Le renvoi préjudiciel, une coopération entre les juridictions

Qu’est-ce que le renvoi préjudiciel?

 Le renvoi préjudiciel est un mécanisme juridique crucial dans le système juridique de l’Union européenne (UE). Il permet aux juridictions nationales des États membres de demander à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) des interprétations ou des clarifications sur le droit de l’UE lorsqu’elles sont confrontées à des questions juridiques complexes. Dans ce cours, nous étudierons en détail le fonctionnement, la procédure et l’importance du renvoi préjudiciel. Le renvoi préjudiciel est une procédure qui occupe une place à part dans le contentieux. Il ne constitue pas un recours juridictionnel au sens stricte parce que ce dernier ne confronte pas les partis devant la cour de justice. C’est une procédure de juge à juge.

I. Définition et objectif du renvoi préjudiciel

  1. Définition : Le renvoi préjudiciel est une procédure par laquelle une juridiction nationale d’un État membre de l’UE soumet une question de droit de l’UE à la CJUE pour obtenir des éclaircissements sur l’interprétation ou la validité du droit de l’UE.

  2. Objectif : L’objectif principal du renvoi préjudiciel est d’assurer une application uniforme et cohérente du droit de l’UE dans tous les États membres. Il vise également à renforcer le dialogue entre les juridictions nationales et la CJUE, ainsi qu’à garantir la primauté et l’efficacité du droit de l’UE.
  3. C’est une procédure qui se déroule entre un juge national et le juge européen (la cour de justice). Le renvoi préjudiciel est un instrument de coopération entre les juridictions nationales et la cour de justice car c’est un mécanisme qui permet au juge national de poser une question à la cour de justice. Mais en même temps, la réponse apportée à cette question par la cour de justice va lier le juge national et va déterminer la solution qu’il va donner au litige présenté devant lui. Ce renvoi a parfois été considéré avec méfiance, par le conseil d’Etat notamment.

    C’est un instrument de coopération mais c’est aussi une procédure incidente qui vient se greffer sur l’instance nationale en cours ce qui veut dire que le délai de réponse de la cour peut allonger la durée de la procédure nationale, cela peut freiner les juridictions nationales.

II. Procédure du renvoi préjudiciel

  • Demande de renvoi préjudiciel : Une juridiction nationale peut soumettre une demande de renvoi préjudiciel à la CJUE lorsqu’elle estime qu’une question de droit de l’UE est déterminante pour résoudre un litige devant elle. Elle formule la question précise à laquelle elle souhaite obtenir une réponse de la CJUE.

  • Recevabilité de la demande : La CJUE examine la recevabilité de la demande de renvoi préjudiciel. Elle vérifie notamment si la question est pertinente, si elle porte sur le droit de l’UE et si elle n’a pas déjà fait l’objet d’une décision de la CJUE.
  • Procédure devant la CJUE : Si la demande de renvoi préjudiciel est jugée recevable, la CJUE examine la question soumise. Elle peut organiser des audiences, demander des observations aux parties intéressées et rendre un arrêt qui apporte des éclaircissements sur l’interprétation ou la validité du droit de l’UE.

 

  • a) La question préjudicielle

1) La forme de la question : quelle question ?

Il faut s’interroger sur sa forme. Il existe 2 catégories de renvoi préjudiciel

  • – Le renvoi préjudiciel en interprétation : l’interprétation qu’il convient de donner à une disposition d’un traité, à un accord conclut par l’union, etc.
  • – Le renvoi préjudiciel en appréciation de validité : la cour de justice va être amenée à se prononcer sur la validité par un acte adopté par une institution de l’union.

Le renvoi préjudiciel porte toujours sur le droit de l’union, jamais sur le droit national. La compétence de la cour est plus étendu dans le cas du renvoi préjudiciel en interprétation qu’en cas d’appréciation de validité (ne porte que sur un acte adopté par une institution).

2) L’auteur de la question : quel juge ?

L’auteur de la question c’est toujours une juridiction nationale mais si le traité avait rendus le renvoi obligatoire pour toutes les juridictions nationales la cour de justice aurait été encombrée.

Il a fallut trouver un compromis : article 267 TFUE, il distingue d’une part les juridictions qui peuvent saisir la cour de justice et d’autre part les juridictions qui doivent saisir la cour de justice.

Les juridictions qui ont la faculté de saisir la cour de justice sont celles de premier degré et celles qui ne s’appuis pas en dernier ressort. À l’inverse, les juridictions qui ont l’obligation de saisir la cour du renvoi préjudicielle sont les juridictions suprêmes, de dernier ressort.

Ces dispositions ont une conséquence paradoxale : les juridictions intérieures ont plus de marge de manoeuvre que les juridictions supérieures car elles ne sont pas tenues de faire un renvoi préjudiciel à la cour de justice alors que les juridictions suprêmes vont avoir cette obligation.

Ainsi, la cour de justice à modifié les dispositions des traités : dans certains cas les juridictions y compris celles dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours, ne sont pas obliger de la saisir d’un renvoi préjudiciel en interprétation (arrêt du 6 octobre 1982, CILFIT).

  • – Lorsque la question soulevée par les parties au litige n’est pas pertinente
  • – Lorsque l’interprétation du droit de l’union peut être déduite d’une jurisprudence antérieure de la cour.
  • – Lorsque l’interprétation du droit de l’union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable : la théorie de l’acte clair. Cette théorie était utilisée par le CE pour éviter de faire des renvois préjudiciels, elle est reconnue dans l’arrêt CILFIT, sauf que la cour reconnait cette théorie mais l’encadre de telles exigences qu’en pratique cela devient difficile pour une juridiction nationale de considérer qu’un acte est clair. Un juge national ne considère qu’un acte de l’union n’est clair que s’il a tenu compte de toutes les versions linguistiques et qu’il considère que cela s’imposerait à toutes les juridictions nationales.

D’autre part, dans certains cas, toutes les juridictions y compris celle dont les décisions sont susceptible de recours (les juridictions intérieures, ordinaire), sont obligés de la saisir d’un renvoi préjudiciel en appréciation de validité (arrêt du 22 octobre 1987, arrêt FOTO-FROST). Dans ce dernier arrêt, la cour précise que les juridictions intérieures peuvent reconnaitre qu’un acte est illégal mais leur interdit de déclarer qu’un acte est invalide, elles sont obligées de renvoyer une question à la cour de justice.

 

  • b) L’autorité à géométrie variable des arrêts préjudiciels

Il faut distinguer selon la juridiction et selon le type de renvoi

À l’égare de la juridiction ayant procéder au renvoi, lorsque la cour rend un arrêt, cet arrêt s’impose à la juridiction qui a procédé au renvoi avec l’autorité de la chose jugée.

Concernant l’autorité de l’arrêt rendu sur renvoi, il faut distinguer selon la nature de renvoi préjudiciel opéré.

  • – S’il s’agit d’un renvoi préjudiciel en interprétation, l’arrêt rendu par la cour va pouvoir être retenue par les autres juridictions, c-a-d qu’une juridiction ne sera pas tenue de faire un nouveau renvoi en interpellation s’il existe déjà une interprétation de la cour qui a été donnée à l’occasion d’un recours.
  • – S’il s’agit d’un renvoi préjudiciel en appréciation de validité, il va falloir distinguer selon que la cour a jugé cet acte valide ou invalide. Si elle l’a jugé valide : pour les autres juridictions cette décision n’empêche pas de faire un nouveau renvoi en appréciation de validité notamment si elles ont soulevées d’autres moyens d’invalidité. La cour dans le cas d’un renvoi préjudiciel en appréciation de validité a estimé qu’un acte était invalide : il ne devra plus être appliqué par aucune autre juridiction (comme s’il y avait autorité de la chose jugée)

III. Importance et conséquences du renvoi préjudiciel

  1. Uniformité de l’application du droit de l’UE : Le renvoi préjudiciel contribue à assurer une interprétation uniforme du droit de l’UE dans tous les États membres. Les arrêts de la CJUE dans le cadre des renvois préjudiciels lient les juridictions nationales, qui sont tenues de les appliquer.

  2. Protection des droits des citoyens de l’UE : Le renvoi préjudiciel permet de protéger les droits des citoyens de l’UE en assurant une application correcte et cohérente du droit de l’UE dans tous les États membres. Il garantit également que les juridictions nationales peuvent obtenir des éclaircissements sur des questions complexes de droit