Le principe dispositif

Qu’est-ce que le principe dispositif?

Ce principe résulte des articles 4, 5, 6 et 7 du nouveau code de procédure civile. Ces articles nous informent que les parties ont la maîtrise de la matière du procès. C’est elles qui déterminent la matière litigieuse et en particulier ces articles donnent aux parties la maîtrise des faits. En contrepartie, le juge lui, semble avoir un rôle réduit à jouer.

D’une part, il ne peut pas se prononcer sur ce qui ne lui est pas demandé. Et il ne peut se prononcer en deçà ou au-delà de ce qui est demandé. Il ne peut pas s’échapper des faits qui sont apportés par les parties. Son seul domaine de prédilection, cela semble être le droit. C’est ce qu’évoque l’article 12 du nouveau code de procédure civile en donnant au juge la maîtrise du droit. On constate à travers ce bref descriptif, un principe majeur de répartition des pouvoirs entre les parties et le juge, c’est la distinction entre les faits et le droit. En général, on considère que les faits appartiennent aux parties et le droit au juge. Mais en pratique, cette distinction n’est qu’un guide.

A) Le rôle des parties dans la détermination de la matière litigieuse :

Il appartient tout d’abord aux parties de faire connaître leurs prétentions et donc l’objet du litige. L’objet du litige est selon l’article 4 déterminé par l’acte introductif d’instance et les conclusions en défense. Le décret du 26 décembre 1998 est venu considérablement renforcer le rôle des parties dans la détermination de l’objet du litige en énonçant trois règles. La première tient à ce que les parties ont l’obligation d’annexer à leurs conclusions un bordereau énumérant les pièces justifiant leurs prétentions. Les parties doivent formuler expressément les moyens de faits et de droit sur lesquelles leurs prétentions sont fondées ; c’est ainsi que l’on exige que leurs assignations ou conclusions soient qualificatives. Cette obligation de rédiger des conclusions qualificatives était déjà une obligation déontologique reprise par le décret pour lui donner plus de force. Les parties ont un rôle à jouer dans la présentation de leur affaire au juge. Mais la portée de cette obligation est quand même limitée car elle ne vaut que pour l’assignation or il existe bien d’autres modes d’introduction de l’instance. Les parties et leurs représentants ont désormais l’obligation de reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et les moyens successivement présentés dans leurs conclusions antérieures. On exige en fait des conclusions récapitulatives. Cette exigence répond seulement à une réalité, c’est qu’il peut y avoir plusieurs jeux d’écriture entre les parties avec beaucoup de moyens différents invoqués. La partie qui se soustrait à cette obligation est réputée avoir abandonné toutes les prétentions et moyens qu’elle ‘na pas repris dans ses conclusions récapitulatives. Les juges ne statueront donc que sur les dernières conclusions. Il existe un dernier rappel de faire des conclusions récapitulatives.

Une certaine stabilité doit s’imposer à l’égard des parties et à l’égard du juge. On a donc exposé deux principes. Le premier principe est celui de l’immutabilité du litige qui veut que les parties ne puissent pas tout au long du procès modifier l’objet du litige ; ce principe est largement vidé de son contenu par de nombreuses exceptions. Notamment avec les demandes incidentes.

La question se pose aussi dans le cadre plus large du procès qui nécessite qu’on tienne compte des voies de recours et là il faut distinguer selon que la voie de recours est un appel ou un pourvoi en cassation. Normalement, quand un appel est exercé, la juridiction saisie a compétence pour réexaminer l’affaire en fait et en droit. C’est le principe de l’effet dévolutif propre à l’appel. Et normalement, le juge de la cour d’appel doit revoir ce qui a été jugé en première instance. Dans cette hypothèse, il semble qu’aucun élément nouveau par rapport à l’instance de premier degré ne puisse être introduit en appel. C’est ainsi que l’article 564 interdit les demandes nouvelles. Mais la réalité est plus complexe.

Aujourd’hui, on considère moins l’appel comme une voie de réformation que comme une voie d’achèvement du procès or cette exigence d’achèvement du procès conduit à admettre qu’on puisse recevoir de nouveaux moyens en appel et c’est cette règle qu’exprime l’article 563 qui autorise les parties a introduire de nouveaux moyens de droit. En outre, pour élargir la possibilité d’entendre un élément nouveau, la jurisprudence a donné une définition très étroite à la notion de demande nouvelle. En effet, on ne considère comme nouvelle que des demandes qui tendent à des fins différentes, du coup, on peut accueillir un grand nombre de demandes. Dès lors que la fin est la même, on peut accueillir de nouveaux fondements juridiques. Devant la Cour de Cassation, la possibilité d’évolution est beaucoup plus réduite pour la simple raison qu’il y a une véritable rupture entre l’instance des juges du fond et l’instance de cassation qui ne juge que du droit. Ce qui explique que seule est admise devant la Cour de Cassation la demande en intervention volontaire formée a tire accessoire, c’est ce qui explique que les moyens nouveaux ne sont pas recevables devant la Cour de Cassation. Par contre, il y a des exceptions, sont recevables les nouveaux moyens de pur droit et les moyens nés de la décision attaquée.

C’est un principe qui résulte de la combinaison des articles 4 et 5 du nouveau code de procédure civile, c’est le principe d’indisponibilité du litige qui implique que les juges du fond sont liés par les conclusions des parties. Ils sont enfermés dans le cadre tracé par les parties et ne peuvent pas modifier l’objet du litige. Néanmoins, ce principe connaît quelques exceptions, tout d’abord, la jurisprudence a adopté une conception restrictive de l’objet du litige ce qui du coup ouvre une large marge de manœuvre au juge. On considère que tant que l’intervention du juge ne modifie pas le résultat recherché par les parties, il n’y a pas de modification de l’objet du litige. Une autre exception tient à l’obligation qui pèse sur le juge de rechercher le véritable objet du litige lorsque les parties ont mal indiqué l’objet de leur demande.

Les parties ont la maîtrise des faits : L’article 6 explique que les parties doivent réunir les faits pertinents, c’est-à-dire ceux qui sont fondés sur une règle de droit et qui sont de nature à convaincre le juge. A cela, l’article 9 ajoute que chaque partie qui allègue un fait au succès de sa prétention doit le prouver. Cette attribution légale de la charge de la preuve ne dépend pas de la qualité de demandeurs ou de défendeurs au procès, elle concerne tout plaideur qui allègue un fait que ce soit en défense ou en demande. Dans cet apport de la preuve, les parties ont deux principes à respecter, un principe de légalité et une obligation de loyauté. En effet, on ne peut utiliser qu’un mode de preuve prévu par la loi et non des modes de preuves qu’on a obtenu déloyalement.

Le rôle des partes par rapport au droit : les parties jouent seulement un rôle subsidiaire qui se manifeste de trois manières :

– L’article 12 alinéa 3 du nouveau code de procédure civile permet aux parties de lier le juge à leur qualification à deux conditions. Il faut que le droit litigieux soit à leur libre disposition et il faut que les parties aient conclu un accord exprès. Dans ces conditions, le juge ne pourra plus changer le fondement juridique qui lui est imposé par les parties.

– A l’occasion d’un litige né, les parties peuvent conférer au juge la mission de statuer en amiable compositeur ce qui le dispense de l’application du droit.

– L’article 13 du nouveau code de procédure civile dispose que le juge peut demander lui-même aux parties de s’expliquer sur le droit ce qui est une matière de solliciter leur opinion juridique.

B)Le rôle du juge dans la détermination de la matière litigieuse :

1° Le rôle du juge quant aux faits :

Il dispose d’une certaine initiative. L’article 8 permet au juge d’inviter les parties à fournir les explications de fait qu’il estime nécessaire à la solution du litige ; c’est un article important parce qu’en invitant les parties à fournir certaines explications de fait, le juge peut faire entrer dans le débat des faits qui jusqu’à présent n’avaient pas été pris en compte. L’article 10 lui permet de ne pas se contenter de la présentation spontanément faite par les parties des faits puisqu’il a la possibilité d’ordonner des mesures d’instruction. Ces mesures peuvent être prises d’office ou bien à la demande d’une partie. Bien évidemment, ces mesures d’instruction vont permettre d’élargir le champ des informations de fait. Pour assurer l’efficacité de ces mesures, l’article 11 impose aux parties d’apporter leur concours aux mesures d’instruction. A défaut, le juge pourrait tirer toutes les conséquences d’une abstention ou d’un refus. Enfin, l’article 7 alinéa 2 autorise le juge à prendre en considération des faits que les parties n’auraient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions mais qui se trouvent dans les éléments du débat. Le juge va pouvoir exploiter les pièces mêmes des parties en mettant l’index sur un fait que les parties auraient passé sous silence parce que pour elles ce n’était pas utile. Ce sont des fait adventices soient allégués par les parties mais dont elles n’ont tiré aucune conséquence juridique soit des faits qui peuvent être trouvés dans le dossier. Contrairement à cette idée préconçue qui veut que le juge n’ait aucun pouvoir sur les faits.

2° Le rôle du juge quant au droit :

Le juge tranche les faits compte tenu des règles de droit qui lui sont applicables (article 12 alinéa 1 du nouveau code de procédure civile). Lorsque les parties n’ont pas précisé le fondement juridique sur lequel repose leurs prétentions, il appartient au juge de rechercher à partir des éléments de fait fournis par les parties la règle de droit applicable ; cette situation est amenée à se raréfier avec l’obligation maintenant de conclusion qualificative mais celle-ci ne concerne que l’assignation donc dans tous les autres modes d’introduction de l’instance, le juge a un rôle à jouer. En outre, à l’occasion du décret de 1998, on a expliqué que cette obligation de conclusion qualificative n’était qu’une aide pour le juge et n’avait aucune influence sur son rôle à jouer par rapport au droit. De toutes les manières, lorsque le fondement juridique a été précisé parles parties, le juge doit au moins vérifier les conditions d’application de la règle invoquée. La suite de l’article 12 nous apprend alors comment le juge va procéder. Selon l’article 12 alinéa 2, il est précisé que le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en aurait proposé. Cet article donne au juge un pouvoir de qualification et de requalification qui peut s’exprimer à plusieurs stades.

L’alinéa 3 de l’article 12 confère au juge le pouvoir de soulever d’office les moyens de droit. Le conseil d’Etat a cependant supprimé cet alinéa mais il est toujours utilisé en pratique. L’article 12 du nouveau code de procédure civile pose des problèmes en ce qu’il évoque un devoir de requalification dans son premier alinéa alors que l’alinéa 3 évoque un simple pouvoir de relever d’office.

On a droit à une profusion de solutions différentes en jurisprudence. On a tendance en principe à considérer qu’il y a une obligation de requalification mais on reconnaît que parfois il ne s’agit que d’une faculté de requalification. Quant au relevé d’office, on a des arrêts qui évoquent la faculté de relever d’office mais on considère que dans certaines circonstances, il existe une obligation de soulever d’office. Il faut tenir compte de la nature du moyen en question. Si le moyen est de pur droit, le juge a l’obligation de le requalifier ou de le relever pour la simple raison que le juge ne peut pas ignorer des faits expressément invoqués par les plaideurs. Cette obligation recouvre trois hypothèses :

– Si les parties ont invoqué des faits sans les qualifier, le juge a le devoir de les qualifier.

– Si les parties ont invoqué des faits en les qualifiant de manière inexacte, le juge a l’obligation de les requalifier.

– Si les parties n’ont pas invoqué des faits à l’appui de leurs prétentions mais que le juge est allé les chercher spontanément, il doit aussi les qualifier.

Si le moyen est mélangé de droit et de faits, le juge a une simple faculté de le relever ou de le requalifier.

Ces pouvoirs connaissent de toutes les manières certaines limites. Tout d’abord, le juge quand il a l’obligation de requalifier ou de relever d’office doit nécessairement respecter le principe du contradictoire en provoquant l’explication des parties.

Le juge doit toujours respecter l’objet du litige, sa requalification ne doit donc pas le modifier.

Il n’y a pas de requalification possible dans le cas d’un ordre public de protection, par exemple, on ne peut pas requalifier un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée car les dispositions relatives à ces contrats ont été édictées dans le seul but de protéger le salarié, s’il n’intervient pas lui-même, le juge ne peut pas le faire à sa place.

Le juge a l’obligation de relever d’office les moyens de pur droit qui seraient en outre d’ordre public. Que cet ordre public résulte plutôt d’une énonciation de la loi ou qu’il interprète la loi en ce sens.