Le régime parlementaire rationalisé de l’Allemagne

LE RÉGIME PARLEMENTAIRE DE L’ALLEMAGNE FÉDÉRALE

La Loi fondamentale (Grundgesetz) constitue le fondement juridique et institutionnel de l’Allemagne depuis son adoption le 23 mai 1949. Conçue à l’origine comme une constitution transitoire pour la République fédérale d’Allemagne (RFA), elle s’est imposée comme la Constitution permanente après la réunification allemande en 1990, marquant une continuité juridique et politique. Nous étudierons le cadre institutionnel allemand (A) et son système politique marqué par la stabilité (B)

Une Constitution issue du contexte de l’après-guerre

Adoptée sous la supervision des alliés occidentaux, la Loi fondamentale visait à établir un État démocratique et de droit dans la RFA, tout en restant ouverte à une future réunification avec la République démocratique allemande (RDA). Cependant, la réunification, survenue le 3 octobre 1990, a pris la forme d’une absorption juridique et politique de la RDA par la RFA. Ainsi :

  • Aucune nouvelle constitution n’a été rédigée.
  • La Loi fondamentale a continué à s’appliquer à l’ensemble de l’Allemagne réunifiée.

Ce choix a été motivé par un consensus large dans la population et la classe politique, la Loi fondamentale étant perçue comme le socle de la stabilité démocratique et juridique.

Une garantie de l’État de droit et des libertés fondamentales

La Loi fondamentale consacre un large éventail de droits et libertés fondamentaux, tout en mettant en place des mécanismes rigoureux pour leur protection juridictionnelle. À ce titre, elle incarne le symbole de l’État de droit allemand, soutenu par :

  1. La Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgericht) :

    • Institution clé pour la garantie des droits fondamentaux et la stabilité constitutionnelle.
    • Cette cour a également la compétence d’interdire des partis politiques si leur programme ou leurs activités sont jugés contraires à l’ordre constitutionnel démocratique (exemple : interdiction du parti néonazi SRP en 1952).
  2. Trois types de contrôle de constitutionnalité des lois :

    • Contrôle abstrait : Une autorité politique (par exemple, le gouvernement fédéral ou un Land) peut demander un avis sur la constitutionnalité d’une loi.
    • Contrôle concret : Lorsqu’un tribunal ordinaire estime qu’une loi applicable à un litige est inconstitutionnelle, il peut saisir la Cour constitutionnelle et surseoir à statuer en attendant sa décision.
    • Recours direct des citoyens : Les citoyens peuvent saisir la Cour constitutionnelle après avoir épuisé toutes les autres voies de recours, une procédure exemplaire en termes de protection des droits fondamentaux.

Stabilité et exemplarité du système politique (B). L’Allemagne a connu une remarquable stabilité politique grâce à :

  • La rationalisation du parlementarisme, qui limite les renversements intempestifs de gouvernements.
  • La consolidation du système partisan : Les règles électorales favorisent l’émergence de grandes formations politiques tout en marginalisant les plus petits partis (exigence de 5 % des suffrages ou trois élus directs pour entrer au Bundestag).
  • Une culture politique fondée sur le consensus, particulièrement visible dans les grandes coalitions entre la CDU et le SPD.

 

A) Le cadre institutionnel : les mécanismes du parlementarisme rationalisé

Le système politique allemand repose sur un régime parlementaire classique, organisé autour de principes garantissant la stabilité gouvernementale et une séparation équilibrée des pouvoirs.

  1. Un exécutif bicéphale :

    • Le président fédéral : Chef de l’État, ses pouvoirs sont essentiellement symboliques et représentatifs. Cependant, il joue un rôle clé dans certaines décisions majeures, comme la dissolution du Bundestag ou la mise en œuvre de l’état de détresse législative.
    • Le chancelier : Véritable détenteur du pouvoir exécutif, il définit les orientations générales de la politique nationale et supervise leur mise en œuvre. Angela Merkel (2005-2021) a marqué l’histoire en devenant la première femme chancelière, incarnant cette fonction clé du système allemand.
  2. Un Parlement bicaméral :

    • Le Bundestag : Chambre basse élue directement par les citoyens, elle représente le peuple allemand. Son rôle est législatif, mais aussi de contrôle de l’exécutif.
    • Le Bundesrat : Organe représentant les Länder (États fédérés), il participe au processus législatif, en particulier pour les lois touchant aux compétences des États fédérés. Les délégués des Länder y votent selon des mandats impératifs, c’est-à-dire conformément aux instructions de leurs gouvernements respectifs

a) Les mécanismes de la responsabilité politique

La procédure de nomination du chancelier et les mécanismes encadrant la responsabilité gouvernementale en Allemagne témoignent d’une volonté de garantir la stabilité politique tout en rationalisant les rapports entre le gouvernement et le Bundestag.

La nomination du chancelier selon l’article 63 de la Loi fondamentale

Le processus de nomination du chancelier est prévu par l’article 63 de la Loi fondamentale (LF) et vise à assurer au chef du gouvernement un soutien parlementaire dès son entrée en fonction. Voici les étapes de cette procédure :

  1. Proposition par le président fédéral :

    • Le président fédéral propose un candidat à la fonction de chancelier.
    • Le Bundestag procède alors à un vote, sans débat, et le candidat doit obtenir la majorité absolue des membres pour être élu.
  2. En cas d’échec au premier tour :

    • Si le candidat proposé ne réunit pas la majorité absolue, un délai de 14 jours est accordé pour élire un nouveau candidat.
  3. Dernier recours :

    • Si aucun candidat ne parvient à obtenir la majorité absolue dans ce délai, un troisième vote est organisé. À ce stade, le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de voix est élu, qu’il ait ou non la majorité absolue.
    • Le président fédéral a alors deux options :
      • Nommer ce candidat comme chancelier.
      • Dissoudre le Bundestag et convoquer de nouvelles élections.

Ce mécanisme garantit que le chancelier, sauf circonstances exceptionnelles, bénéficie du soutien explicite de la majorité parlementaire, évitant ainsi toute incertitude quant à sa légitimité dès sa prise de fonction. Cependant, il est important de noter que, dans l’histoire allemande récente, il n’a jamais été nécessaire de dépasser le premier stade, tous les chanceliers ayant été élus à la majorité absolue dès le premier vote.

Les mécanismes de mise en jeu de la responsabilité du chancelier

La Loi fondamentale rationalise également les mécanismes permettant de mettre en jeu la responsabilité du chancelier, distinguant deux hypothèses :

  • Une initiative venant du chancelier lui-même (motion de confiance).
  • Une initiative venant du Bundestag (motion de défiance constructive).

1. La motion de confiance (article 68 LF)

Cette procédure permet au chancelier de tester la fidélité de sa majorité parlementaire :

  • Le chancelier demande au Bundestag de se prononcer sur la confiance qu’il lui accorde.
  • Si le Bundestag refuse de lui accorder cette confiance, deux options s’offrent au chancelier dans un délai de trois semaines :
    • Démissionner.
    • Demander au président fédéral de dissoudre le Bundestag pour convoquer des élections anticipées.

Cependant, le chancelier peut également choisir de continuer à gouverner avec le Bundestag existant, bien que cela limite considérablement sa capacité à mettre en œuvre sa politique en l’absence de majorité.

2. La motion de défiance constructive (article 67 LF)

Ce mécanisme impose des conditions très strictes pour renverser le chancelier, afin de préserver la stabilité gouvernementale :

  • Le Bundestag ne peut exprimer sa défiance envers le chancelier qu’en élisant un successeur à la majorité absolue de ses membres.
  • Si une majorité alternative n’émerge pas, le chancelier reste en fonction.

Ce procédé, nettement plus exigeant que la motion de censure utilisée dans d’autres démocraties parlementaires comme la France, vise à éviter les instabilités politiques causées par des renversements fréquents de gouvernements.

La stabilité politique renforcée par ces mécanismes

Ces dispositifs assurent au chancelier une grande stabilité en rendant son renversement difficile. Toutefois, en l’absence de majorité parlementaire, le chancelier perd les moyens nécessaires pour faire adopter ses projets politiques. Cette perte de soutien peut conduire à une paralysie législative, ce qui a amené à la création d’un mécanisme supplémentaire : l’état de détresse législative.

Exemples récents et application pratique

  1. Angela Merkel (2017) : Lors des élections de 2017, l’absence de majorité claire au Bundestag a initialement retardé la formation d’une coalition. Cependant, la proposition de Merkel comme candidate par le président fédéral a été validée au premier tour grâce à un accord entre la CDU et le SPD.

  2. Olaf Scholz (2021) : Lors de son élection, Olaf Scholz a bénéficié d’un soutien explicite de la coalition « feu tricolore » (SPD, Verts, FDP), obtenant la majorité absolue dès le premier vote au Bundestag, démontrant une fois de plus l’efficacité du système prévu par l’article 63.

  3. Crise gouvernementale en 2024 : Si le Bundestag venait à refuser une motion de confiance au chancelier Olaf Scholz, cela pourrait entraîner une dissolution du Parlement et des élections anticipées

 

b) L’état de détresse législative

Définition : Introduit pour faire face à des situations exceptionnelles, ce mécanisme permet au chancelier de gouverner sans majorité parlementaire, en concentrant temporairement des pouvoirs exécutifs et législatifs afin de surmonter une impasse politique. Ce mécanisme est utilisé avec parcimonie, il a donc un caractère exceptionnel.

Le chancelier allemand dispose, en vertu des dispositions de la Loi fondamentale, de mécanismes exceptionnels pour surmonter les blocages parlementaires, notamment par le recours à l’état de détresse législative. Cette procédure particulière illustre à la fois la stabilité du système politique allemand et les limites encadrant les pouvoirs de l’exécutif.

L’état de détresse législative : un outil d’exception pour le chancelier

En cas de blocage persistant au Bundestag, le chancelier peut invoquer l’état de détresse législative, lui permettant de contourner l’opposition des députés. Ce mécanisme repose sur plusieurs conditions et étapes clés :

  1. Levée de l’opposition au Bundestag :

    • Le chancelier, avec l’accord du Bundesrat (représentation des Länder) et du président fédéral, peut faire adopter des projets de loi refusés par le Bundestag, à condition qu’ils soient approuvés par le Bundesrat.
    • Ce processus inverse temporairement les rapports de force entre les deux chambres du Parlement.
  2. Majorité nécessaire au Bundesrat :

    • Pour que cette procédure soit efficace, le chancelier doit s’assurer d’une majorité favorable au Bundesrat.
    • Sans cette majorité de rechange, lever l’opposition du Bundestag ne lui permet pas de faire passer ses lois.
  3. Encadrement temporel :

    • L’état de détresse législative ne peut être prolongé au-delà de six mois.
    • Passé ce délai, si le chancelier n’a toujours pas retrouvé une majorité au Bundestag, il doit choisir entre deux options :
      • Démissionner.
      • Demander au président de dissoudre le Bundestag et convoquer des élections anticipées.

Contre-pouvoirs et limitations

Malgré l’étendue des pouvoirs accordés au chancelier dans ce cadre, le Bundestag conserve des moyens pour limiter cette procédure :

  • Le Bundestag peut interrompre l’état de détresse législative à tout moment en adoptant une motion de défiance constructive contre le chancelier.
  • Cette possibilité offre une garantie que le Bundestag ne sera pas totalement marginalisé dans le processus législatif, même en cas de crise politique.

La stabilité de l’exécutif allemand

Depuis 1949, seulement huit chanceliers se sont succédé en Allemagne, le premier étant Konrad Adenauer, témoignant de la longévité exceptionnelle des gouvernements allemands. Parmi eux, un seul, Helmut Schmidt, a été renversé par une motion de défiance constructive en 1982, à la suite d’un changement d’alliance politique du FDP, qui a rejoint la CDU/CSU pour former une nouvelle majorité.

Cette stabilité remarquable s’explique moins par le recours fréquent aux mécanismes du parlementarisme rationalisé que par :

  • L’évolution du système partisan : Une consolidation autour de quelques grands partis, favorisée par le mode de scrutin mixte et la règle des 5 %, a réduit les sources d’instabilité.
  • La culture politique allemande : Une tradition de consensus et de coopération entre les partis, même dans des contextes de grandes coalitions, contribue à éviter les crises gouvernementales.

Une utilisation rare des mécanismes du parlementarisme rationalisé

Les mécanismes du parlementarisme rationalisé, bien qu’intégrés dans la Loi fondamentale pour garantir la stabilité politique, ont été rarement mobilisés :

  • La motion de confiance et la motion de défiance constructive ont été utilisées à seulement quelques occasions dans l’histoire politique allemande.
  • L’état de détresse législative reste un outil d’exception, conçu pour des circonstances rares et appliqué de manière strictement encadrée.

 

B) Le fonctionnement des institutions allemandes : la stabilité de l’exécutif

Les gouvernements de grande coalition, rassemblant les deux principaux partis politiques allemands (la CDU et le SPD), ont contribué à limiter l’usage des mécanismes du parlementarisme rationalisé en Allemagne. Ces outils institutionnels, conçus pour stabiliser le régime parlementaire en cas de crise, ont été rarement sollicités depuis leur introduction en 1949.

 

a) L’application limitée des mécanismes du parlementarisme rationalisé

La motion de défiance constructive : un mécanisme rarement utilisé

La motion de défiance constructive prévue par l’article 67 de la Loi fondamentale (LF) n’a été utilisée qu’à deux reprises, avec une seule réussite aboutissant à un changement de gouvernement :

  1. Le cas de Willy Brandt (23 avril 1972) : Une motion fut déposée pour tenter de renverser le chancelier Brandt. Cependant, elle échoua de justesse, manquant deux voix pour obtenir la majorité nécessaire. Cet épisode montre à quel point ce mécanisme peut être délicat à mettre en œuvre.

  2. Le cas d’Helmut Schmidt (1er octobre 1982) : Cette fois, la motion a abouti. Le chancelier Schmidt a été destitué et remplacé par Helmut Kohl, grâce à une coalition nouvellement formée entre la CDU et le FDP. Ce renversement a été possible car le FDP, initialement allié au SPD de Schmidt, a choisi de rejoindre la CDU, modifiant ainsi l’équilibre politique.

Le recours à la motion de défiance constructive est toujours lié à des désaccords internes aux coalitions gouvernementales. En 1982, le différend entre le SPD et le FDP a conduit au renversement de Schmidt, illustrant comment une alliance politique brisée peut transformer les équilibres au Bundestag.

La motion de confiance : un outil détourné

La motion de confiance, un autre mécanisme clé du parlementarisme rationalisé, a également connu des détournements de son objectif initial. Ce mécanisme, censé renforcer la solidarité entre le chancelier et sa majorité parlementaire, a été utilisé à des fins stratégiques pour provoquer des élections anticipées. Trois chanceliers en ont usé de cette manière :

  • Willy Brandt : Après avoir survécu de peu à une motion de défiance en 1972, il a utilisé une motion de confiance pour provoquer la dissolution du Bundestag et organiser des élections législatives anticipées. Cette manœuvre visait à renforcer sa position politique fragilisée.

  • Helmut Kohl : Nommé chancelier suite à la motion de défiance constructive contre Schmidt, Kohl a lui aussi sollicité une motion de confiance dans le but d’être mis en minorité. Son objectif était de légitimer son gouvernement en appelant les électeurs à confirmer son mandat par les urnes.

  • Gerhard Schröder : En 2005, affaibli par une série de défaites électorales régionales et une perte de soutien dans plusieurs Länder, Schröder a choisi cette voie pour organiser des élections anticipées, espérant restaurer sa majorité. Bien que sa stratégie n’ait pas conduit à une victoire nette, elle démontre comment ce mécanisme peut être mobilisé dans des contextes politiques complexes.

  • En novembre 2024, l’opposition conservatrice allemande a exigé que le chancelier Olaf Scholz se soumette à un vote de confiance au Parlement. Cette demande est intervenue après la dissolution de la coalition gouvernementale, mettant en lumière les tensions politiques accrues et la nécessité de clarifier le soutien parlementaire au gouvernement en place.
  • 14 novembre 2024 : Lors d’un débat au Bundestag, le Chancelier Olaf Scholz a annoncé son intention de poser la question de confiance le 16 décembre 2024, ouvrant la voie à des élections législatives anticipées prévues pour le 23 février 2025

Dans ces cas, la motion de confiance a été utilisée comme un outil tactique pour contourner la rigidité des règles de dissolution du Bundestag inscrites dans la Loi fondamentale.

Une application limitée des mécanismes du parlementarisme rationalisé

L’usage restreint de ces mécanismes s’explique par plusieurs facteurs :

  • Complexité procédurale : Ces dispositifs impliquent des conditions strictes, telles qu’une majorité alternative viable pour la motion de défiance constructive ou un contexte politique particulier pour justifier une motion de confiance.

  • Stabilité politique relative : Depuis 1949, les conflits entre le chancelier et sa majorité parlementaire ont été rares. En règle générale, les chanceliers ont bénéficié d’un soutien solide de leur coalition, ce qui a rendu ces mécanismes souvent inutiles.

  • Culture politique allemande : Le consensus politique, notamment dans les périodes de grande coalition, a également contribué à réduire les tensions susceptibles de déclencher ces outils.

Ainsi, les institutions du parlementarisme rationalisé, bien qu’importantes sur le plan théorique, sont restées largement sous-utilisées dans la pratique. Elles n’ont été activées que dans des circonstances politiques exceptionnelles, témoignant d’une stabilité durable du système parlementaire allemand.

 

b) Le régime politique allemand, une démocratie de consensus

Une démocratie de consensus caractérise le fonctionnement politique en Allemagne, où les structures institutionnelles et le mode de scrutin favorisent la stabilité et les accords transpartisans.

Les conditions politiques favorables à la stabilité du chancelier

Le chancelier allemand bénéficie traditionnellement d’une majorité solide au Bundestag, limitant le recours aux mécanismes du parlementarisme rationalisé. Cette stabilité repose sur deux éléments principaux :

  1. Un système partisan simplifié : Contrairement aux premières années de la République fédérale d’Allemagne où la vie politique était fragmentée, le paysage politique s’est rapidement structuré autour de trois partis principaux :

    • La CDU/CSU (Union chrétienne-démocrate), représentant le centre-droit.
    • Le SPD (Parti social-démocrate), dominant à gauche.
    • Le FDP (Parti libéral-démocrate), jouant souvent un rôle de pivot.

    Le système électoral mixte, combinant représentation proportionnelle et scrutin majoritaire, a contribué à cette consolidation, marginalisant les plus petits partis.

  2. Un consensus politique fort : Les relations entre les principaux partis reposent sur une culture politique axée sur la recherche d’accords, favorisant la formation de grandes coalitions. Ces coalitions, regroupant la CDU/CSU et le SPD, ont souvent permis au gouvernement de disposer d’une majorité stable.

Le mode de scrutin mixte : une clé de la stabilité

Le système électoral allemand repose sur un mécanisme mixte unique :

  • Double vote : Chaque électeur dispose de deux voix, l’une pour élire un candidat dans sa circonscription (scrutin majoritaire uninominal), et l’autre pour choisir une liste de parti (représentation proportionnelle).
  • Répartition des sièges :
    • La moitié des sièges au Bundestag est attribuée par le scrutin majoritaire.
    • L’autre moitié est répartie proportionnellement entre les partis ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés ou 3 sièges au scrutin majoritaire.

Ce système présente plusieurs avantages :

  • Il élimine les très petits partis, favorisant un bipartisme de fait.
  • Il permet une répartition relativement juste des sièges tout en garantissant une majorité stable.

Cependant, des partis comme Die Linke (gauche radicale) et Die Grünen (Verts) ont su s’imposer durablement comme forces politiques influentes, malgré les barrières institutionnelles.

Les grandes coalitions : la marque du consensus politique allemand

La co-gouvernance entre les deux principaux partis, souvent sous forme de grandes coalitions, est une caractéristique majeure du système allemand. Ces alliances se sont formées dans des périodes où aucun des deux partis n’a pu obtenir une majorité franche, comme :

  • 1966-1969 : Une grande coalition sous le chancelier Kiesinger (CDU).
  • Depuis 2005 : Les gouvernements Merkel ont souvent reposé sur des alliances CDU-SPD.

Ces coalitions illustrent la capacité des partis allemands à travailler ensemble pour gouverner malgré leurs divergences idéologiques. Ce modèle est renforcé par une pratique institutionnelle où :

  • Les projets de loi sont fréquemment ajustés pour tenir compte des propositions de l’opposition.
  • De nombreuses lois sont adoptées à l’unanimité au Bundestag, témoignant d’une culture de compromis.

Une comparaison culturelle et institutionnelle

Bien que le régime parlementaire soit également en vigueur au Royaume-Uni et en Allemagne, les pratiques diffèrent sensiblement en raison des cultures politiques propres à chaque pays :

  • En Allemagne, la culture de consensus prévaut, avec une opposition intégrée dans le processus législatif.
  • Au Royaume-Uni, le régime parlementaire met davantage l’accent sur la confrontation entre majorité et opposition.

Exemples récents de consensus politique : Pour illustrer la continuité de cette démocratie de consensus, voici quelques exemples des dernières années :

  1. Les gouvernements de grande coalition de Merkel (2005-2021) : La CDU et le SPD ont collaboré pour surmonter des crises majeures, comme la crise financière de 2008 ou la crise migratoire de 2015.
  2. La gestion de la pandémie de COVID-19 (2020-2021) : Sous la direction d’Angela Merkel, les décisions sanitaires et économiques ont bénéficié d’un soutien transpartisan au Bundestag.
  3. Les négociations post-électorales de 2021 : Après des élections sans majorité claire, Olaf Scholz (SPD) a formé une coalition « feu tricolore » avec les Verts et le FDP, illustrant une nouvelle fois l’importance du consensus dans la constitution du gouvernement.

 

 

Le Cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs fiches :

Isa Germain

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