Le droit de la bioéthique

LE DÉVELOPPEMENT DU DROIT DE LA BIOÉTHIQUE

 La bioéthique est une discipline qui étudie les problèmes d’éthique (problèmes moraux) liés à la recherche en biologie, en médecine, en génétique et à leurs applications. La bioéthique veille au respect de la personne humaine.En France, les principales lois de bioéthique datent de 1994 et 2004. Ces lois définissent les règles à suivre pour le don d’organes, la procréation médicalement assistée (PMA), le diagnostic prénatal… La loi de 2004 interdit le clonage thérapeutique ou reproductif, la recherche sur les embryons (sauf dérogation). Les lois de bioéthique ont été révisées en 2011.

 Section 1-  Le développement du droit de la bioéthique 

A- Le développement par la loi et la convention d’ Oviedo 

            1- Les textes applicables

 C’est la France qui s’est dotée la première d’un véritable arsenal législatif en matière de bioéthique. La première loi est celle du 20 décembre 1988 appelée loi Huriet qui est relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales. Elle aborde la question du consentement du patient, le caractère absolu de la nécessité de recueillir un consentement avant d’engager une thérapeutique ou des recherches sur un patient. Elle pose aussi une limite en matière de recherche non thérapeutique.

 

Elle pose évidemment une limite aux médecins et scientifiques qui est de ne jamais nuire au patient. Il est important de le préciser car il y a deux formes de recherches médicales appliquées sur le corps humain : d’une part une recherche purement thérapeutique au sens de la guérison du malade et c’est l’application la plus classique de la recherche médicale (ex : première greffe du visage en 2005 car il s’agissait d’un traitement pas encore connu et qui donc a fait l’objet de recherches) et d’autre part une recherche sur le sujet saint et qui donc ne présente pas de pathologie (souvent en matière d’essai de produits pharmaceutiques). La loi fixe les limites de ces recherches qui sont fondamentales car dans le cas de la recherche thérapeutique le scientifique ne soigne pas mais « se sert du sujet saint pour observer les effets du traitement ». C’est donc là qu’on a le plus de risque avec un risque d’instrumentalisation du corps humain à titre d’expérimentation.

 

La première loi qui porte uniquement sur la bioéthique est la loi du 29 juillet 1994. La première loi du 1er juillet 1994 concerne le traitement des données nominatives ayant pour fin la recherche médicale. Dans les  deux lois du 29 juillet 1994, on en a une relative au respect du corps humain et relative aux dons et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain et une loi relative à l’assistance à la procréation et au diagnostic prénatal. Celle de 1994 pose le principe de non patrimonialité du corps humain c’est-à-dire l’interdiction de faire usage de son corps à un titre patrimonial. Il est différent du principe de non disponibilité du corps humain qui est l’interdiction pour l’individu de disposer de lui même (ex : gestation pour autrui à titre gratuit).

 

Cette loi s’inscrit à la suite des progrès de la science et de la biomédecine en particulier. La réglementation de l’assistance à la procréation s’explique par le fait qu’en 1982 on a vu naitre le premier « bébé éprouvette ». Il s’agit donc du développement technique de la fécondation in vitro. La fécondation in vitro est la technique médicale de fécondation en dehors du corps de la mère c’est-à-dire l’extraction d’un ovule qui est fécondé avec le sperme du père à l’extérieur du corps de la femme. Lorsque la fécondation fonctionne, on réimplante l’embryon dans l’utérus de la femme. Cette technique était révolutionnaire car c’était la première fois que l’on pouvait intervenir médicalement sur un processus qui était jusque là naturel. Cette avancée à donner des risques, notamment la création d’enfants en dehors de toute parentalité. Cette première loi de 1994 intervient donc pour fixer des limites à cette pratique. Elle intervient à la fois pour ménager ce progrès scientifique pour les couples stériles et aussi éviter un certain nombre de risques éthiques et sociaux.

 

Cette loi statut aussi dans le domaine du diagnostic prénatal qui est une évolution scientifique qui conduisait à pouvoir diagnostiquer précocement et inutéro une affection grave de l’embryon. Le but était d’éclairer le choix des parents sur l’opportunité de mettre fin à la grossesse. Le risque pointé du doigt était la sélection des « meilleurs enfants ». Il s’agit donc de problèmes éthiques importants. La loi entend donc statuer sur les limites de ce progrès scientifique.

 

Après 1994, on a eu un second rapport du Conseil d’Etat à la suite de la loi pour examiner les effets de cette loi. Ce rapport de 1998 a influencé la très importante loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique qui a statué sur des problèmes, notamment le lien entre éthique et biomédecine. La biomédecine est une branche de la médecine qui intervient sur les caractéristiques biologiques de l’individu. Cette loi statut par exemple sur la recherche sur les cellules humaines. Elle statut aussi sur la recherche sur les caractéristiques génétiques de l’homme. Elle revient sur le diagnostic prénatal qui s’affirme toujours davantage et donc permet de mieux en mieux de sélectionner. Elle prévoit aussi des dispositions pénales en cas de transgression des règles qu’elle pose.

 

Elle vient à la suite d’avancés scientifiques, notamment le clonage artificiel et donc la possibilité de reproduire à l’identique des cellules. Cela vient à la suite des premiers clonages d’animaux, en particulier de la brebis Dolly clonée en 1996. On avait réussi à la suite de cela à cloner aussi un bœuf d’une race particulière en voie de disparition. Cette technologie appliquée sur les animaux a posé la question de l’application à l’homme. C’est ce que la loi de 2004 vient interdire.

 

La loi de 2004 statut aussi sur les premiers essais de prélèvement de cellules souches sur des embryons. La loi de 2004 autorise dans certains circonstances particulières l’accès aux cellules souches embryonnaires. Une loi du 6 août 2013 statut sur les autorisations en matière de recherche sur les cellules souches embryonnaires. Les cellules souches embryonnaires ont un intérêt particulier pour la recherche médicale car ce sont des cellules initiales de l’être qui ont un très fort potentiel de reproduction cellulaire donc ce sont les cellules les plus jeunes qui se développent le plus et on les retrouve chez l’embryon et dans le sang de cordon ombilical que l’on peut aujourd’hui donner. Les cellules souches permettent de reconstituer des tissus humains voir des organes (ex : reconstitution d’une partie du foie, d’un poumon,…). Le problème était le risque de créer des embryons avec des fécondations in vitro pour multiplier le prélèvement de cellules souches et donc les applications thérapeutiques. On utilise donc l’embryon pour une cause étrangère à sa propre vie potentielle.

 

La loi a autorisé le prélèvement de cellules souches sur ce qu’on appelle les embryons surnuméraires, c’est-à-dire celui qui résulte d’une fécondation in vitro qui restent après une fécondation in vitro réussie. Ce sont donc des embryons qui ont vocation à disparaître comme déchets organiques et c’est sur ce point que le droit a autorisé à prélever des cellules souches sur ces embryons à condition que les parents donnent leur accord. La loi a donc trouvé un équilibre. C’est la raison pour laquelle la médecine a développé le prélèvement de cellules souches dans le sang du cordon ombilical.

 

Cette loi de 2004 devait faire l’objet d’un réexamen en 2009. Un troisième rapport du Conseil d’Etat est intervenu en 2009. Ce rapport a donné lieu parallèlement aux Etats généraux de la bioéthique en 2009 organisé par la ministre de la santé. C’est sur le fondement de ces deux choses qu’on a eu deux nouvelles loi :

  • Loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique qui revient sur la recherche génétique, l’assistance médicale à la procréation, la recherche sur les cellules souches. Elle a autorisé la ratification de la convention d’Oviedo signée le 4 avril 1997 intitulée la convention pour la protection des droits de l’Homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la bioéthique et de la médecine : convention sur les droits de l’Homme et la biomédecine. Cette convention constitue le cadre conventionnel des principes essentiels applicables en matière de bioéthique et notamment la protection du corps humain, la protection du consentement du médecin, non patrimonialité du corps humain, dispositions sur la recherche sur les embryons.
  • Loi du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine.

 

Depuis, on a eu une loi du 6 août 2013 qui revient sur l’autorisation de recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. On a dit d’elle qu’elle accroissait beaucoup les possibilités de recherches sur l’embryon mais ce n’est pas vrai car en réalité elle permet d’obtenir des autorisations pour d’autres finalités que celles définies en 2004.

 

On a pas de loi depuis et il y a assez peu de chance que les réformes en cours aboutissent. Il n’y a pas de projet en matière de bioéthique dans le tiroir du ministère de la santé. Le gouvernement freine les réformes et débats en matière de bioéthique en raison des manifestations ayant eu lieu à la suite du mariage pour tous et des débats sur l’assistance médicale à la procréation et la gestation pour autrui.

 

            2- La place de la réflexion en matière de bioéthique dans la confection des textes juridiques

 Nos recherches en matière bioéthique et biomédicale en France sont le fruit de travaux collégiaux avec dans ces collèges des personnalités expertes dans des domaines variés (médecine, juridique, philosophie, sciences politiques,…). Ils sont aussi constitués de personnes de sensibilité religieuse et spirituelle variées. Il faut avoir conscience du caractère hautement sensible des conditions posées car elle touchent l’être humain et son devenir et donc la place réservée à l’être humain dans la société et tout cela résulte de conditions spirituelles notamment, donc irrationnelles. Il y a donc une sagesse dans la constitution de ces collèges car ils avancent avec prudence, pourtant leur point de vue sont souvent caricaturés dans la presse.

 

La volonté est de trouver un équilibre entre ce qui est possible et ce qui est souhaitable, un équilibre entre la liberté individuelle, la dignité des personnes, les espoirs de la recherche médicale mais aussi les dangers d’une science qui pourrait heurter la conscience nationale. Jean Leonetti dit que le débat bioéthique n’a pas pour objectif de définir les limites de la science, perçue comme un progrès pour la morale, conçu comme un obstacle pour la science. Il estime que cela se définit encore moins comme un choix entre le bien et le mal. Il résulte le plus souvent d’un conflit de valeurs toujours selon lui : un bien contre un autre bien. Il continue en disant « dois je m’incliner devant la volonté d’un malade qui demande la mort ou dois je plutôt respecter mon obligation de ne pas retirer la vie à un être vulnérable ? ». Cela illustre les grands courants de pensée de la bioéthique : d’une part les tenants de la liberté individuelle comme l’élément essentiel de la dignité humaine et d’autre part les tenants de valeurs collectives à tous avec pour finalité de protéger la personne comprise dans cet ensemble.

 

Il faut prendre en considération le droit positif mais aussi l’idée de complexité. Il faut appréhender la complexité comme telle et ne pas l’éviter. Le monde et le débat sont complexes et les juristes doivent apprendre à faire avec cette complexité. Second point, il y a aussi le fait de mettre à distance les certitudes individuelles et ne jamais tomber dans l’affrontement des certitudes individuelles, ce qui fait la majesté des juristes. Chacun a sur ces questions une conviction mais le juriste doit se situer à un niveau de métalangage c’est-à-dire avoir un langage sur le langage. Et donc il faut prendre en considération l’existence de convictions individuelles que le juriste doit tenter de faire cohabiter.

 

Le dernier avis du comité consultatif national d’éthique de février 2014 est relatif à ce qu’on appelle la neuro amélioration biomédicale. Ce sont des dispositifs biomédicaux de nature à permettre un fonctionnement plus performant du cerveau. Un dispositif biomédical est un dispositif de technologie médicale neuro modulatrice c’est-à-dire une technologie qui influe sur les 100 000 milliards de neurones du cerveau. Le but est de faire fonctionner les neurones de façon plus rapide et avec une meilleure capacité à mémoriser les connaissances. C’est le neuro optimisation cérébrale. La question est donc celle d’une stimulation artificielle de ces neurones pour permettre une rapidité plus grande. La question qui se pose avec cette biotechnologie est celle de la disponibilité du corps humain et l’égalité sociale. Il y a des inégalités à l’état naturel qui ont des conséquences médicales et certaines maladies ont une préférence pour les personnes les plus modestes. On sait aussi que la bonne alimentation, la vie intellectuellement stimulante,… ont une influence sur la santé des personnes. Le problème avec ces premières techniques d’augmentation neurologique est de savoir à qui elles vont s’appliquer et donc de savoir qui pourra y avoir recours. Ce sont des questions qui se posent déjà avec les prothèses et les artifices intégrés. Le problème de disponibilité du corps humain pose la question de savoir si l’on peut tout faire avec son corps ou au contraire savoir si on peut priver la personne de le faire.

 

Sur ces points, le comité consultatif national d’éthique donne des pistes intéressantes et raisonnables. Il appelle la vigilance des personnes publiques sur ces points. Il dit que les conséquences de la neuro stimulation ne sont pas qu’individuels car le risque est grand d’aboutir à une classe sociale améliorée constituée d’une minorité d’individus biens informés et disposant des ressources financières suffisantes pour y accéder. Il en résulterait selon lui une aggravation de l’écart qui ne cesse de se creuser entre riche et pauvre. Les riches deviendraient de plus en plus riches mais aussi plus puissants, plus intelligents voir plus heureux que les autres avec un risque évident de discrimination et de domination. La perception qu’aurait cette classe sociale augmentée des paramètres de la santé psycho cognitive pourrait être modifié au point que soit considéré comme pathologique les non augmentés, les diminués.

 

Le comité poursuit en disant que « le phénomène de neuro amélioration biomédicale ne peut s’envisager que relativement à un contexte socio culturel et économique donné. En l’occurrence, il concerne principalement à l’heure actuelle les pays riches ». Il précise que son avis concerne ainsi les enjeux éthiques de l’utilisation des techniques biomédicales dans ce contexte là. Il dit que les questions soulevées sont multiples et donc il se demande s’il y a une ligne de démarcation entre le normal et le pathologique de le domaine psycho-cognitif. Il demande si les fonctions cérébrales vont s’améliorer ou se détruire. Il se demande aussi pouvoir améliorer son cerveau. Il va même jusqu’à se poser la question du financement et des limites de ces techniques.

 

B- Le droit positif 

            1- La constitutionnalisation du principe de dignité de la personne humaine

 La loi de 1994 a fait l’objet d’un examen par le Conseil constitutionnel qui a rendu une décision importante : Conseil constitutionnel. 27 juillet 1994 appelée la décision relative aux lois bioéthiques. Dans cette décision, il pose le principe suivant : la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle. Ce principe a été dégagé par le Conseil sur le fondement du préambule de la Constitution de 1946 qui évoque l’interdiction de la dégradation de la personne humaine dans une référence immédiate au crime nazi.

 

            2- Les éléments présents au niveau législatif

 Cette constitutionnalisation est le cadre dans lequel les lois en matière bioéthique et plus généralement les droits des patients sont adoptés. On a des principes issus de la loi de 1994 qui sont aujourd’hui dans le Code civil. Ces sont les articles 16 du Code civil et 16-1 à 16-9 qui codifies les principes issus de la loi de 1994. C’est dans le Code civl dans les articles relatifs à la personne et plus particulièrement au respect du corps humain qu’ils se trouvent.

 

L’article 16 pose le principe de la dignité de la personne humaine en disant que la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantie le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. Tout être dans l’interprétation du terme « commencement de sa vie ».

 L’article 16-1 pose le principe de l’inviolabilité du corps humain en disant que chacun a droit au respect de son corps car le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial.

 L’article 16-1-1 concerne le statut du cadavre en disant que le respect du au corps humain ne cesse pas avec la mort et il dispose aussi que le reste des personnes décédées, y compris les cendres, doivent être traitées avec respect, dignité et décence.

 L’article 16-3 concerne la recherche médicale et est très important car il fixe la limite à l’atteinte à l’intégrité du corps humain en disant que celle ci n’est tolérée qu’en cas de nécessité médicale pour la personne. Il précise qu’à titre exceptionnel cela peut se faire en cas de nécessité pour autrui. Cette explication justifie le don du sang et des organes et aussi par le fait que le médecin ne dispose pas du corps du patient et donc il est limité par la nécessité de l’intervention médicale. Le médecin qui opère un patient porte atteinte à l’intégrité du corps du patient et donc l’intervention doit être justifiée.

 L’article 16-4 revient sur l’interdiction de l’eugénisme et disposant que nul ne peut porter atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine. Toute pratique eugénique tendant à l’organisation de la sélection des personnes est interdite. L’article poursuit en disant qu’est interdite toute intervention ayant pour but de faire naitre un enfant génétiquement identique à une autre personne vivante ou décédée.

 L’article 16-5 revoie sur le principe de non patrimonialité en déclarant nul les conventions ayant pour effet de donner un caractère patrimonial au corps humains, ses éléments ou ses produits.

 L’article 16-6 revient sur l’interdiction de l’expérimentation à titre onéreux.

 L’article 16-7 proscrit la gestation pour autrui expressément.

 L’article 16-8 pose le principe de secret des dons.

 L’article 16-9 confère à l’ensemble de ces principes un statut d’ordre public.

 

Ces dispositions reprennent pour l’essentiel ce qu’on a dans la convention d’Oviedo de 1997. A côté de cela, on a une réflexion parementante sur les normes bioéthiques.

 

Section 2- Le comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé

A- La création et la fonction du CCNE

La composition du CCNE fait l’objet de façon récurrente de controverses. Le dernier renouvellement en 2013 d’un certain nombre de membres n’a pas échappé à la règle et il y a eu des controverses, notamment considérant que les nominations sont politiques avec une intention de « gauchiser » le comité.

 

Le CCNE a été créé par un décret présidentiel du 23 février 1983. Il est créé auprès des ministres chargés de la recherche et de la santé. L’article 1 donne la mission du CCNE qui est de donner son avis sur les problèmes moraux qui sont soulevés par la recherche dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé, que ces problèmes concernent l’homme, des groupes sociaux ou la société toute entière. On peut donc considérer que la mission du CCNE est très large car elle inclue des problématiques d’ordre individuel mais aussi relatives à la société entière. Cela s’explique par le fait que dès 1983 on  savait que l’on ne pouvait pas isoler des problématiques individuelles de problématiques sociales. La détermination de la frontière entre les deux est déjà l’enjeu et le cœur de la bioéthique. Aussi, le CCNE peut s’auto saisir des questions qui se posent dans l’opinion publique. Le décret dit que le CCNE peut se saisir des questions posées par des personnes ou groupements autres que ceux prévus à l’alinéa précédent, la formulation est donc large encore une fois.

 

En principe, il y a un mode de saisine plus formel qui est celle par un certain nombre d’autorités habilitées. Ces autorités concernent d’abord les présidents des assemblées. Un membre du gouvernement peut aussi saisir d’une question le comité consultatif, c’est généralement le ministre de la santé. Il peut aussi s’agir du ministre en charge des personnes âgées, de la solidarité, voir du ministre de l’intérieur. Il y a aussi les établissements publics, les fondations reconnues d’utilité publique dès lors qu’elles ont un objet dans ce domaine et les établissements d’enseignement supérieurs.

 

Le président du CCNE est nommé par un décret du Président de la République pour un mandat de 2 ans renouvelable (Jean Claude Ameisen, professeur d’himinologie). Les autres membres, pour 5 d’entre eux, sont aussi nommés par le Président de la République. Le décret de 1983 pose tout de même des limites car il dit que ces 5 membres doivent appartenir aux principales familles philosophiques et spirituelles. Le Président de la République, en théorie, devrait nommer un membre représentant de l’Eglise des différentes religions mais aussi les familles philosophiques, ce qui laisse un choix considérable au Président de la République car cette notion est large. La question qui est celle d’un contrôle de la part du Président de la République se pose mais la décision ne fait pas l’objet d’un recours. A côté des 5 membres, il y a un collège de 19 autres membres qui sont qualifiés en fonction de leurs compétences et de leurs investissements dans le domaine éthique (membre de l’Assemblée Nationale et un membre du Sénat choisis par les présidents des assemblées comme Jean Leonetti, un membre du Conseil d’Etat désigné par le vice président du Conseil d’Etat comme un rapporteur public ayant rendu des conclusions importantes sur ces questions, un magistrat de la Cour de cassation nommé par le premier président de la Cour de cassation, membres des universités, membre d’un ordre professionnel,…). Cette pluralité prévient l’instrumentalisation politique du CCNE que l’on dénonce sans cesse.

 

B- Les avis rendus

 C’est du droit souple. Le CCNE ne rend que des avis consultatifs donc non conformes et qui ne sont pas susceptibles d’un Recours en Excès de Pouvoir en principe. Ils ne sont pas directement obligatoires mais ils émanent d’une AAI qui a un poids symbolique important et une autorité rationnelle importante aussi car il n’y a pas autorité mieux constituée que ce comité pluri disciplinaire. Il y a donc un pouvoir d’influence non sous estimable sur le pouvoir politique qui a tendance à suivre les recommandations du comité.

 

Pour le moment, le CCNE a rendu 122 avis, notamment :

  • Avis sur la neuro stimulation en février 2014
  • Avis sur la fin de vie, l’autonomie de la personne en fin de vie et la volonté de mourir en juillet 2013
  • Avis sur les questions éthiques associées au développement des testes génétiques en avril 2013
  • Avis sur la commercialisation des dépistages du Sida individuels en février 2013
  • Avis sur la vie affective et sexuelle des personnes handicapées et la question de l’assistance sexuelle des personnes handicapées en octobre 2012
  • Avis sur l’utilisation des cellules souches issues du sang des cordons ombilicales de février 2012
  • Avis concernant les enjeux de la neuro imagerie fonctionnelle de mai 2011
  • Avis sur l’usage de l’alcool et des drogues en milieu du travail de mai 2011
  • Rapport sur les questions d’éthique relatives aux prélèvements et dons d’organes à des fins de transplantation d’avril 2011
  • Avis sur l’assistance médicale à la procréation après le décès du père de février 2011

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