LE PARLEMENT : ORGANISATION ET DISSOLUTION

En France, l’élaboration et le contrôle des lois reposent sur un équilibre institutionnel entre le gouvernement et le Parlement. Le gouvernement, organe exécutif, propose les lois qui organisent la vie publique et dirige l’action de l’État, tout en étant responsable devant le Parlement, garant de la représentation démocratique. Ce dernier, composé de l’Assemblée nationale et du Sénat, joue un rôle essentiel dans la discussion et le vote des lois, ainsi que dans le contrôle de l’action gouvernementale.

Le rôle du gouvernement dans l’élaboration des lois.  Le gouvernement est à l’origine de la majorité des textes législatifs soumis au Parlement. Les projets de loi, préparés par les ministères, sont examinés en Conseil des ministres avant leur présentation aux assemblées. Cette capacité législative place le gouvernement au centre de la vie législative, tout en le rendant responsable devant le Parlement :

  • L’Assemblée nationale peut renverser le gouvernement par l’adoption d’une motion de censure (article 49 de la Constitution).
  • Le Premier ministre engage souvent la responsabilité de son gouvernement pour faire adopter certains textes, comme ce fut le cas avec la réforme des retraites de 2023 via l’article 49 alinéa 3.

Le Parlement : une double fonction de législation et de contrôle.  Le Parlement exerce une double mission essentielle dans la démocratie française :

  • Discuter et voter les lois : Les projets et propositions de loi sont examinés par les deux chambres, qui peuvent les modifier par voie d’amendements.
  • Contrôler l’action du gouvernement : Le Parlement dispose de divers outils pour surveiller les activités gouvernementales, tels que les questions au gouvernement, les commissions d’enquête ou encore le vote de la motion de censure.

 

 

&1 – Le Parlement : Assemblée Nationale et Sénat

Aux termes de l’article 24 de la constitution, le Parlement contient l’assemblée Nationale et le Sénat. Le Parlement français est donc composé de deux chambres distinctes : l’Assemblée nationale et le Sénat, formant un système bicaméral.

I. Composition et caractéristiques des chambres parlementaires

A. L’Assemblée nationale

  • Composition : L’Assemblée nationale est constituée de 577 députés élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans.

  • Renouvellement : Elle se renouvelle intégralement à chaque élection législative générale.

  • Dissolution : Le Président de la République détient le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale, une prérogative utilisée en juin 2024 par Emmanuel Macron, entraînant des élections législatives anticipées.

  • Prééminence : En raison de son élection directe par les citoyens, l’Assemblée nationale est perçue comme l’organe parlementaire le plus représentatif de la volonté populaire.

  • Pouvoirs spécifiques :

    • Mise en cause de la responsabilité gouvernementale : Seule l’Assemblée nationale peut engager la responsabilité politique du gouvernement, notamment par le vote d’une motion de censure.
    • Examen budgétaire : Elle dispose de délais plus étendus que le Sénat pour l’examen et le vote des projets de loi de finances, reflétant son rôle central dans le contrôle budgétaire.

B. Le Sénat

  • Composition : Le Sénat comprend 348 sénateurs (nombre actualisé), élus au suffrage universel indirect pour un mandat de six ans.

  • Renouvellement : Le Sénat est renouvelé par moitié tous les trois ans, assurant une continuité institutionnelle.

  • Rôle spécifique : Chargé de représenter les collectivités territoriales de la République, le Sénat joue un rôle clé dans la décentralisation et la prise en compte des intérêts locaux.

  • Stabilité institutionnelle : Grâce à son mode de renouvellement et à sa composition, le Sénat apporte une stabilité au processus législatif, servant de contrepoids aux fluctuations politiques de l’Assemblée nationale.

II. Statut des parlementaires

A. Suppléance parlementaire

  • Principe : Conformément à l’article 25 de la Constitution, lors des élections législatives, des suppléants sont élus pour pallier les vacances de sièges, évitant ainsi la tenue d’élections partielles.

  • Modalités :

    • Assemblée nationale : Le suppléant remplace le député en cas de vacance, sauf en cas de démission volontaire, où une élection partielle est organisée pour prévenir des stratégies électorales manipulatrices.
    • Sénat : Le remplacement s’effectue par le suivant de liste (pour les scrutins proportionnels) ou par le suppléant désigné (pour les scrutins majoritaires). En cas de démission, une élection partielle est nécessaire.

B. Incompatibilités parlementaires

  • Objectif : Assurer l’indépendance des parlementaires en évitant les conflits d’intérêts entre le mandat parlementaire et d’autres fonctions publiques ou privées.

  • Incompatibilités spécifiques :

    • Activités publiques :
      • Mandats électifs : Le cumul de mandats nationaux est interdit ; un individu ne peut être simultanément député et sénateur. Depuis la loi du 5 avril 2000, le cumul des mandats locaux est limité, interdisant de détenir plus de deux mandats locaux exécutifs.
    • Fonctions publiques : L’exercice de fonctions publiques, qu’elles soient françaises, internationales ou étrangères, est incompatible avec le mandat parlementaire, garantissant l’autonomie vis-à-vis du gouvernement.
    • Activités privées : Bien que le mandat parlementaire soit compatible avec certaines activités privées, des restrictions existent pour prévenir les conflits d’intérêts, telles que l’interdiction d’utiliser sa fonction à des fins publicitaires.
  • Sanctions : En cas de violation des règles d’incompatibilité, le parlementaire concerné peut être déclaré démissionnaire d’office par le Conseil constitutionnel, sur saisine du bureau de l’assemblée concernée ou du Garde des Sceaux.

C. Immunités parlementaires

  • Irresponsabilité : Les parlementaires bénéficient d’une protection contre les poursuites civiles ou pénales pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions, cette immunité perdurant même après la fin de leur mandat.

  • Inviolabilité : Cette protection vise à empêcher toute mesure privative de liberté à l’encontre d’un parlementaire sans l’autorisation de l’assemblée dont il est membre, sauf en cas de flagrant délit ou de condamnation définitive.

Ces dispositions visent à garantir l’indépendance et l’intégrité des parlementaires dans l’exercice de leurs fonctions, tout en assurant une représentation fidèle des citoyens et des collectivités territoriales au sein du Parlement français.

 

III. Organisation et fonctionnement des sessions parlementaires

A. Les réunions parlementaires

  • Législature : La législature désigne la période qui s’étend entre deux élections générales de l’Assemblée nationale. Elle constitue le cadre temporel des travaux parlementaires, mais sa durée n’est pas directement fixée par la Constitution. L’article 25 renvoie à une loi organique pour définir ses modalités.

  • Sessions parlementaires :

    • Session ordinaire : Depuis la réforme de 1995, une session unique est prévue chaque année, s’étendant d’octobre à juin, soit une durée de neuf mois. Elle est essentielle pour le traitement des affaires courantes, y compris l’adoption des lois budgétaires.
    • Session extraordinaire : Prévue par l’article 29 de la Constitution, elle peut être convoquée à la demande du Premier ministre ou de la majorité absolue des députés pour examiner des dossiers urgents, comme ce fut le cas pour certaines réformes économiques en 2020.
    • Session de plein droit : Convoquée dans des circonstances exceptionnelles, comme l’application de l’article 16 (pouvoirs exceptionnels du président) ou après une dissolution de l’Assemblée nationale. Un exemple récent fut l’activation de telles mesures pour des raisons de sécurité nationale.

B. Formations parlementaires

  • Groupes politiques : Les parlementaires se regroupent par affinités politiques pour faciliter les débats et influencer les décisions. Un groupe doit compter au moins 20 membres à l’Assemblée nationale et 15 membres au Sénat. Les groupes jouent un rôle majeur dans l’organisation des ordres du jour et le contrôle gouvernemental.

  • Commissions parlementaires :

    • Permanentes : Elles préparent le travail législatif et approfondissent les projets de loi avant leur examen en séance plénière. Leur efficacité a été démontrée lors de l’examen des lois relatives à la transition écologique en 2021.
    • Spéciales : Constituées pour traiter des projets ou propositions spécifiques, bien que leur usage soit moins fréquent que celui des commissions permanentes.
  • Offices et délégations parlementaires : Institués pour fournir des expertises approfondies sur des sujets complexes, ils peuvent inclure des experts externes et sont saisis par les bureaux ou commissions des assemblées. En 2022, ces structures ont été sollicitées pour examiner les impacts de la crise énergétique.

  • Assemblée plénière : Formation normale de l’Assemblée nationale et du Sénat, où se prennent les décisions législatives et de contrôle. C’est dans ce cadre que sont votées les lois, après discussions en commissions et en séances.

IV. Rapports entre le gouvernement et le parlement

A. Élaboration des lois

  • Collaboration entre les pouvoirs : La loi, bien que votée par le Parlement, est souvent préparée en amont par le gouvernement. La coordination entre les deux pouvoirs est essentielle, comme lors des réformes sur les retraites discutées en 2023.

  • Rôle du gouvernement :

    • Prérogatives permettant de maîtriser l’ordre du jour (article 48 de la Constitution).
    • Moyens pour accélérer les débats législatifs, notamment par la procédure d’urgence (article 45).
    • Possibilité d’utiliser le vote bloqué, comme ce fut le cas lors des discussions sur la réforme des institutions en 2021.

B. Responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale

  • Engagement de la responsabilité :

    • Sur le programme : Obligatoire, il s’impose au gouvernement en début de législature pour obtenir la confiance de l’Assemblée nationale.
    • Sur une déclaration de politique générale : Facultatif, mais souvent utilisé pour renforcer la légitimité politique, comme lors des crises de gouvernance en 2019.
  • Motion de censure :

    • Procédure : Elle doit être déposée par un dixième des députés et votée 48 heures après son dépôt.
    • Conséquences :
      • Si elle échoue, elle renforce la position du gouvernement.
      • Si elle est adoptée, elle entraîne la démission du Premier ministre et de son gouvernement, comme cela a failli se produire en 2020 après une crise politique majeure.

C. Relations lors du vote des lois

  • Pression gouvernementale : Le Premier ministre peut engager la responsabilité du gouvernement sur un projet de loi pour en accélérer l’adoption, comme l’utilisation répétée de l’article 49.3 de la Constitution en 2023.

  • Commissions mixtes paritaires : En cas de désaccord entre les deux chambres, cette commission joue un rôle de conciliation, bien que la procédure d’urgence limite parfois les échanges approfondis, comme lors du débat sur les lois climatiques en 2022.

  • Contrôle parlementaire : Même en période de crise, le contrôle exercé par le Parlement demeure essentiel pour éviter une concentration excessive du pouvoir exécutif. Cependant, les motions de censure restent rares en raison de la cohésion des majorités gouvernementales.

&2) La dissolution de l’Assemblée nationale : un pouvoir présidentiel stratégique et symbolique

La dissolution de l’Assemblée nationale est l’un des pouvoirs propres conférés au président de la République par l’article 12 de la Constitution de 1958. Ce mécanisme, pensé à l’origine pour résoudre les blocages institutionnels dans un régime parlementaire, a évolué pour devenir un outil stratégique de recomposition politique. Si le président de la République dispose d’une grande liberté dans l’exercice de ce droit, certaines limites et contextes encadrent son usage.

1. Le cadre constitutionnel et l’autonomie de la dissolution

1.1 Une dissolution autonome et non conditionnée par des conflits

Contrairement aux régimes parlementaires classiques, où la dissolution résulte souvent d’un conflit entre l’exécutif et le législatif, la Constitution de 1958 permet une dissolution pleinement autonome, à l’initiative exclusive du président de la République. Cette conception marque une rupture avec les précédents régimes français et renforce la prééminence présidentielle.

  • Consultations obligatoires mais non contraignantes : Avant d’exercer ce droit, le président doit consulter le Premier ministre et les présidents des deux assemblées. Cependant, ces consultations sont purement formelles et ne limitent pas sa décision.
  • Interdiction des dissolutions successives : L’article 12 interdit une nouvelle dissolution dans l’année suivant une précédente, une disposition visant à éviter les crises politiques prolongées et les manipulations électorales.

1.2 Une responsabilité politique indirecte

Bien que la dissolution n’engage pas la responsabilité politique ou pénale du président, son usage peut être perçu comme une prise de position active. Dans un régime où le président est élu au suffrage universel direct, une dissolution contestée ou mal acceptée par l’opinion publique pourrait affaiblir sa légitimité.

2. Les usages stratégiques de la dissolution sous la Cinquième République

2.1 Dissolutions liées à des conflits

Lorsque le président estime que l’Assemblée nationale n’est pas en phase avec son orientation politique, il peut choisir de dissoudre pour recomposer une majorité. Ce type de dissolution est souvent utilisé après une élection présidentielle.

  • Exemple de François Mitterrand :
    • En 1981, François Mitterrand a dissous l’Assemblée après son élection, afin de s’assurer une majorité parlementaire socialiste, en phase avec sa politique.
    • En 1988, réélu président, il a à nouveau dissous l’Assemblée pour constituer une majorité compatible avec ses orientations politiques, bien qu’il n’ait obtenu qu’une majorité relative.

2.2 Dissolutions stratégiques et calculées

Certaines dissolutions sont utilisées à titre préventif ou opportuniste pour éviter des périodes défavorables. Elles visent à raccourcir une législature ou à profiter d’un moment perçu comme favorable pour renforcer la majorité présidentielle.

  • La dissolution de 1997 par Jacques Chirac : Jacques Chirac, estimant qu’il pourrait consolider sa majorité, a dissous l’Assemblée nationale. Cette stratégie, inspirée du modèle britannique, visait à éviter une échéance législative perçue comme risquée en 1998. Cependant, cette décision s’est retournée contre lui, car elle a conduit à la victoire de la gauche plurielle et à une cohabitation avec Lionel Jospin. Cet échec stratégique a dissuadé les présidents suivants de recourir à la dissolution de manière opportuniste.
  • Le 9 juin 2024, à la suite d’une performance décevante de sa coalition aux élections européennes, le président Emmanuel Macron a dissous l’Assemblée nationale et convoqué des élections législatives anticipées. Cette décision visait à clarifier la situation politique et à renforcer la majorité présidentielle. Cependant, les élections qui ont suivi n’ont pas permis d’obtenir une majorité claire, plongeant le pays dans une période d’instabilité politique. Le gouvernement formé par Michel Barnier a été renversé par une motion de censure en décembre 2024, exacerbant la crise institutionnelle.

2.3 Dissolutions pour sortir de la cohabitation

En période de cohabitation, une dissolution peut être envisagée pour tenter de sortir de cette configuration institutionnelle, souvent perçue comme une anomalie politique. Cependant, ce scénario demeure rare :

  • Mitterrand n’a pas eu recours à la dissolution durant ses cohabitations avec Jacques Chirac (1986-1988) et Édouard Balladur (1993-1995), considérant que la durée limitée de ces périodes ne justifiait pas un tel acte.
  • Depuis 1997, aucun président n’a tenté de dissoudre pour mettre fin à une cohabitation, en partie à cause du risque politique associé à cette démarche.

3. Les effets institutionnels et politiques de la dissolution

3.1 Une procédure encadrée

Une fois la décision de dissolution prise :

  • Les élections législatives doivent se tenir entre 20 et 40 jours après la dissolution.
  • La nouvelle Assemblée se réunit de plein droit, sans convocation spécifique, et si la session ordinaire est terminée, une session extraordinaire de 15 jours est automatiquement ouverte.

3.2 Une influence durable sur la dynamique politique

La dissolution a des implications profondes :

  • Renforcer ou recomposer une majorité : Une dissolution réussie, comme celle de 1981, peut donner au président les moyens de gouverner efficacement.
  • Risque d’échec stratégique : L’exemple de 1997 montre qu’une dissolution mal calculée peut affaiblir durablement le président et son camp politique.
  • Limiter les conflits institutionnels : Lorsqu’elle est utilisée pour résoudre un blocage entre le président et l’Assemblée, la dissolution peut restaurer un équilibre institutionnel.

Conclusion : un pouvoir entre souplesse et risques. La dissolution, bien qu’autonome et libre dans son usage, est un outil à double tranchant. Si elle permet au président de réaffirmer son autorité et de résoudre des crises institutionnelles, elle peut également se retourner contre lui en cas d’erreur stratégique. Sous la Cinquième République, cette prérogative a contribué à faire évoluer le régime vers un présidentialisme majoritaire, tout en préservant les équilibres fondamentaux entre le président et le Parlement.

Isa Germain

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