Le rôle de régulation des AAI et leurs pouvoirs

Le rôle des Autorités Administratives Indépendantes : la régulation

Le rôle d’une autorité administrative indépendante (AAI) est d’assurer la régulation, c’est-à-dire le fonctionnement harmonieux, d’un secteur précis dans lequel le gouvernement ne veut pas intervenir directement.

la France a choisi de créer des autorités administratives indépendantes de régulation sectorielles qui ont pour mission de «favoriser l’ouverture à la concurrence de secteurs naguère monopolistiques» (Marie-Anne Frison-Roche). Par exemple : le CSA (pour l’audiovisuel), ARCEP, CRE- et le Conseil de la concurrence. Le besoin de régulation apparaît dans les secteurs d’activité où les conditions de marché favorisent la formation de monopoles. Elle est souvent confiée à une “autorité de régulation”, à la fois indépendante des autorités publiques et des acteurs économiques, avec pour mission de veiller à ce que la concurrence s’exerce de manière effective, loyale et durable.

Paragraphe 1 => la notion de régulation

– notion à l’origine empruntée aux sciences désignant le maintien ou le rétablissement d’un équilibre et répandue en économie puis en droit où elle apparaît sous diverses formes : en droit administratif, la notion est liée à une forme d’organisation institutionnelle : l’apparition des Autorité Administrative Indépendante.

– la régulation concerne en particulier deux grands domaines : la protection des libertés et le secteur économique.

  1. La régulation de l’économie

– avec le droit de l’UE, et notamment les idées libérales véhiculées, dérégulation de secteurs entiers dans lesquels l’Etat interventionniste jouait un rôle majeur se traduisant par des planification étatique ou des monopôles : pour assurer un minimum de discipline (des marchés financiers ou des opérateurs privés) il faut mettre en place un arbitrage et une surveillance minimale de l’Etat : création des Autorité Administrative Indépendante pour assurer le maintien des grands équilibres, soit dans des marchés dérégulés anciennement monopôles d’Etat, soit pour certains domaines de l’éco comme la concurrence

  1. La protection des libertés

– l’idée étant de confier la protection des libertés à des autorités qui ne sont pas soumises directement au pouvoir exécutif traditionnel (hors hiérarchie traditionnelle) et donc mieux à même d’assurer (concilier) un équilibre entre les nécessité d’action administrative d’un côté, et de l’autre le respect des droits et libertés des citoyens

– domaines sensibles : la CNIL est saisie dès lors qu’un fichier informatique nominatif est créé ; CSA régule le domaine audiovisuel extrêmement sensible pour la démocratie ; le Défenseur des droits (ancien Médiateur de la République créé par une loi 1978) a vu ses pouvoirs renforcés et constitutionnalisés

Paragraphe 2 => les pouvoirs des autorités de régulation

– dans la mesure où ces autorités doivent assurer les grands équilibres dans les secteurs qui leurs sont confiés, il est apparu nécessaire de les doter de pouvoir multiples qui s’affranchissent des catégories traditionnelles issues de la séparation des pouvoirs : ces autorités cumulent certaines prérogative (elles ont un pouvoir normatif, un pouvoir d’application des normes édictées, et un pouvoir de sanction quasi-juridictionnelle)

I – Des pouvoirs de réglementation

– ces autorités peuvent édicter des mesures général et impersonnelles imposant un certain comportement ou l’interdisant, aux différents acteurs dont elle assure l’équilibre des relations, étant entendu que le Conseil Constitutionnel a précisé que certaines mesures fondamentaux relevaient de la compétence du Gouvernement dans la mesure où lui seul est responsable devant l’Assemblée Nationale (régime parlementaire => l’organe fixant les grandes règles doit être contrôlé)

DC 1989, CSA censure une disposition permettant au CSA de fixer par voie réglementaire pour le secteur de communication audiovisuelle les règles déontologique concernant la publicité : pouvoir trop étendu contre à la règle fondamentale que seul le Gouvernement (responsable devant l’Assemblée Nationale) peut décider : pouvoir du CSA inférieur à celui du Gouvernement

II – Des pouvoirs d’étude et de conseil

– les autorités administratives sont par définition expertes dans leur domaine (souvent technique) : elles doivent pouvoir donner des avis (technique ou non) et produire des rapports pour éclairer les pouvoirs publics sur la situation de leur secteur d’activité et sur des évolutions souhaitables concernant la législation ou la réglementation

III- Des pouvoirs d’autorisations

– l’autorité ne se saisit pas d’un pouvoir d’autorisation : seul le législateur peut le lui attribuer : des textes législateurs confient ces pouvoirs à certains Autorité Administrative Indépendante, notamment dans les domaines économiques, où l’accès à un marché est conditionné par la rareté d’une ressource

– télécommunication : ARCEP gère l’octroi des licences d’autorisation dont les enjeux économiques sont colossaux : techniquement, il ne peut y avoir plus de 3/4 opérateur : d’où l’enjeu de confié à une Autorité Administrative Indépendante.

IV – Des pouvoirs coercitifs

– ces pouvoir rapprochent les Autorité Administrative Indépendante de quasi-juridiction : disposent de pouvoir d’investigation étendus (comme des perquisition), de pouvoir d’injonction (se conformer à une règle), de pouvoir de poursuite (dès constatation d’une infraction) à l’encontre d’un opérateur

– double possibilité : saisine du procureur (poursuite pénale) ou utilisation d’un pouvoir de sanction propre : (instruit et sanctionne) : les sanctions peuvent être très lourdes : de l’amende salée à la suspension de droit (CSA en cas d’infraction grave par une station radio/télé peut suspendre/retirer l’autorisation d’émettre)

V – L’incitation-contrôle

– pour assurer la régulation, on peut inciter à agir ou investir dans tel ou tel sens (notamment par le biais d’aide pub.) ou mettre en place des certifications de qualité, des accréditations participant à la normalisation (fixer un degré mini. de qualité) : la CNIL assure un minimum de sécurité sur les serveurs informatiques : les opérateurs doivent répondre à certaines accréditation fixées par la CNIL)

– comment concilier avec la séparation des pouvoirs ?

Paragraphe 3 => le problème du respect du principe constitutionnel de séparation des pouvoir

A/ La compatibilité de principe entre Autorité Administrative Indépendante et la séparation des pouvoirs

– une lecture administratrice de 16 DDHC exclue qu’une Autorité Administrative puisse exercer un pouvoir juridictionnel ; de même, le fait qu’une Autorité Administrative posant des règles dispose du pouvoir // de sanctionner leur méconnaissance peut poser problème : à la fin des années 80, Conseil Constitutionnel saisi de cette question

– Conseil Constitutionnel ne voit pas d’obstacle majeur à ce type d’organisation : pour lui le principe n’exclue pas qu’une Autorité Administrative puisse exercer un pouvoir juridictionnel qui sanctionne ses propres règles : le principe constitue un simple précepte d’organisation institutionnel général interdisant à l’échelle centrale la cumulation de tous les pouvoirs au sein d’un même organe, ce qui n’interdit pas des empiètements limités d’un pouvoir sur les prérogative d’un autre (le pouvoir exécutif n’est pas sans prérogative dans le domaine de la loi : projet de loi ; ordonnance,…)

– cependant le Conseil Constitutionnel pose certaines limites à ces empiètements et en matière de sanction administrative prononcées par les Autorité Administrative Indépendante (la sanction prononcée doit être contestée devant le juge : il y a toujours un contrôle du juge)

B/ La condition essentielle du respect des principes fondamentaux du droit répressif

– même si la sanction décidée par une Autorité Administrative Indépendante n’est pas prononcée par un juge, elle vise à réprimer un comportement déviant : les principes fondamentaux qui gouverne la répression pénale sont applicables

  1. Les principes constitutionnels

8 DDHC : principe fondamentaux du droit pénal : légalité des délits et des peines, rétroactivité de la loi pénale plus douce, non cumul des peines (pour un même fait)

– Article 66 de la Constitution : impose le respect des prérogatives de l’autorité judiciaire : seul le juge judiciaire peut prononcer des peines de prison et les investigations sous formes de perquisition s’effectuent sous son contrôle effectif

  1. Les garanties essentielles de procédures

– règles souvent posées par le Conseil d’Etat s’imposant aussi bien aux juridiction qu’aux Autorité Administrative Indépendante qui sanctionnent un comportement : procédure contradictoire (PGD d’informer les intéressés des éléments de l’instruction) ; PGD de la défense (Conseil d’Etat 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier) ; motivation obligatoire des sanction (comme des jugements) dès lors que une personne est sanctionnée soit par un jugement soit par une décision administrative, ce jugement ou cette décision doit lui expliquer les raisons le/la justifiant, mais également les textes qui le/la fonde («les motifs du droit« ), le cas échant il y a défaut de motivation

  1. Les exigences supplémentaires issues de l’article 6, §1 Convention EDH

6, §1 CEDH pose les exigences du procès équitable dont certains principe directeurs sont également applicables aux sanctions administratives : sur cette base, le Juge Administratif a complété ses exigences traditionnelles pour soumettre les Autorité Administrative Indépendante à des exigences renforcées de fonctionnement : elles doivent fonctionner quasiment comme une juridiction :

publicité des séances (possibilité d’y assister et nécessité que la personne concernée y assiste,

– exigences d’impartialité : le Conseil d’Etat interdit qu’une même personne instruise et juge : CE 1999, Didier

– Conseil d’Etat reprend à son compte les exigences de l’article 6 §1 sans le viser pour les constitutionnaliser : CE 2012 QPC : la séparation des fonctions de poursuite et de jugement est un principe général