Le droit de grève des fonctionnaires

Fonctionnaire, le droit de grève?

Pendant, longtemps les fonctionnaires n’avaient pas de droit de grève. Puis, il y a eu une évolution qui reflète un équilibre entre les droits des travailleurs et les impératifs de l’administration publique.

A. La reconnaissance du droit de grève au profit des fonctionnaires

La reconnaissance du droit de grève pour les fonctionnaires a été une étape importante du droit administratif français, conciliant le droit fondamental de grève avec les nécessités de la continuité du service public.

  • Contexte historique : Initialement, le droit de grève était interdit aux fonctionnaires. Cette interdiction a été affirmée par le Conseil d’État dans l’arrêt Winkell du 7 août 1909, établissant que la participation à une grève pouvait justifier la révocation d’un fonctionnaire. Cette position était fondée sur le principe de continuité des services publics.
  • Évolution avec le statut de 1946 : Bien que le statut des fonctionnaires de 1946 ne traitait pas explicitement du droit de grève, le préambule de la Constitution de 1946 stipulait que « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le règlementent ». Cette formulation était suffisamment large pour être interprétée comme accordant le droit de grève à tous, y compris aux fonctionnaires.
  • Confirmation par l’arrêt Dehaene de 1950 : Quatre ans après le statut de 1946, le Conseil d’État, dans son arrêt assemblée du 7 juillet 1950 (Dehaene), a reconnu que le préambule de la Constitution de 1946 accordait le droit de grève à l’ensemble des travailleurs, y compris aux fonctionnaires.
  • Statut du 13 juillet 1983 : Ce statut a repris la formule de la Constitution de 1946, confirmant ainsi la solution apportée par l’arrêt Dehaene. Ce statut de 1983 a définitivement établi le droit de grève pour les fonctionnaires.

B. L’exercice du droit de grève

Le préambule de la constitution de 1946 indiquait que le droit de grève était reconnu mais qu’ils ‘exerçait dans le cadre de loi sensée le réglementer.

En pratique, peu de lois sont venus le règlementer. Y’a une possibilité du retrait du droit de grève

1. Le retrait du droit de grève

Le retrait du droit de grève est principalement justifié par la nécessité d’empêcher un trouble excessif à l’ordre public. L’objectif est d’assurer la continuité des services essentiels à la société, surtout ceux liés à la sécurité et à l’ordre public, tout en limitant les droits de grève de certaines catégories de fonctionnaires en raison de la nature cruciale de leurs fonctions.

  • Fonctionnaires de police : Le droit de grève a été retiré aux fonctionnaires de police par la loi du 28 septembre 1948, en raison de leur rôle crucial dans le maintien de l’ordre public.
  • Gardiens de prison : Par l’ordonnance du 6 août 1958, les gardiens de prison, considérés comme « personnels de services extérieurs de l’administration », se sont également vus retirer le droit de grève.
  • Militaires : Le droit de grève a été officiellement retiré aux militaires par le statut du 13 juillet 1972, compte tenu de leur rôle essentiel dans la défense et la sécurité nationale.
  • Magistrats : Pour les magistrats, le droit de grève est interdit, sauf dans le cas où la grève n’entrave pas la juridiction. Cette formulation laisse une marge d’interprétation restreinte quant à l’exercice du droit de grève dans cette profession.
  • Retraits spécifiques par l’autorité administrative : Le droit de grève a été retiré à certains agents participant à l’action gouvernementale, notamment les préfets, sous-préfets et les directeurs d’administration centrale.
  • Fonctionnaires assurant la sécurité : Le gouvernement est également autorisé à retirer le droit de grève à certains fonctionnaires dont les fonctions sont essentielles à la sécurité des personnes et des biens, comme les agents chargés de la sécurité du trafic aérien.
  • Gardiennage des passages à niveaux : Les fonctionnaires chargés de cette tâche ont aussi vu leur droit de grève retiré.
  • Sanctions en cas de non-respect : Toutes ces catégories de personnes, si elles ne respectent pas cette interdiction, peuvent être sujettes à des sanctions.

2. La prohibition de certaines formes de grève

Abus du droit de grève dans la fonction publique selon l’arrêt Dehaene de 1950 : L’arrêt Dehaene a établi des limites à l’exercice du droit de grève dans la fonction publique pour éviter des perturbations excessives du service public et donc limiter les perturbations potentiellement graves pour les services essentiels à la population.

  • La grève surprise interdite : Une grève surprise, c’est-à-dire déclenchée sans préavis, est considérée comme un abus du droit de grève. Depuis la loi de 1963, un préavis de 5 jours est obligatoire dans toute la fonction publique. Ce préavis doit préciser la date, l’heure, la durée et les motifs de la grève. Seules les organisations syndicales sont habilitées à déposer ces préavis.
  • Interdiction de la grève tournante : La loi de 1963 interdit également la grève tournante. Cette forme de grève implique que différentes catégories d’agents d’un même service se mettent en grève successivement, chaque agent participant à la grève pour une durée limitée. Bien que cela minimise les conséquences financières pour les grévistes, cela perturbe fortement la continuité du service public.
  • La grève sur le tas avec occupation des locaux : La grève sur le tas, caractérisée par l’occupation des locaux de travail, est interdite. Considérée comme un abus du droit de grève, cette pratique empêche les fonctionnaires non-grévistes de travailler, comme l’a établi le Conseil d’État dans son arrêt LeGrand du 11 février 1966.

3. Les hypothèses d’organisation pour un service minimum

L’idée d’un service minimum vise à trouver un équilibre entre le droit constitutionnel de grève des fonctionnaires et la nécessité de préserver les services essentiels pour le public, surtout dans les secteurs où la grève pourrait avoir des conséquences graves sur la sécurité et le bien-être des citoyens.

  • Contexte et nécessité : Lorsque les fonctionnaires exercent leur droit de grève, cela peut parfois porter gravement atteinte à la sécurité ou à l’intérêt général (IG) des administrés. Pour pallier cela, tout en préservant le droit de grève, il est nécessaire d’assurer un service minimum afin de maintenir la continuité du service public.
  • Cadre législatif pour le service minimum : Plusieurs lois ont été adoptées pour établir un certain nombre de services minimums obligatoires dans différents secteurs de la fonction publique. Ces services doivent continuer à fonctionner même en période de grève.
  • Dans le service public télévisuel : Le service public de radiodiffusion et de télévision, par exemple, doit assurer un service minimum. Ceci est crucial car les médias peuvent être nécessaires pour informer la population en cas de catastrophe et pour des messages d’évacuation urgents. La loi de 1984 a modifié leur statut, passant d’une interdiction de grève à une autorisation de grève assortie d’une obligation de service minimum.
  • Dans le secteur hospitalier : Particulièrement dans les services d’urgences, un service minimum est requis même en cas de grève du personnel hospitalier.
  • Dans les écoles primaires : L’accueil des enfants doit toujours être assuré, même en cas de grève des enseignants.
  • Dans les transports en commun : Le droit de grève est reconnu, mais un minimum de service de transport doit être maintenu, à l’instar de la Compagnie des Transports Strasbourgeois (CTS).
  • Réflexions en cours : Actuellement, il existe des discussions visant à étendre l’obligation de service minimum à l’ensemble de la Fonction publique, afin d’assurer une continuité ininterrompue du service public, tout en respectant le droit de grève.

C. Les conséquences juridiques des grèves dans secteur public

1. Les conséquences de l’utilisions régulière du droit de grève

Il y a un équilibre entre le droit de grève reconnu aux fonctionnaires et les impératifs de continuité du service public, ainsi que les mesures prises pour limiter les impacts financiers des grèves sur les agents concernés.

  • Perte de rémunération pour l’agent gréviste : Lorsqu’un fonctionnaire fait grève, il perd son droit à rémunération pendant la période d’arrêt de travail. Cela découle de la règle du « service fait » signifiant qu’un fonctionnaire n’est rémunéré qu’après avoir effectué son service. Des caisses de grève, alimentées volontairement ou par des syndicats, peuvent offrir une aide financière aux grévistes, mais elles ne compensent jamais intégralement le salaire perdu.
  • Retenue sur salaire dans la Fonction publique d’État : La règle du 30ème indivisible s’applique, où la retenue sur le salaire correspond à 1/30ème du traitement mensuel, même pour une grève de courte durée (par exemple, une demi-heure en une journée). Cela implique qu’une journée entière de paie est déduite.
  • Dans la Fonction publique hospitalière : La retenue est proportionnelle à la durée de l’arrêt de travail.
  • Interdiction de sanctions pécuniaires supplémentaires : Les retenues financières pour fait de grève ne peuvent être accompagnées d’autres sanctions pécuniaires ou amendes, car la grève est un droit constitutionnel.
  • Possibilité de réquisition par le gouvernement : Depuis la loi du 11 juillet 1938, le gouvernement peut, par décret, réquisitionner des grévistes. Cette réquisition, qui peut survenir même en cas de grève régulière, contraint les grévistes à reprendre le travail. Le Conseil d’État a précisé que cette réquisition est légale uniquement si la grève porte une atteinte grave à la continuité du service public ou aux besoins de la population.
  • Conséquences du non-respect de la réquisition : Le non-respect de l’ordre de réquisition peut entraîner des poursuites correctionnelles et des sanctions disciplinaires dans le cadre de la Fonction publique.
  • Limites de la réquisition : Il est rare que les réquisitions concernent tous les grévistes d’un service. Elles visent généralement une partie des agents afin d’assurer un service minimum, car une réquisition totale serait contraire au droit de grève.

2. les conséquences de l’utilisation irrégulière du droit de grève

Bien que le droit de grève soit un principe fondamental reconnu aux fonctionnaires, le non-respect des règles spécifiques régissant son exercice peut entraîner des conséquences disciplinaires, dont la nature et l’intensité varient selon la gravité de la violation et le statut de l’agent concerné.

  • Cas des fonctionnaires n’ayant pas le droit de grève : Lorsque des fonctionnaires qui sont privés du droit de grève (par exemple, certains fonctionnaires en position de responsabilité ou ceux occupant des postes cruciaux pour la sécurité publique) organisent ou participent à une grève, ils s’exposent à des poursuites disciplinaires. Ces poursuites peuvent être engagées contre tous les agents grévistes concernés.
  • Agents autorisés à faire grève mais ne respectant pas les procédures : Pour les fonctionnaires ayant le droit de grève mais qui ne respectent pas les modalités requises (comme le dépôt d’un préavis de grève 5 jours à l’avance), des sanctions disciplinaires peuvent être appliquées. Ces sanctions sont imposées dans le cadre des garanties de la procédure disciplinaire et sont généralement moins sévères que celles infligées aux agents n’ayant pas le droit de grève.