Les conditions psychologiques pour le mariage : la volonté de se marier)
Le mariage est un acte juridique et la volonté exprimée par le consentement des époux en constitue l’une des conditions essentielles. Le consentement au mariage, selon l’article 146 du Code civil, doit être libre, éclairé et sérieux. La loi encadre strictement les mariages de personnes vulnérables, les unions simulées ou frauduleuses, et tolère certains effets limités compatibles avec les finalités matrimoniales. Le consentement des tiers, comme les parents pour les mineurs ou les juges pour les majeurs protégés, garantit une protection adaptée tout en respectant la liberté de se marier.
Tableau sur les règles consentement matrimonial en France
Aspect | Description | Exemples ou Règles Associées |
---|---|---|
Consentement libre | Le consentement doit être volontaire, lucide et exempt de contraintes. | Nullité pour erreur ou violence (art. 180 CC). |
Mariages simulés | Sanction des unions pour objectifs frauduleux, sauf respect des finalités légales. | Mariages pour titre de séjour, mais tolérance pour légitimation d’enfants. |
Mariages posthumes | Possible si le consentement du défunt est établi et autorisé par décret présidentiel. | Introduit en 1959 après la tragédie de Malpasset. |
Consentement des mineurs | Nécessite l’accord des parents ou des ascendants en cas d’absence parentale. | Art. 148-149 CC, autorisation formalisée par acte authentique si absence physique des parents. |
Protection des majeurs | Les majeurs sous tutelle ou curatelle doivent obtenir des autorisations spécifiques. | Tutelle : autorisation du juge ou conseil familial ; curatelle : accord du curateur. |
Pressions indirectes | Réglementation stricte des pratiques influençant le consentement, comme le courtage matrimonial. | Loi du 23 juin 1989, clauses nulles pour restriction injustifiée à la liberté matrimoniale. |
Sanction des fraudes | Mariages frauduleux annulés ou dépourvus d’effets juridiques spécifiques. | Ex. : Arrêt du 17 novembre 1981 (fraude pour nationalité sans droit d’option). |
I) Le consentement des époux
A) La réalité du consentement
L’article 146 du Code civil affirme que « il n’y a pas de mariage sans consentement », plaçant ainsi ce principe au cœur de l’institution matrimoniale. Ce consentement se matérialise par le célèbre « oui » prononcé lors de la cérémonie. Toutefois, la loi exige que ce consentement soit réel, conscient et sérieux.
1) La volonté consciente
Le consentement doit être éclairé, c’est-à-dire donné par une personne en pleine possession de ses capacités mentales, comprenant pleinement la portée et les implications de l’union matrimoniale.
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a) Le mariage des malades mentaux
Les personnes atteintes de déficiences mentales, mais ne faisant pas l’objet d’une mesure de protection légale (comme une tutelle ou une curatelle), peuvent se marier.
- Cependant, si un trouble mental empêche un des époux de comprendre la signification de l’engagement au moment de la cérémonie, le consentement est considéré comme inexistant, entraînant la nullité absolue du mariage.
- La jurisprudence reconnaît qu’un majeur souffrant d’altérations mentales peut valablement se marier si son consentement a été donné dans un moment de lucidité.
- Néanmoins, cette possibilité ne présume pas l’absence de démence au moment de la célébration, et la loi exige que certaines autorisations spécifiques soient réunies pour garantir la validité du mariage.
b) Le mariage des mourants
Le mariage « in extremis » permet à une personne en fin de vie de se marier, à condition qu’elle soit lucide au moment du consentement.
- C’est à la personne contestant la validité du mariage de prouver que le mourant n’était pas lucide.
- Exemple jurisprudentiel : Arrêt du 9 novembre 1887 (Cour de cassation civile)
- Un homme atteint d’hémiplégie, ayant toujours refusé de se marier avec sa concubine, accepte finalement sous la pression d’un prêtre. Ce mariage, contracté dans des conditions de contrainte, a été déclaré nul.
c) Le mariage posthume
Le mariage posthume, institué par la loi du 31 décembre 1959, permet de régulariser une union lorsqu’un des futurs époux est décédé avant la cérémonie, à condition que son consentement soit établi sans ambiguïté avant sa mort.
- Cette loi a été adoptée après le drame du barrage de Malpasset en 1959, où un homme décédé devait se marier deux semaines plus tard avec sa fiancée enceinte.
- Les conditions du mariage posthume :
- Seul le Président de la République peut l’autoriser, sur présentation de motifs graves.
- Le mariage produit des effets juridiques limités, prenant effet rétroactivement à la veille du décès du défunt :
- La veuve peut porter le nom du défunt.
- Aucun régime matrimonial n’est établi, et l’époux survivant n’a aucun droit sur la succession.
- La loi du 11 mai 2011 a élargi les conditions de preuve, permettant que des faits suffisants démontrent le consentement du défunt.
2) La volonté sérieuse
Le consentement au mariage doit refléter une intention véritable de contracter une union durable et effective. Le droit français sanctionne les mariages célébrés de manière fictive ou frauduleuse, où l’union est détournée de ses finalités légales.
Les mariages simulés
Les mariages fictifs, célébrés pour des intérêts étrangers à l’institution matrimoniale (comme l’obtention d’un titre de séjour, d’avantages fiscaux, ou d’une nationalité), constituent une fraude à la loi.
- Ces mariages sont annulés pour défaut de consentement, en vertu de l’article 146 du Code civil.
- Toutefois, certains mariages simulés peuvent être tolérés si les époux recherchent un effet légitime que la loi attache au mariage (comme la légitimation d’un enfant commun).
- Les juges distinguent donc entre :
- Les fraudes manifestes, qui sont sanctionnées.
- Les situations où les époux, malgré une absence d’intention de vie commune, poursuivent un objectif conforme aux finalités de l’union matrimoniale.
Résumé : La réalité du consentement repose sur une volonté libre, éclairée et sérieuse. Qu’il s’agisse du mariage de personnes en situation de vulnérabilité, de mariages in extremis ou posthumes, ou encore de mariages simulés, le droit impose des conditions strictes pour garantir la sincérité et la validité des unions matrimoniales.
B) La tolérance à l’égard de la volonté de mariage à effet limité
La jurisprudence française a introduit une distinction importante dans l’appréciation des mariages à effet limité. L’arrêt Apietto (1ère Chambre civile de la Cour de cassation, 20 novembre 1953) constitue une référence clé en la matière. Selon cet arrêt :
- Un mariage est nul lorsque les époux ne participent à la cérémonie que pour atteindre un objectif étranger à l’union matrimoniale.
- À l’inverse, un mariage reste valable si les conjoints ont simplement cherché à limiter les effets légaux de l’union tout en respectant son objectif principal.
Exemple de tolérance légale : Un mariage célébré dans le but de conférer à un enfant commun la qualité d’enfant légitime est jugé valide, même si les époux ne souhaitent pas cohabiter ou vivre en union durable. Cela démontre que, sous certaines conditions, la loi admet des unions motivées par des considérations spécifiques, dès lors qu’elles respectent certains principes fondamentaux.
C) La sanction de la volonté de fraude
Lorsqu’un mariage est contracté pour des fins frauduleuses, en détournant l’institution matrimoniale de son but traditionnel, il peut être qualifié de fictif.
Dans ces cas, le mariage peut être :
- Nul en principe pour défaut de consentement véritable ;
- Privé de certains effets juridiques, sans pour autant être annulé.
Exemple jurisprudentiel : Dans un arrêt du 17 novembre 1981, la Cour de cassation a déclaré valable un mariage célébré dans le but de permettre au conjoint étranger d’acquérir la nationalité française. Cependant, la fraude ayant été reconnue, le mariage n’a pas permis au conjoint d’exercer le droit d’option pour cette nationalité.
1) Les mesures légales pour lutter contre les mariages frauduleux
Plusieurs lois ont été adoptées pour prévenir et sanctionner les mariages frauduleux, souvent conclus pour contourner les restrictions en matière d’immigration :
- Lois du 24 août et 31 décembre 1993, 26 novembre 2003, 26 juillet 2006 et 14 novembre 2006 :
- Contrôle en trois étapes :
- Officier de l’état civil :
- S’il constate des doutes sérieux quant à la validité de l’union, il peut saisir le procureur.
- Procureur de la République :
- Il peut formuler une opposition au mariage.
- Tribunal judiciaire :
- Le président du tribunal tranche en cas de litige.
- Officier de l’état civil :
- Allongement de la durée de cohabitation requise pour la déclaration d’acquisition de la nationalité française :
- Passée de 6 mois à 2 ans, voire 4 ans dans certains cas.
- Création d’infractions spécifiques :
- Participation volontaire à un mariage de complaisance ;
- Organisation de tels mariages.
- Contrôle en trois étapes :
2) Mariages célébrés à l’étranger : contrôle accru
Les mariages contractés à l’étranger font l’objet de contrôles renforcés :
- Loi Pasqua : Le mariage d’un Français à l’étranger requiert la présence physique du conjoint français, ce qui exclut les mariages par procuration souvent admis dans certaines législations étrangères.
- Cette disposition vise également à prévenir les mariages forcés, qui peuvent découler de pratiques culturelles ou familiales.
Résumé : La loi et la jurisprudence tolèrent certains mariages à effet limité dès lors qu’ils poursuivent des objectifs compatibles avec les finalités du mariage. En revanche, les mariages frauduleux, fictifs ou forcés, font l’objet de sanctions strictes, allant de l’annulation à l’invalidation des effets recherchés. Le contrôle des unions suspectes repose sur une collaboration entre les officiers de l’état civil, le ministère public et les juridictions compétentes.
II) La liberté du consentement
La liberté de consentement est protégée par des dispositions spécifiques du Code civil, qui encadrent strictement les cas d’erreur et de violence dans le mariage. Les pressions indirectes, comme le courtage matrimonial ou les clauses restrictives, sont également régulées pour préserver ce principe fondamental.
A) Les pressions directes
Le législateur a intégré au droit matrimonial les principes généraux relatifs aux vices du consentement. L’article 180, alinéa 2 du Code civil stipule que seules l’erreur et la violence peuvent justifier la nullité d’un mariage.
- La violence consiste à contraindre physiquement ou moralement une personne à contracter un mariage.
- Le dol, ou manœuvre frauduleuse, ne peut être invoqué comme cause de nullité dans le cadre matrimonial. Selon l’adage de Loysel, « en mariage trompe qui peut », indiquant que la tromperie n’est pas juridiquement sanctionnée dans ce domaine.
1) L’erreur
L’erreur représente une fausse perception de la réalité, amenant une personne à croire vrai ce qui est faux.
Les erreurs reconnues par l’article 180, alinéa 2 du Code civil sont :
- L’erreur sur l’identité, qui peut se subdiviser en :
- Erreur sur l’identité physique, par exemple en cas de substitution (comme des jumeaux ou un aveugle trompé).
- Erreur sur l’identité civile, notamment en cas de faux documents ou d’erreur sur les informations d’état civil.
- L’erreur sur les qualités essentielles de la personne, introduite par la loi du 11 juillet 1975.
- Avant cette réforme, seules les erreurs sur l’identité physique ou civile pouvaient être retenues. Désormais, une interprétation plus large est admise par les juridictions :
- Une qualité essentielle est déterminante si, sans elle, l’époux n’aurait pas consenti au mariage.
- Parmi les qualités essentielles figurent :
- L’intégrité mentale ;
- La capacité à avoir des relations sexuelles ;
- L’honneur ou l’honorabilité, comme dans le cas où un mari découvre que son épouse était prostituée avant le mariage (TGI de Paris, 2001).
- Certaines qualités, comme l’état dépressif, ne sont pas jugées essentielles. En revanche, les cas de transsexualité ou d’infection par le VIH au moment du mariage ont donné lieu à des décisions significatives.
- Avant cette réforme, seules les erreurs sur l’identité physique ou civile pouvaient être retenues. Désormais, une interprétation plus large est admise par les juridictions :
2) La violence
Un consentement matrimonial doit être libre de toute violence, qu’elle soit physique ou morale.
- La loi du 4 avril 2006 a renforcé l’article 180-1 du Code civil, ajoutant que toute contrainte morale, même liée à une crainte révérencielle envers un ascendant, constitue une cause de nullité du mariage.
- La violence physique, bien que possible, est rare en raison des formalités entourant la célébration du mariage.
- La violence morale, plus courante, inclut les pressions psychologiques visant à forcer une personne à se marier :
- Exemples jurisprudentiels : Mariage forcé avec un cousin inconnu, célébré sous la contrainte de violences physiques et psychologiques, où la fille subit une surveillance permanente et des injures (CA Bordeaux).
B) Les pressions indirectes
1) Le courtage matrimonial
Le courtage matrimonial est une activité où un intermédiaire rémunéré met en relation des personnes en vue d’un mariage ou d’une union stable.
- Évolution jurisprudentielle :
- Dans un premier temps, les tribunaux considéraient ces contrats comme nuls pour atteinte à l’ordre public.
- Depuis 1944, la validité des contrats est reconnue, à condition qu’aucune pression ne soit exercée sur les parties.
- La loi du 23 juin 1989 encadre cette activité pour mieux protéger les clients. Les obligations incluent :
- Une identification claire de l’intermédiaire ;
- Des informations précises sur la personne recherchée (âge, sexe, statut familial, etc.) ;
- Un contrat écrit, avec :
- Un délai de réflexion de 7 jours ;
- Une durée maximale de 1 an, renouvelable tacitement ;
- La possibilité de résiliation pour motif légitime, avec un remboursement au prorata.
2) Les clauses restrictives de la liberté matrimoniale
Certaines clauses peuvent limiter la liberté matrimoniale, qu’elles soient insérées dans des libéralités ou des contrats de travail.
- Dans les libéralités :
- Une donation ou un legs peut être conditionné à l’état matrimonial du bénéficiaire (marié ou célibataire).
- Ces clauses sont généralement valables, sauf si elles sont motivées par des intentions répréhensibles.
- Dans les contrats de travail :
- Les clauses restrictives, telles que l’interdiction de mariage, sont nulles, sauf si elles sont indispensables au service.
- Jurisprudence :
- 7 février 1968 : Nullité des clauses de célibat imposées aux hôtesses de l’air (Air France).
- 19 mai 1978 : Validité d’une clause interdisant le remariage d’un enseignant dans une école catholique après un divorce (affaire Sainte Marthe).
- Jurisprudence :
- Les clauses restrictives, telles que l’interdiction de mariage, sont nulles, sauf si elles sont indispensables au service.
III) Le consentement des tiers
A) Les mineurs
1. Le cadre juridique général
L’article 148 du Code civil stipule que les mineurs ne peuvent se marier sans l’autorisation de leurs père et mère, y compris lorsqu’ils sont émancipés. Cette exigence, qui constitue une manifestation de l’autorité parentale, vise à protéger les mineurs en leur imposant un cadre juridique renforcé. Cette autorisation est également requise lorsque le mineur bénéficie d’une dispense pour contracter mariage en raison d’une situation particulière.
2. Les conditions de fond
- Deux parents en état de manifester leur volonté : Lorsque les deux parents sont présents et capables de donner leur consentement, l’accord des deux est en principe nécessaire. Si un désaccord survient, il est réglé par un partage, qui équivaut à un consentement.
- Un parent décédé ou incapable : Si l’un des parents est décédé ou dans l’incapacité d’exprimer sa volonté, le consentement de l’autre suffit.
- Absence des deux parents : Conformément à l’article 149 du Code civil, si les deux parents sont décédés ou incapables de manifester leur volonté, le consentement du plus proche ascendant dans chaque lignée devient requis. En cas de désaccord entre ces ascendants, le partage des voix emporte acceptation.
- L’enfant dont le lien de filiation est établi avec un seul parent : Dans ce cas, seul le parent concerné doit donner son autorisation.
- En cas d’adoption : L’autorisation doit être donnée par les adoptants, qui exercent alors l’autorité parentale.
La décision de consentement est discrétionnaire et peut être révoquée jusqu’à la célébration du mariage. Elle ne peut faire l’objet d’un recours, sauf si elle émane du conseil de famille, intervenant lorsque aucun ascendant n’est disponible dans les deux branches familiales.
3. Les conditions de forme
- Lors de la célébration : L’autorisation est généralement donnée oralement en réponse à l’interpellation de l’officier de l’état civil.
- En l’absence des parties concernées : Si les personnes habilitées à donner leur consentement ne peuvent être présentes, l’autorisation doit être formalisée par un acte authentique.
- En cas de refus ou de dissentiment : Le refus peut être consigné par écrit dans une lettre adressée à l’officier de l’état civil ou constaté par un acte authentique.
B) Les majeurs vulnérables
1. Les majeurs sous tutelle
La tutelle est le régime de protection juridique le plus contraignant. Depuis la réforme introduite par la loi du 5 mars 2007, le mariage d’un majeur sous tutelle nécessite :
- L’autorisation du juge des tutelles ou, à défaut, celle du conseil de famille.
- Une procédure préalable incluant l’audition des futurs époux ainsi que la consultation des parents et de l’entourage proche.
Cette disposition remplace l’exigence initiale de la loi du 3 janvier 1968, qui requérait le consentement conjoint des parents ou du conseil de famille.
2. Les majeurs sous curatelle
Dans ce régime, le majeur sous curatelle doit obtenir le consentement de son curateur ou, en cas de litige, une autorisation du juge des tutelles.
- Majeurs sous sauvegarde de justice : En revanche, pour les personnes bénéficiant de ce régime de protection allégé, aucune autorisation spécifique n’est nécessaire pour se marier.
En résumé, le régime juridique du consentement des tiers au mariage varie selon la situation personnelle des parties concernées (mineurs, majeurs protégés) et s’efforce de concilier la protection des personnes vulnérables avec leur liberté fondamentale de se marier.