Le droit viager au logement du conjoint survivant

Le droit d’habitation viager sur le logement

Lors du décès de l’un des conjoints, l’objectif 1er du législateur a été de permettre au survivant de maintenir ses conditions de vie antérieures. Cet objectif qui peut être réalisé lorsqu’il y a option de l’usufruit de la succession va aussi pouvoir être atteint grâce à la reconnaissance d’un droit viager d’habitation sur le logement. Ce droit viager figure à l’article 764 du Code civil qui prévoit que sauf volonté contraire du défunt, exprimée dans les conditions de l’article 971 du Code civil, le conjoint successible qui occupait effectivement à l’époque du décès à titre d’habitation principale un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, a sur ce logement jusqu’à son décès un droit d’habitation et un droit d’usage sur le mobilier compris dans la succession le garnissant.

La mise en œuvre de ce texte pose la question des conditions d’existence de ce droit et ses modalités d’exercice.

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1. Les conditions de ce droit viager

Le droit d’habitation viager est conditionné en premier lieu par une occupation effective du logement à titre d’habitation principale et ne peut donc profiter qu’au conjoint successible qui occupait effectivement ce logement à la date du décès.

Ce droit viager ne peut être revendiqué que si le logement occupé était un bien qui appartenait aux 2 époux ou encore qui dépendait totalement de la succession. C’est-à-dire que le droit viager n’est envisageable que si le logement était assuré que par des droits en propriété qu’il s’agisse soit d’un bien commun aux 2 époux soit d’un bien indivis entre les 2 époux soit d’un bien propre ou personnel à l’un des 2 époux. Si les droits sont assurés par un bail, dans ce cas là, ce sont les dispositions spécifiques à la législation sur les baux qui s’appliquent c’est-à-dire soit la continuation du bail prévu au profit du conjoint en cas de décès de l’autre soit la mise en œuvre de son droit personnel sur le bail qui est reconnu aux 2 époux. Et le seul droit viager qui pourra être reconnu au conjoint survivant, c’est le droit d’usage sur le mobilier compris dans la succession et garnissant le logement (= article 765-2).

Dès lors que ces conditions sont remplies, le droit viager d’habitation a vocation à pouvoir être exercé encore faut-il qu’il puisse être effectivement invoqué car ce droit est soumis à un risque; ce n’est pas un droit d’ordre public et il peut avoir été écarté par la volonté contraire du défunt.

Par conséquent, il résulte clairement de ce texte que le défunt peut avoir expressément prévu de priver le conjoint survivant de ce droit viager.

Cette faculté qui est reconnue d’exclure le droit viager au profit du conjoint survivant est encadrée de façon stricte par le législateur car conformément au texte la privation du droit viager ne pourra résulter que d’un testament public, authentique. C’est une décision qui doit être mûrement réfléchie, éclairée, c’est ce qui explique ce formalisme.

Cette hypothèse qui consiste à priver le conjoint de son droit viager d’habitation ne sera envisageable qu’à la condition que le défunt soit titulaire de droits exclusifs sur le logement c’est-à-dire qu’il s’agisse d’un bien personnel ou d’un bien propre. On ne voit pas comment juridiquement le défunt pourrait priver le conjoint de ses droits personnels sur le bien (= bien commun ou indivis).

A supposer que toutes les conditions soient réunies pour priver le conjoint de son droit d’habitation viager, le Code civil prend soin de préciser que la privation du droit par le défunt est sans incidence sur les droits d’usufruit que le conjoint survivant retire en vertu de la loi ou d’une libéralité et qui continuent à obéir à leurs règles propres.

2. L’exercice du droit viager

C’est un droit facultatif pour le conjoint survivant qui, s’il veut en profiter, doit en faire la demande. Il dispose au terme de l’article 765-1 du Code civil d’un délai d’un an pour manifester sa volonté de bénéficier de ces droits d’habitation et d’usage. Ce délai d’un an correspond en faite à la période d’un an pendant laquelle le conjoint bénéficie d’un droit de jouissance gratuite sur le logement, droit qui sera précisé dans le développement relatif au droit du conjoint contre la succession.

Si le conjoint demande le bénéfice de ce droit, cela n’a rien à voir avec l’usufruit. Ce droit sera régi par les règles particulières qui régissent les droits d’habitation et d’usage qui figurent aux articles 627, 631, 634 et 635 du Code civil.

Le bénéficiaire de ce droit devra en jouir en bon père de famille, c’est lui qui devra effectuer les opérations d’entretien et régler les attributions à ce bien mais en revanche il ne pourra ni céder son droit ni louer le bien. Cette dernière règle qui interdit au conjoint de louer le bien objet du droit d’habitation viager comporte un tempérament dans la mesure où le législateur a pris en compte l’hypothèse où le logement ne serait plus adapté aux besoins du conjoint. Dans ce cas, il est prévu de pouvoir déroger à l’interdiction de louer le bien et effectivement le bien pourra être loué mais uniquement à un usage autre que commercial ou agricole afin de dégager les ressources nécessaires aux nouvelles conditions d’hébergement.

Cette dérogation est soumise à 2 conditions strictes :

le logement ne doit plus être adapté aux besoins du conjoint

les loyers doivent obligatoirement être affectés au financement de son relogement

Conclusion :

Ce droit n’est pas gratuit, la valeur de ce droit va s’imputer sur le montant de ses droits successoraux et posera donc le problème de la liquidation et de l’imputation de ce droit viager d’habitation.