LE POUVOIR CONSTITUANT
Le pouvoir constituant désigne l’autorité compétente pour élaborer ou réviser une constitution, c’est-à-dire pour établir les règles fondamentales qui régissent l’exercice du pouvoir politique dans un État. Par essence, ce pouvoir appartient au souverain, car il définit les limitations et l’organisation du pouvoir souverain dans l’État.
Cette notion repose sur le principe de l’autolimitation du souverain, selon lequel seul le souverain peut fixer les bornes de son propre pouvoir. Ainsi, lorsque la souveraineté évolue, passant par exemple d’une monarchie absolue à une souveraineté populaire, les modalités d’exercice du pouvoir constituant changent également.
Lorsqu’un État traverse une rupture totale avec l’ordre ancien, entraînant la nécessité de reconstruire les fondements du régime politique, la question de l’élaboration d’une nouvelle constitution se pose. Ce contexte, souvent qualifié de « table rase », se produit dans les cas de création d’un nouvel État, de révolution politique, ou de disparition de l’ancien régime (ex. : l’effondrement de l’URSS en 1991). Dans ces circonstances, la légitimité démocratique impose que le peuple joue un rôle central dans l’établissement de la nouvelle constitution. Deux procédés principaux sont généralement utilisés : l’assemblée constituante et le référendum direct.
Une assemblée constituante est une assemblée élue par le peuple avec pour mandat explicite de rédiger une nouvelle constitution. Elle peut également cumuler un rôle législatif temporaire, en plus de ses fonctions constituantes. Ce procédé, historiquement éprouvé, reste pertinent et utilisé dans les situations de transition démocratique.
Exemples historiques
Modalités d’approbation des projets constituants
Assemblées souveraines
L’assemblée adopte directement le texte, qui entre en vigueur sans être soumis à l’approbation populaire.
Exemples :
Assemblées limitées
L’assemblée soumet le texte qu’elle a élaboré à un référendum populaire pour approbation. Si le peuple rejette le texte, une révision ou une refonte complète est nécessaire.
Exemples :
Dans ce procédé, le peuple est uniquement invité à ratifier un texte élaboré par le pouvoir en place, sans participer à sa rédaction, ni directement, ni via une assemblée constituante. Le texte est généralement rédigé par l’exécutif provisoire ou par un gouvernement bénéficiant d’une délégation de pouvoir.
Exemples historiques
Constitutions napoléoniennes
Constitution de 1958 (Ve République)
Le général de Gaulle et son gouvernement furent mandatés par l’Assemblée nationale pour rédiger une nouvelle constitution. Le texte, préparé en collaboration avec des experts (dont Michel Debré), fut adopté par référendum le 28 septembre 1958, avec près de 80 % d’approbation.
États nouveaux
Le référendum direct est souvent utilisé dans les États nouvellement indépendants pour légitimer rapidement une rupture avec l’ordre ancien. C’est un outil pour légaliser des transitions souvent initiées par un pouvoir de fait.
Avantages et limites
Critères | Assemblée constituante | Référendum direct |
---|---|---|
Participation populaire | Participation indirecte via des représentants élus. | Participation limitée à la ratification du texte. |
Légitimité démocratique | Forte (représentation du peuple et débats). | Peut être perçue comme limitée (texte imposé). |
Efficacité | Plus long et complexe. | Rapide, mais moins transparent. |
Flexibilité | Permet des ajustements et débats approfondis. | Peu d’espace pour des corrections une fois le texte soumis. |
Combinaison des deux procédés
Le cumul des deux procédés est souvent considéré comme une solution idéale : une assemblée constituante élabore la constitution, et le peuple la ratifie par référendum. Ce modèle assure une double légitimité démocratique et garantit une large acceptabilité du texte.
Exemple : La France en 1946, où le premier projet de constitution fut rejeté, démontrant que la ratification populaire n’est pas une simple formalité.
Le pouvoir constituant institué est celui prévu et organisé par les institutions en place pour permettre la révision de la constitution. Ce mécanisme repose sur l’idée que la constitution, bien que fondamentale, doit pouvoir être adaptée aux évolutions politiques, sociales ou économiques. Cependant, la procédure de révision doit être plus exigeante que celle utilisée pour une loi ordinaire, afin de préserver la stabilité et la suprématie de la constitution.
L’initiative de réviser la constitution peut être confiée à différentes autorités politiques (exécutif, législatif, voire directement au peuple), selon les priorités du régime politique concerné.
En France
L’article 89 établit ainsi un équilibre entre l’exécutif et le législatif. Par ailleurs, l’utilisation de l’article 11, relatif aux référendums législatifs, a été détournée en 1962 et 1969 par le général de Gaulle pour réviser la constitution. Cette interprétation controversée visait à contourner les procédures contraignantes de l’article 89.
Exemples internationaux
Les travaux préparatoires
Dans certains cas, l’initiative peut être accompagnée de travaux d’experts pour éclairer le débat. Par exemple, en France, le comité présidé par Georges Vedel (1992-1993) a joué un rôle clé dans la réflexion sur une révision constitutionnelle. Ce type de démarche peut renforcer la légitimité et la qualité des révisions proposées.
Un projet de révision, qu’il émane de l’exécutif ou du législatif, doit être soumis à une procédure complexe avant son adoption :
Passage devant les deux chambres :
Adoption finale :
Complexité et détournements
La complexité de la procédure peut inciter à des contournements. En France, le général de Gaulle a utilisé l’article 11 pour soumettre directement des révisions constitutionnelles au référendum, court-circuitant l’article 89. Ce précédent a soulevé des débats sur la légitimité et les risques de telles pratiques.
La souveraineté populaire et l’autolimitation
Un enjeu fondamental réside dans la relation entre le peuple souverain et la constitution qu’il a instituée :
Le rôle du référendum
Le référendum, instrument de souveraineté populaire, reste un outil controversé pour la révision constitutionnelle. Bien qu’il puisse renforcer la légitimité démocratique, il peut aussi être utilisé à des fins politiques, comme ce fut le cas sous le général de Gaulle. Ce débat pourrait ressurgir, notamment si des candidats à l’élection présidentielle proposent des révisions majeures.
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