L’apatride est individu qui n’a aucune nationalité. On emploi aussi le terme « Heimatlos ». L’apatridie est une situation de « conflit négatif ».
Les conflits de nationalité ne doivent pas être confondus avec les conflits de lois même s’ils peuvent avoir les répercussions.
L’expression conflit de nationalité regroupe en réalité deux types de conflits très différentes et que l’on sait mieux distinguer aujourd’hui que dans le passé, et même dans un passé récent. Il faut distinguer en effet les conflits positifs et les conflits négatifs de nationalité.
—> Il y a conflit positif lorsqu’une même personne possède simultanément au moins deux nationalités (les binationaux ou les plurinationaux).
—> Il y a conflit négatif lorsqu’une personne n’a aucune nationalité soit qu’elle n’en ait jamais eu (ce sont les apatrides de naissance) soit qu’elle est perdue sa nationalité antérieure sans avoir d’autres.
La terminologie de conflits positifs et conflits négatifs est relativement ancienne et ne doit pas tromper, elle ne portait à l’origine aucun jugement de valeurs particulier d’autant que pendant très longtemps le conflit positif de nationalité a été considéré comme presque aussi grave que le conflit négatif.
Aujourd’hui, le regard a très largement changé sur le conflit positif qui n’est plus considéré nécessairement comme un désordre à éviter ou à combattre. En revanche, le conflit négatif (l’apatridie) reste une situation très mauvaise, particulièrement pour les personnes que cette situation concerne. Aujourd’hui dans la réflexion contemporaine, on lutte énergiquement contre les conflits négatifs.
L’apatride est individu qui n’a aucune nationalité; Cette situation résulte généralement de la perte de la nationalité d’origine (par exemple, suite à une déchéance de nationalité), sans acquisition d’une nationalité nouvelle. C’est donc une situation de conflit négatif.
Il y a conflit négatif quand une personne n’a aujourd’hui aucune nationalité :
—> soit qu’elle n’en ait jamais eu,
—> soit qu’elle est perdue sa nationalité d’origine sans en recouvrer une autre.
Cette situation qui porte le nom d’apatridie, est très mauvaise pour l’intéressé en dépit d’avantages très secondaires qui ont d’ailleurs été en règle générale exagérés.
Cette personne ne bénéficiant en réalité de la protection d’un État et dans les périodes de guerres ou persécutions, c’est une situation extrêmement dangereuse. C’est ainsi que sous le nazisme, entre 1933 et 1945, les premières victimes des persécutions antisémites furent les juifs apatrides après quoi le gouvernement hitlérien retira la nationalité allemande à la plupart des citoyens allemands d’origine juive, ce qui les transformant en apatride, avant d’être exterminés. De la même façon sous l’occupation en France, les persécutions antisémites dans le cadre du régime de Vichy furent d’abord organisées contre les apatrides.
Il ne faut pas imaginer que les dangers des apatrides relèvent de l’histoire et qui font l’objet de persécutions en période de crise grave.
L’obligation morale des États démocratiques est de faire en sorte que d’une part la situation d’apatride soit empêchée par une politique rigoureuse et systématique de prévention de l’apatride d’autre part que cette situation puisse être réparée quand malheureusement elle s’est réalisée.
Paragraphe 2 :
S’agissant de la prévention de l’apatride, le législateur français est extrêmement vigilant. C’est un point positif de la nationalité française.
Il l’est pour l’apatridie de naissance puisque tout enfant naissant en France alors que ses parents pour quelques raisons que se soient ne peuvent pas lui transmettre leurs nationalités, tout enfant dans ce cas est français de naissance. La nationalité française lui est attribuée à titre de nationalité de secours, il la gardera pendant toute sa minorité (jusqu’à l’âge de 18 ans) si une autre nationalité ne lui est pas entre temps attribuée et s’il est toujours français à sa majorité, il le restera définitivement.
En deuxième lieu, le législateur français, sauf dans un cas très exceptionnel, empêche qu’une personne puisse perdre la nationalité française si elle n’a pas déjà une autre nationalité.
Cela vaut même cas où l’on pourrait à l’extrême rigueur comprendre qu’on prenne moins de précaution. Cas de perte par déchéance qui concerne des personnes qui ont acquis la nationalité française en cours d’existence (naturalisation généralement) et dont on s’aperçoit après coup qu’elle s’était antérieurement coupable de crimes très graves. Dans ce cas, peut prendre un décret de déchéance de la nationalité française. On lui a octroyé cette nationalité en méconnaissance d’une infraction commise. Même dans ce cas, il faut que l’intéressé ait une autre nationalité depuis 1998.
—> Que manque-t-il à la législation française pour être parfaitement opérationnelle en matière de prévention de l’apatride ?
Il manque sans doute à la législation française (à supposer que cela soit souhaitable) une possibilité de naturalisation plus rapide que le droit commun pour les apatrides, parce qu’il ne suffit pas de lutter contre l’apatride de naissance ou contre l’apatride par perte de la nationalité française, il faut aussi permettre aux apatrides qui viennent s’installer en France en cours d’existence de devenir français plus rapidement s’ils le souhaitent. Or, rien dans le droit de la naturalisation ne s’oppose bien sûr à cette naturalisation des apatrides mais rien non plus ne contraint, ne conduit à l’accélérer.
Paragraphe 3 :
En dépit, des efforts de prévention de l’apatride par un grand nombre de législateurs, le fait est qu’il y a tout de même de nombreux apatrides dans le monde et qu’il faut traiter cette situation lorsqu’on n’a pas pu empêcher qu’elle se réalise.
Par exemple : une personne apatride peut venir s’installer en France et la question est alors de savoir quel est son statut juridique exact.
Cette question se pose sur deux terrains différents :
— le terrain de la jouissance des droits
— d’abord le terrain des conflits de lois
La question de la jouissance des droits qui est autrement appelée « conditions des étrangers » est de savoir de quels droits et de quels devoirs sont titulaires en France les personnes qui n’ont pas la nationalité française et dont les apatrides puisque par hypothèse l’apatride est un étranger même s’il n’a pas une nationalité étrangère.
Comme on le verra dans la deuxième partie du cours, le droit français tient pour étranger tout sujet tout individu qui n’a pas la nationalité française soit qu’il ait une autre nationalité, soit qu’il n’en ait pas du tout.
Il devrait donc avoir en France les mêmes droits et mêmes devoirs qu’un étranger. En réalité, sa situation est plutôt meilleure que celle d’un étranger ordinaire puisque la France est signataire de la Convention de New-York du 28 septembre 1954 conclu sous l’égide des nations unies et qui rapproche dans les pays signataires la situation des apatrides de celle des réfugiés. Par conséquent les droits et devoirs des apatrides en France, sont pratiquement ceux qui ont la qualité de réfugiés.
Cette protection particulière est justifiée puisqu’à la différence des étrangers ordinaires, l’apatride ne peut compter sur la protection diplomatique d’aucuns États étrangers.
C’est une question plus strictement technique. Dans le système de conflits de lois français, tout ce qui concerne le statut personnel (c’est-à-dire le droit des personnes et de la famille) relève en principe de la loi nationale de l’intéressé. Elle figure à l’article 3 du Code civil et étant d’ailleurs l’une des seules règles de conflits de loi dans le Code civil.
« Article 3
Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire.
Les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par la loi française. Les lois concernant l’état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger. »
Évidemment cette règle pose un problème très difficile pour les apatrides puisque n’ayant pas de nationalité, ils n’ont pas de lois nationales.
Dans les systèmes européens de conflits de lois depuis la fin du XIXe siècle, du moins dans les conflits de lois attachés à la personnalité, deux solutions se sont dégagées.
—> Dans une première solution, on applique au statut personnel de l’apatride la loi de son ancienne nationalité. Cette solution a longtemps été retenue notamment par la jurisprudence allemande. Elle a un avantage, c’est qu’elle ne remet pas en cause le principe de compétence de la loi nationale pour le statut personnel.
Mais elle a deux graves inconvénients :
—> Il faut donc préférer une autre solution possible de la jurisprudence française : exceptionnellement le statut personnel de l’apatride relève de la loi de son domicile. La jurisprudence française s’est rapidement rangée à cette solution qui a certes l’inconvénient au moins en apparence de ne pas respecter le rattachement du statut personnel à la nationalité mais qui a l’avantage d’être réaliste et sans doute aussi celui d’accélérer l’intégration de l’apatride dans le pays de son domicile.
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