prend en compte le chiffre d’affaire, les bénéfices…).
  • À titre accessoire l’indemnité concerne les frais de déplacement, rachat de matériaux, frais de licenciement. Pendant 15 jours le bailleur bénéficie d’un droit de repentir, mais à la fin de ce délai le payement devient exigible, le locataire peut se maintenir dans les lieux tant qu’il n’a pas été payé, il verse alors au bailleur une indemnité d’occupation.