Le fonds de commerce

LE FONDS DE COMMERCE : définition, composition, nature juridique

Il peut être défini comme un ensemble de biens mobiliers affectés à l’exploitation d’une entreprise commerciale. Cette notion ne réunit pas la totalité des biens de l’entreprise.

Les immeubles n’en font pas partie, certains meubles au sens juridiques du terme : créances de sommes d’argent. Le fond de commerce ne constitue donc qu’un sous-ensemble à l’intérieur d’une enveloppe plus vaste, plus globale qui contient l’ensemble des biens affectés à l’entreprise.

Les biens compris dans le fond de commerce sont donc d’une très grande diversité. C’este sont des biens corporels comme les marchandises composant le stock mais aussi des biens incorporels comme un brevet, une marque de fabrique. Ce fond de commerce présente une réelle unité car l’ensemble des biens qui le composent est affecté à l’exploitation de l’entreprise commerciale. On dit qu’ils sont tenus à capter et retenir la clientèle.

Le Cours complet de droit des affaires est divisé en plusieurs fiches :

  • 1 – L’intérêt de la notion même de fond de commerce :

Le Code de commerce de 1807 a ignoré le fond de commerce, il n’y a jamais fait allusion, c’est seulement au cours du 19e s que les commerçants ont commencé à prendre conscience de l’existence d’éléments incorporels et de l’importance que revêtait la clientèle. Cette notion est aujourd’hui fondamentale pour l’économie française, c’est le principal moyen utilisé par le commerçant en vue de l’acquisition et de la conservation de la clientèle. C’est une notion fondamentale en Droit commercial et surtout dans le domaine des PME, il affirme toute sa réalité économique : actuellement 1 million de fonds de commerce en France. Un projet de loi vise actuellement à créer un fond agricole. Le fond de commerce n’est pas défini par le législateur.

  • 2 – Le fond de commerce et notions voisines :

La définition du fond de commerce telle qu’elle a été envisagée par la doctrine essentiellement incite immanquablement à évoquer la notion d’entreprise laquelle apparaît manifestement voisine, mais également l’entreprise personnelle.

Le terme « entreprise » n’est pas un terme juridique. La notion d’entreprise est emprunte d’incertitude et généralement reconnue comme une organisation autonome qui coordonne un ensemble de facteurs de production de biens ou de services devant être écoulés sur un marché. Cette approche est essentiellement économique. Au delà de cette définition, traditionnellement deux thèses de l’entreprise s’affrontent. Certains insistent sur l’aspect purement patrimonial de l’entreprise et n’y voient qu’un ensemble de biens affectés à une production : partisans de la thèse matérialiste. D’autres insistent sur le rassemblement de moyens humains qui sont indispensables à l’exploitation et qui donnent naissance à la création de deux groupes lesquels sont d’une part les apporteurs de capital et d’autre part les apporteurs de travail. Ces personnes s’unissent autour de la thèse personnaliste. Ce courant est doté d’intérêts qui lui sont propres et ces intérêts vont conférer à l’entité qui est l’entreprise la qualité de sujet de Droit. L’entreprise doit être considérée comme une institution à elle seule. Le régime juridique va évoluer en fonction des alternances politiques entre ces deux pôles selon que l’on se place du coté du Droit social ou du Droit commercial. Union Européenne l’on prenne partie pour l’une ou l’autre n’est pas important. On peut considérer que l’entreprise va se particulariser par la qualité de sujet de Droit or le fond de commerce n’est pas un sujet de Droit mais un objet, c’est un bien, la propriété d’un commerçant. Dans les deux cas, il y a un ensemble d’éléments qui vont être rassemblés mais l’entreprise va rassembler l’ensemble des éléments alors que le fond de commerce ne parvient à ressembler que quelques éléments précis car il exclue les immeubles, les créances.

On peut des lors d’interroge pour savoir si le fond de commerce ne pourrait pas se rapprocher de la notion d’entreprise personnelle. Par ce terme on entend celle qui appartient par une seule personne physique. Il s’agit souvent d’entreprise ou la considération de la personne physique du propriétaire est importante. Cette personnification de l’entreprise l’oppose à l’entreprise capitaliste. La personne de l’apporteur ne compte nullement dans l’hypothèse envisager au dessus. Le lien entre fond de commerce et entreprise personnelle apparaît comme un moyen d’organiser juridiquement le fond de commerce. Tout dépend de la taille de l’entreprise. Au delà d’une certaine taille d’exploitation, sans l’intervention d’aucune règle juridique, la notion de fonde de commerce va disparaître au profit de celle de l’entreprise.

  • 3 : La composition du fond de commerce

En droit, il faut toujours mettre au clair les faits pertinents pour les qualifier afin de leur donner un régime juridique. On va commencer par les éléments du fond de commerce dont la liste est donnée par la loi.

Sont obligatoirement compris dans le fond de commerce, l’enseigne commerciale, le nom commercial, le droit au bail, la clientèle, l’achalandage, ainsi que les droits de propriété intellectuelle. A titre facultatif, on y joint des éléments corporels comme l’outillage, le matériel d’équipement mais aussi les contrats de travail, d’assurance, les licences de débit de boisson.

Une observation doit être faite : la composition du fond de commerce n’est pas uniforme, elle varie selon le secteur d’activité considéré et en fonction des besoins et conjoncture de l’activité commerciale. Ainsi, pour une agence de voyage, la clientèle n’a pas la même densité selon que les pays destinataire de séjour se trouvent dans une situation de guerre.

  • a) Les éléments incorporels

Ce sont les plus importants du fond de commerce notamment en raison de leur permanence. On distinguera ici, la clientèle (1), l’enseigne et le nom commercial (2), le droit au bail (3), la propriété industrielle (4), les autres éléments incorporels (5)

  • La clientèle

Le législateur utilise simultanément les termes clientèle et achalandage. L’achalandage qualifie les personnes attirées par le fond de commerce en raison de sa situation géographique du fond de commerce.

Une question a suscité autrefois, la controverse au sein de la doctrine : la clientèle est elle un élément du fond de commerce ou une conséquence du fond de commerce ? La loi estime que la clientèle est un élément du fond de commerce, la jurisprudence estime que la clientèle est l’élément le plus important du fond de commerce (sans lequel le fond de commerce ne pourrait exister, cour de cassation 15 janvier 1937)

De ce principe selon lequel, elle est l’élément le plus important du fond de commerce, il découle trois conséquences pratiques :

  • 1e conséquence : Un fond de commerce n’existe véritablement qu’après création d’une clientèle qui suppose un commencement d’exploitation. Dès lors, il n’y a de clientèle que s’il y a exploitation du fond de commerce.
  • 2e conséquence : La cessation du fond de commerce, disparition de la clientèle, extinction du fond de commerce.
  • 3e conséquence : Vente de la clientèle entraîne vente du fond de commerce.

Néanmoins, la clientèle s’appuie généralement sur un ou plusieurs autres éléments du fond de commerce, exemple : droit au bail du commerçant ou son enseigne dont la disparition provoquera celle de la clientèle.

Les éléments du fond de commerce autres que la clientèle peuvent être vendus séparément car ils ne présentent pas un caractère essentiel pour le fond de commerce comme la clientèle. En principe, une succursale n’a pas de clientèle indépendante de celle de l’établissement principal.

La clientèle commerciale doit revêtir trois caractères :

  • 1e caractère : La clientèle doit être réelle et certaine et non pas seulement potentielle ou virtuelle. Exemple : un pompiste gérant une station service sous la marque TOTAL, la clientèle appartient elle ici au pompiste ou a la compagnie pétrolière ? La jurisprudence estime que la clientèle est la priorité de la compagnie pétrolière car bien avant l’ouverture de la station, la compagnie dispose d’une clientèle certaine

Cependant, si le pompiste exerce en vertu d’un contrat de franchise, la jurisprudence lui reconnaîtra une clientèle propre.

  • 2e caractère : La clientèle doit être personnelle. Celle du propriétaire du fond de commerce. On appelle clientèle dérivée, celle qui prospère sur la clientèle d’autrui. Par exemple, le cordonnier installé dans un stand de supermarché, la jurisprudence pose en la matière, une présomption simple : la clientèle appartient au supermarché qui est considéré comme le fond de commerce principal. Il incombe donc au cordonnier titulaire d’un fond de commerce dit dérivé le cas échéant de prouver que sa compétence propre, sa notoriété, son implantation, lui confèrent une clientèle propre. A cet égard, lire : Cour de cassation 24 avril 1970.

Il existe une clientèle personnelle pour chacun des membres d’un groupe de commerçant. Par exemple : les membres d’une galerie marchande, ou bien chaque commerçant inséré dans un réseau de distribution en franchise ou bien en concession commerciale. La jurisprudence semble estimer que chaque commerçant membre d’un ensemble commercial ou d’un réseau de distribution dispose d’une clientèle propre. Cette solution est critiquée, notamment par le professeur M. Pédamon qui juge cette conception de la clientèle vieillotte au regard du commerce moderne.

  • 3e caractère : La clientèle doit être licite. Une clientèle illicite n’a aucune valeur juridique. Ainsi, la clientèle d’une maison close n’est pas valide en droit, tout comme celle d’une salle de jeux clandestine.

  • L’enseigne et le nom commercial

Le nom commercial : c’est l’appellation sous laquelle le commerçant exerce son activité : nom patronymique, ou pseudonyme. Ce nom a une valeur commerciale, il peut donc être vendu. Le nom doit être protégé et toute usurpation de ce nom peut être sanctionnée, notamment par le régime de la concurrence déloyale.

L’enseigne commerciale : c’est un signe extérieur permettant d’identifier l’établissement commercial. Ce peut être la reprise d’un nom commercial. Il peut également s’agir d’un signe de fantaisie, d’un animal, d’un logo etc.

  • Le droit au bail

C’est le droit, pour le commerçant locataire d’un local commercial, de disposer des lieux loués pour l’exercice de l’activité commerciale, mais encore et surtout, le droit pour le locataire commerçant, de voir ce bail renouvelé de neuf ans en neuf ans par le bailleur. Ce droit au bail est lui aussi une valeur patrimoniale.

Il peut y avoir fond de commerce sans bail commercial, notamment quand le commerçant est propriétaire du local dans lequel il exerce son commerce. Dans ce dernier cas, le local commercial ne fait pas partie du fond de commerce.

  • La propriété industrielle

Elle se compose :

  • De brevet d’invention
  • De marque de service et de commerce
  • De dessins et modèles

Ces créations confèrent à leur propriétaire, un monopole d’exploitation pour les brevet et un monopole d’utilisation pour les marques. Ce sont des éléments habituels pour certains fonds de commerce.

  • Les autres éléments incorporels

Ils sont pour la plupart de création récente et figurent à titre facultatif dans la composition du code de commerce. Les clauses de non compétence, les contrats d’assurance, les contrats de travail, le contrat d’édition mais sans préjudice du droit de résiliation des auteurs, à condition que tous ces contrats soient conclu dans le cadre du fond de commerce. Les autres contrats (créances et dettes du fond de commerce) ne sont pas transmissibles avec le fond de commerce sauf stipulation contraire insérée dans les contrats en cause.

  • b) Les éléments corporels

Ce ne sont pas les plus importants si on considère leur valeur comparée aux éléments incorporels. On en distingue deux sortes :

  • -Le matériel et l’outillage (1)
  • -Les marchandises (2)

  • Matériel et outillage

Ce sont les équipements mobiliers servant à l’exploitation du fond de commerce. Les étagères, des machines, des appareils de toute nature affectés à l’activité industrielle ou commerciale de l’entreprise. En compta, on les appelles des immobilisations, ils figurent dans l’actif stable de l’entreprise par opposition aux stocks qui circulent.

  • Les marchandises

Matières premières, produits transformés ou produits finis. Ce sont des stocks qui par définition sont destinés à tourner la rotation des stocks. Cette rotation est l’essence même du commerce car elle se traduit par un gain qui est la différence entre le prix d’entrée et le prix de sortie. Le coût d’achat et le prix de la revente.

  • 4 : La nature juridique du fond de commerce

En raison de sa nature composite, le fond de commerce n’est pas facile à définir.

  • a) La controverse

Parmi les théories nombreuses proposées pour définir le fond de commerce, trois émergent principalement :

  • L’universalité de droit

Appliquée surtout au commerce individuel, la qualification universalité de droit consistait à dire que le fond de commerçant s’analyserait en un patrimoine d’affectation. Le fond de commerce serait un patrimoine affecté à l’exploitation commerciale.

Le commerçant aurait donc deux patrimoines :

-Sont patrimoine personnel

-Un patrimoine professionnel

Les deux étant nettement distingués. Cette proposition n’est pas convaincante. Les biens d’une entreprise exploitée par un individu sans le concours d’une personne morale comporte un certain particularisme. Toutefois, le droit positif retient encore et toujours la théorie de l’unité du patrimoine et exclue la possibilité de patrimoine d’affectation.

  • Théorie de l’universalité de fait

Pédamon définit cette universalité de fait comme une collection de biens homogène ou hétérogène qui par la volonté du propriétaire est traité comme un bien unique.

  • Le bien incorporel

Le fond de commerce serait une structure immatérielle, nettement identifiée, susceptible d’une appropriation juridique, au même titre que les droits d’auteurs, les brevets d’invention et les marques. La théorie semble convaincante car la clientèle, par définition immatérielle est l’élément essentiel du fond de commerce. Cependant, la définition n’est pas pleinement satisfaisante car le fond de commerce n’es pas réductible à la notion de clientèle.

  • b) Le droit positif

Aujourd’hui, la discussion autour de la définition du fond de commerce semble apaisée. La jurisprudence estime que le fond de commerce est un bien meuble unitaire et incorporel (Chambre commerciale 16 février 1993) Le fond de commerce revêt une unité propre malgré le caractère composite de ses éléments, ce qui la rend transmissible. On peut donc définir le fond de commerce ainsi : c’est un ensemble de biens meubles incorporels et corporels que le commerçant assemble en une structure cohérente pour l’exercice de l’activité commerciale. La notion recouvre le commerce et l’industrie.

Ces principes de base s’applique également au fond artisanal.