Le préjudice de la rupture fautive des pourparlers

Le préjudice indemnisable en cas de rupture abusive des pourparlers (gain manqué, perte subie et préjudice moral)

Conformément au droit commun de la responsabilité, le demandeur doit faire état d’un préjudice direct et certain réparé par l’octroie de dommages et intérêts.

1) Préjudice qui peut être constitué par la perte subie :

Cette perte subie peut résulter d’acte de concurrence déloyale :

-Par exemple l’auteur de la rupture donne à cette rupture une certaine publicité et utilise l’échec des négociations pour dénigrer son partenaire contractuel.

-C’est aussi le cas lorsque l’auteur de la rupture se sert de secret échangé au cours des pourparlers pour concurrencer son ex partenaire de discussion.

Cour de cassation, chambre commerciale, 3 octobre 1978: arrêt dans lequel la cour de cassation confirme un arrêt de cour d’appel en indiquant que : « en énonçant qu’il résulte des documents versés au débat la preuve qu’ une société c’est emparé a l’occasion de pourparler d’indication technique fournie par l’autre partie et a sans autorisation abusivement mis en œuvre les méthodes ainsi venues a sa connaissance, la cour d’appel a pu en l’état de ces constations retenir l’existence d’une faute de concurrence déloyale ».

Les frais inutilement exposés dans le cadre des discussions :

Des lors qu’il y a une faute avérée la victime peut solliciter le remboursement des frais qu’elle a investi dans le cadre des discussions de manière inutile car les discussions n’ont pas abouties.

Une partie de la doctrine avait contesté cette décision en soutenant que ces frais ne devaient pas être indemnisé car ils constitués pour les sociétés des frais généraux et donc ne devait pas être constitutif d’un préjudice.

La jurisprudence ne retient pas cette analyse: quelque soit la qualité de la victime elle indemnise les frais inutilement exposés.

Exemple: frais de voyage et de séjour, frais d’études préliminaires, frais d’organisation et de préparation, frais d’adaptation de mise a l’image d’un magasin.

2) le gain manqué

Le gain manqué:

Il correspond à la totalité du profit que la victime espérait retirer du contrat qu’elle devait conclure.

Cette notion de gain manqué n’est pas admissible car admettre ce gain manqué comme préjudice reviendrait indirectement à donner un effet à ce contrat qui n’a pas été formé.

La perte de chance de réaliser le gain escompté

On pourrait se rabattre sur la notion de perte de chance de conclure le contrat envisagé et donc de réaliser le gain escompté.

Certaines juridictions ont admis cette notion de perte de chance mais la chambre commerciale de la cour de cassation a dans un arrêt du 26 novembre 2003 a indiqué que « les circonstances constitutives d’une faute commise dans l’exercice du droit de rupture unilatérale dans le cadre des pourparlers précontractuel ne sont pas la cause du préjudice consistant dans la perte d’une chance de réaliser les gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat ».

Aujourd’hui on a une position unanime: suite a cet arrêt la troisième chambre civile: 28 juin 2006 se rallie a cette position « une faute commise dans l’exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers pré contractuel n’est pas la cause du préjudice consistant dans la perte d’une chance de réaliser les gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat ».

Ici une société mène des négociations avec une SCI et des personnes physiques pour la vente d’un terrain destiné à la construction d’un immeuble.

La société en question va vendre le bien à un tiers, la SCI assigne cette société en paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive des pourparlers.

La cour d’appel sanctionne la société a payer des dommages et intérêts au motif qu’ils ont des éléments suffisant pour évaluer le préjudice de la SCI consistant en la perte d’une chance sur le manque a gagner résultant de la disparition du programme immobilier envisagé.

Cette décision est censurée par la troisième chambre civile (voir avant).

La perte de chance de conclure une autre convention:

C’est la perte de chance de conclure une autre convention que celle objet de la négociation.

L’idée est de démontrer que si la victime ne s’était pas engagée dans une négociation inutile, elle aurait pu conclure un contrat avec un tiers.

Il s’agit d’une perte de chance qui peut être admise par la jurisprudence en fonction des éléments probatoires apportés par la victime.

Exemple: La jurisprudence retient ainsi le fait qu’un vendeur a été mis dans l’impossibilité de trouver un autre investisseur car il a perdu du temps à négocier inutilement donc la vente s’avère impossible par la suite.

Exemple: une société a immobilisé un procédé breveté pendant la période de négociation sans pouvoir négocier avec un autre partenaire.

Ce qui importe ici de démontrer c’est que la victime a été dans l’impossibilité de conclure un autre contrat et la jurisprudence admet que ce n’était pas forcément le même type de contrat qui aurait pu être conclut.

Par exemple, l’impossibilité de conclure la vente d’un immeuble en raison d’une rupture fautive peut ouvrir droit à des dommages et intérêts.

Les pourparlers l’ont empêché de conclure d’autres contrats, seule la perte de chance de conclure un autre contrat qui aurait pu être envisagé pourra être retenue ici.

3) Le préjudice moral

C’est le cas où la rupture des pourparlers peut entrainer une atteinte à l’image de la victime de la rupture (= préjudiciable pour l’image commerciale de la société, par exemple) : CA de Versailles du 1er avril 1999.