Droit de disposer de son corps et droit à l’intégrité physique

La libre disposition de soi et le droit à l’intégrité physique

Un principe fondamental au croisement des libertés et des limites : La libre disposition de soi, bien que contestée pour son imprécision juridique, reflète l’idée centrale d’un État libéral : chacun est libre d’agir sur son corps et sa personne tant qu’il ne nuit pas à autrui (article 4 de la DDHC). Ce principe, d’apparence simple, s’articule avec d’autres notions fondamentales, comme l’intégrité physique et la responsabilité individuelle, mais sa mise en œuvre révèle des tensions complexes entre libertés individuelles, régulations juridiques, et évolutions sociétales.

Plan du cours :

 

1 : La stabilité des principes fondamentaux

1. Une base juridique solide et ancienne

La libre disposition de soi repose sur des principes enracinés dans le droit français, garantis par :

  • La Constitution et les principes généraux du droit (PGD) : Ils établissent la liberté individuelle, conditionnée par la responsabilité de ne pas nuire à autrui (art. 4 de la DDHC).
  • Le Code civil et la responsabilité individuelle (art. 1382) : Toute intervention sur le corps humain nécessite un consentement libre et éclairé, et chacun est responsable des conséquences de ses actes.
  • Le Code de déontologie médicale : Codifié par le décret du 6 septembre 1995, il précise les obligations éthiques et juridiques des médecins.

Les relations entre médecins et patients, autrefois fondées sur la confiance mutuelle, évoluent vers une approche plus normative, notamment en raison de l’accent mis sur la responsabilité médicale.

2. L’intervention législative croissante

La loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, a profondément transformé le droit médical :

  • Objectif : Réglementer les relations entre patients et médecins.
  • Résultat : L’émergence d’un droit législatif dense, encadrant les pratiques médicales pour répondre aux évolutions sociales et scientifiques.

Cependant, ce droit, soumis à des pressions idéologiques et sociales, est souvent accompagné d’exceptions. Ces dérogations, parfois justifiées par des demandes spécifiques, peuvent affaiblir les principes fondamentaux en ouvrant la voie à des dérives : une tendance décrite comme celle des apprentis sorciers face à des enjeux bioéthiques complexes

2 : L’apport des lois bioéthiques

1. Les fondations des lois de 1994

Face aux nouvelles questions posées par les avancées scientifiques et sociétales, les lois bioéthiques du 29 juillet 1994 ont inscrit des principes majeurs dans le Code civil (articles 16 à 16-9). Ces lois définissent notamment :

  • La primauté de la personne humaine : Respect de l’être humain dès le commencement de la vie (art. 16).
  • L’inviolabilité et l’absence de patrimonialité du corps humain :
    • Les interventions sur le corps doivent être thérapeutiques et réalisées avec le consentement de l’intéressé.
    • Les dons d’organes sont gratuits et anonymes.
  • Les interdictions :
    • Prohibition de l’eugénisme et des modifications génétiques affectant la descendance.

Le Conseil constitutionnel, bien qu’ayant érigé en 1994 le principe de sauvegarde de la dignité humaine comme valeur constitutionnelle, a rejeté les tentatives de porter les autres principes bioéthiques à ce niveau.

2. Les révisions de 2004 et 2021 : un cadre renforcé mais fragile

La révision des lois bioéthiques en 2004, sous la coordination du professeur Mattei, a consolidé et adapté les dispositions initiales :

  • Renforcement des interdictions :
    • Clonage reproductif et thérapeutique strictement prohibés.
    • Création d’embryons pour des fins industrielles ou commerciales interdite.
  • Recherche encadrée sur l’embryon : Une dérogation temporaire de 5 ans a été introduite, permettant des recherches sous conditions strictes.
  • Agence de la biomédecine : Mise en place en 2005, elle supervise les greffes, l’assistance médicale à la procréation et les recherches autorisées par la loi.
  • Sanctions pénales renforcées : Les crimes contre l’espèce humaine, tels que l’eugénisme organisé ou le clonage reproductif, sont assortis d’une prescription allongée de 30 ans à compter de la majorité de la victime.

Lois bioéthiques de 2021 : Cette révision a élargi la PMA aux couples de femmes et femmes célibataires, consacrant davantage la liberté individuelle en matière de procréation. Elle a cependant maintenu des interdictions concernant la GPA (gestation pour autrui), pour préserver les principes d’inviolabilité et de non-patrimonialité du corps humain.

3. Une législation fragile et évolutive

Malgré ces avancées, le droit bioéthique demeure soumis à des tensions :

  • Les exceptions prévues affaiblissent parfois la portée des principes fondamentaux.
  • La législation reste évolutive, nécessitant des révisions régulières, comme prévu en 2009, pour s’adapter aux avancées scientifiques et aux attentes sociétales.

En conclusion, bien que les lois bioéthiques aient instauré un cadre structuré, elles traduisent la difficulté d’équilibrer stabilité des principes, adaptation aux besoins sociaux, et régulation des innovations médicales.

 

3 : La mise en œuvre des principes fondamentaux

Cette mise en œuvre devrait être simple : respect de la liberté d’autrui et véritable liberté exprimée par le sujet. On est libre, sauf de porter atteinte au droit d’autrui : faut-il encore déterminer qui est autrui et dans quelle mesure convient-il de le protéger. Les prises en compte de la liberté suppose que la liberté s’exprime.

A : Les problèmes liés à la procréation

La procréation soulève des problématiques fondamentales mêlant droits individuels, éthique, et régulation juridique. Deux notions principales s’opposent souvent dans ce débat : le droit à l’enfant, revendiqué par les personnes ne pouvant concevoir biologiquement, et les droits de l’enfant, qui prévalent juridiquement en France. Les lois bioéthiques, adoptées pour encadrer ces questions, insistent sur le droit de l’enfant à être élevé dans un cadre familial stable, idéalement par un père et une mère. Cependant, les avancées médicales et les évolutions sociales compliquent la mise en œuvre de ces principes, révélant des tensions entre respect des valeurs éthiques et aspirations sociétales.

I. La procréation médicalement assistée : principes et défis

1. Les lois françaises sur la PMA

Les lois de bioéthique de 1994, révisées en 2004, fixent les règles encadrant la procréation médicalement assistée (PMA) en France :

  • Conditions d’accès :
    • PMA réservée aux couples hétérosexuels, mariés ou en concubinage stable depuis au moins deux ans.
    • Exclusion des célibataires, des couples homosexuels, et des personnes dépassant l’âge légal de procréer.
  • Techniques autorisées :
    • Insémination artificielle réalisée avec les gamètes des deux membres du couple.
    • Accueil d’embryons pour les couples totalement stériles, soumis à des règles strictes : respect de l’anonymat, gratuité, enquête sociale préalable et décision judiciaire.
    • L’interdiction de recourir à deux donneurs étrangers au couple vise à préserver un lien biologique avec au moins l’un des parents.

Révision des lois bioéthiques en 2021 : L’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires marque une avancée majeure pour l’égalité des droits. Toutefois, cela a engendré des débats sur l’anonymat des donneurs, qui pourrait être levé en 2023 pour permettre aux enfants issus de dons d’accéder à leurs origines biologiques.

2. Les enjeux liés à l’anonymat et au droit à l’origine

En France, le principe d’anonymat et de gratuité encadre les dons de gamètes et d’embryons :

  • Anonymat des dons : Les enfants nés de dons de gamètes ne peuvent connaître l’identité de leur donneur. Ce principe, inscrit dans le Code civil, protège la vie privée des donneurs, mais est critiqué pour priver les enfants de leur droit à l’origine.
  • Pratiques internationales divergentes :
    • En Grande-Bretagne, les enfants peuvent désormais accéder aux informations des donneurs, mais cela a provoqué une raréfaction des dons.
    • Aux États-Unis, la rémunération des dons de sperme ou d’ovocytes a créé un véritable marché des gamètes, éloigné du modèle éthique français.
  • Décision du Conseil d’État, 11 mai 2017 :  L’utilisation d’embryons surnuméraires pour la recherche scientifique a été autorisée sous conditions strictes, soulignant la tension entre innovation médicale et respect de la dignité humaine.
3. Les embryons surnuméraires : un dilemme médical et éthique

La fécondation in vitro génère fréquemment des embryons surnuméraires, posant des questions éthiques complexes :

  • Destin des embryons :
    • Implantation différée pour un usage ultérieur par le couple demandeur.
    • Don à des couples stériles, utilisation pour la recherche scientifique, ou destruction après 5 ans en l’absence de projet parental.
  • Approches comparées :
    • En France, les recherches sur les embryons sont autorisées pour 5 ans, sous des conditions strictes.
    • En Italie, les restrictions sont plus rigides : seuls trois embryons peuvent être créés par cycle, sans recours à des donneurs extérieurs au couple.

En France, le cadre strict encadrant la PMA reflète une volonté de concilier innovation médicale et respect des principes éthiques, tout en maintenant l’équilibre entre le droit des parents à procréer et les droits des enfants à une filiation stable et respectueuse.

II. La vie prénatale et la question des handicaps

1. Le dépistage prénatal et l’interruption de grossesse

Les avancées médicales permettent de détecter de nombreux handicaps dès les premières semaines de grossesse, ce qui pose des questions éthiques et juridiques complexes :

  • Interruption volontaire de grossesse (IVG) :
    • Autorisée en France jusqu’à 12 semaines de grossesse sans justification.
    • Certains spécialistes craignaient que l’allongement du délai légal, passé de 10 à 12 semaines, n’encourage des IVG motivées par le sexe ou la santé du fœtus.
  • Interruption médicale de grossesse (IMG) :
    • Permise à tout moment de la grossesse si deux médecins confirment que le fœtus souffre d’une pathologie grave et incurable.
    • Cette procédure est de plus en plus fréquente, parfois même sans certitude sur la gravité du handicap.
  • Risques du diagnostic prénatal :
    • Certaines méthodes, comme l’amniocentèse, entraînent un risque de fausse couche, avec environ 1 % de décès fœtaux même en l’absence de handicap.
2. Jurisprudence et droit à réparation

Les erreurs dans le dépistage prénatal, notamment l’omission de détecter un handicap, ont donné lieu à des actions en responsabilité :

  • Jurisprudence Perruche (Cass. Plén., 17 novembre 2000) :
    • La Cour de cassation a reconnu un droit à réparation pour l’enfant handicapé et ses parents, en cas de faute ayant empêché un diagnostic prénatal permettant d’éviter la naissance.
    • Cette décision a suscité de vives controverses, notamment auprès des associations de personnes handicapées, qui y voyaient une stigmatisation de leur existence.
  • Loi de 2002 relative aux droits des malades :
    • Article 1 : « Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance. »
    • Cette loi interdit désormais l’indemnisation du préjudice de l’enfant, mais maintient celle des parents pour les préjudices moraux et matériels.
  • CEDH, Maurice c. France (6 octobre 2005) :
    • La Cour européenne des droits de l’homme a validé la loi de 2002, reconnaissant son utilité publique, tout en considérant qu’elle portait atteinte à un droit de créance des parents fondé sur la jurisprudence Perruche.
3. L’eugénisme moderne : une menace pour l’égalité

Bien que l’eugénisme soit prohibé par la loi, certaines pratiques contemporaines posent la question de son retour sous une forme indirecte :

  • Élimination des fœtus handicapés :
    • La généralisation de l’IMG pour des handicaps parfois mineurs reflète une volonté implicite de rechercher la « perfection » chez l’enfant à naître.
    • Cette tendance suscite des inquiétudes éthiques quant au respect du principe d’égalité.
  • Conséquences sociétales et internationales :
    • En Inde et en Chine, la préférence culturelle pour les garçons, associée à des pratiques de sélection prénatale, a créé un déséquilibre alarmant entre sexes (119 garçons pour 100 filles). Ce n’est qu’en 2021, que la Chine a pour la seconde fois amendé sa Loi sur la population et la planification des naissances pour tenter de relancer la natalité en autorisant les couples à avoir trois enfants.
    • Ce phénomène, amplifié par des politiques comme celle de l’enfant unique, a des répercussions sociales majeures et alimente des débats sur la pression sociale exercée sur les choix reproductifs.

Ces enjeux liés à la vie prénatale mettent en lumière les tensions entre le progrès scientifique, le respect des principes éthiques, et les évolutions sociétales. Ils appellent à une vigilance accrue pour éviter que des dérives ne compromettent le principe fondamental d’égalité entre les individus.

 

B – Le droit à la protection de la santé

La protection de la santé est un droit essentiel qui s’étend tout au long de la vie, sous réserve des questions liées à la fin de vie. Ce droit repose sur des principes clés : responsabilité individuelle dans l’entretien de sa santé, liberté d’accepter ou de refuser des soins, et prise en charge parentale de la santé des mineurs. Le consentement libre et éclairé du patient est au cœur de ces dispositions, consolidé depuis longtemps par le Code de déontologie médicale. Ces règles, bien que fondamentales, sont confrontées à des défis, notamment dans des contextes spécifiques tels que les refus de soins, la médecine expérimentale, ou encore les questions éthiques liées au don d’organes.

I. Le consentement éclairé : un pilier incontournable mais complexe

Le consentement éclairé est une pierre angulaire de la relation médecin-patient, consacrée par le Code de déontologie médicale et renforcée par les évolutions législatives et jurisprudentielles.

1. Les exigences légales du consentement éclairé

La loi du 4 mars 2002 constitue un tournant en rappelant l’importance de l’information claire et complète donnée au patient. Elle impose :

  • Une information adaptée : Le médecin doit informer le patient des risques fréquents ou graves liés au traitement ou à l’intervention, tout en respectant une psychologie variable selon les individus. Les risques exceptionnels, eux, ne nécessitent pas d’être systématiquement communiqués.
  • Le respect de la volonté du patient : Toute demande explicite du patient d’être maintenu dans l’ignorance doit être respectée.
  • Un consentement réversible : Le patient peut à tout moment retirer son accord à une procédure médicale ou à un traitement.

Cependant, la pratique révèle une difficulté persistante : interpréter les attentes du patient et adapter l’information sans l’effrayer ou la minimiser, une tâche délicate pour les professionnels.

2. Les mineurs et les cas particuliers

La loi prévoit des dispositions spécifiques pour les mineurs :

  • En principe, le consentement parental est requis. Toutefois, lorsque le refus parental est jugé déraisonnable et met en péril la santé de l’enfant, les professionnels peuvent passer outre.
  • L’opinion du mineur est également sollicitée, marquant une avancée vers la reconnaissance de son autonomie progressive.
3. Accès au dossier médical : un droit renforcé

La transparence est au cœur de la relation soignant-soigné. Chaque patient a le droit d’accéder à son dossier médical dans son intégralité, ce qui renforce sa capacité à prendre des décisions éclairées.

II. Les dilemmes éthiques : refus de soins et cas particuliers

Malgré les principes clairs du consentement, certaines situations mettent à l’épreuve les bases éthiques du droit à la santé, en particulier les refus de soins.

1. Refus de soins pour motifs religieux ou personnels
  • Les Témoins de Jéhovah et les transfusions sanguines : Ces cas illustrent les tensions entre la liberté de conscience et la protection de la vie.
    • Chez les adultes, le refus est respecté, même si cela peut entraîner leur décès.
    • Chez les mineurs, le refus parental peut être écarté pour garantir la survie de l’enfant.
    • Affaire CE, 28 octobre 2001, Mme X : Un homme inconscient, transfusé malgré son opposition exprimée avant son coma, a vu sa femme poursuivre les médecins. Le Conseil d’État a jugé que la sauvegarde de la vie du patient primait, estimant que les médecins n’avaient pas commis de faute.
  • Affaire Vincent Lambert (2019) : Bien que principalement liée à la fin de vie, cette affaire a mis en lumière les dilemmes éthiques liés aux directives anticipées et au refus de soins.

  • Jurisprudence du TGI de Paris, 2021 : Un hôpital a été assigné pour avoir administré des soins vitaux sans le consentement explicite d’un patient conscient. Le tribunal a rappelé que le respect de la volonté du patient, même irrationnelle, doit primer, sauf danger immédiat pour autrui.

2. Urgences vitales et intérêt collectif

Les cas d’urgence soulèvent des défis supplémentaires :

  • Lorsque le refus de soins affecte d’autres personnes, comme dans le cas de risques d’épidémie ou de contagion.
  • Lorsque la santé d’un enfant à naître est menacée par le refus d’une intervention médicale, comme une césarienne.

Quelques cas sur la vie prénatale et les questions d’éthique :

  • Détection prénatale et IMG. Affaire du CEDH, 2020 (K.K. c. France) : Une femme a poursuivi la France après un refus d’IMG tardive pour un fœtus atteint d’une maladie rare. La CEDH a reconnu la complexité des décisions en matière d’équilibre entre droits des femmes et éthique médicale.
  • Sélection génétique : En 2022, l’Agence de la biomédecine a publié des données montrant une augmentation des diagnostics préimplantatoires pour des maladies graves. Certains bioéthiciens ont mis en garde contre une « dérive eugénique implicite ».
3. Les nuances du comité d’éthique

Le comité consultatif national d’éthique, dans son Avis du 14 avril 2005, recommande :

  • Argumenter et convaincre : Les médecins doivent tout tenter pour expliquer les implications des refus de soins.
  • Respecter les refus explicites du patient : La valeur du refus exprimé directement par un patient diffère de celui exprimé par un tiers.
  • Prendre en compte l’urgence et l’impact sur autrui : Certaines situations nécessitent de faire prévaloir l’intérêt général sur le refus individuel, comme lors de crises sanitaires.

En somme, ces dilemmes éthiques appellent à une intervention législative et une prise en compte des contextes variés pour établir des lignes directrices adaptées.

III. Médecine expérimentale et dons d’organes : un équilibre délicat

A. Médecine expérimentale : entre contrôle strict et altruisme

L’expérimentation médicale sur des sujets sains est une nécessité pour le développement de nouveaux traitements. Depuis 1988, la loi française en encadre précisément les conditions afin de protéger les participants :

  • Exclusion des populations vulnérables : Les femmes enceintes (sauf si concernées directement), les prisonniers et les malades mentaux ne peuvent pas participer.
  • Avis d’un comité d’éthique : Tout protocole expérimental doit recevoir une validation préalable.
  • Assurance obligatoire : Les chercheurs doivent souscrire une assurance pour indemniser les éventuelles victimes d’effets secondaires.
  • Compensation pour contraintes subies : Les participants ne reçoivent pas de rémunération à proprement parler, mais une indemnité proportionnée aux contraintes de l’expérience.

Quelques cas concrets :

  • Affaire Biotrial, Rennes (2016) sur les essais cliniques : Lors d’un essai clinique de phase 1, un volontaire sain est décédé, suscitant une révision des protocoles de sécurité.
  • Obligation vaccinale pour les soignants (2021) : Cette mesure a généré des tensions, opposant le principe de liberté individuelle à celui de protection de la santé publique. Les tribunaux ont confirmé la légitimité de cette obligation, dans un contexte de crise sanitaire.

Ce cadre strict vise à concilier progrès scientifique et respect de la dignité humaine. Cependant, des critiques subsistent, comme celles formulées par Bernard Debré, soulignant que certaines expérimentations manquent d’utilité réelle.

B. Don d’organes : un enjeu éthique et pratique

Le don d’organes repose sur une présomption de consentement en France depuis la loi de 1976, renforcée par celle de 1994 avec la création du registre national des refus. Cependant, dans la pratique, la consultation des familles demeure essentielle :

  • Les refus familiaux : Malgré la présomption de consentement, environ 30 % des familles s’opposent encore au prélèvement d’organes d’un proche décédé.
  • En 2023, une polémique en France autour de l’éthique des dons d’organes vivants a émergé après la médiatisation d’un cas où une famille a fait pression sur un parent pour donner un rein. Cette affaire a souligné la nécessité de garantir le consentement libre et éclairé des donneurs
  • Conditions du prélèvement :
    • Les organes ne peuvent être prélevés que sur des personnes décédées jeunes et en bonne santé, souvent après un accident, avec un encéphalogramme plat.
    • Il est essentiel de s’assurer du consentement préalable du défunt.

Chiffres actuels, Rapport de l’Agence de la biomédecine (2022) :Environ 5 000 greffes d’organes ont été réalisées en 2022, mais près de 1 000 patients sont morts en attente d’un organe. Malgré le consentement présumé, le taux de refus familial reste élevé, freinant l’efficacité du dispositif.

Ces défis appellent à une sensibilisation accrue de la population au don d’organes pour limiter les refus et augmenter les chances de survie des patients en attente.

IV. Prévention et libertés individuelles : une tension permanente

A. Les mesures restrictives de l’État

Pour protéger la santé publique, l’État impose des restrictions, même si elles peuvent limiter les libertés individuelles :

  • Interdictions liées à des comportements à risque :
    • Alcool au volant : Responsabilisation des conducteurs pour prévenir les accidents mortels.
    • Tabac dans les lieux publics : Protection des non-fumeurs contre les effets du tabagisme passif.
  • Justification économique et sociale :
    • La société doit financer les soins coûteux des maladies liées à l’alcoolisme ou au tabagisme. En contrepartie, elle se réserve le droit de limiter ces comportements.
    • Les infractions liées à l’usage de stupéfiants justifient également des restrictions pour préserver l’ordre public.
B. Les dangers des exceptions multiples

Si la liberté individuelle reste un principe dominant, les nombreuses exceptions posent des risques :

  • Affaiblissement du principe : Lorsque les restrictions se multiplient, elles peuvent rendre le principe de liberté caduque.
  • Raisonnement biaisé par des cas particuliers : Une approche trop centrée sur des exceptions peut engendrer des lois inadaptées ou injustes.
C. Une société pluraliste face aux divergences

Dans une société où les sensibilités sont diverses, il est difficile de satisfaire tout le monde. Les exceptions croissantes traduisent une volonté de conciliation, mais elles peuvent entraîner une dilution des principes fondamentaux. Quelques exemples de conciliations :

  • Interdiction des produits à base de CBD (2021). Le Conseil d’État a levé l’interdiction gouvernementale sur les fleurs de CBD, soulignant que leur consommation ne présentait pas de risques pour la santé publique.

  • Politique anti-tabac et e-cigarette (2019). La législation française a renforcé les restrictions sur la publicité pour les produits de vapotage, invoquant leur impact potentiel sur les jeunes, tout en permettant leur vente comme alternative au tabac.

L’intervention étatique dans la santé publique doit donc viser un équilibre délicat entre protection collective et respect des libertés individuelles, tout en évitant de tomber dans des restrictions excessives ou arbitraires.

Résumé : Le droit à la santé, bien qu’universaliste, est marqué par des tensions entre principes fondamentaux et réalités pratiques. Les lois successives, combinées à la jurisprudence, cherchent à trouver un équilibre, mais les débats éthiques, les contextes spécifiques et les évolutions sociales perpétuent la complexité de ce domaine. Une vigilance constante est nécessaire pour répondre aux défis actuels, notamment en matière d’innovation médicale et de respect des libertés individuelles.

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