LE RÉGIME POLITIQUES ET LE DROIT CONSTITUTIONNEL AMÉRICAIN
Le régime politique américain est un régime présidentiel, souvent considéré comme l’exemple classique de ce type de système. Cependant, cela ne signifie pas que le président est toujours l’acteur politique dominant. La répartition des pouvoirs et l’interdépendance entre les branches permettent des variations dans la puissance présidentielle, notamment en fonction des cycles politiques et de la composition du Congrès. Qu’est-ce qu’un régime présidentiel ?
La séparation stricte des pouvoirs
Le régime présidentiel repose sur une séparation rigide des pouvoirs, où chaque branche du gouvernement exerce une fonction spécifique sans empiéter sur les autres :
- Pouvoir exécutif : Le président détient la totalité des fonctions exécutives. Aux États-Unis, il n’existe pas de gouvernement collégial, mais une équipe de secrétaires directement responsables devant le président.
- Pouvoir législatif : Le Congrès (Sénat et Chambre des représentants) élabore et vote les lois.
- Pouvoir judiciaire : La Cour suprême et les juridictions fédérales interprètent et appliquent les lois.
Cette spécialisation fonctionnelle empêche les mécanismes de destruction réciproque présents dans les régimes parlementaires :
- Le président ne peut pas dissoudre le Congrès.
- Le Congrès ne peut pas destituer le président pour des raisons purement politiques (seules des infractions graves justifient une procédure d’impeachment).
Le caractère monosépale de l’exécutif
Liste des autres articles :
Aux États-Unis, le pouvoir exécutif est concentré entre les mains du président, élu au suffrage universel indirect. Il est à la fois chef de l’État et chef du gouvernement, ce qui contraste avec des systèmes où ces fonctions sont séparées.
Exemple : Le président nomme les secrétaires à la tête des départements (équivalents des ministres), mais ceux-ci n’ont de comptes à rendre qu’au président et non au Congrès.
Section 1 – LE RÉGIME PRÉSIDENTIEL AMÉRICAIN
Les pères fondateurs des États-Unis, influencés par leur expérience coloniale et les idées des Lumières, ont conçu une Constitution visant à éviter toute concentration excessive de pouvoir.
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Une méfiance envers le despotisme :
En s’appuyant sur Montesquieu, ils ont établi une séparation stricte des pouvoirs pour empêcher la tyrannie, en fragmentant les responsabilités :
- Le président est responsable de l’exécution des lois, mais il n’a pas d’initiative législative directe.
- Le Congrès contrôle les finances et peut mettre en accusation le président, mais il ne peut le renverser pour des raisons politiques.
- La Cour suprême, avec l’arrêt Marbury v. Madison (1803), s’est arrogé le pouvoir de contrôler la constitutionnalité des lois, jouant ainsi un rôle clé dans l’équilibre des pouvoirs.
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La relation directe entre l’État fédéral et les citoyens :
Contrairement aux systèmes parlementaires, où le gouvernement dépend du parlement, le président américain tire sa légitimité directement du peuple, étant élu au suffrage universel indirect. Cela renforce son autonomie vis-à-vis du Congrès.
- Une mise en œuvre ambiguë dans la pratique. Bien que théoriquement distincts, les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire interagissent régulièrement dans la pratique :
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- Le président influence le processus législatif par son discours sur l’état de l’Union ou en mobilisant des parlementaires alliés.
- Le Congrès, bien qu’autonome, dépend souvent du président pour définir les grandes orientations politiques.
- La Cour suprême agit parfois comme un arbitre politique, notamment sur des questions sensibles comme les droits civiques ou les réformes sociales.
1 – Le Congrès américain
Le Congrès des États-Unis, institué par l’article I de la Constitution de 1787, est la branche législative du gouvernement fédéral. À l’origine, les constituants ont conçu le Congrès comme le cœur du pouvoir dans le système américain, traduisant une méfiance envers l’exécutif. Cependant, son rôle et son influence ont évolué au fil du temps, notamment face à la montée en puissance de la présidence et de la Cour suprême.
I. Structure et composition du Congrès
1. Un système bicaméral
Le Congrès est composé de deux chambres :
2. Une répartition inégale des pouvoirs
Bien que bicaméral, le Congrès ne repose pas sur une stricte égalité entre les deux chambres. Le Sénat dispose de prérogatives spécifiques qui le placent au-dessus de la Chambre des représentants :
- Ratification des traités internationaux : Les accords négociés par le président doivent être approuvés à une majorité des deux tiers par le Sénat.
- Approbation des nominations présidentielles : Les hauts fonctionnaires fédéraux (juges, ambassadeurs, secrétaires d’État) doivent recevoir l’aval du Sénat.
II. Les pouvoirs constitutionnels du Congrès
La Constitution confère au Congrès des pouvoirs considérables, faisant de lui un acteur central dans l’équilibre des pouvoirs :
- Vote des lois : Le Congrès est l’unique législateur fédéral, bien que le président puisse influencer l’agenda législatif.
- Vote du budget : Le contrôle du budget fédéral donne au Congrès un levier puissant sur les politiques publiques.
- Pouvoir de surveillance :
- Commissions d’enquête : Elles permettent au Congrès d’exercer un contrôle sur les actions de l’exécutif.
- Pouvoir de destitution : La Chambre des représentants peut mettre en accusation (impeachment) le président ou d’autres hauts responsables fédéraux, tandis que le Sénat agit en tant que juge lors du procès.
III. Les limites du pouvoir du Congrès
1. L’empiètement présidentiel
Depuis le début du XXᵉ siècle, le président américain a considérablement accru son influence, notamment en période de crise. Cette montée en puissance de l’exécutif s’explique par :
- Les délégations de pouvoir : En temps de guerre ou de crise économique, le Congrès délègue souvent des pouvoirs extraordinaires au président, comme ce fut le cas avec Franklin D. Roosevelt pendant la Grande Dépression.
- Les initiatives législatives informelles : Bien que la Constitution ne lui confère pas l’initiative législative, le président influence directement le processus via le discours sur l’état de l’Union ou en mobilisant ses alliés au Congrès.
Exemple récent : Sous Donald Trump, le Congrès a été largement contourné lors des négociations sur des accords commerciaux, comme l’USMCA, ou sur des décisions unilatérales comme le financement du mur à la frontière mexicaine.
2. Le contrôle de constitutionnalité
Le développement du contrôle de constitutionnalité par la Cour suprême a également limité le pouvoir législatif du Congrès. Depuis l’arrêt Marbury v. Madison (1803), la Cour suprême peut invalider des lois votées par le Congrès si elles sont jugées contraires à la Constitution.
Exemple : En 2013, dans l’affaire Shelby County v. Holder, la Cour suprême a invalidé une partie du Voting Rights Act de 1965, limitant ainsi les pouvoirs du Congrès en matière de régulation électorale.
3. L’inefficacité du Congrès
L’efficacité législative du Congrès est souvent entravée par :
- La polarisation politique : Les divisions entre démocrates et républicains rendent difficile l’adoption de lois majeures, notamment dans un contexte de majorité partagée entre les deux chambres.
- Les mécanismes internes : Le filibuster (obstruction parlementaire au Sénat) permet à une minorité d’empêcher un vote, compliquant encore davantage le processus législatif.
- Les cycles électoraux courts : Le renouvellement fréquent des membres de la Chambre des représentants (tous les deux ans) limite les marges de manœuvre pour des réformes structurelles.
Résumé : Le Congrès américain a vu son rôle évoluer face à la montée en puissance de l’exécutif et au développement du contrôle judiciaire. S’il conserve des prérogatives essentielles, notamment en matière de budget et de surveillance de l’exécutif, il doit composer avec des limites structurelles et politiques.
2 – Le président américain
Le président des États-Unis occupe une place unique et prépondérante au sein du système politique américain. Il incarne à la fois le chef de l’État et le chef du gouvernement, concentrant en sa personne l’intégralité du pouvoir exécutif. Cependant, son rôle et son influence dépassent les simples prérogatives constitutionnelles, s’appuyant sur un mélange de prestige institutionnel, de légitimité populaire et de pouvoir pratique renforcé par les médias et les crises nationales.
I. Les bases constitutionnelles et le prestige présidentiel
1. Les origines du prestige présidentiel
La figure du président a gagné en importance dès l’élection de George Washington en 1789. Ce dernier a su établir la suprématie présidentielle à travers des conflits comme celui opposant la présidence au Sénat sur la négociation d’un traité avec les nations autochtones. En se passant de l’avis du Sénat, Washington a affirmé que le président incarne à lui seul le pouvoir exécutif.
2. Une indépendance garantie par la Constitution
Le rôle fort du président repose sur deux principes fondamentaux :
- L’irresponsabilité politique : Le président ne peut être renversé par le Congrès, contrairement à un chef de gouvernement dans un régime parlementaire.
- Un exécutif monocéphale : Le président concentre tout le pouvoir exécutif et s’entoure de secrétaires d’État, responsables uniquement devant lui. Contrairement à un gouvernement collégial, ces secrétaires n’ont aucune solidarité entre eux.
3. Des pouvoirs constitutionnellement limités mais stratégiques
La Constitution de 1787 confère au président des pouvoirs spécifiques, qui, bien que limités en apparence, sont d’une importance stratégique :
- Chef des armées : Il dirige les forces armées et prend les décisions militaires en tant que commandant en chef.
- Négociation des traités : Il conclut des accords internationaux, soumis à la ratification du Sénat.
- Nomination des hauts fonctionnaires et des juges fédéraux : Avec l’approbation du Sénat, il façonne les institutions exécutives et judiciaires.
- Programme législatif : Il soumet ses priorités au Congrès, notamment via le discours sur l’état de l’Union.
- Droit de veto : Il peut bloquer des lois adoptées par le Congrès, un pouvoir souvent utilisé pour orienter les politiques législatives.
II. L’élargissement des prérogatives présidentielles
1. Le pouvoir réglementaire et les délégations du Congrès
La Constitution prévoit que le président veille à l’exécution fidèle des lois, ce qui constitue la base de son pouvoir réglementaire. Ce pouvoir a été amplifié par la pratique :
- Délégations du Congrès : En temps de guerre ou de crise économique, le Congrès délègue souvent des pouvoirs supplémentaires au président. Par exemple, lors de la crise de 2008, le président a supervisé des mesures d’urgence économiques d’ampleur.
- Négociations commerciales : Le président joue également un rôle central dans les accords commerciaux internationaux, comme le récent USMCA (remplaçant l’ALENA), signé sous Donald Trump.
2. L’influence législative indirecte
Bien que la séparation des pouvoirs limite le rôle législatif direct du président, il exerce une influence significative :
- Le discours sur l’état de l’Union, prononcé chaque année devant le Congrès, lui permet de proposer un programme législatif et de mobiliser les parlementaires sur ses priorités.
- Le parlementarisme de couloir : Le président peut inciter des parlementaires de son parti à déposer des propositions de loi alignées sur son agenda.
3. Le droit de veto : un outil clé
Le droit de veto permet au président de s’opposer à une loi votée par le Congrès :
- Veto classique : Il peut rejeter l’intégralité d’une loi, sauf si le Congrès vote à une majorité des deux tiers pour le surmonter.
- Veto sélectif : Depuis 1996, le président peut rejeter une partie spécifique d’une loi (par exemple, une disposition budgétaire).
- Veto de poche : À la fin d’une session parlementaire, si le président ne signe pas une loi dans un délai de 10 jours, celle-ci devient caduque.
III. Leadership présidentiel et suprématie contemporaine
1. L’importance de la légitimité populaire et des médias
Le président est le seul élu au niveau national, ce qui lui confère une légitimité directe auprès du peuple américain. Avec la montée des médias au XXᵉ siècle, cette légitimité s’est renforcée :
- Les présidents utilisent les médias pour mobiliser l’opinion publique et influencer le Congrès. Par exemple, Franklin D. Roosevelt a utilisé les « causeries au coin du feu » à la radio pour défendre son New Deal, et Donald Trump s’est appuyé sur Twitter pour mobiliser ses électeurs.
2. Les crises comme vecteurs d’autorité présidentielle
Les guerres et les crises économiques ont régulièrement renforcé le rôle du président :
- Pendant la Seconde Guerre mondiale, Franklin D. Roosevelt a assumé des pouvoirs extraordinaires pour mobiliser l’économie et les forces armées.
- Après les attentats du 11 septembre 2001, George W. Bush a étendu les pouvoirs présidentiels pour lutter contre le terrorisme, notamment avec la création du Patriot Act.
3. Les limites du pouvoir présidentiel
Malgré sa prépondérance, le président est soumis à des contre-pouvoirs :
- Le Congrès peut limiter son action en refusant de voter son budget ou en s’opposant à ses initiatives législatives. Par exemple, sous Jimmy Carter, un Congrès hostile a souvent bloqué ses projets.
- La procédure d’impeachment permet de mettre en accusation un président pour crimes graves ou délits. Bien que rarissime, cette procédure a contraint Richard Nixon à démissionner en 1974 après le scandale du Watergate.
3 – Le pouvoir judiciaire aux États-Unis
Le système judiciaire américain occupe une place exceptionnelle dans l’organisation politique et sociale des États-Unis. Il repose sur un rôle accru des tribunaux et des professions juridiques, combiné à une absence de séparation entre les juridictions administratives et judiciaires, ce qui en fait un modèle particulier au sein des démocraties occidentales.
I. Une nation de plaideurs et un système judiciaire décentralisé
1. Une société tournée vers le droit
Les États-Unis se distinguent par une forte judiciarisation des conflits sociaux, économiques et politiques :
- Environ 100 millions de litiges sont traités chaque année.
- La majorité de ces litiges sont jugés au niveau des États fédérés, qui disposent chacun de leur propre système judiciaire, distinct du système fédéral.
Cette culture judiciaire est alimentée par :
- La place importante des class actions (actions collectives), permettant à des groupes de citoyens de poursuivre des entreprises ou des institutions.
- Une population perçue comme particulièrement attachée à ses droits, entraînant une multiplication des recours juridiques.
2. Un système unifié sans dualité de juridictions
Contrairement à des pays comme la France, où coexistent des juridictions administratives et judiciaires, les États-Unis ne connaissent pas de dualité de juridiction.
- Les tribunaux américains traitent aussi bien les litiges entre particuliers que les litiges impliquant des autorités administratives.
- Ce système unifié simplifie les recours, mais confère également un pouvoir considérable aux juges fédéraux et à la Cour suprême, qui agit comme une cour de cassation, un conseil constitutionnel et un conseil d’État.
II. La Cour suprême : une institution clé du fédéralisme et de la démocratie américaine
1. Composition et indépendance
La Cour suprême, institution au sommet du système judiciaire américain, est composée de neuf juges, dont le mandat est à vie.
- Les juges sont nommés par le président des États-Unis avec l’approbation du Sénat.
- Le Chief Justice (président de la Cour suprême) est considéré comme le deuxième personnage de l’État, surpassant le vice-président en termes de protocole et d’influence.
Les juges perçoivent des rémunérations élevées, destinées à les protéger contre toute pression financière ou politique. Cette indépendance, garantie par leur statut, leur permet de jouer un rôle essentiel dans la préservation de l’équilibre des pouvoirs.
2. Un rôle politique majeur
La Cour suprême exerce une influence considérable sur le fonctionnement du système politique américain :
- Contrôle de constitutionnalité : Depuis l’arrêt Marbury v. Madison (1803), elle s’est arrogé le pouvoir de juger la constitutionnalité des lois, devenant ainsi un acteur central de la séparation des pouvoirs.
- Arbitre du fédéralisme : La Constitution confère à la Cour suprême la tâche de régler les litiges relatifs à la répartition des compétences entre l’État fédéral et les États fédérés.
3. Des décisions au cœur des débats sociétaux
La Cour suprême ne se limite pas à un rôle technique : ses décisions façonnent la société américaine.
- Roe v. Wade (1973) : Ce jugement a reconnu le droit à l’avortement, une décision renversée en 2022 par l’arrêt Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization, qui a rendu la question aux États fédérés.
- Obergefell v. Hodges (2015) : La Cour a légalisé le mariage homosexuel à l’échelle nationale.
- Bush v. Gore (2000) : Elle a joué un rôle décisif en tranchant le différend électoral qui a permis à George W. Bush de devenir président.
Ces exemples montrent que la Cour suprême est autant un organe juridique qu’un acteur politique, influençant les grandes orientations du pays.
III. Une spécificité américaine dans les expériences constitutionnelles occidentales
1. Une Cour suprême unique dans son rôle et sa composition
La Cour suprême américaine diffère des institutions similaires dans d’autres pays occidentaux :
- En France, le Conseil constitutionnel ne peut être saisi que sur des points spécifiques de droit, tandis que la Cour suprême des États-Unis exerce un contrôle large sur les lois et les actions des pouvoirs publics.
- En Allemagne, le Tribunal constitutionnel fédéral se concentre sur la constitutionnalité des lois, mais n’a pas de rôle aussi étendu que celui de la Cour suprême américaine.
2. Une institution au croisement du droit et de la politique
En raison de sa composition, directement influencée par le président en exercice et la majorité au Sénat, la Cour suprême est souvent perçue comme un organe politique.
- Les nominations récentes, comme celle d’Amy Coney Barrett par Donald Trump en 2020, ont accentué les clivages idéologiques au sein de la Cour.
- La polarisation politique américaine se reflète dans les décisions de la Cour, qui peuvent basculer en fonction de la majorité conservatrice ou progressiste.
Section 2 – COMPARAISON AVEC LE RÉGIME POLITIQUE ANGLAIS
Dans son ouvrage Démocratie et totalitarisme, Raymond Aron met en lumière les différences et les similitudes entre les systèmes constitutionnels américain et britannique. Bien que fondamentalement distincts dans leur structure et leur fonctionnement, ces deux régimes partagent des qualités essentielles : stabilité et efficacité.
I. La stabilité et l’efficacité : des facteurs contextuels et structurels
1. La stabilité politique
Les régimes politiques américain et britannique ont en commun une grande stabilité, due en partie à leur capacité à maintenir des gouvernements efficaces et durables.
- Aux États-Unis : La séparation stricte des pouvoirs garantit que le président ne peut être destitué pour des motifs politiques, sauf dans des cas exceptionnels (impeachment pour trahison ou crimes graves). Cela permet une continuité de l’exécutif, même en période de forte polarisation politique.
- Au Royaume-Uni : Le parlementarisme repose sur la responsabilité politique du gouvernement devant la majorité parlementaire. Si cette majorité est solide, le Premier ministre bénéficie d’une grande stabilité, comme ce fut le cas sous Margaret Thatcher ou Tony Blair.
Cependant, la stabilité ne dépend pas uniquement des mécanismes constitutionnels. Aron souligne que l’adéquation entre la Constitution et les forces politiques est essentielle :
- Dans des pays comme l’Allemagne de Weimar ou la IVᵉ République française, cette adéquation a manqué, entraînant une instabilité chronique.
- En revanche, les États-Unis et le Royaume-Uni ont su aligner leurs institutions avec des forces politiques adaptées, renforçant ainsi leur stabilité.
2. L’efficacité de l’exécutif
Malgré leurs différences structurelles, les deux régimes permettent à l’exécutif de mettre en œuvre ses politiques :
- Aux États-Unis : Le président, élu au suffrage universel indirect, jouit d’une légitimité démocratique forte qui lui permet de diriger l’exécutif sans être entravé par des crises ministérielles, même lorsqu’il est en cohabitation avec un Congrès opposé.
- Au Royaume-Uni : Le Premier ministre, issu de la majorité parlementaire, dispose d’une grande flexibilité pour adopter des lois, grâce à la fusion des pouvoirs exécutif et législatif.
Cependant, ces régimes diffèrent dans leur manière d’assurer l’efficacité :
- Le système britannique, fondé sur la suprématie parlementaire, permet une modification plus rapide des lois et une adaptation plus fluide au contexte politique.
- Aux États-Unis, la rigidité de la Constitution peut freiner l’efficacité législative, en particulier lors de conflits entre le président et le Congrès.
II. La dynamique entre Constitution et forces politiques
1. La flexibilité de la Constitution britannique
Le Royaume-Uni, contrairement aux États-Unis, ne possède pas de Constitution écrite. Son cadre institutionnel repose sur :
- Des lois fondamentales, comme le Parliament Acts ou le Human Rights Act.
- Des coutumes constitutionnelles, c’est-à-dire des pratiques répétées sur une longue période et perçues comme obligatoires.
Exemple : Le rôle du Premier ministre n’est défini dans aucun texte juridique, mais découle d’une coutume consolidée par l’histoire. Cette flexibilité permet une adaptation rapide aux évolutions politiques et sociales.
2. La rigidité de la Constitution américaine
La Constitution des États-Unis, adoptée en 1787, est la plus ancienne constitution écrite encore en vigueur. Bien qu’elle ait été amendée 27 fois, sa structure est volontairement rigide :
- Toute révision nécessite une majorité qualifiée au Congrès et la ratification par les trois quarts des États fédérés, un processus complexe.
- En l’absence de révisions fréquentes, la Cour suprême joue un rôle central en interprétant la Constitution et en adaptant ses principes au contexte contemporain.
Cette rigidité peut entraîner des blocages, notamment en période de polarisation politique, mais elle garantit également une grande stabilité institutionnelle.
III. L’évolution des régimes politiques : le rôle des coutumes constitutionnelles
Aron et Michel de Villiers s’accordent à dire que la stabilité et l’efficacité des régimes politiques dépendent aussi de leur capacité à évoluer au fil du temps grâce aux coutumes constitutionnelles.
1. Définition et formation des coutumes constitutionnelles
Une coutume constitutionnelle repose sur deux critères principaux :
- La répétition d’un usage sur une longue période.
- Le sentiment d’obligation juridique, c’est-à-dire la conviction que la violation de cet usage entraînerait une sanction.
Exemple : Au Royaume-Uni, la nomination d’un Premier ministre issu de la majorité parlementaire est une coutume constitutionnelle devenue incontournable.
2. Les coutumes dans les régimes britannique et américain
- Au Royaume-Uni : Les coutumes jouent un rôle fondamental dans l’organisation politique. Par exemple, le principe selon lequel le monarque ne refuse jamais la sanction royale des lois votées par le Parlement est une coutume consolidée depuis le XVIIIᵉ siècle.
- Aux États-Unis : Les coutumes sont moins formalisées en raison de la rigidité de la Constitution écrite. Cependant, certaines pratiques informelles, comme l’importance des débats télévisés lors des élections présidentielles, sont devenues des traditions incontournables du système politique américain.
Conclusion : Bien que le régime américain et le régime britannique diffèrent profondément dans leur structure – l’un étant fondé sur une séparation stricte des pouvoirs et l’autre sur une fusion des pouvoirs –, ils partagent des qualités communes de stabilité et d’efficacité. Cette réussite repose sur une adéquation historique entre les forces politiques et les institutions, ainsi que sur une capacité à s’adapter à travers des pratiques évolutives, qu’elles soient formalisées (amendements aux États-Unis) ou coutumières (Royaume-Uni).