Le rôle du créancier dans le contrat de cautionnement

 Le rôle du créancier 

Il ne pèse sur le créancier aucune obligation qui ne soit la contrepartie de l’engagement de la caution. Cette analyse exclusivement juridique méconnaît le fait que le cautionnement est fréquemment donné par une personne physique en faveur d’un établissement bancaire et que cet établissement bancaire détient des informations sur le débiteur principal. La question qui se pose est alors de savoir si on doit faire peser sur le créancier un devoir d’information de la caution sur le débiteur principal. Si on impose cela à la banque, elle n’aura aucun intérêt dans le futur à rechercher cette information dès lors qu’elle sera obligée de la partager (coût important). Cette obligation d’information irait à l’encontre d’une efficacité économique recherchée. En faveur de cette perspective on peut avancer que la caution est rarement un étranger au débiteur principal et donc que cette caution peut avoir accès à l’information si elle fournit l’effort pour l’obtenir. C’est évident s’il s’agit d’un dirigeant  mais on peut aller plus loin, on pourrait dire que c’est la même chose lorsque c’est l’époux ou l’épouse qui garantit l’activité professionnelle de son conjoint. Si ce conjoint s’interroge sur l’activité du débiteur principal, il peut l’interroger directement et demander la fourniture des informations ou alors, ce conjoint a conscience de la situation du débiteur principal « l’amour rend aveugle ». En toute hypothèse on voit mal le banquier obliger la personne à ouvrir les yeux. On le voit on ne devrait pas impose une obligation d’information au fournisseur de crédit. Il y a une autre analyse plus envisageable, l’idée ici c’est que celui qui détient des informations, qu’un futur partenaire n’a pas, doit révéler ces informations car cette obligation permet de sanctionner celui qui tait des informations défavorables pour inciter le partenaire à contracter. La seule question qui se pose alors c’est le degré et les modalités de la divulgation. Doit-on tout révéler ? Et commet le révéler ? L’idée c’est que l’asymétrie des parties, entre le créancier et la caution quant à l’information sur le débiteur principal ne doit pas permettre au créancier d’obtenir un avantage, un profit dépassant un certain seuil.

La jurisprudence quant à l’obligation d’information va quelque peu dans ce sens, l’hypothèse est celle du cautionnement fourni alors que la situation du débiteur principal est irrémédiablement obérée. La jurisprudence invoquant la loyauté contractuelle sanctionne le banquier qui n’a pas informé la caution de cette situation là. Est-ce qu’il faut faire peser sur le banquier un devoir de conseil ?  L’idée n’est pas simplement de délivrer une information il s’agit ici d’attirer l’attention de la caution sur l’éventuelle absurdité de son engagement et les risques d’un tel engagement et dissuader la caution de s’engager. La jurisprudence n’a pas été jusqu’à cette extrémité là elle a été plus loin que le devoir d’information mais pas jusqu’au devoir de conseil, elle a inventé  le devoir de mise en garde. Cette obligation s’articule autour d’une distinction entre la caution avertie et la caution non avertie, la caution avertie serait plutôt le dirigeant de telle façon qu’il y aurait une présomption. Ce devoir de mise en garde impose au banquier d’attirer l’attention de son cocontractant sur les risques d’endettement auxquels il s’expose en raison de ses capacités financières s’il s’engage.

Ce devoir de mise en garde concerne les cautions non averties.

La difficulté c’est comment mesurer ce risque ?

Il faut nécessairement que le banquier connaisse la situation patrimoniale de la caution, ce ne sera pas nécessairement le cas, cela suppose que le banquier demande à la future caution de l’informer sur son état patrimonial, sur tous les éléments. Lorsque la caution aura fourni ces informations de mettre en adéquation ces deux éléments.

Pourquoi cette information ?

Il ne s’agit pas de dissuader la caution de s’engager il s’agit qu’elle s’engage en pleine connaissance de cause. Il faut qu’elle ait la chance de refuser d’être caution. La banque devra prouver qu’elle a exécuté cette obligation de mise en garde et en cas de manquement le préjudice de la caution non avertie ne peut être le montant de la dette. Le préjudice de la caution c’est la perte d’une chance. Il n’est pas certain que si le banquier avait attiré l’attention de la caution sur le risque d’endettement que la caution aurait refusé de s’engager. Son préjudice ne peut être que la mesure de la perte de chance d’un refus. Cela constitue une appréciation souverainement des juges du fond.

La jurisprudence ne s’est pas arrêtée là et accompagnant le législateur elle a imposé au créancier un devoir de modération, en exigeant le respect d’une certaine proportion entre les facultés financières de la caution et le montant de son engagement. Ce devoir de modération résulte de la loi et de la jurisprudence. On retrouve ce devoir de modération dans l’article L 313-10 du Code de la Consommation, issu d’une loi du 31 décembre 1989 ; ce texte interdit à l’établissement de crédit de se prévaloir du cautionnement lorsque l’engagement de la caution était, au moment de sa conclusion, manifestement disproportionnée à ses biens et revenus.

La loi comporte néanmoins une réserve, l’établissement de crédit retrouve le droit de se prévaloir de son cautionnement si le patrimoine de la caution au moment où cette dernière est appelée lui permet de faire face à son obligation. Il s’agit d’apprécier une proportion entre le montant de la dette garantie et le patrimoine de la caution.

Qu’est-ce qu’une disproportion manifeste ?  La sanction de cette disproportion n’est pas la nullité mais la privation du droit de l’invoquer. L’article L 313-10 visait le cautionnement d’un crédit à la consommation, une loi du 1 er août 2003 va étendre cette règle à l’ensemble des cautions, personnes physiques, lorsqu’elles s’engagent envers un créancier professionnel quelque soit la nature d crédit garanti.

Parallèlement, la jurisprudence a aussi énoncé une telle exigence de proportionnalité, elle l’a fait tout d’abord dans un arrêt Macron de 1997, où au regard de l’énormité de la somme garantie par une personne physique une faute de la banque a pu être retenue, faute entraînant la responsabilité de la banque et par le biais de l’allocation de Dommages et Intérêts, la diminution ou suppression de la dette de la caution.

 

Il s’agit d’une responsabilité civile et il s’agit de sanctionner une faute dans le fait de contracter. La Cour de Cassation vise l’article 1147 du Code Civil, on doit donc en déduire qu’il s’agit d’une responsabilité contractuelle. Par la suite il s’est opéré un revirement partiel par un arrêt Nahoum de 2002, la Cour de préciser que la responsabilité de la banque ne pouvait être recherchée que si cette dernière disposait d’informations sur les revenus, le patrimoine et la faculté de remboursement de la caution. La seule énormité de l’engagement ne suffit pas à engager la responsabilité de la banque. En définitive, cette jurisprudence aboutit à imposer à la banque d’informer la caution sur les risques de l’opération.

 

Ce devoir de modération ne pèse que sur les créanciers professionnels et la solution jurisprudentielle n’a véritablement vocation qu’à s’appliquer qu’au cautionnement souscrit antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi d’août 2003. Pour les cautionnements postérieurs on se réfèrera directement au Code de la Consommation. Cet ensemble législatif est animé par un désir, lutter contre le surendettement mais il s’agit aussi d’introduire un certain moralisme dans les relations entre la caution et le créancier.

 

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