Les juristes distinguent deux concepts de droit : le droit objectif et les droits subjectifs.
Le droit objectif désigne l’ensemble de règles de droit qui structurent les rapports sociaux et l’organisation des pouvoirs publics. Ces règles forment ce qu’on appelle l’ordre juridique et sont destinées à organiser et réguler la vie en société.
Les droits subjectifs représentent les prérogatives individuelles reconnues à chaque personne par le droit, permettant à celle-ci de revendiquer un avantage ou une protection face aux autres personnes ou institutions.
Le droit objectif est constitué d’un ensemble de règles de droit, qui peuvent être définies comme des normes prescrivant des comportements spécifiques dans le cadre de la vie sociale.
Caractère normatif de la règle de droit
En principe, une règle de droit a un caractère normatif : elle impose un certain comportement à suivre, en édictant ce qui est considéré comme normal ou acceptable. Ce caractère normatif vise à prescrire des comportements, à définir ce qui est permis ou interdit, et à orienter les relations sociales de manière ordonnée.
Caractère non-normatif dans certaines lois
Cependant, certaines lois contemporaines présentent un caractère symbolique plus qu’une prescription concrète. Ces dispositions non-normatives ne prescrivent pas de comportement précis, mais expriment des valeurs ou des principes. Par exemple, des lois peuvent inclure des affirmations de principe, comme : « L’architecture est une expression de la culture ». Ces déclarations ont une valeur symbolique sans contraindre à une action spécifique. Leur prolifération dans la législation peut poser un problème, car elles n’imposent aucune obligation claire, risquant ainsi de diluer la fonction de la loi.
Rôle des déclarations normatives
Les déclarations normatives dans les règles de droit sont essentielles, car elles fixent des comportements ou des solutions techniques que les juges peuvent appliquer dans des situations précises. En plus de fournir des prescriptions générales, elles peuvent orienter la prise de décision des juges en définissant des normes précises et des solutions spécifiques applicables à des cas variés.
La règle de droit est marquée par la contrainte imposée par l’État, qui confère à cette règle un caractère obligatoire de différentes intensités. Les règles de droit se divisent principalement en règles supplétives (ou dispositives) et règles impératives.
Les règles supplétives (ou dispositives) s’appliquent en cas de silence des parties. Elles permettent aux individus de les écarter explicitement ou de les modifier selon leur volonté. Ces règles n’imposent pas une obligation stricte, mais interviennent pour combler un vide lorsque les parties n’ont pas pris d’accord sur un point donné.
Ces règles sont donc supplétives, car elles peuvent être écartées par les parties, et dispositives, car elles offrent des choix restreints, mais non contraignants. Elles s’opposent aux règles impératives, auxquelles il n’est pas possible de déroger.
Les règles impératives sont, quant à elles, des normes strictes auxquelles on ne peut déroger sous aucun prétexte. Elles s’imposent de manière absolue et visent à préserver l’ordre public et les valeurs fondamentales de la société. Ces règles sont synonymes de l’autorité de l’État (imperium), et leur non-respect peut entraîner des sanctions juridiques.
En conclusion, la force contraignante de la règle de droit dépend de son caractère supplétif ou impératif, offrant ainsi une flexibilité relative pour les sujets de droit tout en préservant les principes fondamentaux de la société.
La règle de droit se distingue par sa capacité à encadrer les relations juridiques à travers des caractéristiques formelles essentielles : la généralité, l’abstraction, et la permanence. Ces caractères permettent d’assurer son application universelle et durable.
Une règle de droit s’adresse de manière impersonnelle à un ensemble indéfini de personnes ou à une catégorie définie de manière abstraite (par exemple, « les employeurs » ou « les consommateurs »), et non à une personne en particulier. Cette généralité fait de la règle un cadre normatif distinct d’une décision individuelle, qui, elle, vise une personne spécifique. En s’adressant à une catégorie de personnes anonymes, la règle garantit une égalité de traitement pour tous ceux qui se trouvent dans une situation comparable.
L’abstraction implique que la règle se limite à énoncer des principes sans rentrer dans les détails concrets. Cela permet une certaine souplesse d’interprétation pour les juges, qui peuvent adapter la règle à une variété de situations individuelles. Plus la règle est abstraite, plus elle est flexible, mais cela peut aussi donner au juge une plus grande marge de manœuvre dans son application.
Si les règles réglementaires sont plus concrètes, elles peuvent restreindre la souplesse nécessaire à certaines situations, augmentant ainsi le risque de rigidité dans l’application.
La permanence implique que la règle n’est pas édictée pour une durée déterminée mais a vocation à durer tant qu’elle n’est pas abrogée ou modifiée. Cette stabilité favorise l’obéissance et la sécurité juridique en incitant les individus à se conformer à la règle en raison de sa durabilité présumée.
L’abrogation : Une règle peut être expressément abrogée par une nouvelle règle. Il existe également des abrogations implicites, lorsque la nouvelle législation est incompatible avec l’ancienne, mais une règle n’est jamais abrogée par simple désuétude.
Exceptions temporaires : Des règles temporaires peuvent être adoptées dans des contextes spécifiques (ex. : situations d’urgence), et cessent de s’appliquer après la période de crise.
Dispositions transitoires : Lorsqu’une loi est modifiée, des règles transitoires organisent le passage de l’ancien au nouveau régime. Elles prévoient une période où certaines dispositions anciennes peuvent rester applicables pour permettre une adaptation progressive au nouveau cadre juridique
On distingue l’application de la règle de droit dans le temps (A) et dans l’espace (B)
On distingue les Il y a conflit dans le temps aussi pour les règles d’origines légales que pour les règles édictées par les juges
L’application des lois dans le temps devient complexe lorsqu’une loi nouvelle modifie les effets d’une situation juridique établie sous une loi antérieure. Ce principe touche particulièrement les situations continues, où une relation juridique, comme un contrat ou un droit de propriété, s’inscrit dans la durée.
1) La théorie des droits acquis au XIXe siècle
Au XIXe siècle, la primauté était donnée aux droits individuels contre les fluctuations des normes de l’État. La théorie des droits acquis considérait que les effets d’une situation établie sous une loi ancienne devaient rester protégés. Ainsi, la nouvelle loi ne pouvait s’appliquer qu’aux situations nées après son entrée en vigueur, sans altérer les droits acquis antérieurement.
Conséquence : La loi nouvelle régissait uniquement les situations à venir, tandis que les effets de la loi antérieure demeuraient valides pour les situations en cours, assurant une continuité juridique et protégeant les attentes légitimes des individus.
2) L’évolution au XXe siècle et la prévalence du pouvoir de l’État
Au XXe siècle, les idéologies ont évolué vers une sacralisation du pouvoir de l’État, valorisant l’autorité de l’État sur les libertés individuelles. Cette évolution a mené à un renversement de perspective, où le pouvoir politique pouvait davantage influer sur les situations en cours, même si elles avaient été établies sous l’empire d’une loi antérieure.
Conséquence : Les droits acquis ont perdu de leur légitimité face aux changements législatifs, permettant aux lois nouvelles de s’appliquer à des situations en cours. Cependant, la rétroactivité totale de la loi a été limitée, et la plupart des lois continuent de s’appliquer de manière non rétroactive pour des raisons de sécurité juridique.
3) Principe de non-rétroactivité et exceptions
Le principe de non-rétroactivité des lois est un fondement de la sécurité juridique, assurant que les nouvelles lois ne s’appliquent pas aux faits et situations passées. Toutefois, certaines lois, en particulier dans les domaines fiscaux et pénaux, peuvent comporter des clauses rétroactives lorsque des motifs d’intérêt public le justifient, bien que ce soit rare.
Le principe d’application immédiate signifie qu’une loi nouvelle régit immédiatement toutes les situations juridiques en cours au moment de son entrée en vigueur, ainsi que toutes les situations nouvelles qui se créent sous son empire. Cela signifie que, pour les litiges concernant des situations établies avant la loi nouvelle, c’est le nouveau texte qui prime.
Afin de ne pas perturber brutalement les situations juridiques en cours, certaines lois contiennent des dispositions transitoires. Ces dispositions permettent d’organiser une période de transition entre l’application de l’ancienne loi et celle de la nouvelle.
Délais d’application différée : Une technique courante consiste à différer l’entrée en vigueur de la loi nouvelle. Par exemple, la loi de décembre 2001 modifiant le droit des successions a prévu un délai de 7 mois avant son application en juillet 2002, laissant ainsi aux citoyens le temps de s’adapter aux nouvelles règles.
Règles de droit transitoire : Un autre procédé consiste à intégrer dans la loi nouvelle des articles spécifiques qui précisent si et comment elle s’applique aux situations antérieures. Ces articles créent une période pendant laquelle la loi ancienne reste applicable pour certains cas, offrant aux personnes concernées une continuité sans conflit de règles.
Exception pour les contrats : la « survie » de la loi ancienne
Le droit des contrats constitue une exception importante au principe d’application immédiate. Les contrats reflétant les prévisions économiques et engagements des parties, il serait déstabilisant de soumettre un contrat en cours aux nouvelles règles qui modifient substantiellement les termes convenus.
Protection des prévisions contractuelles : La loi ancienne continue ainsi de régir les effets d’un contrat conclu sous son empire, protégeant les prévisions économiques et assurant la sécurité juridique. Ce système inspire confiance et favorise le développement économique en garantissant la stabilité des relations contractuelles.
Dérogation en matière d’ordre public : Toutefois, si une nouvelle loi est d’ordre public, elle s’applique immédiatement, même aux contrats antérieurs. Par exemple, la loi du 4 août 1962 a prévu que, dans le cas d’un bail d’habitation, le mariage du locataire rend son conjoint automatiquement co-titulaire du bail. Bien que cette règle ait été instaurée après la signature de certains contrats, elle s’est appliquée immédiatement en raison de son caractère impératif en matière de logement.
En résumé, bien que le principe d’application immédiate de la loi nouvelle soit général, les contrats bénéficient d’une protection particulière pour préserver les attentes des parties, sauf si la loi nouvelle relève de l’ordre public. Ces ajustements visent à équilibrer le respect des engagements individuels et les exigences d’adaptation aux nouvelles normes sociales et économiques.
La non-rétroactivité signifie que la loi nouvelle ne peut affecter les situations qui sont achevées au moment de son entrée en vigueur. Ainsi, les faits et actes juridiques déjà produits, comme les décisions de justice, successions clôturées ou condamnations pénales passées, ne sont pas remis en cause.
Applications du principe de non-rétroactivité
Litiges déjà tranchés : La loi nouvelle n’interfère pas avec les jugements définitifs. Si un procès est clos et a épuisé ses effets juridiques, une loi postérieure ne peut pas modifier la décision.
Successions : Lorsqu’une succession a été répartie et clôturée, elle ne peut être reconsidérée par une loi postérieure.
Droit pénal : En droit pénal, le principe de non-rétroactivité est strictement appliqué aux lois plus sévères. Cependant, les lois pénales plus douces, c’est-à-dire celles qui allègent la peine ou décriminalisent certains actes, peuvent rétroagir, un principe connu sous le nom de rétroactivité in mitius. Cela garantit que les lois pénales ne punissent que les faits considérés comme délictueux au moment où ils ont été commis (article 112-1 du Code pénal).
Fondement et limitations de la non-rétroactivité
Fondement : L’article 2 du Code civil exprime la non-rétroactivité générale en énonçant que « la loi ne dispose que pour l’avenir ». Bien que ce principe soit essentiel pour la stabilité juridique, il n’a pas une force absolue et peut être modifié par des lois spéciales.
Lois interprétatives : Ces lois expliquent une disposition législative antérieure sans en changer le fond. Elles sont donc considérées comme une extension de la loi ancienne et peuvent s’appliquer rétroactivement, bien qu’il s’agisse ici d’une fausse rétroactivité, car elles ne créent pas de nouvelles règles.
Lois de validation : Celles-ci confèrent rétroactivement une validité juridique à des actes ou décisions antérieurs susceptibles d’être annulés pour irrégularités. Ces lois visent à rectifier des erreurs administratives ou des ambiguïtés, mais peuvent être controversées si elles interfèrent avec des droits fondamentaux. Par exemple, dans l’arrêt Zielinski et Pradal c. France (1999), la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour ingérence législative injustifiée dans un litige en cours, marquant une limite aux lois de validation.
Exception en droit pénal : rétroactivité in mitius
La rétroactivité in mitius permet aux lois pénales plus douces de s’appliquer rétroactivement si elles bénéficient à l’accusé. Cela renforce les principes de justice et d’humanité en assurant qu’une personne ne subisse pas des peines plus lourdes que celles prévues par la loi au moment du jugement. Par exemple, sous le régime de Vichy en 1941, une rétroactivité punitive fut proposée pour exécuter des prisonniers français en réponse à des actes de résistance. Cependant, des juges ont refusé d’appliquer ces mesures en contradiction avec les principes du droit pénal français.
En conclusion, bien que la non-rétroactivité assure la sécurité juridique, certaines exceptions viennent nuancer ce principe pour préserver l’équité et la justice.
La jurisprudence représente un ensemble de décisions judiciaires créant des règles prétoriennes (ou règles jurisprudentielles) qui, bien que non codifiées, influencent fortement le droit. Ces règles, énoncées par les juges, permettent de résoudre des litiges en cas de lacunes dans la législation, ou lorsque la loi est ambiguë. En cela, les juges, notamment les juridictions supérieures comme la Cour de cassation et le Conseil d’État, exercent un rôle créatif.
1) Rétroactivité des règles prétoriennes
Les règles jurisprudentielles, bien qu’établies par interprétation, ont un effet rétroactif, c’est-à-dire qu’elles s’appliquent aux litiges en cours, même si les faits se sont produits avant l’établissement de la nouvelle interprétation. Cette rétroactivité découle de l’idée que la règle prétorienne tire sa légitimité d’un texte préexistant (loi, règlement ou principe général), et qu’elle ne fait qu’en révéler un sens latent.
Exemple : L’article 1147 du Code civil impose la responsabilité des débiteurs pour les dommages résultant de l’inexécution de leurs obligations. La jurisprudence a interprété cette disposition pour créer des obligations précises pour les parties, influençant l’application de la règle dans le temps et l’espace.
2) Revirement de jurisprudence et sécurité juridique
Un revirement de jurisprudence survient lorsque la Cour de cassation ou une autre haute juridiction adopte une nouvelle interprétation différente de celle appliquée jusque-là. Si ce revirement est rétroactif, il peut surprendre les justiciables, compromettant ainsi la sécurité juridique : les personnes doivent pouvoir anticiper les conséquences juridiques de leurs actes. Face à cette situation, la Cour de cassation a commandé un rapport, le rapport Molfessis, pour explorer des solutions permettant de limiter la rétroactivité des décisions jurisprudentielles.
3) La gestion de la rétroactivité par les juridictions en France et à l’étranger
En France, la rétroactivité est un principe théorique puissant ; les règles prétoriennes sont censées toujours avoir existé en puissance dans le texte dont elles sont issues. Cependant, dans certains cas, les juridictions françaises limitent cette rétroactivité. Par exemple, le Conseil d’État a annulé certaines décisions administratives sans effet rétroactif, comme dans un arrêt de 2004 portant sur la réforme de l’indemnisation chômage, où il a jugé que l’annulation ne devait pas rétroagir pour préserver les droits des chômeurs déjà indemnisés.
Dans d’autres systèmes juridiques, la rétroactivité est plus souvent limitée, les juridictions précisant parfois qu’une nouvelle règle ne s’appliquera qu’à l’avenir. En limitant l’effet rétroactif, les juridictions étrangères tentent de se rapprocher d’une fonction législative en édictant des règles prospectives, une démarche que les juridictions françaises hésitent encore à adopter pleinement.
B) L’application de la règle de droit dans l’espace
La règle de droit s’applique généralement dans les limites du territoire sur lequel l’autorité compétente exerce sa juridiction. Ce principe s’applique dans tous les systèmes juridiques du monde, où chaque règle s’applique dans un cadre géographique déterminé.
1) Compétence territoriale et éléments d’extranéité
Lorsque le litige inclut des éléments d’extranéité — c’est-à-dire des éléments en lien avec plusieurs pays (comme un mariage international ou un contrat commercial entre entreprises de différents États) — se posent deux types de conflits :
2) Le rôle du droit international privé (DIP)
Le droit international privé (DIP) permet de résoudre ces conflits de juridiction et de loi en fournissant des règles de détermination de la compétence et des lois applicables aux litiges à caractère international. Chaque pays possède son propre DIP, et bien que ces systèmes soient nationaux, ils incluent souvent des conventions internationales pour harmoniser certains aspects, facilitant la coopération judiciaire.
Exemple : En France, l’article 310 du Code civil régit certains aspects des conflits de lois, comme dans le cas d’un litige concernant un mariage international. Dans un tel cas, un juge français pourrait appliquer une loi étrangère pour respecter les principes du DIP.
3) La coordination entre systèmes juridiques
Le DIP vise à coordonner les systèmes juridiques nationaux lorsque des situations impliquent plusieurs pays. Ce « droit sur le droit » permet de trancher les litiges de manière équitable, en respectant les droits des personnes et les exigences légales des systèmes concernés, en conformité avec le principe de légalité et l’harmonisation des règles internationales.
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