Le droit pénal de l’Antiquité à la Révolution

La période de la justice archaïque : Le droit pénal de l’Antiquité à la Révolution

 Comment les autorités ont réagi au fur et à mesure afin d’adapter la réponse pénale, autrement dit, la réaction sociale à l’évolution de la délinquance? A l’heure d’aujourd’hui, la réponse pénale est incarnée à travers la mise en place d’une politique pénale ou criminelle. Mais qu’est ce qu’une politique pénale ? Cette terminologie a été inventée fin XIX début XX par un criminologue allemand avant d’être reprise par des historiens français qui se sont intéressé à une étude des politiques criminelles mises en place au fil des âges.  

La période de la justice archaïque constitue les prémices historiques du droit pénal. Elle couvre toute l’Antiquité jusqu’à la Révolution française et elle traduit le passage d’une réaction sociale spontanée à une réaction sociale qui va progressivement s’organiser. A cette époque, le concept de justice en tant que tel est encore inconnu puisque la réaction est impulsée par un instinct de vengeance. 

  1. A) La période de la vengeance privée

La notion de vengeance fonde la mise en œuvre de la réponse pénale originelle. Elle correspond donc à l’organisation archaïque des sociétés de cette époque. Peu à peu, la réponse apportée au phénomène criminel vient dépasser le stade de la simple vengeance privée pour s’en remettre à des formes plus institutionnalisées de justice. La réponse reste purement égoïste et c’est la victime qui doit avoir satisfaction. 

1) La vengeance privée 

La vengeance privée découle de l’organisation des sociétés de l’époque et va en fait se présenter progressivement sous 2 formes : 

               –  La vengeance familiale : c’est le chef de famille qui répare l’affront enduré par l’un des siens sachant qu’à l’époque, le chef de famille est une autorité reconnue.  

               –  La vengeance de clan : l’objectif reste le même, punir le délinquant. C’est une forme d’évolution de la vengeance familiale. Le fait de punir est un droit mais surtout un devoir. Pratiquée à l’excès, la vengeance de clan conduit souvent à des dérives voire à des guerres de clan interminables.  

2) La justice privée 

Si la justice familiale ou la justice de clan restent encore très répandues, le fait que la justice soit rendue par une tierce personne et non pas la victime elle-même, traduit déjà l’idée d’une nécessaire organisation de la justice au sein de la société.  

Désormais, c’est au chef de groupe que revient le privilège de sanctionner celui qui n’a pas respecté les règles de groupe. Mais le passage de la vengeance privée à la justice privée va être marqué par un facteur jusqu’alors inconnu : l’organisation. Cette structuration de la justice devient possible dans la mesure où les gens commencent à se regrouper pour vivre au sein d’une cité. Autant la vengeance est inorganisée, autant la justice est organisée. Les réactions violentes, brutales voire arbitraires vont progressivement céder le pas à la mise en place de certaines règles, de forme et de fond. Pourtant, il ne faut pas se méprendre. A l’époque, la structure sociale se contente de fournir un embryon d’organisation à la justice. Cette justice conserve un caractère privé car le déroulement du procès reste toujours subordonné au bon vouloir de la partie victime.  

C’est en effet la victime qui va réclamer justice et qui va conduire le procès jusqu’à son terme. Il s’agit toujours d’une justice privée qui reprend l’essentiel des punitions pratiquées jusqu’alors. La seule différence est que l’on apporte des limites, des tempéraments par rapport à la vengeance privée proprement dite. C’est l’instauration de la loi du talion par exemple. 

  1. B) La période de la vengeance publique

Le passage de la justice privée à publique va se faire lorsque l’Etat va progressivement prendre en charge l’organisation du procès pénal et ce dès le déclenchement des poursuites jusqu’à l’exécution de la sentence. Cette fois, il ne sera plus question de réparer le préjudice privé causé à la victime mais le préjudice social causé à la société. Au fil des âges, la mise en place d’un système juridictionnel va se traduire de façon différente. A ce stade cependant, on en est encore qu’à la Genèse du droit pénal. Le droit pénal général est une matière qui suppose un système pénal organisé et évolué. Elle résulte donc d’une lente maturation. D’une certaine manière, les règles de Droit pénal général se sont crée en allant du particulier vers le général. Mais avant d’en arriver là, il a fallu organiser la réaction sociale en institutionnalisant des règles de forme. Il aussi fallu définir les comportements à respecter et en déduire les infractions en cas de transgression tout en prévoyant les sanctions correspondantes. C’est pourquoi la procédure pénale et le droit pénal spécial sont des matières, de beaucoup, antérieures au droit pénal général. 

Pour les 3 derniers siècles de l’Ancien Régime, ce qu’il faut retenir c’est l’immobilisme du droit pénal tant pour le Droit pénal général ou Droit pénal spécial ou pour la forme et ce avant le grand choc de la révolution française. 

1) L’Ancien Droit 

Dès le Moyen-âge, la réaction sociale revient à la puissance publique et l’idée selon laquelle la justice doit être rendue au nom de la communauté toute entière. Cette idée apparaît de plus en plus présente dans les esprits. Curieusement, les choses vont se construire à l’envers ou à rebours pour assurer la mise en œuvre d’une justice publique au détriment d’une vengeance privée pratiquée depuis des siècles. Il faut que la sanction ne soit plus considérée comme une réaction impulsive et privée mais comme une véritable réaction sociale. Pour se faire, la punition n’est plus infligée par la victime elle- même ou par son représentant (chef de famille). Elle doit être exécutée au nom de l’Etat et à cette fin, on recrute des fonctionnaires sociaux, les bourreaux. Une fois les problèmes de la sentence résolus, il faut consacrer l’intervention de l’Etat dès la mise en œuvre du procès pénal. Cela revient à affirmer que la victime ne plus se faire justice toute seule, désormais elle doit demander justice à l’Etat. A travers le préjudice enduré à la victime, c’est la société toute entière autrement la paix sociale qui est mise à mal, c’est pourquoi ce n’est plus une action privée qui est intentée, c’est une action publique. 

Si la fonction publique va revenir au chef féodal, à l’époque, les règles juridiques applicables sont très hétérogènes (édits royaux, coutumes…). 

A l’Ancien Régime, la mise en place de la justice publique s’entérine. On s’inspire alors des règles juridiques pratiquées pendant l’empire romain car certaines d’entre elles renferment des principes élémentaires. Ces règles théoriques sont d’autant plus adaptées à la réaction sociale qu’elles sont élaborées et suggérées par les praticiens de l’époque. Le roi lui-même reconnaît que le droit romain est une loi vivante. Sur ce point, la France est suivie par la plupart des Etats européens. Ce qui explique que la plupart d’entre eux aient un socle juridique romain de tradition majoritairement romano-germanique. Pourtant, en ce qui concerne les règles de fond, la France se détache difficilement de ses traditions ancestrales (droit coutumier, local ou encore droit coutumier). 

Au niveau des règles de forme en revanche, on parvient à élaborer un texte qui cause en quelques sortes les bases de la procédure pénale et ce texte est une ordonnance de 1670. 

Sous l’Ancien Régime, on déplore les mêmes abus que pendant la vengeance privée. Cette fois, ils ne sont pas conduits au nom d’une procédure accusatoire mais plutôt inquisitoire. A côté de la peine capitale, les châtiments corporels sont encore très répandus sans oublier les pratiques humiliantes. A cette époque, la liberté n’est pas encore reconnue comme un droit fondamental de l’homme et la privation de liberté ne revêt pas le même sens qu’aujourd’hui. Elle permet surtout de maintenir l’individu à la disposition de la justice. 

2) Le droit intermédiaire (la Révolution) 

Ce qu’il faut retenir, c’est que les premières critiques du système pénal proviennent des philosophes des Lumières. Ils vont remettre en cause les institutions de l’AR avec Montesquieu qui dénonce le fait que le juge soit la bouche de la loi. En effet, le juge ne peut modérer la rigueur de la loi c’est pourquoi Montesquieu comme d’autres philosophes prônent une justice plus humanisée, des peines plus proportionnée et surtout une justice sans torture. Les revendications des philosophes des Lumières vont être reprises par un chercheur italien qui, dès 1766, va publier un ouvrage très en avance sur son temps appelé le traité des délits et des peines (Cesare Beccaria). Lui aussi s’insurge contre l’arbitraire de la justice de l’AR, sur l’inhumanité des sanctions pratiquées, c’est pourquoi, il suggère des peines plus modérées et aussi plus sures. L’essentiel de ses travaux se résument à travers un principe fondamental : la légalité des délits et des peines. Il va aussi avancer des idées très modernes pour son époque car il est le premier à envisager une réinsertion du délinquant après avoir purgé sa peine. Les idées de Beccaria vont avoir un effet retentissant dans toute l’Europe à tel point que la plupart des Etats vont adapter leur législation en ce sens. En France, Louis XVI va essayer de faire passer une réforme, homogénéisant les règles de droit pénal en vigueur et remédiant aux abus de la justice arbitraire mais il ne sera pas suivi et ses édits seront retirés. C’est dans ce contexte que la Révolution française éclate. On va alors assister à une véritable transition entre le Droit Pénal archaïque tel que pratiqué sous l’AR et une lente maturation de nouveaux principes pénaux qui vont marquer l’élaboration du futur code pénal. C’est la raison pour laquelle cette période de notre histoire est souvent qualifiée de droit intermédiaire. 

Remarque : ce droit intermédiaire correspond en fait à un courant de pensée qui correspond au courant ou à la doctrine utilitaire selon laquelle, la punition infligée au délinquant doit traduire une réaction sociale justifiée et utile. Dans ce contexte, il faut saluer l’adoption de la DDHC de 1789 qui consacre les droits fondamentaux et innés de l’homme notamment en Droit Pénal (légalité des délits et des peines ensuite repris dans le code pénal napoléonien). 

Transition : de la justice privée à la justice publique : l’adoption de codes napoléoniens 

Avec la Révolution, la réaction sociale va prendre progressivement la forme d’une justice publique régie par des règles de formes et de fond institutionnalisées. Cet effort d’unification se retrouve principalement dans les codes napoléoniens. L’œuvre codificatrice de Napoléon n’oublie pas le Droit Pénal sachant que l’ensemble de la matière pénale va être envisagé à travers 2 codes distincts. Le premier est prêt en 1808 appelé code d’instruction criminelle (ancêtre du code de PP). Cela est facilité par l’existence de l’ordonnance de 1670. Pour ce qui concerne les règles de fond, le code pénal est prêt en 1810. Ces 2 codes ne vont entrer en vigueur qu’en 1811 car il faut attendre la loi relative à l’organisation judiciaire. Il faut saluer la nouveauté du code pénal pour l’époque. C’est la première fois que des règles de droit homogènes sont applicables en droit pénal du fond. Cet effort de synthèse est important car c’est l’un des codes qui va rester en vigueur le plus longtemps car il ne sera réformé qu’en 1994. L’esprit du Code Pénal napoléonien s’inspire massivement de la doctrine utilitaire soutenue et défendue par Beccaria. Le code reste donc fidèle aux idéaux révolutionnaires. Sont ainsi consacrées des règles qui pour la plupart d’entre elles servent encore de bases au code pénal aujourd’hui. La plus importante est le principe de la légalité des délits et des peines mais aussi la classification tripartite des infractions pénales (contraventions, délits, crimes), le principe d’égalité devant la répression, on retient le système des peines variables et non pas des peines fixes sachant que ces peines sont encadrées entre un plancher et un plafond. La peine retenue peut donc varier en fonction des circonstances atténuantes ou aggravantes qui caractérisent l’infraction. En dépit des apports qu’ils renferment le code pénal reste une œuvre imparfaite. En effet, par exemple, on conserve certaines fonctions relativement sévères. Le code pénal de 1810 ne fait pas la différence entre l’infraction tentée et l’infraction consommée. Autre critique, c’est que ce code est davantage focalisé sur le crime que sur le criminel, il juge l’acte et non le délinquant. Son plan n’est pas logique : il traite d’abord de la sanction et aborde ensuite l’infraction.

 

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