Le préambule de la constitution de 1958

LE PRÉAMBULE DE LA CONSTITUTION

   Dans sa décision du 16 juillet 1971, le Conseil Constitutionnel a consacré la valeur constitutionnelle du préambule de la constitution de 1958, lequel renvoie au préambule de la Constitution de 1946 et à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

A) Les texte du préambule de la constitution

 Version actuelle telle que modifiée par la Loi constitutionnelle no 2005-205 du 1er mars 2005

« Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004.
 En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d’Outre-Mer qui manifestent la volonté d’y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l’idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique. »

 

B) Les déclarations des droits

Pour affirmer l’importance de la place du citoyen, et donc de son statut juridique, des règles qui le protègent dans sa vie et dans sa liberté, c’est une pratique assez générale que d’affirmer les droits du citoyen en tête dans le texte des constitutions ou bien par un texte qui accompagne ou qui précède celle-ci. Les formes peuvent être différentes, mais elles ont une fonction équivalente. On peut distinguer les déclarations, avec une série d’articles en forme volontariste, mais aussi les préambules littéraires expliquant les finalités de la constitution, ou bien des garanties des droits avec des règles plus contraignantes. Tout ça a un peu vieilli, tous ces textes (préambules, déclaration, garanties) ont en fait la même signification.

1) Existence générale des déclarations des droits au préambule

Bien sûr, on peut remonter très loin. La plus ancienne garantie des droits qu’on connaisse est la magna carta (« la grande charte »), octroyée par Jean Sans Terre au barreau d’Angleterre en 1275. Après cette grande charte, les premiers textes qui correspondent à notre conception moderne sont des textes anglais, dont l’habeas corpus (= « tu as un corps »). C’est un texte qui en 1679 établi la « sûreté », c’est-à-dire le fait que la liberté physique de l’individu est proclamée et qu’on ne peut être détenu sans un jugement. Le fait qu’un individu a un corps amène à ce principe de liberté.

Les déclarations des droits, on les trouvera au moment de la révolution américaine et de la révolution américaine. Ces textes, on les trouve à la naissance des USA (1776) à la déclaration d’indépendance, et 1791 (toujours en vigueur) et une série de 10 amendements à la constitution de 1787 votée et ratifiés en 1791. Ils constituent le bill of rights, la loi sur les droits, qui est l’exactement l’équivalent de notre déclaration des droits.

En France, toutes les constitutions révolutionnaires sont précédées par une déclaration qui vise à reconnaître les droits concédés aux citoyens, la plus célèbre étant la DDHC de 1789. Celle-ci est toujours en vigueur. Cette grande déclaration, ou « la déclaration », est la traduction dans une forme juridique des grands principes philosophiques qui inspirent la révolution, la construction constitutionnel que l’on va entreprendre (qui elle sera beaucoup plus longue : 1791). Ce qui inspire cette déclaration, c’est les idées des encyclopédistes : tolérance et liberté individuelle, l’idée que la loi organise cette liberté et exprime la volonté générale (rousseau) et aussi l’idée de la séparation des pouvoirs (Montesquieu). C’est d’un point de vue plus juridique la proclamation des « libertés barrières », des barrières dresses contre l’action de l’Etat : la définition des domaines dans lesquels l’Etat ne peut pas intervenir, car on est dans le domaine de la liberté individuelle. C’est aussi la formation d’une égalité (très juridique et très formelle) entre tous les citoyens, sans distinction, par le simple fait d’être citoyen.

 

En réalité, on a là ce grand mouvement de synthèse des idées du 18ème siècle, comme l’annonce d’un monde nouveau qu’il va falloir construire. Le 19ème siècle se passera à essayer de construire ce monde nouveau, ceci après bien des secousses et des répliques de la révolution, lorsqu’il apparaît que ces acquis sont trop menacés (1830, 1848, 1870), avec chaque fois l’idée qu’il faut poursuivre/achever l’ouvre de la révolution.

Une fois que ceci sera à peu près fait, c’est-à-dire une société fondée sur des libertés, avec les grandes lois de liberté de la troisième République dans les années 1880, le mouvement de liberté conduira à des critiques nouvelles normalement par le marxisme sur le critère formel de ces libertés. On essaye d’explorer des droits nouveaux (sociaux et collectifs) autour du travail en particulier, qui montreront le 20ème siècle. Apparaissent aussi des droits de la troisième génération, des droits fondés sur l’idée d’une solidarité (lutte contre l’exclusion, et droit voir devoir d’ingérence au niveau international).

On peut essayer de montrer que tout se passe comme si notre trilogie républicaine (liberté, égalité, fraternité) se déclinait siècles après siècles. Fin 18ème, on rêve la liberté et on la réalisera pour l’essentiel au 19ème sous la troisième République (liberté de la presse, liberté d’association). Au 19ème vers la fin, on pense l’égalité (comment ? en diminuant les distance sociales) et on tentera de le faire au 20ème siècle. Fin du 20ème on pense la fraternité (ou solidarité aujourd’hui) qui sera peut être le sujet du 21ème.

Dans ces deux siècles d’histoire juridique, on est passé de la conception de l’état gendarme à l’idée de l’Etat providence, c’est-à-dire l’état qui fourni et satisfait à un certain nombre de besoins. =>le passage de liberté barrières à des libertés créances : la possibilité d’obtenir de l’état la santé, l’éducation. Un débat se crée autour du logement.

Cette tendance à reconnaître les droits sociaux a été particulièrement développée dans les constitutions du lendemain de la seconde guerre mondiale (France en 1946, Italie du 27 décembre 1947). Dans ces constitutions là, il y a la proclamation des principes fondamentaux, et puis une longue première partie sur les droits et les devoirs des citoyens, insistant en particulier sur les rapports économiques et les rapports politiques : tout une terminologie considéré comme étant des objectifs constitutionnels, qui sont la traduction de l’ordre supérieur désirable. Dans les constitutions plus récentes, ceci est encore plus net.

Exemple : Constitution grecque du 9 juin 1975, Espagnole de sept 1978, ou constitution portugaise du 2 avril 1976 au lendemain de la révolution des oillets. Le thème des droits et devoirs du citoyen est très longuement développé, cette constitution va loin sur le plan économique et social également. On veut rendre le retour en arrière difficile.

On pourrait multiplier les ex de déclaration, on les trouve aussi dans la constitution de l’Europe nouvelle (pays ex-communistes). Toutes ces constitutions reposent sur la même philosophie : limitation des pouvoirs de l’Etat, mais aussi le fait que le problème n’est plus de se protéger des pouvoirs de l’Etat mais le problème est aussi d’exiger des prestations positives (passage des libertés barrières aux libertés créances), le problème étant quelle effectivité attendre d’une déclaration ? Exemple, comment faire pour mettre en oeuvre  l’objectif constitutionnel de « droit au bonheur » ?

2)  Le cas de la France contemporaine

Aujourd’hui, notre système de déclaration des droits se présente/caractérise par l’existence de textes emboîtés les uns dans les autres un peu à la manière des poupées russes. En effet, la constitution de 1958 contient un préambule extrêmement court, dans lequel le peuple français proclame son attachement aux droits de l’homme tels qu’ils ont été définis par la déclaration de 1789, confirmés par le préambule de la déclaration de 1946. Autrement dit, le préambule de 1958 se contente de dire qu’il reprend le préambule de 1946, qui lui-même reprenait la déclaration de 1789. Tout cela constitue aujourd’hui notre préambule, notre déclaration des droits. Donc il n’y a pas d’apports nouveaux sur ce plan, il y a ce qu’on peut appeler l’acceptation de l’héritage en la matière : l’apport de la révolution, c’est-à-dire 1789 et les principes proclamés dans la déclaration, qui constituent une synthèse des idées du 18ème.

Vient aussi l’apport spécifique de 1946, qui lui-même fait référence à ce qu’avait apporté la troisième république, avec la formule des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » (=ceux qui sont reconnus au moment ou le préambule est écrit). La dedans, ce sont les grandes conquêtes du 19ème siècle (droit de réunion, liberté de la presse, liberté syndicale, liberté des consciences et des cultes, liberté d’association, etc.). Bref tout ce qui a fait le pacte républicain qui caractérisait la troisième République. Dans le préambule de 1946 il y a aussi les principes nouveaux proclamés à la libération, considérés comme étant « particulièrement nécessaires à notre temps ». C’est là qu’on voit apparaître non plus un statut négatif (ce que l’état ne doit pas faire) mais un statut positif : ce qu’il doit faire et garantir (les créances).

C’est ainsi qu’apparaît la proclamation de l’égalité des sexes (en particulier dans le domaine politique, 8 juillet 1999 révision constitutionnelle). Est proclamé aussi en 1946 ce qui touche le droit des travailleurs, le droit à l’emploi dont l’effectivité reste à démontrer. Le droit au travail, le droit à participer à l’élaboration de ces droits, le droit syndical, et puis aussi le droit de grève reconnu dit le texte de 46 « dans le cadre des lois qui le réglementent ».

S’ajoute à cela, toujours dans le préambule de 1946, déjà contenu pour parti dans les principes fondamentaux, d’autres droits plus théoriques et qui ont aussi une signification plus importante, avec des formules comme le droit au développement, le droit à la protection sociale, à la santé, le droit à la solidarité (fondation de régime de sécu sociale), le droit à l’instruction, à la culture, etc. Cela devient le rôle de l’état d’organiser la mise en oeuvre  de ces droits.

Dispositions plus diverses, dont une significative de l’esprit de l’époque : alinéa 9 du préambule de 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité ». Il sonne comme une obligation de nationalisation.

Tout cela est l’apport de la quatrième république. Du point de vue de la déclaration des libertés, la constitution de 1958 n’a rien ajouté. Il y a eu des tentatives ultérieures (1975, 1989, sous prétexte du bicentenaire pour réécrire la DDHC). L’idée était d’ajouter un titre 2 autour des idées évoquées plus haut de droit au développement, de solidarité, etc. Cela ne c’est pas fait, la seule chose qui a été ajoutée est la charte de l’environnement, contenant le principe de précaution, qui est adossé à la Constitution. La loi constitutionnelle de 2005 a inscrit cette charte dans le bloc de constitutionnalité.

Toute la question que posent ces textes est de savoir s’il s’agit là de simples déclarations philosophiques, de vue idéales sur l’ordre sociale désirable, ou s’il s’agit de textes ayant une valeur juridique, une valeur normative, c’est-à-dire de textes sur lesquels on peut s’appuyer.

 

Le cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs parties :

 

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