Le régime d’assemblée : définition, caractéristiques, exemples…
Le régime d’assemblée se distingue radicalement du régime parlementaire, auquel il est souvent comparé à tort. Alors que le régime parlementaire repose sur un équilibre des pouvoirs, le régime d’assemblée traduit une domination sans partage du pouvoir législatif sur l’exécutif. Ce déséquilibre structurel engendre une concentration excessive des pouvoirs entre les mains de l’assemblée, conduisant à ce que certains théoriciens qualifient de « dictature d’assemblée ».
Caractéristiques principales du régime d’assemblée
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Subordination totale de l’exécutif :
- L’exécutif, réduit à un simple instrument des volontés de l’assemblée, perd son autonomie.
- Contrairement au régime parlementaire, l’exécutif ne dispose d’aucun levier pour contrebalancer le pouvoir législatif, notamment l’impossibilité d’exercer un droit de dissolution.
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Déséquilibre au profit du législatif :
- Le régime d’assemblée se caractérise par l’absence de la menace réciproque entre les pouvoirs, qui est au cœur du régime parlementaire. Ici, seule l’assemblée détient le pouvoir de renverser le gouvernement, tandis que l’exécutif ne peut riposter.
- Soit l’exécutif est contraint de renoncer politiquement à son droit de dissolution, soit la Constitution le prive de ce droit à travers des conditions contraignantes qui rendent son exercice impossible.
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Procédure d’investiture et double investiture :
- Dans un régime d’assemblée, le gouvernement dépend entièrement de l’assemblée pour exister. La procédure d’investiture permet à l’assemblée de choisir et d’installer le gouvernement.
- Parfois, une double investiture est requise : après avoir été investi, le chef du gouvernement se présente une nouvelle fois devant l’assemblée avec l’ensemble des membres de son gouvernement pour obtenir une confirmation.
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Pouvoir illimité de l’assemblée :
- L’assemblée dispose d’un pouvoir politique sans restriction, pouvant contraindre le gouvernement à la démission même en dehors des procédures constitutionnelles classiques.
- Exemples :
- Interpellation politique : Un simple discours ou une critique de l’assemblée peut suffire à paralyser le gouvernement ou à provoquer sa démission, même sans vote solennel.
- Perte de soutien majoritaire : Un gouvernement qui perd la confiance de la majorité parlementaire devient incapable de gouverner, sans qu’un vote formel de défiance soit nécessaire.
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Omnipotence législative :
- L’absence de contre-pouvoirs transforme l’assemblée en une instance souveraine, selon l’expression de Raymond Carré de Malberg, qui parle de parlementarisme absolu.
- Cela conduit à une instabilité politique chronique, comme ce fut le cas sous les IIIᵉ et IVᵉ Républiques françaises, où les gouvernements étaient fréquemment renversés, souvent pour des motifs mineurs.
Exemples historiques du régime d’assemblée
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La IIIᵉ République (1870-1940) :
- La Constitution de 1875 instaurait un régime parlementaire en théorie, mais la pratique a conduit à une domination presque absolue de l’Assemblée nationale. Les gouvernements étaient souvent éphémères, avec une durée moyenne de quelques mois.
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La IVᵉ République (1946-1958) :
- La Constitution de 1946 cherchait à corriger les dérives de la IIIᵉ République, mais elle a reproduit les mêmes défauts. Le déséquilibre entre les pouvoirs a abouti à une instabilité politique extrême, favorisant une alternance constante des gouvernements.
Les faiblesses et les conséquences du régime d’assemblée
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Instabilité politique :
- Les gouvernements, dépendants du bon vouloir de l’assemblée, sont fragiles et soumis à des pressions constantes. Cela nuit à la continuité et à l’efficacité de l’action publique.
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Blocage institutionnel :
- L’exécutif, dépourvu de moyens d’action indépendants, est paralysé face à une assemblée toute-puissante. Cette situation conduit souvent à une inefficacité dans la prise de décision.
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Réaction excessive :
- L’omnipotence de l’assemblée provoque souvent un rejet, entraînant un basculement vers des régimes à fort pouvoir exécutif, comme ce fut le cas avec la transition vers la Vᵉ République en France. Ce phénomène de « balancier » illustre la difficulté à trouver un équilibre stable entre les pouvoirs.
Le régime d’assemblée et la Vᵉ République française
La Vᵉ République, instaurée en 1958 sous l’impulsion du général de Gaulle, a été conçue pour remédier aux dérives du régime d’assemblée. La Constitution de 1958 rétablit un équilibre entre les pouvoirs en accordant un rôle renforcé à l’exécutif, notamment :
- Un président de la République doté de pouvoirs étendus (nomination du Premier ministre, possibilité de dissoudre l’Assemblée nationale, recours au référendum).
- Un gouvernement plus stable grâce à des mécanismes de rationalisation du parlementarisme, comme le vote de la motion de censure à la majorité absolue.
Conclusion : Le régime d’assemblée, marqué par la domination absolue du pouvoir législatif, constitue une déviation des principes du régime parlementaire. En subordonnant totalement l’exécutif, il instaure une instabilité institutionnelle et compromet l’efficacité du gouvernement. Ce déséquilibre systémique explique pourquoi de tels régimes finissent toujours par être remplacés par des systèmes rétablissant la prééminence ou l’équilibre du pouvoir exécutif, comme ce fut le cas en France avec la naissance de la Vᵉ République.
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