Le Ministère public : organisation, rôle, définition…

Le Ministère public : organisation, rôle, définition…

Qu’est ce que le ministère public? Le ministère public désigne le service public confié à des magistrats qui sont chargés d’exercer l’action publique devant toute juridiction répressive. Ils sont plus aussi appelés « Parquet », ils représentent la société.

Qu’est ce que l’action publique? L’action publique est définie à l’article 1 du Code de Procédure Pénale. C’est une action en justice, mais pas n’importe laquelle. C’est celle qui a pour objet l’application d’une peine, peine qui par définition, sera prononcée au nom de la société ; le droit pénal étant d’intérêt général. Puisque le droit pénal est d’intérêt général, l’action est publique. Elle appartient à tous, même si cette action publique ne peut pas être exercée par n’importe quel citoyen, sur le mode de l’action populaire. En France, l’exercice de l’action publique est réservée à certaines personnes, et met aux prises deux catégories de parties : les demandeurs à l’action publique qui agissent au nom de la société, et les défendeurs à l’action publique.

Section 1 : Origine, Histoire du ministère public

À la suite d’une longue évolution historique est apparue l’idée d’avoir un magistrat spécialisé, qui, au nom des intérêts de la société, va jouer le rôle d’accusateur public. Il va exercer l’accusation. Aujourd’hui, ce rôle est défendu par le ministère public. Il faut alors préciser qu’il n’est pas l’unique demandeur à l’action publique, puisque cette qualité de demandeur à l’action publique est accordée parfois aux agents de certaines administrations. Il faut en effet savoir que certaines administrations, p.ex des douanes, contributions indirectes, etc. peuvent jouer un rôle à certains égards comparables au ministère public. On parle de « ministère public aux petits pieds ».

Au sein de la magistrature, les membres du parquet constituent un corps particulier, que l’on peut synthétiser en disant qu’ils sont des magistrats et non des juges, alors que pour l’homme de la rue, le journaliste, ou l’étudiant de L2, les deux termes sont synonymes. Ils ne jugent rien, ne disent pas le droit, ne tranchent aucun litige, et sont chargés de défendre l’intérêt général. Ils le font en tant qu’agents du pouvoir exécutif. Ce n’est pas pour rien que l’on parle des officiers du ministère public. Un peu comme à l’armée.

Cette protection de la société constitue l’objet premier du procès pénal. Cela confère au ministère public la qualité de partie principale au procès. L’action publique est ainsi l’objet premier du procès pénal. Depuis le traité de Lisbonne, on trouve le projet de former un parquet européen qui serait compétent devant les juridictions de tous les États membres de l’Union Européenne pour la criminalité tenant lieu aux intérêts de l’UE, soit une criminalité transfrontalière.

En tant que corps de magistrats, le parquet connaît une organisation particulière adaptée à sa fonction elle-même. Il s’agit alors de la concevoir en commençant par son organisation.

Section 2 : L’organisation du ministère public

On parle aussi de « parquet » et de « parquetiers » dont l’origine est discutée. Cela viendrait de l’époque où les membres du ministère public étaient sur le parquet de la salle d’audience et non sur une estrade comme aujourd’hui, comme les avocats de la défense. Les différents membres du parquet sont considérés comme n’ayant pas d’existence propre. Ils se fondent dans le principe de l’unité du ministère public, et ces magistrats sont soumis à un statut particulier adapté à leur situation.

Sous-section 1 : L’unité du ministère public

On a l’effet conjugué de deux règles : l’indivisibilité du parquet et celle de la subordination hiérarchique. C’est par ce cumul que l’on parvient au résultat de l’unité de ce corps.

  • 1. L’indivisibilité du ministère public

Par cette idée d’indivisibilité des membres du parquet, on veut dire qu’ils sont interchangeables entre eux. On dit que le parquet a « une tête commune mais plusieurs bras ». Au cours d’un même procès, le représentant à l’audience peut changer. Les juges, au contraire, doivent prendre part à tous les débats d’une même affaire.

  • 2. La subordination hiérarchique du ministère public

On dit, sur cette subordination hiérarchique, de nombreuses choses. Il faut donc voir le mécanisme de cette subordination et ses limites.

  1. Le mécanisme de la subordination hiérarchique

L’organisation du parquet en tant que corps de magistrats particuliers, est une organisation elle-même particulière, puisqu’elle est pyramidale. Cette pyramide doit permettre la diffusion d’instruction du sommet vers la base. Les membres du parquet dépendent de cette hiérarchie, alors que des juges ne dépendent que de leur bon sens et non d’ordres.

Cette pyramide comprend, au sommet, le ministre de la justice qui n’appartient pas au parquet mais qui a autorité sur ses membres, conformément à l’ordonnance du 22 décembre 1958. Par l’effet d’une coutume, le parquet général près la cour de cassation est devenu indépendant du garde des sceaux, malgré l’ordonnance.

Cette présence du ministre de la justice au sommet de la pyramide, lui confère quelques pouvoirs. D’un point de vue général, il lui incombe de déterminer la politique générale d’action publique de la nation . Ceci est en application de l’article 30 du Code de Procédure Pénale. Le garde des sceaux dira qu’il invite les membres du parquet à faire preuve d’attention vis-à-vis de telle ou telle forme de criminalité.

Le garde des sceaux peut donc lancer la politique criminelle qu’il souhaite. Ensuite, il a un pouvoir direct sur les membres des parquets généraux. En effet, au stade des juridictions du premier degré, on trouve le parquet avec le procureur de la République, alors qu’en appel, on trouve le parquet général avec le procureur général. Le garde des sceaux a une autorité directe sur les parquets généraux, autorité qui se manifeste par la possibilité d’adresser des instructions aux parquets généraux.

Il peut enjoindre au parquet général de déclencher des poursuites dans une affaire ou enjoindre au parquet général de faire engager des poursuites par le procureur de la république dans une affaire. Cela signifie que le garde des sceaux ne peut enjoindre un classement de l’affaire. Des injonctions de cette sorte doivent être écrites d’où le fait que toute injonction verbale est prohibée. L’écrit doit figurer dans le dossier de l’affaire.

Cela signifie que ce pouvoir s’étend indirectement au procureur de la république, par l’intermédiaire des procureurs généraux. En effet, si le garde des sceaux a autorité sur le parquet général, il a indirectement autorité sur les parquets de la République, les procureurs généraux ayant sur les procureurs de la République les mêmes pouvoirs que le garde des sceaux a sur eux, conformément à l’article 36 du Code de procédure pénale. Les procureurs de la république ont d’ailleurs autorité sur les membres de leur parquet, par exemple les substituts. (Article 36 « Le procureur général peut enjoindre aux procureurs de la République, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d’engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le procureur général juge opportunes. »)

Cette subordination postule l’obéissance. En effet, l’article 33 le dit : la subordination hiérarchique implique l’obéissance du subordonné à son supérieur. Tout manquement à cette obéissance par un membre du parquet, peut constituer une faute disciplinaire justifiant que l’on engage la responsabilité disciplinaire dudit magistrat. En un mot comme en cent, cette organisation particulière a pour conséquences qu’il n’y a aucune indépendance du parquet à l’égard du pouvoir politique.

Cela pose le problème suivant : la Constitution fait de l’autorité judiciaire la gardienne des libertés individuelles à son article 66. En parallèle, l’article 5 de la CESDH subordonne les atteintes à la liberté d’aller et de venir, à un contrôle effectué sur la légalité de cette arrestation par une autorité judiciaire. Au regard de la Constitution comme à celui du CESDH, se pose le problème de savoir ce qu’est une autorité judiciaire.

La question s’est donc posé de savoir si un parquetier est une autorité judiciaire au sens de l’article 66 ou au sens de la CESDH. Les réponses du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne sont opposées : le premier a jugé qu’un procureur de la république appartient à l’autorité judiciaire et qu’une loi peut donc lui attribuer le rôle de protéger des libertés individuelles. La CEDH est d’un avis radicalement opposé, car elle considère qu’une autorité judiciaire s’entend d’un magistrat indépendant du pouvoir politique. Elle l’a jugé, pour le ministère public de plusieurs pays et récemment dans L’arrêt Medvedyev c/ France du 29 mars 2010.

Il en résulte un problème non réglé : tous les textes du Code de Procédure Pénale qui prévoient une atteinte aux libertés individuelles et qui soumettent cette atteinte au contrôle du seul procureur de la république, sont menacés un jour ou l’autre, d’être jugés en contradiction avec les exigences de la CESDH. Par exemple, dans l’actuel débat sur la garde à vue, la règle est qu’elle est soumise au contrôle du procureur de la république. Au regard de la CESDH et son interprétation par la CEDH, cet état de fait est inconventionnel.

La subordination hiérarchique n’est toutefois pas totale, on y trouve des limites.

  1. Limites

Ce principe de la subordination hiérarchique n’est pas absolu. Cela se manifeste aussi bien dans les rapports de parquet à parquet qu’au sein d’un même parquet.

1) De parquets à parquets

Concernant les rapports entre un procureur général et un procureur de la république, on a une subordination équivalente à celle du garde des sceaux sur le premier. On trouve toutefois des limites car un procureur de la république est chef de son parquet. En cette qualité de chef de parquet, il retire un pouvoir propre, qui n’appartient qu’à lui et qu’il n’a pas reçu par délégation de ses supérieurs.

Ainsi, si un procureur de la république refuse de suivre les instructions d’un procureur général, ce dernier ne peut se substituer au premier et prendre la décision à sa place, car le procureur de la république est chef de son parquet et a un pouvoir propre. Les actes d’un procureur de la république en sa qualité de chef de parquet, sont valables même s’ils sont en contradiction avec les instructions reçues. Les réquisitions d’un procureur de la république ne sont pas nulles si elles ne sont pas conformes aux instructions reçues. Ceci constitue une limite importante à cette subordination.

2) Au sein d’un même parquet

Au sein d’un même parquet, concernant l’obéissance accordée par un substitut à un procureur de la république, la subordination hiérarchique se manifeste de manière plus rigoureuse. Par exemple, si un substitut est rebelle aux instructions de son procureur, ce dernier peut se substituer à lui et prendre la décision à sa place. Même alors, on a une limite à la subordination. En effet, « la plume est serve mais la parole est libre », principe qui signifie que dans ses écrits, un substitut doit être fidèle aux directives données par le procureur général dans une affaire particulière, il doit le faire. Mais, dans ses réquisitions verbales, tout membre du ministère public peut exprimer son opinion personnelle. S’il le fait, ce n’est pas une faute et n’engage pas sa responsabilité disciplinaire.

Si ce n’était que cela, on pourrait discuter le principe de cet adage. Pourtant, cela est consacré à l’article 33 du Code de Procédure PénaleIl développe librement les observations orales qu’il croit convenables au bien de la justice. »), qui ménage cette liberté de parole aux membres du parquet et qui les délie du devoir d’obéissance.

Même si la presse se prend à dire le contraire, même un membre du parquet a une part d’indépendance dans ses fonctions. Tout le monde connaît des moments historiques où des parquetiers ont pris cette liberté. Ces membres du parquet l’ont payé de leur avancement.

Sous-section 2 : Le statut des membres du ministère public

Ce statut est le reflet de la particularité même du rôle du ministère public. Le pouvoir disciplinaire est exercé sur les membres du parquet par le ministre de la justice qui se prononce après avis d’une formation spéciale du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), compétente pour la discipline des magistrats du parquet, présidée par le procureur général près la Cour de cassation. Le ministre de la justice n’est pas lié par cet avis. Rien ne l’empêche donc de prendre une sanction plus sévère que celle proposée par cette formation spéciale.

Quant à leur avancement, les membres du parquet relèvent, comme les magistrats du siège, d’une instance que l’on appelle la commission d’avancement qui est chargée de dresser un tableau d’avancement et des listes d’aptitudes aux fonctions.

Reste alors à préciser quelle est la fonction du ministère public.

Section 3 : La fonction du ministère public

C’est une autorité de poursuite. À ce titre et conformément à l’article 31 du Code de Procédure Pénale, il exerce l’action publique, il est le demandeur à cette action, et requiert des juges l’application de la loi. En tant qu’autorité de poursuite, le ministère public dirige la police judiciaire selon l’article 12 du Code de Procédure Pénale. À l’autre extrémité, il doit assurer l’exécution des décisions de justice.

En tant qu’il est chargé d’exécuter l’action publique, il doit être représenté devant toute juridiction répressive. Dans l’exercice de cette mission, il bénéficie d’une totale indépendance. Autrement dit, on peut synthétiser la fonction du parquet en disant qu’il est une autorité de poursuite indépendante, et est partie intégrante des juridictions répressives. Ces deux fonctions sont singulières et contradictoires car le parquet est ainsi partie et juge.

Sous-section 1 : Le ministère public autorité de poursuite indépendante

Le parquet est placé sous l’autorité du garde des sceaux, directement ou indirectement. Le parquet n’en est pas moins indépendant. En effet, sous réserve de la subordination hiérarchique, cette indépendance signifie qu’il décide librement des poursuites et ne doit aucun compte des décisions qu’il prend. On peut alors dire la liberté de décision du ministère public, totale.

  • 1. La liberté de décision du ministère public

Cette liberté de décision désigne la situation suivante : si procureur de la république est informé de la commission d’une infraction par une plainte ou un procès-verbal (PV), il apprécie librement s’il convient de poursuivre ou non cette l’infraction. Ceci résulte d’un principe fondamental de l’opportunité des poursuites, affirmé par l’article 40 du Code de Procédure Pénale.

Ce principe signifie que, lorsqu’une infraction a été commise, le procureur de la république ne poursuit que s’il le juge opportun.

Cette liberté dans le déclenchement des poursuites se prolonge au stade de l’exercice des poursuites. Cela signifie qu’il est seul juge de la façon dont il va conduire l’accusation. Ainsi, il est parfaitement possible qu’un procureur de la république déclenche des poursuites car il pense être en présence du coupable, mais qu’au cours de la procédure, il change d’avis. Libre à lui dans ce cas, devant la juridiction de jugement, de demander la relaxe ou l’acquittement de la personne poursuivie. Le parquet n’est pas l’adversaire de la personne poursuivie, mais est l’ami de la vérité.

Pour maintenir ce principe d’indépendance, le ministère public est parfaitement indépendant à l’égard des juges comme à l’égard des parties privées. À l’égard des juges, il n’appartient pas selon la séparation des autorités, aux autorités de jugement, de porter une appréciation sur la façon dont le ministère public exerce les poursuites. P.ex : une juridiction de jugement ne peut enjoindre un parquetier de déclencher les poursuites ou de lui délivrer un blâme à l’audience. De la même manière, il est indépendant à l’égard des parties privées. Par exemple, la partie civile ne peut contraindre le ministère public à déclencher des poursuites, étant donné qu’elle peut le faire elle -même.

Inversement, le ministère public peut déclencher des poursuites car il le juge opportun quand bien même la partie civile refuserait de porter plainte ou retirerait sa plainte. L’attitude de la victime n’a aucune incidence sur le pouvoir du parquet qui peut déclencher des poursuites comme il le désire.

Il faut accompagner la liberté de l’irresponsabilité du ministère public.

  • 2. L’irresponsabilité du ministère public

C’est une garantie de cette liberté qui leur est reconnue que cette irresponsabilité des membres du ministère public, qui ne peuvent voir leur responsabilité engagée à la manière dont ils exercent leurs fonctions. Ainsi, on se trouve dans une situation selon laquelle on ne peut reprocher à un membre du ministère public, d’avoir commis une diffamation ou une injure dans les réquisitions écrites ou verbales qu’il a tenu. En effet, lorsqu’il accuse, il ne fait qu’exercer sa fonction.

On trouve une seule atténuation à cette irresponsabilité : lorsque l’on peut imputer aux membres du parquet une faute personnelle, intentionnelle, c’est-à-dire de sa part. Dans ce cas, la victime de cette faute personnelle peut en demander réparation, selon une procédure particulière. La victime exercera l’action contre l’État, devant les juridictions de l’ordre judiciaire, l’État exercera alors une action récursoire à l’encontre du magistrat fautif.

Sous-section 2 : Le ministère public représenté devant toutes les juridictions

C’est une règle sans exception que celle selon laquelle le ministère public doit être représenté devant toute juridiction répressive. On pourrait dire que cette règle s’explique suffisamment car le ministère public est partie principale au procès. Ce n’est pourtant pas ainsi que l’on explique cette règle. En effet, la jurisprudence l’explique en disant que le parquet est partie intégrante et nécessaire des juridictions répressives. Il est ainsi une composante à part entière de la juridiction.

Cela lui confère une position singulièrement ambiguë. Il est des deux côtés des barrières, faisant partie de la juridiction et étant demandeur devant elle. Il y a là une situation inexplicable qui est peut-être à l’origine de bien des difficultés.

Quelle que soit la pertinence de ces explications, s’agissant des juridictions de jugement, toute décision rendue par elle doit expressément constater la présence du parquet, à défaut de quoi la juridiction ne serait pas régulièrement composée. De ce que le ministère public est donc partie intégrante de la juridiction, il en résulte que sa compétence est calquée sur celle de la juridiction à laquelle il appartient, en tout cas au niveau territorial.

Le procureur de la république compétent est celui du lieu de l’infraction ; celui de la résidence de la personne soupçonnée ; celui du lieu d’arrestation de la personne ou bien encore celui de son lieu de détention, s’il est détenu pour une autre infraction . Pour les personnes morales, la compétence est faite par référence au lieu de l’infraction ou à la localisation de leur siège. Selon l’article 43 du Code de Procédure Pénale, tous ces procureurs ont une égale vocation à être compétents.

Comme le parquet est partie intégrante de la juridiction, il y aura un représentant devant chacune des juridictions répressives. P.ex : devant le tribunal de police ou la juridiction de proximité, le représentant est le procureur de la république ou le commissaire de police. Devant le tribunal correctionnel, le parquet est celui du tribunal de grande instance formé par le procureur de la république avec un ou plusieurs substituts et parfois des procureurs adjoints. Devant la cour d’appel, le procureur général assure le rôle du ministère public avec les avocats généraux et les substituts généraux. Près la Cour de cassation, on trouve un procureur général, des premiers avocats généraux et des avocats généraux.