Le régime parlementaire en Grande-Bretagne

LERÉGIMEBRITANNIQUE: LE PARLEMENTARISME MAJORITAIRE

— Un grand nombre d’États pratique le régime parlementaire mais sa diversité tient d’avantage encore aux différentes formes qu’il emprunte selon les Etats considérés.

— Système partisan et culture politique propre à chaque État sont presque toujours le produit de l’histoire politique et institutionnel de chaque Etat.

=> Pas d’application uniforme du régime parlementaire

Nous nous en tiendrons à 2 exemples particulièrement significatifs : le régime parlementaire britannique puisque c’est en GB qu’il est apparu et le régime parlementaire de l’Allemagne fédérale dont la Constitution a mis en œuvre les recettes du parlementarisme rationalisé.

— Le régime parlementaire britannique à la différence du régime présidentiel américain a procédé d’une démarche empirique c’est à dire qu’il a résulté du jeu des circonstances et dans une certaine mesure du hasard.

— Cette construction a été facilitée par la forme particulière de la Constitution britannique qui est une constitution essentiellement coutumière, elle n’est pas enfermée dans un document écrit mais elle repose sur des usages et précédents toujours susceptibles d’être modifiés pour tenir compte des nouveaux rapports de force politiques.

=> C’est ainsi que le pouvoir est passé du monarque au Parlement et du Parlement au Cabinet

Le Cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs fiches :

a) Le cadre institutionnel et politique

— La GB peut donc se définir comme une monarchie parlementaire (≠ république), la prérogative royale désignant l’ensemble des pouvoirs et des privilèges qui sont attachés à la couronne fondés sur la coutume, autrement que le monarque tient de la coutume.

— Formellement, les prérogatives du souverain sont encore nombreuses et étendues mais on dit qu’elles sont purement nominales c’est à dire que si le souverain reste le titulaire de ses prérogatives, elles sont en réalité exercées par d’autres et principalement par le Cabinet qui doit apposer son contreseing à tous les actes pris par le chef de l’Etat.

— Parmi les prérogatives formelles du monarque, il y a par exemple le discours du trône par lequel la reine annonce son programme politique alors même que ce discours a été rédigé par le premier ministre et énonce en réalité son programme à lui.

— De même le droit de dissolution est détenu formellement par la reine mais il est exercé par le premier ministre et la nomination de ce dernier est le fait du parti majoritaire à la chambre des communes donc le souverain n’a d’autre choix que de le nommer.

=> S’opposer à la volonté de Cabinet serait comme s’opposer à la volonté du peuple

— Le souverain doit respecter la plus grande neutralité politique mais il incarne l’Etat, il est le symbole de l’unité national puis il peut user de magistrature d’influence de façon officieuse sur certaines décisions.

— Comme dans tout régime parlementaire, il y a un Parlement mais l’exécutif y est aussi bicéphale.

— Le premier ministre est nommé par le monarque mais en vertu d’une coutume de la fin du 19e siècle il est choisit par le parti majoritaire puisqu’en réalité c’est le leader de ce parti qui sera nommé premier ministre si ce parti remporte la majorité des sièges à la chambre des communes.

=>Etre nommé chef du parti est la garantie d’être premier ministre si celui-ci remporte les élections

— Cela veut donc dire que le premier ministre est désigné indirectement par les électeurs (désignant leurs députés) mais sur proposition des partis conservateur et travailliste puisque finalement les électeurs n’auront d’autre choix que de porter sur un des 2 chefs de parti.

— C’est devant son parti que le premier ministre en GB est responsable puisque aussi longtemps qu’il a à la chambre des communes le soutien de son parti il ne peut voir sa responsabilité mise en jeu par les députés mais cela n’exclut pas que certains de ses projets puissent être repoussés sans qu’il soit contraint à la démission sauf s’il l’a indiqué.

=>Au 20e siècle, seuls 2 cabinets ont été renversés par la chambre des communes (Mac Donald 1924 et Callaghan 1979 qui s’appuyait sur une majorité de coalition c’est à dire plusieurs formations politiques)

— Même en cas de dissensions internes c’est à dire au cas où le premier ministre se heurterait à une partie croissante de son parti sa responsabilité sera remise en cause devant les instances mêmes de son parti.

— C’est le premier ministre qui définit les orientations de la politique suivie et qui en contrôle la mise en œuvre, c’est donc l’homme fort du régime.

— Par ailleurs, c’est le véritable chef des armées et de la diplomatie britannique (par exemple participation de la GB à la coalition en Irak décidée par Tony Blair) mais c’est aussi le chef de l’administration et le droit de dissoudre la chambre des communes lui appartient.

=>Il compose lui-même son gouvernement, il choisit seul les membres de son équipe et est à sa tête

— Les ministres sont tous parlementaires et dans leur quasi-totalit�� sont issus de la chambre des communes, ils sont donc placés sous l’autorité du premier ministre qui peut à tout moment les révoquer.

— Le Cabinet est une formation réduite du gouvernement britannique qui rassemble sous l’autorité du premier ministre les ministres les plus importants et qui dispose du pouvoir réglementaire, de l’initiative des lois, du projet de budget ainsi que des dépenses.

=>Il peut se voir déléguer par le Parlement une partie de son pouvoir législatif

=>Le gouvernement étant pléthorique, il fallait maintenir une formation plus réduite

— Le Parlement britannique est bicaméral c’est à dire qu’il se compose de 2 chambres, la chambre des communes et la chambre de Lords.

— Les membres de la chambre des communes, membres du Parlement (MP), sont élus au scrutin uninominal majoritaire pour 5 ans, le speaker qui s’exprime au nom de la chambre jouissant d’une grande autorité morale car il est à la fois impartial et indépendant qui doit s’affranchir de toute affiliation politique (il est arrivé que les fonctions de speaker reviennent à des membres de l’opposition).

— L’institution des whips (les « fouets ») ce sont ceux qui sont garant à la chambre de la discipline partisane car ce sont eux qui sont chargés d’encadrer les députés membres de leur parti en s’assurant qu’il vote dans le sens souhaité par le gouvernement ou inversement pour l’opposition contre le gouvernement.

— Le leader de la chambre fixe l’ordre du jour de la chambre c’est à dire son programme de travail, il va donc déterminer les textes qui seront débattus par la chambre et la durée de ces débats.

=>Il doit nécessairement réservé 20 jours de discussion à la proposition de lois de l’opposition

— L’opposition détient la motion d’ajournement ce qui lui permet d’obtenir la tenue immédiate d’un débat sur une affaire urgente dont elle aura décidée qu’il y a lieu de débattre.

— La session parlementaire c’est à dire la période pendant laquelle la chambre des communes peut valablement se réunir dure théoriquement toute l’année et se divise en une multitude de séance (séance = une journée).

— Elle s’ouvre par le discours du trône lu par la reine mais en réalité annonce le programme du premier ministre pour la session à venir et il est sanctionné par un vote de la chambre donnant lieu à un débat de politique général auquel prend par l’opposition.

— Les MP siègent de part et d’autre du speaker, à sa droit siègent les députés de la majorité et à sa gauche les députés de l’opposition, le premier rang à droite étant réservé au membre du gouvernement et celui de gauche réservé au « cabinet fantôme » (gouvernement alternatif de l’opposition) qui peut préfigurer le futur gouvernement en cas de victoire de l’opposition aux élections législatives.

— Chaque séance s’ouvre sur ce qu’on appelle le « question time » c’est à dire que chaque séance pendant 1 heure est consacrée aux questions orales des parlementaires posées au gouvernement (près de 8000 questions/an).

— Ces séances de questions sont l’occasion pour l’opposition de déstabiliser le premier ministre et son gouvernement, de mettre en cause leur politique

— En dehors des séances de questions, le contrôle est effectué par des select committees dont la présidence peut être confiée à l’opposition (comité d’enquête) et les communes ont la possibilité de renverser le gouvernement, hypothèse devenue en pratique exceptionnelle sous l’effet du bipartisme

— Les projets de lois font l’objet de 3 lectures successives, sont examinés par les standing committees soit plus rarement la commission de la chambre entière qui réunit en séance tous les parlementaires intéressés par le projet débattu.

— Théoriquement, les communes disposent en matière législative d’attributions importantes (« le gouvernement britannique peut tout faire sauf changer un homme en femme ») mais en réalité ils sont limités.

=>Il est vrai que ce sont les communes qui votent la loi mais elles n’en sont presque jamais à l’initiative (90% des lois adoptées d’origine gouvernementale), résultat du bipartisme et de la discipline partisane.

— Les communes ont renoncé à amender les projets c’est à dire faire une proposition de modification du texte en discussion si bien que dans la très grande majorité des cas les projets sont adoptés sans aucune modification parlementaire.

— En matière financière, leurs prérogatives sont encore plus limitées car elles n’ont aucun droit d’initiative sur l’aspect financier qui est l’initiative exclusive du gouvernement et l’opposition va déterminer les termes du projet budgétaire (enfermé dans un délai bref de 25 jours).

— A la différence d’un régime comme la France, le premier ministre ne dispose d’aucun moyen juridique de contraindre la chambre à voter un texte auquel elle serait opposée et l’hypothèse n’est pas rare.

=> Faculté d’empêcher et faculté de statuer

— La chambre des Lords, seconde chambre du Parlement britannique qui se présente comme une survivance historique c’est à dire une institution purement symbolique en ce sens que ses prérogatives ont été considérablement diminué avec l’avènement du suffrage universel au début du 20e siècle.

— La composition de la chambre des Lords a été modifiée par une loi récente qui date de 1999 qui a abolie ce qu’on appelle la pairie héréditaire c’est à dire la transmission du titre de Lord de père en fils mais il y a désormais les pairs à vie c’est à dire siégeant jusqu’à leur mort.

— Il y a également les lords spirituels c’est à dire les hauts dignitaires de l’Eglise anglicane et les lords judicaires c’est à dire de hauts magistrats qui se réunissent en Cour suprême pour certaines matières (par exemple lorsque Augusto Pinochet était en GB et que la question de son jugement s’est posé c’est la chambre des lords qui avait statué alors lui permettant de rejoindre le Chili en raison de son état de santé).

=> Au départ, elle disposait des mêmes prérogatives que la chambre des communes à une exception près à savoir qu’elle ne pouvait pas renverser le gouvernement.

— En 1911, une loi est venue sanctionnée un conflit qui avait opposé les 2 chambres 2 années auparavant et suite au désaveux de la chambre des lords, elle est venue restreindre ses pouvoirs.

— Ce Parliament Act a été modifié en 1949 et est venu restreindre d’avantage encore ses pouvoirs si bien qu’aujourd’hui les lords ont perdu tout pouvoir en matière financière dans la mesure où ils ne peuvent pas s’opposer aux projets du gouvernement et ne peuvent même pas les amender.

— A l’égard des autres lois, la chambre des lords peut au plus retarder l’adoption de la loi mais après un délai d’une année elle est obligée de s’incliner face à la chambre des communes qui garde le dernier mot en matière législative mais ils peuvent s’opposer aux décrets pris par le Cabinet sur délégation législative.

=> La chambre des lords ne s’oppose pratiquement jamais au Cabinet ou à la chambre des communes puisqu’elle estime qu’elle n’a pas de légitimité démocratique.

— Pour autant il arrive que la chambre des lords influe de façon non négligeable sur l’élaboration des lois car on reconnaît une grande compétence à ses membres qui ont aussi une plus grande indépendance que ceux de la chambre des communes.

— Le parti conservateur a succédé au 19e siècle au Tories tandis que le parti travailliste est né au 20e siècle d’une initiative des syndicats qui a presque totalement supplanté les libéraux

— De tout temps, la vie politique britannique s’est ordonnée autour de 2 partis principaux et c’est là toute sa spécificité, 2 partis qui alternent au pouvoir et dont le leader en cas de victoire deviendra le premier ministre qui sera nommé par la reine, le perdant devenant le chef de l’opposition.

— Le scrutin majoritaire à un tour a entretenu le bipartisme mais ne l’a pas créé, il existe aussi d’autres formations politiques qui ont résisté à cette tradition bipartisane.

— Ces petites formations politiques au gré des élections peuvent s’avérer indispensables pour la constitution d’une majorité notamment les libéraux (PLD : Parti Libéral Démocrate en 1988).

=>On a cru un temps que le PLD était de nature à menacer le bipartisme traditionnel en GB mais du fait du scrutin majoritaire à un tour et des effets drastiques qui s’y attachent ce danger est écarté.

— Ce bipartisme britannique a pour conséquence essentielle de confier après chaque élection le pouvoir à un parti c’est à dire celui qui détient la majorité absolue des sièges aux communes (sauf 1974).

— Les principaux dirigeants de ce parti vont d’ailleurs former le Cabinet et son leader devient le premier ministre donc il détient la chambre des communes, le Cabinet et le poste de premier ministre.

— L’autre parti, celui qui a perdu, n’en a pas moins un rôle essentiel a joué car l’opposition en GB est conçue comme celle qui a vocation à gouverner à la prochaine alternance (force politique positive).

=> L’opposition est le gage de la nature démocratique du régime et c’est pour cela qu’en GB elle bénéficie de prérogatives importantes à la chambre des communes (séances de questions, commissions d’enquête…)

— Ce statut de l’opposition peine à trouver sa place en France alors qu’en GB elle est considérée comme une institution officielle et son leader est rémunéré sur les fonds publics car il a un rôle officiel.

b) Le fonctionnement du régime

— Très longtemps le régime britannique a fait figure de régime classique parlementaire et pourtant beaucoup d’auteurs défendent l’idée qu’il serait devenu un régime présidentiel.

— Déterminer la nature d’un régime, cela suppose de vérifier dans quelle mesure le fonctionnement de ce régime répond aux critères de définitions des différents types de régime.

— Le régime parlementaire repose sur une collaboration entre les pouvoirs mais en tant que tel il présuppose donc l’existence des pouvoirs législatif et exécutif séparés puis équilibrés, sa marque essentielle résidant dans le fait que le gouvernement est responsable devant la chambre.

— Le régime britannique dans son fonctionnement vient fausser le jeu des mécanismes parlementaires car en définitive il n’y a qu’un seul pouvoir qu’est celui du parti majoritaire et cette unité est assurée par l’appartenance au même parti des députés majoritaires à la chambre des communes (pouvoir législatif) et des membres du Cabinet (pouvoir exécutif).

=>On ne peut donc pas à proprement parler de collaboration des pouvoirs mais de concentration

— S’agissant du second critère du régime parlementaire c’est à dire le principe de responsabilité du gouvernement devant la chambre des communes est neutralisé ou ne peuvent jouer que de façon exceptionnelle puisque le Cabinet qui est l’émanation de la majorité parlementaire n’a pas à redouter d’être renversé par les communes.

=> Le régime britannique aurait cessé d’être parlementaire d’après ses 2 critères mais cela veut-il dire pour autant qu’il serait devenu présidentie

— Souvent, on qualifie le régime britannique de gouvernement de Cabinet car il prédomine et ne peut être renversé par la Chambre des Communes tandis qu’elle peut toujours être dissoute

— La chambre des Communes se présente essentiellement comme une chambre d’enregistrement des volontés de l’exécutif puisque dans la majorité des cas quand le premier ministre soutient un texte il sera adopté par la chambre

=>Le pouvoir serait donc passé entre les mains du Cabinet

— Mais d’avantage encore que le Cabinet, celui qui détient réellement le pouvoir c’est le chef de ce Cabinet qui n’est autre que le premier ministre, pouvoir qu’il tire de son élection car il est désigné quasi directement par les électeurs britanniques qui désignent leur député en votant pour ou contre un parti ainsi que son leader qui deviendra à coup sûr premier ministre (= président en France).

— A cette légitimité électorale s’ajoute le fait qu’il est le chef du gouvernement c’est à dire qu’il dirige le Cabinet qu’il compose et dont il peut révoquer les membres.

— Sa primauté au sein du Cabinet s’associe au fait qu’il est devenu irresponsable politiquement devant la chambre des communes puisqu’une fois encore elle n’a pas à mettre en cause sa responsabilité puisque le premier ministre est le leader de son parti.

— Par la combinaison de ces différents facteurs on peut effectivement dire que le premier ministre détient tous les pouvoirs et donc on peut le comparer au président américain (désignation quasi directe par les électeurs, chef du gouvernement, composition et révocabilité, irresponsabilité politique).

=>Le premier ministre britannique est même plus puissant que le président américain car l’avantage considérable c’est qu’il a le relais d’une majorité disciplinée et fidèle qui adoptera ses projets de loi.

— De plus, il a encore un autre avantage qui est qu’il peut exercer son droit de dissolution c’est à dire que lui peut révoquer la chambre alors que le président américain ne peut mettre un terme au mandat du Congrès.

— Dans ces conditions, le régime britannique équivaudrait à un régime super présidentiel mais cela est très inexacte car cette idée répandue chez les auteurs de la doctrine occulte un fait essentiel à savoir que même si le premier ministre n’est pas responsable devant la chambre mais cela veut juste dire que sa responsabilité s’est déplacée du Parlement aux instances du parti majoritaire (≠

=>Le pouvoir en GB est celui du parti majoritaire

— Ce régime britannique correspond finalement à la définition du parlementarisme majoritaire c’est à dire qu’il réalise l’unité du pouvoir au profit du parti majoritaire en établissant la fusion avec le gouvernement.

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