Le pouvoir dans l’État : origine, organisation, légitimité

Le pouvoir, moyen d’action d’État : origine, organisation et légitimité

Le pouvoir politique, au cœur de l’État, se distingue par sa globalité (exerçant sur toute la société) et son monopole de la contrainte légitime. Son origine peut être divine ou populaire, mais sa légitimité repose sur l’adhésion des gouvernés. Son exercice est structuré par des principes de compétence, de légalité (respect des normes juridiques) et de responsabilité (politique et juridique), garantissant un pouvoir encadré et transparent.

Analyse du pouvoir politique dans l’État

Aspect Description Exemples/Précisions
Spécificité du pouvoir Globalité (exerce sur toute la société) et monopole de la contrainte légitime (force reconnue et acceptée). Exemple : Police et armée pour maintenir l’ordre public ; sanctions (amendes, peines).
Origine du pouvoir Peut être divine (source mystique, autorité incontestable) ou populaire (volonté générale). Exemples : Monarchie absolue (Louis XIV) ; souveraineté populaire dans les démocraties modernes (élections).
Légitimité Fondée sur l’adhésion des gouvernés, selon trois types : traditionnelle (continuité historique), charismatique (prestige personnel), rationnelle-légale (État de droit). Exemple : Charles de Gaulle (charisme et élection).
Exercice du pouvoir Encadré par trois principes fondamentaux : compétence (champs d’action définis), légalité (respect des lois), et responsabilité (compte rendu au peuple et réparation). Exemple : Annulation d’un décret illégal ; Article 15 DDHC (« compte à tout agent public »).
Consentement au pouvoir Repose sur la légitimité, le maintien de l’ordre public et l’encadrement légal de l’usage de la contrainte pour éviter l’arbitraire. Exemple : Régimes démocratiques où les citoyens élisent leurs représentants et acceptent leurs décisions via des mécanismes institutionnels.
Rôle du souverain et des gouvernants Le souverain (source ultime) délègue aux gouvernants (agents temporaires) la gestion des affaires publiques, encadrée par la Constitution et les lois. Exemples : Constitution française, mandat électoral des dirigeants, révocation des gouvernants en cas de faute (motion de censure).

I. Spécificité du pouvoir politique

Le pouvoir politique se distingue des autres formes de pouvoir par son champ d’application global et son caractère coercitif. Il agit sur l’ensemble de la collectivité avec une capacité normative et coercitive unique, ce qui le place au cœur de l’organisation sociale.

Définition générale du pouvoir : Le pouvoir peut être défini comme la capacité d’un individu ou d’un groupe d’influencer le comportement d’autrui pour obtenir une action qu’il n’aurait pas spontanément réalisée (G. Burdeau). Cette définition s’applique à de nombreux domaines (famille, sport, loisirs, enseignement). Cependant, le pouvoir politique se distingue par ses spécificités.

 

A) Spécificité par sa globalité

Caractère universel du pouvoir politique

Le pouvoir politique s’exerce sur l’ensemble du groupe humain ou de la collectivité, contrairement aux pouvoirs partiels qui concernent des segments spécifiques de la société (ex : pouvoir économique, sportif ou religieux).

  • Souveraineté globale : Le pouvoir politique est souverain, c’est-à-dire qu’il agit en toute liberté et ne dépend d’aucune autre autorité. Cette souveraineté découle directement de celle de l’État.

  • Supériorité sur les autres pouvoirs :

    • Pouvoir militaire : Subordonné au pouvoir politique. Les dirigeants politiques nomment les chefs militaires, déterminent leurs missions et contrôlent leurs moyens.
    • Pouvoir religieux : Principe de séparation entre l’Église et l’État. Historiquement liés, ces deux pouvoirs sont aujourd’hui dissociés dans la majorité des régimes démocratiques. Les théocraties (ex : Iran) en constituent une exception.

Le rôle économique de l’État

Traditionnellement, l’État était un arbitre économique, garantissant le respect des principes fondamentaux comme la libre concurrence. Cependant :

  • L’État s’implique désormais davantage dans l’économie : politiques d’emploi, régulation des marchés, intervention dans le développement économique.
  • L’intérêt général devient le principe justificateur de cette intervention. Mais ce concept peut parfois masquer des intérêts particuliers.

Conclusion sur la globalité : Le pouvoir politique est indépendant et supérieur aux autres pouvoirs. Ses décisions sont impératives et accompagnées de sanctions en cas de non-respect.

 

B) Spécificité par l’éventuel recourt à la force

Le pouvoir politique dispose d’un monopole de la contrainte légitime, ce qui le distingue radicalement des autres formes de pouvoir.

Sanction en cas de non-respect

Le pouvoir politique impose des règles contraignantes, assorties de sanctions :

  • Peines privatives de liberté (prison).
  • Peines financières (amendes).
  • Peine de mort (abolie en France en 1981, mais encore en vigueur dans certains États).

Usage légitime de la force

  • L’État peut utiliser la force pour maintenir l’ordre public (police, armée).
  • Cette capacité à recourir à la violence est strictement légitime : elle est reconnue et acceptée par les citoyens.
  • Selon Max Weber, l’État est le seul à détenir le monopole de l’usage légitime de la violence.

Pourquoi cette légitimité ?

  1. Consentement :
    • Le caractère exceptionnel du pouvoir politique sur la vie, la liberté et les biens est accepté par la collectivité. Cette acceptation découle de la légitimité démocratique ou du respect des normes juridiques.
  2. Maintien de l’ordre public :
    • L’État garantit la sécurité collective et protège les droits fondamentaux des individus.
  3. Éviter l’arbitraire :
    • L’usage de la contrainte est encadré par le droit, garantissant son caractère légitime et non arbitraire.

 

II. Origine et légitimité du pouvoir

L’origine et la légitimité du pouvoir sont des concepts fondamentaux pour comprendre la structure et la stabilité des États. Qu’il soit fondé sur une autorité divine ou sur la volonté populaire, le pouvoir ne peut subsister sans l’adhésion des gouvernés. La légitimité, qu’elle soit traditionnelle, charismatique ou rationnelle, est la clé de cette acceptation et de la pérennité des institutions.

A) Le problème de l’origine

L’origine du pouvoir politique a fait l’objet de multiples interprétations, regroupées autour de deux conceptions principales :

1. L’origine divine
  • Fondement mystique et religieux :

    • Dans de nombreuses sociétés, l’origine du pouvoir est attribuée à une source divine ou surnaturelle. Le pouvoir est alors exercé par des chefs ou des monarques qui se présentent comme les représentants ou les émanations d’une puissance supérieure.
    • Ce lien entre pouvoir et divin confère au dirigeant une autorité incontestable, renforcée par les mythes fondateurs du groupe ou de la société.
  • Rôle historique de la religion et du pouvoir :

    • Pendant longtemps, la religion a été un pilier du pouvoir politique. Chaque État cherchait à aligner son organisation politique sur sa religion dominante, provoquant parfois des tensions (schismes, guerres de religion).
    • Exemple : En France, l’Église catholique a résisté à la République jusqu’à ce qu’elle reconnaisse officiellement la Troisième République en 1892. La séparation entre l’Église et l’État a été officialisée en 1905.
  • Survivance de l’influence religieuse :

    • Bien que les démocraties modernes séparent le pouvoir politique et la religion, des liens subtils persistent, notamment dans les comportements électoraux ou l’identité culturelle des nations.
    • La religion et la politique restent deux visions de l’avenir : une projection terrestre contre une projection spirituelle.
2. L’origine populaire
  • Fondement philosophique et démocratique :

    • L’origine populaire du pouvoir apparaît avec les Lumières et s’affirme au XVIIIe siècle grâce à des penseurs comme Rousseau. Elle repose sur l’idée que le pouvoir réside dans la volonté générale du peuple.
    • Les citoyens renoncent à une partie de leur liberté individuelle pour permettre à l’État de gérer les affaires collectives dans l’intérêt général.
  • Consécration moderne :

    • Aujourd’hui, l’idée que le pouvoir appartient au peuple est presque universellement acceptée dans les démocraties. Cette conception est à la base des systèmes électoraux et de la souveraineté populaire.

 

B) La notion de légitimité

Définition

La légitimité est la reconnaissance sociale et politique du pouvoir par les gouvernés. Elle repose sur leur acceptation ou leur consentement, quelle que soit l’origine du pouvoir. Ainsi, un pouvoir peut être légitime qu’il soit divin ou populaire, tant que les gouvernés adhèrent à son autorité.

Les trois types de légitimité selon Max Weber

Max Weber distingue trois formes idéales de légitimité :

  1. Légitimité traditionnelle :

    • Basée sur les traditions et la continuité historique.
    • Exemple : Les monarchies héréditaires où le pouvoir est transmis de génération en génération, souvent avec un fondement divin.
  2. Légitimité charismatique :

    • Repose sur le prestige personnel et le charisme d’un dirigeant. Ce type de légitimité dépasse les règles établies et s’impose par la force de la personnalité du leader.
    • Exemple : Un chef révolutionnaire ou militaire qui inspire la population (De Gaulle, par exemple).
  3. Légitimité rationnelle-légale :

    • Fondée sur des règles de droit claires et acceptées par tous. L’autorité découle de la légalité et des institutions établies.
    • Exemple : Les systèmes démocratiques modernes où les gouvernants sont élus conformément à la Constitution.
Interactions entre les types de légitimité

Les trois formes de légitimité ne sont pas exclusives : elles se combinent souvent dans les régimes politiques.

  • Exemple 1 : Charles de Gaulle a bénéficié d’une légitimité rationnelle (élections) et charismatique (son prestige et son rôle pendant la Seconde Guerre mondiale).
  • Exemple 2 : Juan Carlos I d’Espagne détenait une légitimité traditionnelle (monarchie) et rationnelle (désigné par Franco).

Consensus et rupture

La légitimité du pouvoir repose sur l’existence d’un consensus social :

  • Adhésion collective : Le consensus résulte d’un large soutien des forces sociales et politiques (partis, syndicats, etc.) et de la population.
  • Risque de rupture :
    • En l’absence de consensus, la légitimité du pouvoir peut être contestée, conduisant à des tensions sociales, des révoltes, voire des révolutions.
    • Une crise de légitimité se manifeste souvent par une perte de confiance dans les institutions, marquée par des protestations ou des refus d’obéissance.

 

III. Le statut du pouvoir dans l’État

Si le pouvoir n’est plus une prérogative personnelle exercée par la force mais distinct de la personne, il est donc institutionnalisé. Comment se fait cette institutionnalisation ?

Le pouvoir dans l’État, institutionnalisé et distinct des personnes, repose sur le souverain (source ultime de l’autorité) et les gouvernants (agents du pouvoir délégué). Son exercice s’articule autour de la compétence (périmètres d’action définis), de la légalité (respect du droit) et de la responsabilité (politique et juridique). Ces principes assurent un contrôle démocratique et une transparence pour garantir un pouvoir légitime et encadré.

A) Souverain et gouvernants

La distinction entre souverain et gouvernants est essentielle pour comprendre l’organisation du pouvoir au sein de l’État. Cette distinction clarifie les rôles respectifs de celui qui détient la source du pouvoir (le souverain) et de ceux qui exercent ce pouvoir au nom de l’État (les gouvernants).

1) Le souverain

Le souverain est celui qui constitue la source ultime du pouvoir. C’est en lui que réside l’autorité fondamentale qui légitime le système politique et établit les règles fondamentales de l’État.

Rôles et caractéristiques

  1. Définir l’ordre social désirable :

    • Le souverain fixe les grandes orientations politiques et sociales.
    • Il détermine les principes fondamentaux qui guideront l’organisation de l’État.
  2. Établir ou approuver les règles constitutives du pouvoir :

    • Sous les monarchies, cela prenait la forme des lois fondamentales du royaume, qui régissaient le fonctionnement de la monarchie.
    • Dans les systèmes modernes, il s’agit de la Constitution, le texte fondamental qui organise les institutions, définit leurs compétences et les droits des citoyens.
  3. Pouvoir constituant :

    • Le souverain détient le pouvoir constituant, c’est-à-dire la capacité d’adopter ou de réviser la Constitution.
    • Ce pouvoir peut être exercé directement (par un roi absolu, par exemple) ou indirectement (par le peuple, à travers un référendum ou une assemblée constituante).

 Qui est le souverain ?

Le souverain peut varier selon les systèmes politiques :

  • Dans une monarchie absolue : c’est le monarque, symbolisé par l’expression célèbre de Louis XIV : « L’État, c’est moi ».
  • Dans une démocratie moderne : c’est le peuple, souvent qualifié de souverain dans la Constitution.

2)Les gouvernants

Les gouvernants sont les agents désignés par le souverain pour exercer le pouvoir. Leur rôle est d’assurer la gestion quotidienne des affaires publiques et de mettre en œuvre les décisions prises par le souverain.

Rôles et caractéristiques

  1. Mise en œuvre du pouvoir :

    • Les gouvernants administrent et dirigent les institutions de l’État.
    • Ils appliquent la volonté du souverain en respectant les règles établies par celui-ci.
  2. Délégation du pouvoir :

    • Le pouvoir ne leur appartient pas : ils exercent une délégation du pouvoir confiée par le souverain.
    • Leur rôle est temporaire, limité dans le temps et souvent soumis à des mécanismes de contrôle ou de révocation.
  3. Éphémérité des fonctions :

    • Contrairement à la permanence de l’État, les gouvernants ne sont que des agents passagers du pouvoir.
    • Ils occupent leurs fonctions pour une durée déterminée (mandat électoral, nomination).

Définition des gouvernants

  • Agents passagers de l’exercice du pouvoir : ils administrent les affaires publiques pour une période donnée.
  • Leur volonté personnelle est juridiquement inexistante : seules leurs actions en tant qu’agents de l’État sont reconnues et ont une valeur juridique.
  • Ils ne détiennent pas le pouvoir en propre : celui-ci leur est confié par le souverain et reste distinct de leur personne.

 

B) L’exercice du pouvoir

L’exercice du pouvoir par l’État repose sur trois notions fondamentales : la compétence, la légalité et la responsabilité. Ces principes permettent de garantir un pouvoir encadré, légitime et acceptable pour les citoyens.

1. La compétence

La compétence désigne la capacité juridiquement reconnue à un organe ou à un agent de l’État d’agir dans un domaine précis et selon un périmètre déterminé. Cela implique que les gouvernants, loin de disposer d’un pouvoir absolu, sont soumis à des limites strictes :

  • Compétence rationae materiae (en raison de la matière) : elle délimite le champ d’action en fonction des sujets traités. Par exemple, le ministère de l’Éducation nationale est compétent en matière d’éducation, mais ne peut intervenir directement en matière de défense.
  • Compétence ratione loci (en raison du lieu) : elle fixe les limites géographiques de l’intervention. Par exemple, un préfet exerce son autorité sur son département, mais pas au-delà.

Les sources de compétence sont définies principalement par :

  • La Constitution, qui répartit les compétences entre les institutions nationales (Président de la République, Parlement, Conseil constitutionnel, etc.).
  • Les lois, qui précisent les domaines d’intervention des différents acteurs étatiques et locaux.

Distinction entre compétence et aptitude

Il faut distinguer :

  • La compétence juridique : la délégation de l’État pour agir en son nom.
  • La compétence intellectuelle : les qualités ou connaissances personnelles nécessaires pour exercer efficacement ces prérogatives.

2. La légalité

La légalité impose que l’exercice du pouvoir se fasse conformément aux règles de droit établies par l’État lui-même. Cela signifie que les gouvernants :

  • Doivent respecter la loi et ne pas la transgresser.
  • Peuvent modifier la loi, mais uniquement dans les formes et limites prévues par la Constitution.

L’État de droit

Ce respect du droit par les autorités publiques est une condition essentielle pour que l’État soit qualifié d’État de droit. Cela le distingue des régimes autoritaires ou arbitraires :

  • Les citoyens disposent de recours juridiques : ils peuvent contester les décisions administratives ou législatives contraires aux lois.
  • Les juridictions, comme le Conseil constitutionnel, contrôlent la conformité des actes de l’exécutif et des lois au droit supérieur.

Exemple : contrôle de la légalité : Si un décret ministériel est contraire à une loi, il peut être annulé par un juge administratif. Ce contrôle garantit que l’action de l’exécutif respecte la hiérarchie des normes.

3. La responsabilité

La responsabilité des gouvernants repose sur l’idée qu’ils agissent au nom de la souveraineté populaire et doivent rendre des comptes sur leurs actions :

a. Responsabilité politique
  • Les gouvernants sont responsables devant le peuple : les citoyens peuvent les approuver ou les désavouer lors des élections.
  • Dans un régime parlementaire, les ministres peuvent être responsables devant le Parlement : celui-ci peut les interroger, les critiquer, voire les renverser (motion de censure).
  • La notion d’accountability, issue du monde anglo-saxon, illustre cette exigence de transparence et de justification : les gouvernants doivent expliquer leurs décisions et répondre de leurs actes.
b. Responsabilité juridique
  • Si un acte des gouvernants cause un préjudice, l’État en est responsable :
    • L’État doit réparer les dommages causés par ses décisions ou ses agents (par exemple, en indemnisant une personne lésée par une faute administrative).
    • Cela reflète le principe selon lequel l’exercice du pouvoir doit être soumis à des mécanismes de contrôle et de sanction en cas de dérive.
c. Article 15 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (1789)
  • « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. »
  • Cet article illustre l’exigence fondamentale de transparence et de responsabilité dans l’exercice du pouvoir public.
Isa Germain

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