Les grands principes du droit pénal des affaires

Le droit pénal des affaires.

pénal des affaires est l’ensemble des règles de droit relatives aux infractions caractérisées dans le monde des affaires. La délinquance d’affaire est le fait des commerçants, dirigeants, industriels….) et ses infractions (il peut s’agir d’infractions de droit commun ou spécifiques à la vie des affaires, comme les infractions au droit des sociétés

  1. I) Rappel des principes généraux du droit pénal.
  2. Le principe dit de la légalité criminelle (article 111-3 du code pénal).

nullum crimen, nulla poena sine lege : ni crime, ni peine, ni procès sans texte.

Ce principe entraine des conséquences pour le législateur :

les textes doivent être clairs et précis,

les infractions doivent être de types fermés c’est-à-dire avec des limites et les peines doivent être déterminées quant au quantum, mais aussi quant à sa nature.

Le respect de limites au pouvoir de légiférer,

Les limites sont au nombre de 3:

Le principe de la strict économie de la norme pénal, c’est-à-dire le législateur ne doit prévoir que les peines strictement nécessaire et ne doit incriminer que les comportements qui portent gravement atteinte à notre société.

Le principe dit de la proportionnalité, les peines doivent rester proportionnelles à la gravité de l’acte.

Le principe de non rétroactivité des lois pénales de fond,

Conséquence de la légalité criminelle : le juge a l’obligation de poser la qualification exacte, on parle de l’étiquette pénale. Pour chaque affaire, les autorités de poursuites (ministère public, juge d’instruction et autorité de jugement) doivent indiquer les textes sur lesquels ils fondent la sanction. Ensuite, il a l’obligation d’interpréter strictement les textes, le juge est privé de tout rôle créateur.

  1. L’interprétation stricte de la loi pénale (article 111-4 du code pénal).

Interpréter, c’est chercher la signification exacte d’un texte afin d’en permettre l’application à des cas concrets. Cette opération est toujours nécessaire pour rendre effective la loi et pour passer de l’abstrait au concret.

En matière pénale, en principe, on ne peut pas élargir le texte. Cela est autant sévère en matière pénal puisque la peine atteint à la liberté individuelle, la liberté de jouir de ses biens, c’est une atteinte à des principes fondamentaux donc les règles sont extrêmement strictes.

Portalis : «en matière criminelle (sens large), il faut uniquement la loi et non la Jurisprudence« . En pratique, la Jurisprudence est importante. Le pouvoir du juge est limité. L’article 111-4 dispose que la loi pénale est d’interprétation stricte. on ne donne pas les outils de l’interprétation. Il y a 3 options:

Interprétation littérale : On ne s’appuie que sur le texte, on ne peut appliquer que le texte stricto sensu et rien d’autre. on ne peut pas appliquer le texte à des cas qui ne sont pas prévus et tout ce qui compte dans l’interprétation littérale c’est la lettre. C’est aussi l’interprétation exégétique ou judaïque.

Conséquence :

lorsqu’il y a une contradiction entre ce que le législateur a dit et ce qu’il pensait, on fait primer le texte.

Si le texte est obscur, on adopte la solution la plus favorable à la personne poursuivi, c’est l’application de la maxime «le doute profite à l’accuser« , in dubio pro reo. En pratique, elle est retenue à titre principal mais rarement appliquée.

Interprétation téléologique ou finaliste : cette méthode s’appuie sur la lettre de la loi mais elle donne de l’importance au but recherché par le législateur, sa volonté.

Conséquence :

A la différence de la méthode littérale, en cas de texte obscur ou contradictoire on recherche dans les travaux parlementaires la volonté du législateur.

L’avantage de cette méthode est qu’elle est dynamique.

Interprétation analogique : on étend un texte à une situation voisine. Exemple, les violences faites à la conjointe, peut on appliqué à la femme pacsé ou concubine?

Il y a l’analogie légale (le législateur renvoie un texte à une autre situation), l’analogie jurisprudentielle ou juridique (le juge applique un texte à une situation voisine, mais elle est rejetée en droit français parce qu’il va à l’encontre de l’article 111-4). Pour l’homicide involontaire qui est le fait de donner la mort à autrui sans le vouloir, le problème qui s’est posé est l’interprétation d’autrui. Est ce qu’un fœtus (personne qui n’est pas née) peut elle entrer dans autrui? Le juge fait une interprétation stricte des textes, la personne doit être née vivante et viable, et le décès in utero du fœtus empêche l’application de l’homicide involontaire.

  1. La qualification pénale.

C’est de là que va dépendre l’ensemble de la procédure. La qualification doit faire l’objet d’une étude attentive puisqu’une erreur à ce niveau va entrainer de facto (de fait) l’annulation des poursuites et éventuellement de la peine prononcée (élément légal, matériel, moral).

Voici le plan du cours de droit pénal spécial

  1. II) Les caractéristiques du droit pénal des affaires.

Le droit pénal des affaires est influencé par son objet. Il présente par rapport aux autres domaines du droit pénal spécial des particularités qui semble inspiré par des caractéristiques de la vie des affaires. Cependant, tous les traits du droit pénal des affaires aujourd’hui n’est pas influencé par la seule vie des affaires. Parce qu’il est une partie intégrante du droit criminel, il va également être influencé par les grandes évolutions du droit pénal dans son ensemble. D’où deux séries de caractéristiques qui révèlent ces influences : il est le reflet de la caractéristique de la vie des affaires, et le reflet des tendances contemporaines du droit pénal.

  1. A) Le droit pénal des affaires, reflet des caractéristiques de la vie des affaires.

Certains auteurs de droit commercial ont considéré qu’en parlant de droit des affaires, l’expression permettait d’inclure non seulement le droit des affaires, le droit social ou le droit fiscal, mais aussi le droit pénal. C’est une conception un peu conquérante des commercialistes qui procède ainsi à une intégration du droit pénal dans leur domaine. Le droit pénal des affaires ne peut être réduit à une partie du droit des affaires parce que ce serait nié la logique propre qui est la sienne. Donc le droit pénal des affaires est avant tout un droit pénal, mais influencé par la vie des affaires parce qu’il a des racines doubles : le droit pénal et le droit des affaires. Et donc ce double rattachement va lui donner des particularités qu’on ne retrouve pas dans d’autres branches du droit pénal spécial. C’est une délinquance sans violence, et positivement c’est une délinquance astucieuse, une délinquance « en col blanc ». Certains délits financiers supposent de la part des policiers et des juges une expertise financière très élevée.

L’incrimination désigne deux choses :

  • L’acte du législateur qui choisit d’ériger en infraction des comportements qui méritent par leur gravité la sanction pénale. C’est une s élection
  • Le résultat de ce choix, de cette politique.

Les choix du législateur font transparaitre des caractéristiques qu’il entend sanctionner. Tant sur la nature de l’infraction que sur la forme de celle-ci. Nature particulière en droit pénal des affaires car il s’agit essentiellement de contraventions et de délits. Peu de crimes. Délinquance d’affaire n’est pas jugée suffisamment grave pour créer ici des crimes. Eléments constitutifs différents également : élément injuste relevé par l’absence de justification (typique). Tendance : consistance des éléments matériel et moral :

– Elément matériel consiste souvent en une simple omission/abstention et non pas en un acte positif. En 1810, on trouve plus attentatoire à la liberté la sanction d’une omission

Incrimination en 1944 de l’abstention de porter secours à autrui (223-6). Ouverture du droit pénal a ses omissions. Droit pénal des affaires très accueillant des infractions d’omission. En effet, en droit pénal des affaires, les infractions d’omissions n’ont pas de dimension morale : simple sanction d’une obligation non remplie. Pas d’intérêt général ou autre.

  • Non formalisme d’un contrat de consommation est une infraction aux articles L311-34 et L311-35 (crédit à la consommation) ainsi qu’aux articles L312-32 du Code de la consommation.

  • Droit pénal des affaires renferme des délits d’omission en comptabilité :

  • Article L241-4 exige l’établissement de comptes sociaux

  • Article L242-10 du code de commerce : défaut de présentation des comptes sociaux à l’Assemblée Générale
  • Élément moral des infractions en droit pénal des affaires présente également une particularité dans ce sens que les infractions en droit pénal des affaires ont un élément moral de faible consistance. Souvent faute d’imprudence. Fautes non intentionnelle.
  • Volonté du législateur de réprimer les pratiques commerciales trompeuses. Evolution :

  • Loi du 2 juillet 1963 voulait réprimer la publicité faite de mauvaise foi. Exigence d’intentionavait pour effet de limiter le champ de la répression.

  • Loi du 27 décembre 1973 a substitué à l’incrimination de publicité faite de mauvaise foi cellede publicité trompeuse. Infraction indifférente à la mauvaise foi. La jurisprudence avait précisé qu’il s’agissait d’une infraction d’imprudence.

Wilfried Jeandidier a écrit :

  • l’élément moral des infractions d’affaires ou l’art de la métamorphose dans les mélanges Decocq Litec 2004 (p.369)
  • l’élément matériel des infractions d’affaires ou la prédilection de l’inconsistance de pour Gassin PUAM 2007 (p.245)

2emement : l’interprétation de l’infraction par le juge

Le juge pénal ne se sent pas toujours concerné par le principe de la stricte interprétation des textes pénaux/loi pénale. Ce principe est plus théorique que réel. Tendances jurisprudentielles d’un éloignement des textes. Le juge pénal n’hésite pas à créer des présomptions de mauvaise foi. Il arrive que le juge pénal en droit pénal des affaires se contente de constater l’élément matériel ou simplement la qualité du prévenu (un professionnel) pour en induire l’élément moral. Présomption de culpabilité bien affirmée par la jurisprudence en ce qui concerne l’infraction de tromperie.

Interprétation remarquable en ce qui concerne le point de départ de la prescription de l’action public de certaines infractions notamment l’abus de biens sociaux. Le juge cherche à reculer le point de départ. Pourquoi tant d’éloignement du principe ? Infractions parfois mal rédigé es. Interprétation presque créatrice. Il y a aussi une considération pour la délinquance d’affaires qui cherche dans la mesure du possible à se dissimuler. Souvent difficile à détecter, le juge va essayer de réagir aussi efficacement que possible. L’abus de biens sociaux est une infraction occulte, dissimulé e. D’où la jurisprudence qui cherche à faire reculer le point de départ de la prescription. Présomptions de culpabilité aussi

  1. B) Le droit pénal des affaires, reflet contemporain du droit pénal général.

Droit pénal des affaires hétérogène car domaines de couverture variés. Droit pénal des affaires = droit pénal de la bourse + droit pénal de la consommation + droit pénal des sociétés.

1) Différentes conceptions du droit pénal à l’œuvre dans le droit pénal des affaires.

Plusieurs façons de concevoir le rôle du droit pénal dans une société, dans un ordre juridique donné. On peut voir en droit pénal un droit qui fait preuve d’autonomie. Il édicte ses propres normes. Exemple de l’obligation de porter secours a autrui. En droit pénal des affaires on constate un bon nombre d’infractions qui viennent poser un certain nombre de règles qui sont autonome : les règles sur la tromperie pour protéger le consentement. Règles posées par le droit pénal de façon autonome du droit civil et son vice du consentement. Abus de faiblesses, ignorances aussi.

Autre rôle du droit pénal aussi : droit pénal cantonné à une fonction de droit purement « sanctionnateur ». En l’occurrence, le droit pénal des affaires vient sanctionner des normes qui ont été posé es par d’autres branches du droit. Permet d’assurer le respect de la règle. D’où le doublage de sanctions civiles par des sanctions pénales. Rang secondaire du DP(A). Fonction d’auxiliaire des autres branches du droit. Prêt de main fort quoi.

Dévalorisation du droit pénal réduit a un rang secondaire. En outre, cette façon de considérer le droit pénal facilite le recours à la sanction pénale. On ne protège plus forcement des valeurs essentielles. On ne sanctionne plus des comportements graves. Cela se traduit par une inapplication.

Deux grandes catégories d’infractions :

  • Grand nombres de poursuites :

  • Abus de biens sociaux

  • Tromperie

  • Falsification

  • Pratiques commerciales trompeuses

  • Simples contraventions, règles pas toujours appliquées, peu de poursuites.

Incriminations peu nombreuses, jurisprudence peu fournie. Dispositions ignorées. Infractions d’inégale importance. Droit pénal autonome, puis purement sanctionnateur.

2) La faiblesse d’incrimination de certains règles du droit pénal des affaires.

Les règles d’incrimination ne sont pas exemptes d’un certain nombre de défauts de fond ou de forme. « Le déclin de la loi ». La loi qui porte l’incrimination (au sens large la loi) peut prévoir des défauts formels.

  1. a) Défauts formels des incriminations.

Principe de la légalité a pour corolaire la précision, la clarté des incriminations. Favorise la sécurité juridique. Or, on constate d’une façon générale en droit pénal, et en particulier en droit pénal des affaires qu’il y a de nombreux défauts formels des textes. On impute cela au fait qu’un bon nombre textes du droit pénal des affaires sont rédigées par les bureaux de l’administration, souvent le ministère des finances. Aussi est utilisée la technique de pénalité par référence : sanction d’un comportement renvoie à la sanction d’un autre comportement dans un autre texte. Par ailleurs le législateur et le pouvoir réglementaire ont trop tendance à incriminer par la forme « le non respect des dispositions prévues à l’article X est sanctionné de X années d’emprisonnement et de X euros d’amendes ». Sauf que le texte de renvoi n’était pas forcé ment rédigé pour sanctionner un comportement. Aussi, les parties législatives renvoient aux parties réglementaires ! C’est une méconnaissance du principe de légalité.

  1. b) Défauts de fonds : difficile cohérence entre les incriminations.

Il existe des doublons d’incrimination. Le droit pénal spécial contient ainsi parfois des infractions qu’on a l’impression de retrouver à l’identique en droit pénal des affaires. D’où un problème de cohérence avec des incriminations qui ont sensiblement le même objet sans être totalement identique. L’abus d’ignorance ou de faiblesse est ainsi un doublon, en droit pénal spécial le Code pénal incrimine l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse. C’est l’article L223-15 2°) du Code pénal punit cette infraction de 3 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. Cette infraction dudroit pénal spécial coexiste avec une autre infraction d’abus d’ignorance et de faiblesse qui concerne le consommateur, cet abus étant relative aux consommateurs on ne la trouve pas dans le Code pénal mais dans le Code de la consommation des articles L122-8 à L122-10. Ces textes permettent de réprimer dans le domaine de la consommation l’abus de la faiblesse ou de l’ignorance de la personne pour lui faire souscrire des engagements et notamment par des visites à domicile. Il peut y avoir une hésitation sur le fondement à retenir, en présence d’actes constitutifs d’abus de faiblesse et d’ignorance il y a des peines très disparates, d’où l’importance d’une cohérence entre le droit pénal spécial et le droit pénal des affaires. L’idéal de la codification est mis à mal dans cette situation, et l’évolution du droit pénal des affaires pourrait mettre un terme à cette incohérence.