Le mandat présidentiel

En France, le mandat présidentiel, aujourd’hui fixé à cinq ans (quinquennat), a subi une évolution marquante avec le passage du septennat au quinquennat en 2000. Cette réforme a été motivée par la nécessité d’adapter la présidence aux réalités politiques contemporaines et de renforcer la cohérence entre l’exécutif et le législatif. Pourtant, le septennat, en vigueur depuis le XIXe siècle, a marqué l’histoire politique française, se distinguant par sa longévité et ses spécificités institutionnelles.

 

I – Du septennat au quinquennat, une réforme nécessaire

Le passage du septennat au quinquennat marque une évolution majeure dans l’histoire politique française. Conçu comme un moyen de moderniser les institutions, il a permis de renforcer la cohérence entre la présidence et l’Assemblée nationale tout en limitant les tensions institutionnelles liées à la cohabitation. Si cette réforme a contribué à dynamiser la fonction présidentielle, elle a également accru les attentes citoyennes, rendant le mandat présidentiel plus intense et exposé. Aujourd’hui, la question de la durée et des prérogatives du président reste un sujet central dans les débats sur l’avenir des institutions françaises.

 

A) Le septennat : une tradition ancrée mais contestée

1. Origine et justification initiale

Le septennat trouve son origine sous la Troisième République. En 1873, cette durée a été instituée comme une solution temporaire, sous la présidence de Mac-Mahon, pour permettre une éventuelle restauration monarchique. Cependant, cette règle, conçue comme transitoire, s’est finalement imposée comme une norme durable, se maintenant sous les régimes successifs (IIIe, IVe et partiellement Ve République).

2. Critiques et limites du septennat

Le septennat a rapidement fait l’objet de critiques :

  • Une durée jugée excessive : Comparée aux mandats présidentiels dans d’autres démocraties, généralement de 4 à 5 ans, cette période était considérée comme trop longue, surtout compte tenu de l’irresponsabilité politique du président de la République française.
  • Des tensions institutionnelles fréquentes : Le décalage entre la durée du mandat présidentiel (7 ans) et celle des députés (5 ans) a souvent conduit à des périodes de cohabitation politique. Par exemple :
    • En 1986, François Mitterrand (PS) a dû gouverner avec une majorité de droite à l’Assemblée nationale, dirigée par Jacques Chirac.
    • En 1997, Jacques Chirac a dissous l’Assemblée nationale dans le but de consolider sa majorité, mais cette décision s’est retournée contre lui, entraînant une nouvelle cohabitation avec Lionel Jospin.

Ces situations, perçues comme des anomalies institutionnelles, ont accentué les appels à une réforme.

3. Premières tentatives de réforme

L’idée de réduire la durée du mandat présidentiel remonte aux années 1970. En 1973, sous la présidence de Georges Pompidou, un projet de révision constitutionnelle visant à instaurer le quinquennat avait été voté par les deux assemblées. Cependant, faute de majorité qualifiée des trois cinquièmes au Congrès, cette réforme n’a pas abouti, laissant le septennat en vigueur.

B) Le quinquennat : une réforme essentielle pour la modernisation

1. Une réforme portée par Jacques Chirac et Lionel Jospin

La réforme du quinquennat, concrétisée en 2000, résulte d’un compromis politique entre le président Jacques Chirac et le Premier ministre Lionel Jospin. Le principal objectif était de réduire les risques de cohabitation et de renforcer le lien entre l’élection présidentielle et les législatives.

Adoption de la réforme
  • Le 5 juin 2000, Jacques Chirac a annoncé son soutien à la réforme, après consultation avec le Premier ministre.
  • Le référendum du 24 septembre 2000 a validé le projet avec 72,9 % des suffrages favorables, bien que marqué par une abstention record de 62,9 %.
  • La loi constitutionnelle du 2 octobre 2000 a officialisé la réduction du mandat à cinq ans.

2. Conséquences institutionnelles et politiques

Le quinquennat a introduit plusieurs changements majeurs :

  • Renforcement du phénomène majoritaire : En alignant les élections législatives sur la présidentielle, le quinquennat favorise une majorité parlementaire alignée sur le président, réduisant les cas de cohabitation. Depuis la réforme, aucune cohabitation n’a eu lieu.
  • Accélération du rythme présidentiel : La durée plus courte incite les présidents à agir rapidement pour marquer leur mandat. Par exemple :
    • Nicolas Sarkozy (2007-2012) a mené des réformes sociales et économiques majeures, telles que la réforme des retraites en 2010.
    • Emmanuel Macron, élu en 2017 et réélu en 2022, a lancé des initiatives ambitieuses sur les plans économique, écologique et social, tout en faisant face à des crises majeures comme la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine.
  • Réduction des cohabitations : Bien que théoriquement possibles, les cohabitations sont devenues rares. La dernière remonte à 1997-2002 sous Jacques Chirac.

3. Limitation du nombre de mandats

La révision constitutionnelle de 2008 a introduit une limite de deux mandats consécutifs pour le président de la République, favorisant une alternance démocratique et limitant la concentration du pouvoir.

 

II) Délai de transition  entre le président sortant et son successeur

1. Une période transitoire strictement encadrée

La transition entre un président sortant et son successeur élu est réglementée pour éviter toute vacance de pouvoir. L’élection présidentielle doit avoir lieu entre 20 et 35 jours avant la fin du mandat. Ce délai permet une période de cohabitation temporaire, durant laquelle le président sortant et le président élu collaborent sur les dossiers sensibles, notamment sur la transmission des codes nucléaires.

2. Une continuité institutionnelle assurée

Durant cette phase, les symboles du pouvoir, comme la cérémonie d’investiture, renforcent la dimension solennelle de la présidence. Bien que courte, cette période est cruciale pour garantir une passation de pouvoirs ordonnée, particulièrement en cas de divergences politiques entre les deux présidents.

 

III) Conditions de cessation anticipée

1. Décès ou démission du président en exercice

La Constitution prévoit des dispositions spécifiques pour des cas de force majeure tels que :

  • Décès : Par exemple, Georges Pompidou est décédé en 1974 alors qu’il était en exercice.
  • Démission : Le cas emblématique est celui de Charles de Gaulle, qui a quitté ses fonctions en 1969 après l’échec de son référendum sur la réforme régionale.

2. L’intérim présidentiel

En cas de cessation prématurée du mandat, l’intérim est assuré par le président du Sénat. Si ce dernier est empêché, la charge revient au gouvernement, qui exerce le pouvoir de manière collégiale. Des exemples notables d’intérim sont ceux d’Alain Poher, président du Sénat, qui a occupé cette fonction en 1969 après la démission de de Gaulle, et en 1974 après le décès de Pompidou.

Les restrictions applicables à l’intérimaire

Pour éviter tout abus de pouvoir, certaines prérogatives présidentielles sont suspendues :

  • Le droit de dissolution de l’Assemblée nationale.
  • Le recours au référendum (article 11).

Ces limitations découlent du fait que le président intérimaire n’a pas été élu par suffrage universel direct. Toutefois, il conserve l’ensemble des autres pouvoirs, y compris ceux liés à l’article 16 (pouvoirs exceptionnels), pour assurer la continuité de l’État.

3. Responsabilité politique et continuité de l’héritage gaullien

Charles de Gaulle considérait qu’un président devait assumer la responsabilité de ses échecs politiques. Cela s’est traduit par sa démission en 1969 après un référendum défavorable. Cependant, ses successeurs ont adopté une attitude différente :

  • Georges Pompidou, en 1972, a organisé un référendum sur l’élargissement de l’Europe sans lier son sort au résultat.
  • François Mitterrand, en 1986, a maintenu son mandat malgré l’échec de son parti aux élections législatives, inaugurant une période de cohabitation.

4. Responsabilité pénale du président

La responsabilité pénale du président a évolué avec les révisions constitutionnelles. Initialement limitée à la haute trahison (article 68 de 1958), elle a été redéfinie par la réforme de 2007 :

  • L’article 67 garantit une immunité totale pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions. Le président ne peut être poursuivi, entendu comme témoin ou assigné en justice durant son mandat.
  • Après son mandat, le président peut être tenu responsable de ses actions. Cette disposition a été illustrée par des affaires judiciaires impliquant des anciens présidents comme Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy.

Accès à la justice pour les intérêts personnels

Bien que protégé par l’immunité, le président peut engager des actions en justice pour défendre ses intérêts personnels. Par exemple :

  • En 2010, Nicolas Sarkozy a été reconnu recevable pour se constituer partie civile dans l’affaire Clearstream.
  • La même année, il a également pu porter plainte pour escroquerie.

Ces cas montrent un équilibre entre l’immunité présidentielle et l’accès égal à la justice.

En résumé, la cessation anticipée des fonctions présidentielles, qu’elle soit due à une transition, un décès, ou une démission, est encadrée par des règles garantissant la stabilité de l’État. Si le président bénéficie d’une large immunité durant son mandat, des mécanismes existent pour préserver sa responsabilité politique et pénale. Cette architecture institutionnelle, inspirée par l’héritage gaullien, continue d’évoluer pour répondre aux exigences démocratiques et juridiques modernes.

Isa Germain

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