Le régime de l’indemnisation des accidents de circulation

LE RÉGIME DE L’INDEMNISATION 

   Art 2 à 6 de la loi de 1985 réglementent les causes d’exonération du débiteur. Le conducteur ou le gardien d’un Véhicule Terrestre à Moteur peut s’exonérer dans certains cas de son obligation d’indemniser la victime plus Question des recours en contribution. 

I/ RÉGLEMENTATION DES CAUSES D’EXONÉRATION   2 causes possibles: 

A- Force Majeure OU FAIT D’UN TIERS 

Art 2 dispose que le défendeur ne peut opposer à la victime ni la Force Majeure ni le fait d’un tiers. En réalité, par Force majeure, le législateur a voulu viser assez maladroitement la cause étrangère. Cela confirme que la loi ne fait pas du LIEN DE CAUSALITÉ entre le fait du véhicule et le dommage une cause d’indemnisation. 

B- FAUTE DE LA VICTIME 

Régie par les articles 3 à 6 de la loi du 5 Juillet 1985. Loi procède à une série de distinctions: entre les dommages affectant la personne et les dommages affectant les biens. Les possibilités d’exonération du défendeur varient selon les dommages subis par la victime. 

1°) DOMMAGE DIRECTS RESULTANT D’ATTEINTE A LA PERSONNE 

Selon certaines caractéristiques de la victime, la loi crée 3 grandes catégories: victimes super-protégées / protégées /sacrifiées. 

a) Victime non conductrices bénéficiant d’une protection spéciale 

IL FAUT:                      – qu’elle soit atteinte à un handicap supérieur à 80%, quasi grabataire 

                        – que la victime soit âgée de moins de 16 ans ou plus de 70 ans. 

Faute intentionnelle de la victime. Pour s’exonérer, le défendeur doit montrer que la victime a  recherche volontairement le dommage qu’elle subit: le suicide ou la mutilation volontaire. 

b) autres victimes non conductrices 

= grande majorité des victimes. Exonération du défendeur: 

            * prouver la faute intentionnelle de la victime 

            * prouver qu’elle a commis une faute inexcusable et que cette faute est la cause exclusive de l’accident. 

                        – FAUTE INEXCUSABLE = faute gravissime non intentionnelle 

En matière d’accident de la circulation, Cour de Cassation  en a donné une définition  tout à fait restrictive: série de 11 arrêts de la 2ème Chambre Civile du 20 juillet 1987 confirmée par la Chambre Criminelle le 4 novembre 1987, entérinée par Assemblée Plénière, 10 novembre 1995. 

La faute inexcusable est la « faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience ». C’est une définition restrictive. Lorsque la faute inexcusable est celle d’un piéton, cela correspond à un type de comportement défini de façon précise: 

            – faut qu’un piéton entreprenne de traverser une route à grande circulation réservée aux véhicules dont l’interdiction aux piétons doit être matérialisée 

            – faut que la victime qui décide malgré tout de traverser ait été obligée de franchir un obstacle pour traverser cette route. 

            – faut que la victime ait traversé une voie rapide au sortir d’un tunnel 

            – que la victime ait refusé d’emprunter un passage protégé qui se trouvait à proximité. Dans ce cas, la victime a commis une faute inexcusable. 

  • Non lorsqu’une personne est retrouvée la nuit par temps de pluie en plein milieu de la route complètement ivre (Espèce Assemblée Plénière 1995).
  • Cour de Cassation  n’admet pratiquement jamais les fautes inexcusables des cyclistes et des passagers, faut des comportements téméraires presqu’à la limite du comportement suicidaire (passager monte sur le capot de la voiture en mouvement, cycliste qui prend une voie rapide à contre-sens).

                        – CAUSE EXCLUSIVE DE L’ACCIDENT 

Il faut selon la loi que cette faute inexcusable soit la seule faute de l’accident = la faute inexcusable de la victime est la seule faute à l’origine de l’accident. La faute inexcusable de la victime à l’origine de l’accident doit être cause de l’accident et pas seulement cause du dommage. 

  • Une faute peut-être cause d’un dommage sans être cause d’accident: le fait de ne pas attacher sa ceinture de sécurité, le fait de ne pas porter de casque sont des fautes de la victime mais qui ne sont pas des fautes à l’origine de l’accident lui-même.

c) Victimes conductrices 

C’est un régime discriminatoire et c’est pour cela que l’on a parlé de victimes sacrifiées. Toute faute commise par un conducteur pourra lui être opposée. La Conséquence sera soit une réduction, soit une suppression de son droit à indemnisation. 

Ces victimes participent au risque de la circulation routière plus particulièrement à la création des risques. C’est l’explication officielle. 

  • Explication officieuse: si on indemnise systématiquement toutes les victimes conductrices, cela coûterait trop cher aux assureurs, les obligerait à augmenter les prix des assurances pour les assurés.

            Il suffit que la faute de la victime ait contribué au dommage, cela suffit pour que l’on puisse lui opposer une faute. 

  • On s’est interrogé sur le rôle causal de certaines fautes. Fautes de comportement en opposition aux fautes de conduites. Le fait de conduire en état d’ivresse est considéré comme une faute de comportement, conduite sous l’empire de stupéfiant, le fait de conduire sans permis.

Pendant un certain temps, Jurisprudence a considéré que ces fautes étaient « nécessairement causales » = présomption de causalité. Il se peut cependant que le fait de conduire sans permis ne soit en rien dans l’accident. 

  • Revirement Cour de Cassation, Assemblée Plénière, 6 avril 2007: ce type de faute ne suffit pas à présumer le LIEN DE CAUSALITÉ entre la faute et le dommage qu’elle subit à la suite d’un accident. Désormais, lorsque le défendeur gardien oppose à la victime de cet accident une faute consistant à conduire sous l’emprise de l’alcool, il appartient au défendeur de prouver que cette faute est une cause de son dommage.

En pratique, difficile de prouver le LIEN DE CAUSALITÉ. 2 autres difficultés: 

1) La notion de conducteur: pas défini par la loi. Jurisprudence a apporté des précisions. Le conducteur est celui qui est aux commandes du véhicule; est censé en avoir la maîtrise. Pour la Cour de Cassation, suffit qu’une personne soit aux commandes du véhicule pour en être présumée le conducteur.   > Peu importe que le véhicule soit en mouvement ou à l’arrêt, que le moteur fonctionne ou pas (cf. les ouvertures de portières). 

            > De même, le conducteur d’un cyclomoteur qui tient son véhicule par le guidon et qui tient son véhicule sur le côté de celui-ci n’est pas considéré comme conducteur. 

            > En revanche, lorsqu’une motocyclette est utilisée comme vélo, elle est considérée comme étant utilisée. 

            > Moniteur d’une autoécole pas considéré comme conducteur. 

  • HYPO: le choc avec le conducteur éjecté est quasi simultané à l’éjection et l’ensemble ne forme qu’une seule phase.

            > Cas lorsqu’une motocyclette est heurtée par un véhicule. On considère que la victime est encore conductrice au moment où elle est heurtée, il n’y a pas de dissociation entre la qualité de conducteur et la qualité de piéton éjecté. Le principe est que le piéton éjecté n’est plus conducteur lorsqu’il est éjecté. 

  • HYPO: à la suite d’un accident, situation telle qu’on ne peut pas établir qui conduisait le véhicule. Le plus souvent pour les 2 roues. On ne peut pas déterminer qui était conducteur si les personnes sont mortes.

            > Cour de Cassation  pose une présomption de non conducteur de la victime, la victime qui demande réparation est présumée non-conductrice, c’est au défendeur de prouver que la victime était conductrice. C’est une règle de portée générale mais on arrive à la Conséquence qu’un véhicule peut n’avoir aucun conducteur. Elle permet à chacune des victimes d’obtenir une indemnisation sans que l’on puisse lui opposer de faute = solution la plus avantageuse pour les victimes. 

  • Dans certains cas, Jurisprudence relève avec d’autres présomptions le conducteur.

                        – CRITERES EXCLUSION DE L’INDEMNISATION 

Lorsque la victime était un conducteur, le défendeur pouvait lui retourner sa faute. QUESTION de l’indemnisation: réduction ou suppression? Quels critères? 

1) Jurisprudence a voulu poser un critère de l’exclusion de l’indemnisation de la victime. Comme critère, elle a retenu le critère de la cause exclusive du dommage (déjà retenu pour les victimes non conductrices). 

2) Revirement annoncé par un arrêt en demi-teinte de la Chambre Criminelle mais le revirement découle d’un arrêt Chambre Mixte, 28 Mars 1997: Cour de Cassation  pose un principe de souveraineté des juges du fond pour apprécier l’incidence de la faute de la victime sur son droit à réparation. Pour apprécier s’il y a faute, les juges du fond ne sont pas souverains, Cour de Cassation  Contrôle toujours la notion de faute. 

            Les juges du fond apprécient au cas par cas si la faute de la victime doit réduire ou supprimer le droit à réparation. 

Particulièrement Chambre Civile 2ème applique avec beaucoup de rigueur cette règle. A chaque fois qu’une décision de juridiction du fond se réfère au comportement du défendeur pour apprécier l’incidence de la faute de la victime, Cour de Cassation  censure systématiquement cette décision = l’incidence de la faute de la victime doit se référer uniquement au comportement de la victime. 

2°) DOMMAGE DIRECTS RESULTANT D’ATTEINTE AUX BIENS (article 5) 

Même solution que pour les dommages corporels affectant les conducteurs: le défendeur pourra opposer à la victime toute faute commise par elle. 

Dommage affectant les fournitures ou fournitures délivrés sur prescription médicale. Ce sont des dommages aux biens que la loi assimile aux dommages atteignant la personne. 

  • Lors d’un prêt d’un véhicule à un ami, celui-ci l’accidente: la loi permet au défendeur d’opposer au propriétaire la faute du conducteur.
  • La victime dispose d’un recours contre le conducteur à condition qu’une faute puisse être prouvée.

            = donc possible de demander réparation aux deux. 

3°) DOMMAGE DES VICTIMES PAR RICOCHET 

Incidence de la faute de la victime directe sur le droit à réparation. En droit commun, Jurisprudence déclare que cette faute est opposable aux victimes par ricochet.  Idem ici. 

Art 6: les victimes par ricochet vont s’adresser aux tiers pour obtenir réparation, mais celui-ci pourra invoquer la faute de la victime pour réduire ou supprimer la réparation. 

  • L’incidence de la faute va dépendre de la situation de la victime directe.
  • 2ème difficulté: l’incidence de la faute de la victime par ricochet sur son propre droit à indemnisation (- fréquent). Hypothèse où la victime par ricochet a contribué à provoquer l’accident. Ex: elle se trouvait dans le véhicule et a commis une faute qui est à l’origine de l’accident tel geste maladroit qui a fait perdre au conducteur le contrôle de son véhicule; faute commise par un parent mineur victime d’accident de la circulation. 2 SOLUTIONS:

            1) Jurisprudence a considéré que dans tous les cas la faute de la victime par ricochet n’entraînait pas l’annulation du remboursement. 

            2) Revirement Chambre criminelle, 13 Mars 1995, puis Chambre Civile en 99: toute faute de la victime par ricochet peut lui être opposée pour entraîner soit une réduction soit une suppression de son droit à indemnisation. 

II/ RECOURS EN CONTRIBUTION 

A- FONDEMENT DES RECOURS 

La Jurisprudence a dû préciser le fondement des recours. 

1) dans un 1er temps, les recours en contribution étaient fondés sur une action personnelle en responsabilité entre co-auteurs d’accident. Lorsqu’un des coauteurs indemnise la victime, il peut invoquer une action de droit commun contre les autres. 

2) Jurisprudence a considéré que le solvens avait une option entre une action personnelle et une action subrogatoire en contribution (solution retenue le plus souvent en droit commun: Civil 2ème, 6 Mars 1991). 

3) Enfin, Civil 2ème, 14 Janvier 1998. Jurisprudence retient une solution bancale un peu surprenante qui consiste à dire que le recours est subrogatoire mais qu’il ne peut s’exercer que sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile = le solvens peut exercer pour son recours les droits de la victime. Cette solution est bancale car la loi de 1985 est exclusive du droit commun. Si le solvens est subrogé dans les droits de la victime, il devrait pouvoir utiliser la loi de 1985, droit que la victime n’a pas. 

B- RÉGIME DES RECOURS 

Les règles que posent la Cour de Cassation  sont semblables à celle du droit commun de la responsabilité Le Principe général = pour répartir la dette d’indemnisation, Cour de Cassation  prescrit de s’attacher aux fautes respectivement commises par les différents coauteurs de l’accident. 4 situations différentes: 

            – celui qui a indemnisé la victime a commis une faute et cherche à recourir contre un coauteur non fautif = recours exclu. 

            – Le solvens n’a pas commis de faute et il cherche à recourir contre un coauteur qui a commis une faute = recours complet. 

            – Tous les coauteurs ont commis une faute: on répartit selon les coauteurs. 

            – personne n’a commis de faute: partage en parts égales. 

C) IMMUNITÉ DES PROCHES 

                        1°) PRINCIPE et APPLICATIONS 

Exercer un recours en contribution contre les proches pourrait avoir une incidence sur le droit à indemnisation de la victime elle-même, Cour de Cassation  a donc posé un principe d’immunité des proches = le recours ne peut s’exercer contre eux. MOTIF Cour de Cassation : le recours risquerait d’affecter directement ou indirectement le droit à réparation intégrale de la victime. 

On ne veut pas qu’après l’indemnisation intégrale de la victime par le solvens qu’il y ait une reprise indirecte de cette indemnisation qui résulterait d’un recours contre les proches. Il y a une confusion des patrimoines qui s’opère entre la victime et ses proches, en particulier lorsqu’il y a communauté de vie. 

ADMISSION DE CETTE IMMUNITE QUAND: 

1) les proches parents de la victime et plus particulièrement 2 catégories de parent: 

            * le recours contre le conjoint de la victime risquerait d’entraîner une diminution de la réparation du patrimoine de la victime. 

            * Les parents d’un mineur victime de dommage (par ex faute de surveillance des parents). 

> Ne concerne pas les concubins. La doctrine le critique car entre concubin, il peut y avoir aussi une confusion patrimoniale. Cette jurisprudence favorable aux proches de l’accident ne concerne que les proches coauteurs de l’accident. 

2) la succession de la victime directe: Hypothèse où la victime directe commet une faute qui contribue à l’accident. 

Le tiers indemnise les victimes par ricochet et cherche à exercer un recours contre cette victime directe, contre sa succession si cette victime décède dans l’accident. Exercer un recours contre les héritiers de la victime directe risquait de priver les victimes par ricochet de leur réparation intégrale. Cela s’explique puisque les victimes par ricochet sont souvent des héritiers. Or, indemniser les victimes par ricochet dans un premier temps puis faire droit au recours en contribution envers les mêmes personnes reviendrait à récupérer l’indemnisation donnée précédemment. 

Cette jurisprudence est justifiée que lorsque les héritiers sont des victimes par ricochet. 

Supposons que les victimes par ricochet soit un concubin, or le concubin n’est pas héritier de la victime directe, par conséquent, le recours contre les héritiers n’affecterait en rien l’immunité du concubin. 

La Cour de Cassation, tout en retenant la même solution de l’immunité de la solution, a modifié le fondement de cette solution. Pendant des années, elle a considéré que le fondement de cette solution était le risque de récupération de l’indemnité versée à la victime directe. 

L’immunité de la succession vient désormais du fait que la victime par ricochet n’a aucun droit d’action contre la victime directe. Or, puisque le recours est subrogatoire, c’est un recours qui va permettre au solvens d’invoquer les droits de la victime, mais si la victime par ricochet n’a aucun recours contre la victime directe, alors le solvens n’a pas de recours non plus. 

                        2°) LIMITES A L’IMMUNITÉ 

La première limite est extrêmement importante: elle ruine presque complètement le principe. 

            1) Existence d’une assurance du proche coauteur. 98% du temps c’est le cas. S’il est assuré, c’est l’assurance qui va indemniser le solvens. Puisque c’est l’assurance qui payera, il n’y a aucun risque que la victime soit privée de son droit. Dès lors qu’il est assuré son immunité disparaît. 

Lorsque la succession de la victime directe est assurée, avec le nouveau fondement, cette immunité va bénéficier à l’assureur. Cela va profiter à l’assureur de la victime directe et va profiter à l’assureur de responsabilité. 

            2) lorsque la victime décède en cours d’instance, il n’y a plus de risque de privation de son droit à indemnisation intégrale. En cas de décès, l’immunité disparaît et le solvens pourra exercer un recours en contribution contre les proches. Il n’y a plus de communauté de vie, il n’y a plus de risque de privation et par conséquent, le recours en contribution redevient possible. 

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