Le gage sur meuble incorporel (créance, nantissement de parts sociales…)

LES GAGES SUR MEUBLES INCORPORELS

L’originalité de ces gages tient au fait qu’ils portent sur des biens qui, par définition, sont immatériels d’où la question de la mise en possession du créancier. Pendant longtemps cette question n’a pas vraiment posé problème car la plupart des biens incorporels étaient matérialisés par un titre et donc on considérait que le droit était incorporé dans le titre dont la remise valait remise de ce droit.

Mais actuellement se développe un phénomène de dématérialisation particulièrement visible pour les valeurs mobilières ce qui amène des complications.
Cette catégorie de gage est plus disparate car les bien pouvant être objet de cette sûreté sont très différents et schématiquement il y a trois catégories de meubles incorporels pouvant faire l’objet d’un gage : les polices d’assurance, les créances et les valeurs mobilières et parts sociales.


  1. Le gage portant sur créances

Il ne présente plus d’homogénéité car à côté du droit commun il existe un nantissement des créances professionnelles. Le particularisme du gage de droit commun des créances se retrouve tant pour les conditions de constitution de la sûreté que pour ses effets

a. Constitution de la sûreté

Le système actuel du Code civil est inadapté car trop lourd à mettre en œuvre. Selon l’article 2075 du Code civil « lorsque le gage s’établit sur un meuble incorporel comme les créances mobilières, l’acte sous seing privé dûment enregistré est signifié au débiteur de la créance donnée en gage ou acceptée par lui dans un acte authentique » et cette disposition s’applique aussi aux gages commerciaux. Ici on retrouve le même formalisme que celui de l’article 1690 du Code civil pour la cession de créance
Le but de cette signification est d’abord d’avertir le débiteur qu’il ne peut plus se libérer entre les mains du créancier originaire et elle a aussi pour but d’informer les tiers de l’existence de cette garantie.
Pendant longtemps ces simples formalités étaient insuffisantes et on exigeait la remise du titre de la créance ; si la créance n’avait pas de titre la mise en gage devenait impossible. La Cour de cassation a donc assouplit la formalité. Par un arrêt du 10 mai 1983 elle a indiqué que la mise en possession étaient suffisamment réalisée au cas où le gage porte sur une créance et où la tradition est matériellement impossible par la signification au débiteur de la créance donnée en gage



  1. Effets de la sûreté

Le particularisme se retrouve aussi à ce niveau et l’article 2081 du Code civil permet au créancier gagiste de recevoir les intérêts produits par la créance pour les imputer sur les intérêts de sa propre créance et si cette dernière n’est pas productive intérêts sur le capital. Toutefois cette règle n’est pas d’ordre public
Enfin la plus grande difficulté se retrouve dans le cas où l’échéance de la dette garantie et celle de la créance donnée en garantie ne coïncident pas.
Si cette dernière vient à échéance avant, en application de l’article 2078 alinéa 2 du Code civil le créancier gagiste ne peut s’approprier la chose car on ne peut savoir si le débiteur paiera la dette garantie aussi la somme provenant de la créance donnée en garantie devrai être restituée au débiteur et le créancier n’aura plus de garantie.
Pour contourner cet inconvénient il y a plusieurs possibilités : donner mandat au gagiste de recouvrer la créance et il pourra alors exercer sur ces sommes un droit de rétention, instituer le créancier gagiste délégataire
Le gage sur créance présente aussi une nette infériorité sur le droit commun du gage qui tient au fait qu’il n’y a pas de droit de rétention car on est en matière incorporelle et donc toutes les prérogatives résultant du droit de rétention sont exclues pour le gage sur créance
Normalement les modes de réalisation classiques du gage doivent être respectés mais certains sont désormais totalement inadaptés ex : vente aux enchères publiques
Si on se place sur le terrain de l’attribution judiciaire on arrive à une situation difficile pour expertiser la valeur de la créance qui dépend de la solvabilité du débiteur


  1. Le nantissement des parts sociales et valeurs mobilières

Ce nantissement s’analyse en quelque sorte comme une variété particulière de nantissement sur créance mais ici ces parts sociales et valeurs mobilières ont un particularisme important à deux point de vue :
– du fait de la transformation de la fortune moyenne des français ces biens ont pris une importance patrimoniale considérable et par conséquent il était nécessaire pour le droit du crédit de pouvoir mobiliser ces valeurs aisément
– ces parts sociales et valeur mobilières sont des biens destinés à circuler et sur ce plan c’est un domaine où le droit des sûretés réelles a le plus évolué car auparavant on ne pouvait nantir certains titres par des règles spécifiques
Désormais, suite à des interventions législatives on a facilité ce type de garanties et il faut faire une dissociation

a. Le nantissement des parts sociales


Il a été réglementé par les articles 1866, 1867 et 1868 du Code Civil.
En vertu de l’article 1866 du Code civil « les parts sociales peuvent faire l’objet d’un nantissement constaté soit pas acte authentique, soit par acte sous seing privé signifié à la société ou accepté par elle dans un acte authentique donnant lieu à une publicité dont la date détermine le rang des créanciers nantis. En cas de publication le même jour les créanciers viennent en concurrence »
Ces règles concernent le nantissement des sociétés civiles. Pour les sociétés commerciales on recourt au droit commun du gage sur créance.
Le particularisme tient à la nécessité de prendre une inscription sur un registre tenu au RCS. Cette publicité est nécessaire pour la validité du nantissement car elle joue le rôle de la dépossession et est attributive de rang
Le problème de ce nantissement de parts sociales est une les sociétés qui émettent les parts sont souvent des sociétés avec un important intuitu personae or le nantissement peut déboucher sur la vente forcée de ces parts et donc sur l’intrusion d’un tiers
Sauf s’il existe des règles spécifiques, le créancier gagiste qui demande l’attribution ou l’adjudicataire ne pourra rentre dans la société qu’avec le consentement de tous les associés
Pour éviter cette situation de blocage l’article 1867 alinéa 1 du Code civil prévoit que l’associé qui désire nantir ses parts peut demander aux associés qu’ils consentent à cette opération ce qui vaut agrément du cessionnaire en cas de réalisation forcée des parts si elle est notifiée dans le délai d’un mois à la société et aux associés ( dans ce cas ils pourront se substituer au cessionnaire).
Un système voisin est prévu pour les sociétés à responsabilité limitée

La loi du 9 juillet 1991 a prévu un nantissement judiciaire des parts sociales Les sûretés judiciaires sont destinées à protéger le droits des créanciers qui le plus souvent n’ont pas de titre exécutoire et désirent se préserver de l’insolvabilité du débiteur. Ils pourront effectuer une mesure de publicité provisoire puis introduire l’action en justice leur permettant d’obtenir un titre exécutoire. S’ils l’obtiennent ils pourront prendre une inscription définitive qui rétroagit à la date de l’inscription provisoire
Si ce nantissement porte sur une part de société civile il sera en principe global et grèvera toutes les parts sociales du débiteur. Il se fera par signification par l’huissier auprès de la société qui permet d’informer les tiers et donc quand le tiers aura le titre exécutoire il fera une mesure de publicité définitive dans les 2 mois et ses droits seront rétroactivement consolidés : le créancier sera titulaire d’un véritable nantissement sur parts sociales

b. Le nantissement des valeurs mobilières


Depuis la loi de finance du 30 décembre. 1981 les valeurs mobilières sont dématérialisées. Désormais elles sont représentées par une inscription sur un compte et leur transfert se fait de compte à compte par instruction de leur titulaire
Le nantissement de ces valeurs a dû tenir compte de cette évolution ce qui explique que celle ci ait été réglementée par la loi de 1983 modifiée par la loi du 2 juillet 1996 ( art L.431-4 du Code monétaire et financier)
Désormais peuvent être données ne nantissement les action et autres titres pouvant donner directement ou indirectement accès u capital ou au droit de vote et transmissibles par inscription ou tradition
Il en va de même pour les titres de créances sur une personne morale émettrice transmissible par la voie de l’inscription en compte de la tradition
Il en va encore de même pour les parts d’organisation de placement collective et des instruments financiers à terme.
Le compte gagé est un compte spécial ouvert au nom du titulaire et tenu par un intermédiaire habilité, un dépositaire central ou la personne morale émettrice. A défaut de compte spécial les sommes ayant été identifiées à cet effet par un procédé informatique seront réputés constituer le gage
La constitution de ce gage se réalisera tant à l’égard de la personne morale émettrice qu’à l’égard des tiers par une déclaration signée du titulaire du compte
Elle est formaliste et l’article 1er du décret du 21 mai 1997 en énonce les mentions
L’assiette du gage peut varier pendant la vie de la garantie. l’article L.431-4 alinéa 1 du Code monétaire et financier le surfaits et produits sont compris dans l’assiette du gage, du même cette disposition prévoit le report du gage sur les titres venant en subrogation ou en complément de titres nantis c’est à dire qu’en cas de distribution d’action elle sera gagée
Le particularisme de ce nantissement tient à ce que le législateur a conféré un droit de rétention au créancier nanti qui est nécessairement un droit de rétention fictif car ces< valeurs n’ont pas d matérialité.
Cette sûreté devient très attrayante pour les créanciers du fait de la force du droit de rétention dans les Procédures Collectives.
Ce nantissement va porter sur un portefeuille de valeurs mobilières. Pendant la durée de la garantie c’est la convention des parties qui va préciser le fonctionnement de ce compte. Au jour de l’échéance s’il fait mettre en jeu la garantie le créancier pourra se faire attribuer le gage en pleine propriété ou le faire réalisé. La réalisation et l’évaluation ne posent aucun problèmes quand les titres sont côtés sinon il y aura expertise et vente aux enchères

La loi du 9 juillet 1991 portant réforme des voies d’exécution a instauré un nantissement juridique des valeurs mobilières. il s’agit demeures conservatoires et comme pour les parts sociales il faut prendre une mesure d publicité provisoire puis définitive
Concernant la mesure de publicité provisoire il s(agit d’une signification par voie d’huissier effectuée auprès de la société émettrice ou de l’organisme tenant le compte. il y a un certain nombre< de mentions obligatoires : créancier, montant de la créance, du titre ou de l’autorisation vertu de laquelle cette mesure est prise; et la mesure de publicité sera effectuée au jour où la signification aura été reçue
Le créancier doit alors obtenir un titre exécutoire puis il prendra une mesure de publicité définitive qui sera effectué par signification à la personne titulaire du compte où à la personne morale émettrice. On retrouve l’idée qu’il va y avoir rétroactivité c’est à dire que la mesure de publicité définitive prendra effet au jour de l’inscription provisoire.