Le rôle de la provision de la lettre de change

La provision de la lettre de change

La provision de la lettre de change est représentée par la dette envers le tireur . A l’échéance ,le tiré paiera au porteur la somme figurant sur la traite . Avant d’approfondir la notion de provision de la lettre de change, il convient de définir la notion de lettre de change et d’effet de commerce. La lettre de change est un effet de commerce. Les effets de commerce recouvrent différents instruments, notamment la lettre de change, le billet à ordre, le bordereau Dailly auquel il faut ajouter le chèque, même si celui-ci a une place à part.

Définition des effets de commerce : ce sont des instruments de crédit et des instruments de paiement. Dans tous les cas, ces instruments servent de mode de rémunération entre commerçants / entreprises. Ils jouent le rôle d’une quasi monnaie. Rippert et Robleau définissaient les effets de commerce comme des titres négociables qui constatent l’existence au profit du porteur d’une créance à court terme et qui servent à son paiement. De cette définition, on peut dégager les principaux caractères des effets de commerce.

D’abord ce sont des titres i.e. des écrits qui constatent des créances. La créance est incorporée dans le titre. Elle fait corps avec le titre.

Ils sont négociables i.e. ils circulent affranchis des formalités de la cession de créance civile. Ils circulent par endossement i.e. par signature au dos. La signature dans le dos est importante car elle rend garant solidaire au titre.

L’inopposabilité aux exceptions. Cette règle ne se comprend que par opposition au droit commun de la cession de créance. En droit commun, le cédant ne peut pas transférer au cessionnaire plus de droit qu’il n’en a contre le cédé.

Les effets de commerce fonctionnent sur le principe inverse. Le cessionnaire ne pourra pas opposer au cédé les exceptions qu’il aurait pu opposer contre le cédant. En vertu de l’effet de commerce et de son transfert et de son transfert, le bénéficiaire va disposer contre le débiteur cédé d’un droit propre, d’un droit autonome purgé de ses vices. Ce droit nouveau ne dépend pas des caractéristiques de la créance de base qui a été transférée.

L’intérêt des effets de commerce, c’est qu’ils font office de monnaie entre les entreprises. Ils permettent aux créances de circuler et d’être payées. La règle de l’inopposabilité des exceptions contribue à la sécurité du paiement.

La lettre de change n’est plus vraiment utilisée par les banques. Toutefois, les règles du mécanisme de la lettre de change s’appliquent aujourd’hui à d’autres instruments de paiement.

Définition de la lettre de change – On parle aussi de traites. La lettre de change est le titre par lequel une personne – le tireur – donne ordre à une autre – le tiré – de payer à une date déterminée une créance de somme d’argent à une troisième personne – le bénéficiaire.

La créance qui existe entre le tireur et le tiré s’appelle la « provision ». La créance existant entre le tireur et le bénéficiaire s’appelle la « valeur fournie ».

Hypothèse : Le tireur est généralement un vendeur de marchandises. Le tiré est lui l’acheteur des marchandises. Dans ce genre d’opérations, l’acheteur dispose d’un délai de paiement. Il ne paiera la marchandise qu’à terme. Dans ce cas, la provision correspond tout simplement à la créance du prix de la vente. Ex. le tireur qui inscrit sur une lettre de change le montant de sa créance qu’in transfert à sa banque qui lui fournit un crédit. La banque est donc le bénéficiaire de la lettre de change et pourra recouvrer la créance auprès du débiteur tiré (cession d’escompte de la lettre de change).

La lettre de change fonctionne avec les rapports fondamentaux que sont la provision et la valeur fournie. A ces rapports fondamentaux, viennent se greffer des rapports cambiaires i.e. des rapports issus de la lettre de change elle-même. Ces rapports cambiaires sont ex. les droits que le porteur va acquérir contre le tiré ou encore le recours que le porteur peut avoir contre les précédents signataires de la lettre de change. Cela signifie que pour le porteur de la lettre de change, il pourra agir en paiement contre le tiré (débiteur), il peut agir sur 2 terrains :

Sur le fondement du rapport fondamental i.e. de la provision qui lui a été cédée

Sur le fondement de l’obligation cambiaire, qui est une obligation autonome par rapport a la provision.

Rapports fondamentaux et rapports cambiaires sont indépendants les uns des autres. Ex. si l’obligation cambiaire est prescrite, le porteur peut agir sur le fondement de la provision. Si le porteur agit sur le fondement de l’obligation cambiaire, le tiré ne pourra pas opposer les exceptions qu’il aurait pu opposer sur le fondement de la provision.

Récapitulation :

Rôle économique de la Lettre de Change : un instrument de crédit

Nature juridique de la lettre de change.

Les rapports fondamentaux

o Il y a celui qui lie le tireur et le tiré et pour lequel le premier est créancier du second. Lors de l’émission de la LC, la dette entre le tireur et le tiré est appelée provision.

o De son côté, le tireur remet la Lettre de change au bénéficiaire parce que celui-ci, en échange, lui en fournit la valeur : c’est la valeur fournie (dette du tireur envers le bénéficiaire).

o Enfin, à chaque endossement (transfert), l’endosseur remet la Lettre de change au nouveau porteur en règlement d’une dette dont il est ou sera tenu à son égard.

Rapports cambiaires

Relations entre les rapports

o Indépendance de l’obligation cambiaire

o Indépendance du rapport fondamental

  1. 511-1 et s. du Code de commerce concerne la lettre de change.

Section 1 – Le rôle de la provision

La provision est la créance que détient le tireur contre le tiré et cette créance est la cause de la lettre de change. Sans cette créance, il n’y a rien à transférer. Il y a des règles sur la provision aux arts L. 511-7 du Code de Commerce.

Trois règles en droit français :

  1. L’acceptation de la Lettre de change suppose la provision : tiré accepteur ne peut plus refuser de payer en invoquant l’absence de provision.
  2. Règle de l’inopposabilité des exceptions : tiré ne peut pas invoquer les moyens de défense qu’il a contre le tireur, ni contre le précédent porteur.
  3. Par l’acceptation, le tiré s’engage à payer le porteur (détient un droit direct).

I. Règles attachées à la provision

A) L’existence de la provision

L’article L. 511-7 dispose qu’il y a provision si à l’échéance de la lettre de change, celui sur qui elle est fournie (tiré) est redevable envers le tireur d’une somme au moins égale au montant de la lettre de change.

Selon l’article L. 511-7 al. 2 : «il y a provision si, à l’échéance de la LC, celui sur qui elle est fournie est redevable au tireur, ou à celui pour le compte de qui elle est tirée, d’une somme au moins égale au montant de la Lettre de change »

Le texte dispose que la provision existe à l’échéance, ce qui signifie que l’on contrôle l’existence de la provision au moment de la création de la lettre de change.

Si la provision n’est pas sensée exister avant la créance, la Jurisprudence décide que c’est une créance éventuelle qui doit exister au jour de l’échéance.

La provision présente des caractères :

(i) Elle doit être fournie par le tireur. Cela signifie que c’est le tireur qui doit fournir au tiré les moyens de payer la lettre de change. Le tireur doit être le créancier du tiré.

(ii) Elle doit être d’un montant au moins égal au montant de la lettre de change. On ne peut pas émettre une Lettre de Change d’un montant supérieur de celui de la provision.

Pourquoi la provision ne doit-elle être constituée qu’à l’échéance de la lettre ?

Parce que la Lettre de Change est un instrument de crédit et pas un instrument de paiement. C’est toute la différence avec le chèque. En matière de chèque, la provision doit exister dès que le chèque est émis. Au moment de l’octroi de la lettre de change, il peut qu’il n’y ait pas de provision. Le délai est donc admis.

B – L’absence de provision

Il y a absence de provision lorsqu’à l’échéance de la lettre, le tireur n’a pas fourni au tiré les moyens de payer i.e. lorsque le tireur n’est pas créancier du tiré. Ex. Le vendeur de marchandise n’a pas livré les marchandises à temps ou les marchandises conformes. La provision n’est pas constituée. Cela étant, la Lettre de Change demeure valable. Elle existe indépendamment de la provision. Comme cette situation n’est pas normale, le droit en tire certaines conséquences :

Certaines sanctions seront prises contre le tireur (c’est comme-ci il avait émis une fausse monnaie ; un titre sans valeur)

L’absence de provision permet au tiré de ne pas accepter la lettre de change. Une fois la Lettre de Change émise par le tireur, il y a un acte d’acceptation de celle-ci formulée par le tiré envers le porteur. L’acceptation, c’est l’engagement du tiré de payer la Lettre de Change au porteur et c’est cette acceptation qui fait naitre cette fameuse obligation cambiaire.

II) Garanties liées à la provision

Ces garanties sont apportées par la provision si on arrive à les prouver.

A) Preuve de la provision

Concernant la charge de la preuve, celle-ci dépend de savoir si la lettre a été acceptée par le tiré alors l’acceptation fait présumer la provision.

En revanche, si la lettre n’a pas été acceptée, c’est à celui qui se prévaut de la provision de la prouver. C’est le porteur qui va réclamer paiement. Il faudra qu’il prouve que la provision existe. Quant aux modes de preuve de cette provision, il s’agit de modes de preuves du droit commun.

B – Le transfert de la propriété de la provision

La provision apporte des garanties au porteur parce qu’elle lui est transférée. L’article L. 511-7 dispose que la propriété de la provision est transférée à tous les porteurs successifs. Le fait d’émettre la Lettre de Change et de la transférer transfère en même temps la créance de provision. On est en présence d’une cession de créance. Chaque porteur de la lettre devient propriétaire de la provision. Cela signifie que la créance quitte le patrimoine du tireur pour un autre porteur. C’est le fait d’être titulaire de la provision qui offrira au porteur une garantie de paiement.

Toutefois, la portée de cette garantie est relative. Avant l’échéance de la lettre, les droits du porteur dépendent là encore, de l’acceptation de la lettre.

Hypothèse de la lettre qui a été émise mais qui n’a pas été acceptée par le tiré. : – La provision a quand même été transférée au porteur. Ce dernier est le titulaire exclusif de la provision. Mais, comme la lettre n’a pas été acceptée, la créance de la provision reste disponible, ce qui signifie qu’entre temps, des tiers ont pu saisir cette créance. Cela veut aussi dire que la créance reste payable ; le tiré a pu la payer au tireur.

La créance a aussi pu s’éteindre par la compensation.

La créance a été transférée au porteur mais reste disponible.

Lorsque la traite a été acceptée, l’acceptation fait supposer la provision, mais l’acceptation rend la provision indisponible. La provision est bloquée entre les mains du porteur.

L’échéance de la lettre de change rend également la provision indisponible.

Section 2 – L’acceptation de la Lettre de Change

Lorsque la lettre n’est pas acceptée, il n’y a pas création d’obligation cambiaire. En revanche, pour le porteur qui s’est vu transférer la provision, il peut agir sur ce fondement contre le tiré. Il peut réclamer le paiement sur le fondement de la provision mais il est un créancier ordinaire mais pas cambiaire.

L’acceptation c’est l’acte par lequel le tiré s’engage à payer cambiairement le porteur. Le tiré devient alors personnellement débiteur du porteur grâce à une nouvelle obligation qui est l’obligation cambiaire.

La question se pose quand est-ce que le tiré accepte ou pas de payer.

L’article L. 511-15 où l’acceptation est obligatoire. Autrement dit, le porteur demande l’acceptation et le tiré s’engage de payer. Ex. il y a eu vente de marchandise et le vendeur a correctement exécuté ses obligations. La loi dispose que si le vendeur a bien livré les marchandises à l’acheteur, ce dernier est obligé d’accepter la Lettre de Change. En pratique, il peut quand même refuser la lettre parce que l’acheteur va prétexter que la livraison de marchandise n’a pas été correctement faite.

Si l’acheteur n’accepte pas la lettre, cela entraine la déchéance du terme « créance de provision » qui existe entre acheteur et vendeur. Le refus d’accepter la lettre entraine la déchéance du terme qui oblige le tiré au tireur.

Le régime de l’acceptation, Article L. 511-15 à L. 511-20.

I – La lettre de change acceptée

Nature cambiaire de l’engagement

Article L511-19 : «Par l’acceptation, le tiré s’oblige à payer la lettre de change à l’échéance. A défaut de paiement, le porteur, même s’il est le tireur, a contre l’accepteur une action directe résultant de la lettre de change pour tout ce qui peut être exigé en vertu des articles L. 511-45 et L. 511-46 ».

L’acceptation fait naitre un engagement cambiaire entre le tiré et le porteur. L’acceptation purge les exceptions. Cela veut dire que cette obligation qui nait est toute neuve et elle n’est pas atteinte par tous les vices qui auraient pu affecter la créance de base.

L’acceptation consolide les droits du porteur sur la provision à travers 2 règles :

L’acceptation fait présumer la provision. Le porteur n’a donc plus à prouver la provision.

L’acceptation rend la provision indisponible a priori.

Survie des rapports fondamentaux. Le porteur peut se prévaloir du transfert de la provision. Important quand porteur déchu de son recours cambiaire (ex. action prescrite).

II – La lettre de change non-acceptée

Elle entraine la déchéance du terme de la provision pas de la Lettre de Change qui conserve elle sa propre échéance. La déchéance est prévue par l’article L. 511-5 Code commerce. Lorsque le tiré n’accepte pas la lettre de change, il appartient au porteur d’accomplir un certain nombre de formalités pour conserver ses droits. Le porteur doit dresser protêt, i.e. faire constater par l’huissier le refus d’acceptation. Ce protêt est un acte issu de l’huissier qui constate le refus d’acceptation. Cette formalité est obligatoire pour que le porteur ne soit pas considéré comme négligeant et perde alors ses recours cambiaires contre les précédents signataires de la lettre.

Si le porteur ne fait pas dresser le protêt, il ne pourra plus agir que sur le terrain de la provision car il perd ses recours cambiaires.