Les organes judiciaires : les magistrats du ministère public au Maroc :
Il s’agit d’organes investis de fonctions d’ordre judiciaire au sein des juridictions instituées à cet effet, à l’exception de certaines juridictions particulières, et qui font appel soit à des juges « populaires » issus d’élection tel est le cas pour les juridictions communales et d’arrondissement. Soit à des juges « parlementaires » tel est le cas pour la haute Cour. Les autres juridictions sont composées de magistrats professionnels, c’est-à-dire des juges de carrière relevant du statut de la magistrature. Ce statut est issu du Dahir portant loi du 11 novembre 1974, ce texte de base a subit plusieurs modifications. Les magistrats soumis à ce statut sont des lauréats de l’institut supérieur de la magistrature. Dans ce chapitre nous envisagerons, respectivement, les magistrats du ministère public ; organe essentiellement de poursuite (section 1) et les magistrats du siège qui exercent soit en qualité de juge d’instruction, soit en qualité de juge de jugement (section 2). Mais d’emblé, il faut préciser que cette distinction ne repose sur aucun critère de spécialisation, il s’agit plutôt d’une répartition des tâches dont le souci d’une bonne administration de la justice, d’autre part il faut signaler que certain magistrats professionnels n’exercent pas en qualité d’organes judiciaires, mais sont plutôt affectés à l’administration centrale, ou à l’institut supérieur de la magistrature pour y exercer des fonctions administrative. Par conséquent, leur statut spécifique ne relève pas de la sphère de ce cours.
Que sont les magistrats du minoistère public au Maroc?
Dénommés aussi magistrats du parquet, ou encor magistrats debout (vu qu’ils présentent leur réquisition en étant debout), les magistrats du ministère public n’ont pas la mission de juger, il leur appartient de décider de la culpabilité ou l’innocence de l’inculpé. Ils ont plutôt pour mission essentielle de veiller à préserver l’ordre public et à lutter contre la criminalité, notamment en exerçant des poursuites contre les auteurs soupçonnées d’infractions.
Avant de préciser ce rôle (paragraphe 3), il importe de s’arrêter sur la composition du ministère public au sein des diverses juridictions (paragraphe 1) et sur son statut particulier (paragraphe 2).
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Paragraphe 1 : composition du ministère public au sein des juridictions au Maroc :
A l’exception des juridictions communales et d’arrondissement, le ministère est représenté au sein des diverses juridictions pénales du royaume dont celles de droit commun (1) que celles spéciales (2).
1- au niveau des juridictions de droit commun :
- Devant le tribunal de 1ère instance, le ministère public comprend un procureur du Roi, et un ou plusieurs substituts qui disposent d’un secrétariat du parquet.
- Devant la Cour d’appel, le parquet est constitué d’un procureur Générale du Roi, des substituts dont le nombre est variable selon l’importance de la Cour. Dans l’exercice de leur fonction, ces magistrats disposent d’un secrétariat général du parquet.
- Devant la Cour suprême, le parquet, dit parquet Général comprend un procureur général du Roi et des avocats généraux. Un secrétariat général est mis à la disposition du parquet général
- 2) auprès des juridictions spéciales :
- auprès du tribunal permanent des FAR ; c’est un commissaire du gouvernement relevant du cadre militaire qui exerce les fonctions du ministère public.
- Auprès de la haute Cour ; on attendant de plus ample précision parla loi organique, l’article 90 de la constitution laisse entendre que ce sont des parlementaires désignés par leurs homologues, qui exercent les fonctions du ministère public.
Paragraphe 2- statut particulier du ministère public au Maroc :
Les magistrats debout obéissent à un statut particulier distinct à bien des égards de celui des magistrats du siège, en effet, dans l’exercice de ses fonctions,les membres du ministère public forment un corps hiérarchisé, indivisible, indépendant, irrécusable et irresponsable.
- Le caractère hiérarchisé du ministère publique : les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs supérieurs hiérarchiques (ainsi, le procureur général du Roi est le supérieur hiérarchique du procureur du Roi, qui est le supérieur hiérarchique des substituts), et sous l’autorité du ministère de la justice, qui peut leur « les magistrats du parquet » adresser des circulaires ou des injonctions tel que les l’injonction d’exercer des poursuite dans l’intérêt de la loi en tant que représentants du pouvoir exécutif auprès des juridictions répressives, ils sont en principe tenus, dans l’exercice de leurs fonctions, de se plier aux ordres et injonctions émanant de leur supérieurs, ce qui n’est pas le cas des magistrats du siège qui ne reçoivent d’ordres de personne, et statuent uniquement suivant leur intime conviction. Toutefois l’obligation pour les magistrats du parquet d’obéir à des supérieurs est assortie d’une limite importante selon laquelle ils peuvent, dans l’intérêt de la justice, développer oralement (c’est-à-dire à l’audience) un point de vu autre que celui qu’ils ont soutenu par écrit conformément aux ordres reçus du supérieur hiérarchique (art 38 du Code de Procédure Pénale marocain). cette prérogative est tirée d’un ancien adage « l’écrit est serve mais la parole est libre »
- L’indivisibilité du ministère public:
Les membres d’un même parquet sont considérés comme constituant un même et unique représentant du pouvoir exécutif, aussi ils sont admis à se remplacer au cours de la même instance, sans pour autant entacher la régularité de la procédure pénale. Hors il n’est pas le cas pour les magistrats du siège qui ne peuvent au cours du jugement d’une même affaire se remplacer sous peine de nullité de la procédure.
- L’indépendance du ministère public ;
Vis-à-vis des juridictions d’instruction et de jugement, le parquet est indépendant en ce sens que celles-ci ne sauraient lui donner des instructions, ni encore moins, lui adresser des injonctions, au contraire ces juridictions ne peuvent pas en principe se saisir d’une affaire, elles doivent attendre les réquisitions du ministère public (exercice de l’action publique).
Vis-à-vis ensuite de la victime de l’infraction, le parquet est indépendant car d’une part, il n’est pas tenu d’exercer l’action publique sur simple plainte de la victime et même lorsque celle-ci l’oblige à exercer cette action publique en se constituant partie civile ; le parquet n’est pas tenu de soutenir l’accusation. D’autre part, et sauf exception, le parquet reste libre d’engager des poursuites même en absence de plainte de la victime, tout comme il reste libre de demander la condamnation même en cas de retrait de la plainte par la victime ou de transaction passée entre celle-ci et l’inculpé.
- L’irrécusabilité du ministère public :
La récusation est la procédure par laquelle un plaideur demande a ce qu’un magistrat soit écarté de la formation de jugement pour raison de suspecter l’impartialité à son égard. Contrairement aux magistrats de siège qui peuvent faire l’objet d’une procédure de réquisition les magistrats du parquet sont irrécusables (art 274 du Code de Procédure Pénale marocain), cela s’explique par le fait que le parquet constitue partie principale du procès pénal et qu’il est impossible de récuser son propre adversaire.
- L’irresponsabilité du ministère public :
A la différence des parties privées, le parquet ne peut être condamné ni au frais du procès ni à des dommages intérêts lorsque ces accusations se sont révélées non fondées suite à l’acquittement de l’inculpé, autrement dit, ce dernier ne peut réclamer aucune répartition du fait qu’il a été poursuivi à tord. Cette sorte d’immunité instituée au profit du parquet prouve sa raison d’être dans le fait que le parquet agit au nom de la société dont il défend les intérêts et qu’il importe de lui laisser les mains libres.
Reste cependant de préciser que cette irresponsabilité n’est pas sans limite :
Le magistrat du parquet qui commet une faute lourde engage sa responsabilité civile selon la procédure « la prise à partie » (art 391 du CPC).
Paragraphe 3 : les attributions du ministère public au Maroc :
Le ministère public exerce plusieurs fonctions. Ayant la haute main sur la police judiciaire, le procureur général du Roi et le procureur du Roi assurent la direction et la surveillance de l’activité des membres de la police judiciaire relevant de leur ressort et peuvent à cet effet les requérir et leur donner des instructions concernant la constatation des infractions et la recherche des délinquants.
Le magistrat du parquet peut d’ailleurs en sa qualité d’officier supérieure de police judiciaire accomplir lui-même des actes d’enquête et de constatation des infractions et recevoir des plaintes et des dénonciations. Il peut aussi placer sous mandat de dépôt la personne inculpée d’une infraction punissable d’emprisonnement lorsqu’il s’agit d’une infraction flagrante ou si l’inculpé ne présente pas de garanties suffisantes de représentation ou encore s’il est jugé dangereux (art 47 et 74 du Code de Procédure Pénale marocain) ou (art 147).
Le parquet est également chargé de l’exécution des décisions de justice y compris les ordonnances des juges d’instruction.
D’autres prérogatives ont été introduite par le nouveau Code de Procédure Pénale marocain, ainsi en cas de crime ou de délit punissable d’un emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à 2 ans, le procureur général du Roi et le procureur du Roi sont habilités à ordonner pour les besoins de l’enquête préliminaire le retrait du passeport de la personne soupçonnée et le blocage des frontières à l’encontre de celle-ci. Art 40 et 49
Le procureur général du Roi est également admit sous certaines conditions précisées par l’article 108, à requérir le premier président de la Cour d’appel d’ordonner pour les besoins de l’enquête préliminaire des écoutes téléphoniques, l’enregistrement des communications et l’interception du courrier, tout comme il peut ordonner lui-même ces procédés sous les conditions prévues par le textes susvisé et notamment en cas d’urgence. D’autre part, le procureur du Roi peut décider de ne pas engager l’action publique en cas de conciliation entre les parties dûment homologué par le président du TPI et ce lorsque l’infraction commise est punissable d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à 2 ans ou d’une amende ne dépassant pas 5000 DH, un tel procédé est de nature à contribuer à décongestionner les tribunaux.
Hormis ces prérogatives la fonction première du parquet consiste à lancer des poursuite et à exercer l’action publique, à ce titre il joue à la fois le rôle de partie principale (I) et de demandeur privilégié au procès pénal (II).
- le ministère public: partie principale au procès pénal
Alors que dans les instances civiles le ministère public fait le plus souvent figure de partie jointe (les articles 6, 7 et 8 du CPC), dans les procès pénaux il agit en principe comme partie principale nécessaire. Certes, ce principe n’est pas absolu puisque devant la cour suprême le parquet intervient souvent comme partie jointe au pourvoi formé par les parties. Cependant même devant cette haute juridiction, le parquet peut intervenir comme partie principale lorsqu’il introduit un pourvoi dans l’intérêt de la loi soit d’office soit sur ordre du ministre.
En tant que partie principale agissant au nom et dans l’intérêt de la société le parquet exerce l’action publique, procédé qui déclanche le procès pénal (voir la 2ème partie du cours).
- le ministère public : demande privilégié au procès pénal
Par rapport aux autres parties au procès pénal, c’est-à-dire, l’inculpé et les parties civiles, le ministère public dispose de prérogatives particulières et extrêmement importantes :
- au stade de l’instruction préparatoire c’est le ministère public qui saisit le juge d’instruction par un réquisitoire introductif ou supplétif. D’ailleurs même lorsque le juge d’instruction est directement saisit d’une plainte de la partie civile, il doit la communiquer au chef du parquet pour qu’il prenne ces réquisitions. En outre le parquet peut à tout instant demandé communication de la procédure d’instruction à charge de la restituée dans les 24h et doit aussi donner son avis pour la délivrance par le juge d’instruction d’un mandat d’arrêt et la mise en liberté provisoire de l’inculpé. Il a également le droit appel de toutes les ordonnances du juge d’instruction à l’exception de l’ordonnance concernant le recours à une expertise, et ce à la différence des autres parties aux procédures pénales qui ne peuvent interjeter appel que de certaines ordonnances limitatives par le Code de Procédure Pénale marocain (art 223).
- A l’audience le ministère public exerce en tant que demandeur 3 attributions :
- Développe ses conclusions dans un réquisitoire oral
- Présente les preuves de ses prétentions
- Requière selon les cas soit la condamnation de l’inculpé et donc l’application de la peine prévue par la loi, soit sont acquittement.
- après le jugement le ministère public assure l’exécution de la décision rendue. Il peut par ailleurs s’il le juge utile, exercer les voies de recours contre ces décisions (appel ou pourvoi en cassation selon les cas) et à cet effet il dispose de délai de recours particulier (voir la 2ème partie du cours).