Le formalisme et la preuve du contrat

La forme du contrat. 

 La règle est qu’il n’y a pas de condition de forme, c’est le principe du consensualisme juridique, le consentement peut s’extérioriser d’une manière quelconque. Le principe supporte des exceptions et des atténuations avec des manifestations de formalisme de deux ordres : la forme imposée intéressera parfois l’existence ou la validité du contrat (formalisme direct), c’est une exception au consensualisme ; mais la forme imposée du contrat, si elle n’est pas respectée, pourra permettre au contrat d’être valable mais il ne pourra pas être prouvé, publié : il ne sera valable qu’entre les parties, ce qui réduira considérablement son efficacité (formalisme indirect), cela correspond à des atténuations du principe. 

Section 1 : Le formalisme direct. 

Le formalisme constitue bien une condition de formation du contrat nécessaire à sa validité (contrats solennels), voire à son existence même (contrats réels). En son absence, l’accord de volontés est parfaitement impuissant à faire naître des obligations, l’opération sera atteinte d’une nullité absolue, voire d’une inexistence. 

La forme exigée peut être un acte authentique (notarié) ou un simple écrit (acte sous seing privé). La solennité présente des avantages : elle incite à la réflexion ; elle évite que le contrat soit conclu sous une pression, une manœuvre frauduleuse ; elle force à préciser la déclaration de volonté des parties ; elle assure la preuve du contrat. Mais elle présente aussi des inconvénients : elle ralentit la conclusion des affaires ; il y a une absurdité dans l’annulation de pure forme alors que les parties étaient d’accord. 

  

A) L’exigence d’un acte authentique.

C’est la rédaction par un officier public, notamment pour les contrats par un notaire. En premier lieu, l’exigence d’un tel acte authentique concerne la quasi totalité des actes qui relèvent du droit des personnes et de la famille, l’authenticité peut être conférée par un acte d’état civil, par un acte notarié, par un jugement ou une déclaration reçue par le juge. 

En second lieu, l’exigence d’un acte authentique ne concerne qu’un petit nombre de contrats patrimoniaux, auxquels le législateur impose la forme notariée, il n’y en avait que quatre à l’origine. 

  

Pour la donation (tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires, dans la forme ordinaire des contrats… : article 931 du Code civil), le contrat de mariage (toutes les conventions matrimoniales seront rédigées par acte devant notaire… : article 1394 du Code civil), la forme imposée a pour objet de protéger une ou les deux parties. 

Pour la constitution d’hypothèque (l’hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par acte passé en forme authentique devant 2 notaires, ou devant 1 notaire et 2 témoins : article 2127 du Code civil), la subrogation conventionnelle par volonté du débiteur (cette subrogation est conventionnelle 2° lorsque le débiteur emprunte une somme à l’effet de payer sa dette et de subroger le prêteur dans les droits du créancier. Il faut pour que cette subrogation soit valable qu’acte d’emprunt et quittance soient passés devant notaire : article 1250 2° cc), la forme imposée a pour objet de protéger les tiers contre les fraudes dont ils pourraient être victimes, par la constatation officielle de l’acte et de sa date. 

Quelques lois sont venues ajouter à cette liste : le contrat de vente d’immeuble à construire doit être conclu par acte authentique lorsque c’est pour un usage d’habitation (L 3 janvier 1967 : art. L 261-11 C. Construction et Habitation) ; le contrat de location – accession à la propriété immobilière (L..12 juillet 1984). 

La sanction de l’inobservation de la solennité est la nullité du contrat. Toutefois, il arrive que la sanction soit écartée par la jurisprudence : les donations faites sans acte notarié sont valables dans deux cas : le don manuel (donation faite par tradition) est valable dès lors qu’il y a remise effective de la chose au donataire et dessaisissement du donateur ; les donations déguisées (dissimulées sous la forme de contrats à titre onéreux) sont valables même si la simulation est établie. 

B) L’exigence d’un écrit.

La solennité est parfois réduite à un écrit, un acte sous seing privé, qui ne reçoit cette qualification d’acte solennel que si sa validité même dépend de l’observation des prescriptions édictées quant à sa rédaction (règle ad validitem ou ad solennitatem). Toute règle qui impose la rédaction d’un écrit n’est pas nécessairement une règle requise pour la validité du contrat, ce peut être une règle de preuve (règle ad probationem). 

L’intérêt de la distinction tient à ce que le défaut d’écriture-solennité est irrémédiable, le contrat est nul, cependant que le défaut d’écriture-preuve peut parfois fort bien être suppléé par d’autres moyens de preuve. Le législateur n’a pas forcément édicté une prescription en indiquant la sanction : la transaction (la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit : article 2044 du Code civil), le compromis d’arbitrage, le bail d’habitation (article 3 L juil. 1989), le contrat d’assurance (article L. 112-3 du Code des Assurances) 

  

L’écrit exigé pour la validité du contrat entraîne-t-il sa nullité en cas de défaut ou est-il seulement exigé pour en faire la preuve ? La jurisprudence décide le plus souvent dans le silence de la loi que l’écrit n’est exigé qu’ad probationem pour faire la preuve du contrat : contrat d’assurance valable même s’il n’est pas signé par les parties (Civ. 1, 4 juillet 1978, B. n°251). 

La jurisprudence décide parfois que la règle est exigée ad solennitatem, le contrat est nul à défaut : en matière de prêt d’argent, l’écrit est exigé (le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit : article 1907, al. 2 du Code civil), le taux d’intérêt est exigé (article 4, L. 28 décembre 1966 : indication du TEG) : c’est la condition de validité de la stipulation d’intérêt, faute de quoi le prêt court toujours mais au taux légal (Civ. 1, 24 juin 1981, B. 233). 

C) Le cas des contrats réels. 

Selon une théorie classique, certains contrats (de restitution : prêt, gage, dépôt) sont unilatéraux et se forment par la remise effective de la chose. En l’absence de cette remise effective, le seul accord de volontés est inefficace pour former le contrat. Aujourd’hui, la majorité de la doctrine conteste cette analyse et considère que ces contrats devraient être regardés comme des contrats consensuels. 

Pour les contrats de prêt, on ne peut que constater dans la pratique des affaires qu’un accord est d’abord passé solo consensu, ensuite la chose et remise : la remise de la chose n’est pas une condition de formation du contrat mais plutôt sa réalisation, c’est le premier acte d’exécution. 

Le droit positif correspond toujours à l’analyse classique ; les contrats réels sont définis dans le code civil comme des contrats dans lesquels on livre (le prêt à usage ou commodat est un contrat par lequel une partie livre une chose à l’autre pour s’en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s’en être servi : article 1875 du Code civil ; le prêt de consommation est un contrat par lequel une partie livre à l’autre une certaine quantité de choses se consommant par l’usage, à la charge par cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité : article 1892 du Code civil), on reçoit (le dépôt est un acte par lequel on reçoit la chose d’autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature : article 1915 du Code civil) ou on remet une chose (le nantissement est un contrat par lequel un débiteur remet une chose à son créancier pour sûreté de la dette : article 2071 du Code civil : gage). 

La promesse de prêt, de dépôt est tout à fait valable, son inexécution fautive ne peut donner lieu qu’à l’attribution de dommages et intérêts, pas à la remise forcée de la chose : « un prêt de consommation, contrat réel, ne se réalise que par remise de la chose prêtée » (Civ. 1, 20 juillet 1981, B. n°267). 

Mais on a peut-être l’amorce d’une évolution : « le prêt consenti par un professionnel du crédit n’est pas un contrat réel » (Civ. 1, 28 mars 2000 ; D..2000 p482 note Piedelièvre ; Contrat Concurrence Consommation juillet 2000 n°106 note Leveneur). 

Section 2 : Le formalisme indirect. 

Sans que la forme ne soit exigée pour la validité du contrat, la loi exige un certain formalisme : il s’agit plutôt d’atténuations au principe du consensualisme, le contrat n’est pas nul en cas de défaut. 

1. Les règles de preuve.

C’est le principe de la preuve pré-constituée (la preuve littérale, ou preuve par écrit, résulte d’une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission : article 1316 du Code civil). 

2. Les exigences administratives.

Ce sont les formalités fiscales (enregistrement), administratives (Droit de l’urbanisme), mais surtout les exigences concernant la publicité foncière pour tous les contrats translatifs ou constitutifs de droits réels sur un bien immeuble.

 

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