Le droit de se défendre et d’être défendu en justice

Le droit de se défendre (ou d’être défendu), une condition du procès équitable : 

       Que faut-il entendre par procès équitable? Etymologie; le mot équité vient du latin equis qui signifie équilibré et c’est dans ce sens là que la CEDH s’est dirigée elle dit que le droit à un procès équitable signifie droit à un procès équilibré.

—        Arrêt BEHEER contre Pays Bas 27 octobre 1993: dans cet arrêt là la cour dit que le procès équilibré est celui dans lequel est assuré l’égalité des armes, et très concrètement dans un procès chaque partie doit avoir la possibilité raisonnable d’exposer sa cause au tribunal y compris ses preuves dans des conditions qui ne la place pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. arrêt BEHEER a été confirmé maintes fois par la suite.

Il est possible de synthétiser la chose de la manière suivant le procès équilibré est celui dans lequel chaque partie peut exposer sa cause et exposer ses preuves de manière identique. 

 Durant l’instance chaque partie doit pouvoir exposer sa cause : la partie doit pouvoir faire connaître à son adversaire et au juge les éléments qui sont nécessaires au succès de sa prétention mais pour qu’il puisse en être ainsi encore faut il que la partie soit parfaitement informée du procès qui lui est fait et doit pouvoir se défendre comme elle l’entend. Finalement, le droit d’exposer sa cause implique lui même deux autres droits:

  •    le droit d’être informé de la procédure (étudié dans un autre cours)
  •    le droit de se défendre (objet du présent cours). 

Qu’est ce que le droit de se défendre?  Selon la CEDH le droit de se défendre implique deux droits :

  •   le droit de se défendre personnellement à l’audience
  •   mais aussi le droit d’être défendu par un avocat 
  1. Le droit de se défendre personnellement

Dans un procès quelqu’un soit chaque partie doit pouvoir intervenir personnellement pour exposer personnellement sa cause est réfuter personnellement les arguments de l’adversaire. Ce droit comporte deux droits lui même :

  •       le droit de comparaitre en personne
  •       le droit de prendre la parole 
  1. Le droit de comparaitre en personne : 

Dans l’arrêt COLOSZA vs Italie du 12 Février 1985 la cour décide que le droit à un procès équitable exige que la partie puisse assister personnellement, droit à la comparution personnelle. Méconnait se droit par exemple une cour d’appel (belge) qui refuse à un accusé de comparaitre en personnelle au motif qu’elle est suffisamment éclairé (arrêt BELZUK vs Belgique du 29 Mars 1998). Aucun motif sauf un : il est possible pour un état de refuser la partie de comparaitre en personne dans les instances de cassation dans la mesure où seul le droit y est jugé, matière tellement technique que la présence de la partie n’apporterai rien. En droit français, dans le contentieux civil les parties sont toujours autorisé, même en cassation. Dans le contentieux pénal, toujours en droit, peuvent donc comparaitre en personne devant le juge d’instruction, devant le T. C. ou encore devant la cour d’assise. Il faut toutefois relevé qu’en matière pénale devant la chambre d’instruction la comparution personnelle n’est pas toujours de droit, le CJP : « n’est de droit que pour la personne mis en examen détenus ». Lorsque mis en examen pas détenu alors pas comparaitre en personne. Dans le contentieux administratif, la encore les règles sont les suivantes : les parties peuvent toujours comparaitre en personne à l’audience, ce que précise la jurisprudence du Conseil d’Etat, arrêt COHEN rendu en 1988. La personne a bien sur le droit de comparaitre en personne mais elle a aussi le droit de ne pas comparaitre. Si elle ne veut pas comparaitre alors les juridictions doivent respecter son vœu. Est ce que ce droit négatif est respecté en droit français ? il y a des hypothèses où ce droit n’est pas effectif : exemple : pour la phase de conciliation en divorce : obligatoire. Conciliation devant conseil prud’homme obligatoire aussi. Tribunal Paritaire des Baux Ruraux présence obligatoire aussi. T.C quand la peine encouru supérieur à deux ans : obligatoire aussi. Conforme au Droit Processuel ? D’après la CEDH ? Réponse oui, des lors que le fait d’imposer cette présence permet d’assurer une bonne administration de la justice. Ainsi en France ca permet d’assurer une bonne administration de la justice puisque comment concilier deux personnes si elles ne sont pas là personnellement ? 

  1. Le droit de prendre la parole :

La partie après avoir pris connaissance des pièces de la procédure doit être autorisée à prendre la parole afin de pouvoir les discuter et défendre sa cause, avec cette limite: le droit de prendre la parole est toujours placé dans une juridiction sous la surveillance du président de la juridiction. Dans une juridiction le président est chargé d’assurer et de veiller à la sévérité de la justice. Ce droit est également un droit processuel ce qu’a décidé la CEDH dans l’arrêt BELZIUK contre Belgique 25 mars 1998;

  • Dans le contentieux civil il ressort de l’article 16 du code de procédure civile que la partie quelle que soit la nature de la juridiction saisie, doit toujours être en mesure de plaider sa cause à l’audience.
  • Dans le contentieux pénal, la disposition générale article 309 du code de procédure pénale indique que durant toutes les phases la partie peut toujours prendre la parole afin de se défendre.
  • En revanche dans le contentieux administratif; depuis un arrêt CE 11 février 1953 la règle dans le procès administratif est précisément que les parties ne peuvent pas y prendre la parole sauf avec l’autorisation préalable de la juridiction qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour l’accorder ou non. Cette pratique est contraire au droit générique de prendre la parole.

        Simplement la question de la conformité de cette pratique n’a jamais été posée devant la CEDH, mais unanimement la doctrine considère que si c’était le cas elle entrerait en voie de condamnation contre la France. 

  1. Le droit d’être défendu par un avocat

         Généralement le droit processuel, la CEDH parlera du droit à un avocat, ce qui signifie que toute personne qui souhaite se faire défendre par un avocat doit pouvoir le faire. Au fil des années ce droit a été précisé dans sa portée par la CEDH de la façon suivante:

* la partie qui souhaite être défendue par un avocat doit pouvoir choisir cet avocat librement. Principe de libre choix de l’avocat. Avec une exception: devant certaines juridictions dont le contentieux est technique  la CEDH admet que le libre choix de l’avocat puisse être remis en cause et que l’état puisse imposer un avocat à la partie. Il en est ainsi devant la Cour de Cassation, devant le Conseil d’Etat, ou encore devant le Tribunal des Conflits. Devant ces 3 juridictions il n’y a pas de libre choix de l’avocat, la loi impose de choisir un avocat au conseil: avocats au nombre limité qui ont un monopole de représentation devant ces juridictions.

Remarque: Qu’en est-il des avocats commis d’office ? CEDH: dans un certains nombres d’affaires notamment pénales un état peut également désigner un avocat d’office dans le but d’assurer la bonne administration de la justice. La Cour précise qu’ici le libre choix n’est pas remis en cause car l’avocat commis d’office ne sera imposé qu’à défaut de choix.

  • la partie qui souhaite être défendue par un avocat doit pouvoir s’entretenir librement avec lui, notamment dans un arrêt S. contre Suisse 28 novembre 1991: à partir du moment où un avocat est choisi par une partie l’état doit assurer la libre communication avec le client. Cette disposition a posé pas mal de difficultés en droit français notamment en matière pénale : personne placée en garde à vue elle n’avait pas la liberté de s’entretenir avec ses avocat pendant longtemps car elle devait attendre la 48ème heure avant de pouvoir le faire. Disposition qui a été considérée comme contraire au droit processuel, code de procédure pénale a été modifié, depuis l’article 63-4 reconnaît que la personne placée en garde à vue puisse s’entretenir avec son avocat dès la première heure de garde à vue. Ce principe connaît encore aujourd’hui des exceptions notamment lorsque le procès pénal concerne la grand criminalité, la délinquance organisée, le trafic de stupéfiants, le terrorisme: dans ces hypothèses là la personne gardée à vue devra attendre la 72ème heure de garde à vue avant de pouvoir s’entretenir avec son avocat. Règles considérées comme contraire au droit processuel:
  • tout gardé à vue ne peut pas s’entretenir dès la première heure avec son avocat
  • il faut pouvoir s’entretenir librement avec son avocat à n’importe quel moment, or en droit français on ne peut le faire qu’à la première heure et uniquement pendant une demi-heure, après il faudra attendre la 20ème heure puis la 24ème. Le droit français pénal de la garde à vue est entrain d’être réformé, devrait  voir le jour en printemps 2011: but mettre en conformité notre droit pénal avec le droit processuel de pouvoir être défendu par un avocat.
  • la cour dit aussi la chose suivante: la partie qui souhaite être défendue par un avocat doit également pouvoir s’entretenir avec son avocat de façon confidentielle ce qui interdit que le client passé en garde à vue, ou incarcéré qui souhaite s’entretenir avec son avocat soit placé sous surveillance vidéo y compris en matière pénale. Arrêt WERENN contre Royaume Unis 16 octobre 2001.

        * la personne qui souhaite être défendue par un avocat doit également pour le faire gratuitement dès lors qu’elle ne dispose pas de moyens financiers nécessaires pour le rémunérer. La personne qui n’a pas les ressources nécessaires peut recourir à un avocat dont les frais sont pris en charge directement par l’état. 

* la partie qui souhaite être défendue par un avocat doit également pouvoir être défendue par un avocat par simple représentation. Il existe deux techniques de défense par un avocat: l’avocat assiste la personne lorsqu’il va au procès avec son client, l’avocat représente le client ici le client ne va pas au procès: l’avocat se présente au juge et défend son client en l’absence de celui-ci. Arrêt POITRIMOL contre France: 23 novembre 1993.  Cette exigence processuelle a été à l’origine de plusieurs modifications de notre droit positif:

  • l’article 410 ancien du code de procédure pénale: ce texte autorisait le tribunal correctionnel à juger un prévenu en l’absence de celui-ci dès lors que ce prévenu encourait une peine égale ou supérieure à deux ans d’emprisonnement, dans cette hypothèse: interdiction absolue était faite à son avocat de défendre son client absent: interdiction de la représentation.  Ce texte a été jugé contraire au droit processuel par l’assemblée plénière de la Cour de Cassation 2 mars 2001 : la cour dit la chose suivante: «  le droit à un procès équitable et le droit de toute accusé à l’assistance d’un défenseur s’opposent à ce que la juridiction juge un prévenu non- comparant sans entendre l’avocat présent à l’audience pour assurer la défense ». Suite à cet arrêt le législateur est intervenu pour modifier l’article 410 et désormais il dispose: «  Si un avocat se présente pour assurer la défense d’un prévenu non-comparant il doit être entendu si il en fait la demande. » = défense par représentation est donc possible. (modifié par loi Perben du 9 mars 2004)
  • deuxième règle modifiée suite à Arrêt POITRIMOL: la contumace: cour d’assise pouvait juger un accusé en l’absence de celui-ci dans l’enseigne procédure de la procédure de la contumace (accusé absent) ne pouvait jamais être représenté au procès  par son avocat. Déclarée contraire à l’article 6 paragraphe 1 par la CEDH KROMBACH contre France 13 février 2001. Cet arrêt est à l’origine de l’abrogation de la procédure pénale par contumace (loi Perben 9 mars 2004). Elle l’a remplacé par la procédure de défaut criminel dans cette nouvelle procédure une cour d’assise peut toujours actuellement juger un accusé alors qu’il n’est même pas présent physiquement à l’audience en revanche dans cette nouvelle procédure l’accusé qui n’est pas présent peut s’y faire défendre par représentation par son avocat.

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