Le pouvoir exécutif et législatif britannique

Les régimes parlementaires au Royaume-Uni

Le Royaume Uni est le premier régime parlementaire, et l’Allemagne un des plus récents qui a tout mis en place pour ne pas reproduire le régime Hitlérien. Le Royaume-Uni incarne l’archétype du régime parlementaire, un modèle dont les origines plongent dans une histoire complexe de crises, de compromis et d’innovations institutionnelles. Ce pays, souvent présenté comme le berceau du parlementarisme moderne, a développé un système politique unique, alliant traditions séculaires et évolutions contemporaines

. Contrairement à d’autres nations, où la monarchie absolue a souvent prédominé avant de céder face à des révolutions brutales, l’Angleterre a progressivement limité les prérogatives royales grâce à des textes fondateurs comme la Magna Carta et le Bill of Rights, tout en créant des structures parlementaires bicamérales. Ce cadre, enrichi par un bipartisme structurant et des règles coutumières, fait du régime parlementaire britannique une référence universelle, étudiée et souvent imité, mais jamais parfaitement reproduit.

Section 1: Le contexte historique et politique

Le Royaume-Uni est le berceau du régime parlementaire, une évolution marquée par des crises et des transformations graduelles qui ont façonné le système politique actuel. Ce cadre s’appuie sur des institutions historiques comme le Parlement, tout en étant profondément influencé par le bipartisme, qui structure la vie politique moderne.

I- Le contexte historique  britannique

1. Une monarchie féodale contestée

Au XIIe siècle, l’Angleterre est une monarchie féodale, mais l’autorité du roi est limitée par le Grand Conseil, ancêtre de la Chambre des lords. Ce conseil, composé de grands seigneurs féodaux, est réuni par le roi pour participer aux décisions.

2. La Magna Carta : une première limitation du pouvoir royal

Au XIIIe siècle, le roi est contraint d’adopter la Magna Carta (1215), un texte fondateur qui établit que les impôts ne peuvent être levés sans le consentement des grands seigneurs. Cette concession marque le début de la limitation institutionnelle du pouvoir royal.

3. Naissance de la Chambre des communes

Au XIVe siècle, une deuxième chambre est créée : la Chambre des communes, représentant les territoires et les populations non aristocratiques. Elle devient progressivement l’organe représentant la population face à l’aristocratie de la Chambre des lords. Les deux chambres constituent alors un Parlement bicaméral, collaborant pour le vote des lois et des impôts.

4. Crises du XVIIe siècle : révolutions et monarchie limitée

Le XVIIe siècle est marqué par des tensions entre le roi et le Parlement, conduisant à des bouleversements majeurs :

  • 1649 : Exécution de Charles Ier après une guerre civile.
  • 1660 : Restauration de la monarchie avec Charles II, mais sous des conditions restrictives.
  • 1688-1689 : La Glorieuse Révolution aboutit à l’arrivée de Guillaume d’Orange au trône, qui accepte le Bill of Rights, établissant une monarchie constitutionnelle où le Parlement contrôle le pouvoir.

5. L’autonomisation du Cabinet et l’affaiblissement royal

Dès le XVIIIe siècle, le Cabinet, composé de ministres initialement choisis par le roi, s’autonomise pour devenir un organe exécutif collectif dirigé par un Premier ministre. Plusieurs facteurs accélèrent cette évolution :

  • L’arrivée des monarques de Hanovre, tels que George Ier, qui ne parle pas anglais et délègue ses responsabilités aux ministres.
  • La monarchie devient progressivement symbolique, notamment sous la Reine Victoria, qui, bien que populaire, exerce un rôle limité sur le plan politique.

 

II- Le contexte politique au Royaume Uni

1. L’origine et l’évolution du bipartisme

Le Royaume-Uni est également à l’origine du bipartisme, un système structuré autour de deux grands partis politiques, qui prend ses racines dans les divisions du XVIIe siècle :

  • Les Tories : Partisans de la monarchie anglicane.
  • Les Whigs : Soutiens des puritains et d’un modèle plus républicain.

Aujourd’hui, ces partis ont évolué en deux principales forces politiques :

  • Le Parti conservateur, héritier des Tories, défendant des politiques économiques libérales et des valeurs traditionnelles.
  • Le Parti travailliste, fondé en 1906, issu des mouvements syndicaux, promouvant la justice sociale et des politiques de gauche.

2. Le rôle central des partis politiques

Les partis politiques sont des acteurs majeurs du régime parlementaire britannique. Le Premier ministre est choisi parmi les rangs du parti majoritaire, ce qui fait du vote pour un parti un vote indirect pour son leader.

  • Un bipartisme renforcé par le scrutin majoritaire : Le mode de scrutin uninominal majoritaire à un tour favorise les deux grands partis, limitant l’influence des petites formations politiques.
  • Exemple récent : Aux élections générales de 2019, le Parti conservateur, dirigé par Boris Johnson, a obtenu 43,6 % des voix mais 56 % des sièges, grâce à ce système électoral.

3. La montée en puissance des partis autonomistes

Bien que le bipartisme domine, des partis autonomistes régionaux gagnent en importance, reflétant les spécificités des nations constitutives du Royaume-Uni :

  • Parti national écossais (SNP) : Il milite pour l’indépendance de l’Écosse et domine la scène politique écossaise. Lors des élections législatives de 2021, le SNP a renforcé sa majorité au Parlement écossais.
  • Plaid Cymru : Défend les intérêts du Pays de Galles.
  • Sinn Féin : Acteur majeur en Irlande du Nord, prônant la réunification avec la République d’Irlande.

4. L’émergence d’un troisième parti

Le Parti libéral-démocrate, bien que marginalisé par le système majoritaire, a joué un rôle crucial dans des coalitions récentes :

  • En 2010, les libéraux-démocrates ont formé une coalition gouvernementale avec le Parti conservateur dirigé par David Cameron.
  • Toutefois, leur influence a décliné depuis, en partie à cause des concessions faites pendant cette coalition.

Conclusion : Le régime parlementaire britannique, enraciné dans une longue histoire de limitation progressive du pouvoir monarchique, est aujourd’hui caractérisé par un bipartisme structurant. Bien que dominé par les Conservateurs et les Travaillistes, le paysage politique britannique reflète une diversité régionale et partisane, notamment avec l’émergence de partis autonomistes et l’influence occasionnelle de forces tierces comme les libéraux-démocrates. 

 

Section 2: Les institutions britanniques

Sous-section 1: Le Cadre juridique : la Constitution coutumière britannique

Le Royaume-Uni est souvent cité comme le modèle par excellence d’un système constitutionnel coutumier, bien que cette vision soit quelque peu simplifiée. En réalité, le cadre juridique britannique repose sur une combinaison de textes fondamentaux, de conventions non écrites et de pratiques institutionnelles.

1. Les textes fondamentaux

Bien que le Royaume-Uni ne dispose pas d’une Constitution écrite unique, certains textes revêtent un caractère quasi-constitutionnel et servent de référence :

  • La Magna Carta (1215) : Première limitation du pouvoir royal, établissant des droits pour les barons et, indirectement, pour les citoyens.
  • Le Bill of Rights (1689) : Texte fondamental affirmant les droits du Parlement et limitant les prérogatives royales après la Glorieuse Révolution.
  • L’Acte d’établissement (1701) : Fixe les règles de succession au trône et renforce la monarchie constitutionnelle.

2. L’absence de contrôle constitutionnel formel

Contrairement à d’autres démocraties, il n’existe pas de juridiction constitutionnelle au Royaume-Uni :

  • Les juges ordinaires veillent à l’application et au respect des textes fondamentaux, mais ils ne disposent pas du pouvoir d’annuler une loi adoptée par le Parlement, conformément au principe de souveraineté parlementaire.
  • En 2009, la création d’une Cour suprême a marqué une étape importante dans l’autonomisation judiciaire. Issue de la Chambre des Lords, cette cour exerce des fonctions d’appel ultime, mais sans contrôle de constitutionnalité comparable à celui du Conseil constitutionnel français.

3. Les règles coutumières du régime parlementaire

Le fonctionnement des institutions britanniques repose sur des conventions non écrites qui guident les interactions entre les pouvoirs :

  1. Le Monarque nomme le Premier ministre, mais ce choix est limité au leader du parti ayant remporté les élections législatives.
  2. Sur proposition du Premier ministre, le Monarque nomme les membres du gouvernement.
  3. Le gouvernement doit conserver la confiance du Parlement pour rester en place.
  4. Un gouvernement dont la responsabilité est mise en cause doit soit démissionner, soit demander au Monarque de dissoudre la Chambre des communes pour convoquer de nouvelles élections.

Ces règles ne sont formalisées dans aucun texte, mais elles sont respectées par tradition et consensus.

Sous-section 2: Le pouvoir exécutif britannique, un pouvoir bicéphale

Le régime parlementaire britannique repose sur un pouvoir exécutif bicéphale, partagé entre le Monarque, chef symbolique de l’État, et le gouvernement, dirigé par le Premier ministre. Ce modèle, fruit d’une longue évolution historique, illustre une séparation pragmatique des rôles où le Monarque conserve des fonctions cérémonielles, tandis que le gouvernement exerce le véritable pouvoir exécutif.

Le pouvoir exécutif bicéphale britannique reflète l’évolution historique du régime parlementaire :

  • Le Monarque, bien que symbolique, incarne la continuité de l’État.
  • Le gouvernement, dirigé par un Premier ministre puissant, détient les véritables leviers du pouvoir grâce à une majorité parlementaire cohérente.

A- Le Monarque

1. Une monarchie héréditaire et constitutionnelle

Le pouvoir monarchique repose sur un système héréditaire de primogéniture, bien que des réformes récentes aient modernisé ces règles :

  • Acte de succession à la Couronne (2013) : Depuis cette réforme, l’aîné, qu’il soit homme ou femme, hérite du trône. Cette modification a mis fin à la préférence masculine, marquant une avancée symbolique vers l’égalité des sexes.
  • Charles III est devenu roi en 2022, après les 70 ans de règne d’Élisabeth II, qui incarnait la stabilité de la monarchie britannique depuis 1952.

2. Des pouvoirs essentiellement formels

Le rôle du Monarque est aujourd’hui principalement protocolaire :

  • Le discours du Trône : Chaque année, le Monarque lit le discours lors de l’ouverture du Parlement, un texte rédigé par le Premier ministre, qui expose les priorités législatives du gouvernement.
  • Nomination du Premier ministre : Bien que le Monarque nomme officiellement le chef du gouvernement, ce choix suit automatiquement le résultat des élections générales.
  • Un rôle de conseil : Comme le soulignait Walter Bagehot, un célèbre auteur anglais, le Monarque peut « être consulté, donner des conseils et avertir », mais ne décide pas.

3. Une influence limitée mais persistante

Malgré son rôle restreint, la monarchie peut avoir une certaine influence informelle :

  • Les mémoires de Tony Blair révèlent que la Reine Élisabeth II portait un intérêt particulier à certains dossiers, comme les questions agricoles ou environnementales.

 

B- Le pouvoir gouvernemental

1. Le Premier ministre au cœur de l’exécutif

Le Premier ministre, chef du parti majoritaire, est au centre du pouvoir exécutif :

  • Il préside seul le Cabinet et fixe l’ordre du jour des réunions ministérielles.
  • Il est responsable de l’administration et des forces armées, en tant que commandant en chef.
  • Il dispose de moyens matériels et financiers importants, comme le « Budget No 10 », l’équivalent du Budget Matignon en France.
  • Le Premier ministre est souvent décrit comme ayant plus de pouvoir qu’un chef d’État présidentiel, grâce à une majorité parlementaire disciplinée et fidèle.
    • Exemple récent : Boris Johnson, avec sa majorité obtenue en 2019, a pu diriger efficacement le gouvernement et mettre en œuvre le Brexit sans blocage parlementaire significatif.

2. Un Cabinet large mais concentré sur un noyau dur

Le Cabinet britannique est composé de nombreux membres, mais seuls les ministres principaux, formant le noyau dur, participent aux décisions majeures :

  • Le gouvernement compte environ 100 ministres, contre une trentaine en France.
  • Les ministres doivent être élus au Parlement, soit à la Chambre des communes, soit à la Chambre des Lords. Cependant, un ministre siégeant dans l’une des chambres ne peut pas intervenir dans l’autre.
    • Exemple : Un membre de la Chambre des Lords ne peut présenter un projet de loi devant les Communes, ce qui limite son efficacité en tant que ministre.

3. Attributions du gouvernement

Le gouvernement exerce une influence déterminante dans le processus législatif et la gestion du pays :

  • Initiative législative : Environ 90 % des lois votées par le Parlement proviennent de projets gouvernementaux.
  • Gestion des lois de finances : Le budget est élaboré et défendu par le gouvernement, le Parlement jouant un rôle d’approbation.
  • Dissolution du Parlement : Bien qu’officiellement demandée au Monarque, la dissolution est en réalité décidée par le gouvernement.

 

Sous-section 3: Le pouvoir législatif bicaméral britannique

Le système législatif britannique repose sur deux chambres : la Chambre des communes (chambre basse) et la Chambre des Lords (chambre haute).

1. La Chambre des communes

  • Créée au XIVe siècle, elle représente la nation et est élue au suffrage universel direct pour un mandat de 5 ans.
  • Elle compte 650 députés, depuis un redécoupage récent en 2023, et est ouverte aux femmes depuis 1918.
  • C’est le principal organe législatif et décisionnel, capable de renverser le gouvernement via une motion de censure.

2. La Chambre des Lords

  • Historiquement la chambre dominante, elle a perdu l’essentiel de ses pouvoirs au début du XXe siècle après une série de conflits avec les Communes sur des lois budgétaires.
  • Composition actuelle :
    • Lords spirituels : Membres du clergé anglican.
    • Lords héréditaires : Leur nombre est limité depuis la réforme de 1999.
    • Lords à vie : Nommés pour leurs contributions exceptionnelles (exemple : Elton John).
    • Lords judiciaires : Anciennement membres de la plus haute juridiction, remplacés par la Cour suprême depuis 2009.

3. Relations entre les deux chambres

  • La Chambre des Lords ne peut plus censurer les lois votées par les Communes, mais peut retarder leur adoption pendant un an maximum.
  • Les Lords jouent désormais un rôle de réflexion et de révision, sans pouvoir décisionnel majeur.

 

Section 3: Le fonctionnement de ces régimes

1. Comparaison des régimes britanniques et allemands

Le Royaume-Uni et l’Allemagne partagent des caractéristiques communes propres au régime parlementaire :

  • Deux chambres déséquilibrées : Une chambre basse élue au suffrage universel direct (la Chambre des communes au Royaume-Uni et le Bundestag en Allemagne) et une chambre haute au rôle secondaire.
  • Une majorité parlementaire soudée : Dans les deux systèmes, le mode de scrutin favorise la formation de majorités solides, soutenant fermement le chef du gouvernement (Premier ministre ou Chancelier).
  • Séparation souple des pouvoirs : Les pouvoirs exécutif et législatif collaborent étroitement, avec une prédominance du chef du gouvernement.

2. Le Cabinet au cœur du système britannique

Le Cabinet est l’organe exécutif central en Grande-Bretagne, regroupant les ministres principaux sous l’autorité du Premier ministre. Sa puissance repose sur :

  • L’absence de formalisation écrite : Le Cabinet tire sa force de conventions, ce qui lui confère une flexibilité pour s’adapter aux évolutions politiques.
  • L’appui d’une majorité disciplinée : Les parlementaires du parti majoritaire suivent généralement la ligne du gouvernement, renforçant son efficacité.

3. Le « shadow cabinet » : un modèle d’opposition institutionnalisée

Le système britannique se distingue par l’existence d’un shadow cabinet (cabinet fantôme), formé par le principal parti d’opposition :

  • Chaque ministre du gouvernement en place a un équivalent dans l’opposition, chargé de suivre ses activités et de proposer des alternatives.
  • Cette structure assure une continuité potentielle en cas de changement de majorité, car le shadow cabinet est prêt à gouverner immédiatement.
    • Exemple récent : Lors des débats sur le Brexit, les membres du gouvernement conservateur et leurs homologues travaillistes du shadow cabinet ont parfois collaboré sur des questions d’intérêt national, comme la sécurité et la lutte contre le terrorisme.

4. Leadership : Cabinet ou Chancelier ?

  • En Grande-Bretagne, le pouvoir exécutif est incarné par le Cabinet, dont le Premier ministre est le pivot central.
  • En Allemagne, la figure dominante est le Chancelier, qui exerce un contrôle direct et un leadership fort sur son gouvernement.

 

Isa Germain

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