La recherche d’un système combiné
Combiné et non mixte, car mixte introduit la confusion. L’idée est de retenir l’idée de Justice de la proportionnelle mais de corriger ses effets négatifs, c’est-à-dire en particulier l’affaiblissement du lien direct. Ou bien, l’autre idée est de lutter contre la tendance à l’éparpillement que contient la proportionnelle : on appelle ça la proportionnelle renforcée ou la proportionnelle majoritarisée. Également et enfin, le véritable scrutin mixte qui s’est développé ces dernières années.
A) Le système électoral de l’Allemagne
C’est le système qui fonctionnait dans la RFA et qui a été étendu à toute l’Allemagne à partir de la réunification en 1990. Contrairement à une idée répandue, ce n’est pas moitié majoritaire et moitié proportionnelle. Le résultat final est celui de la proportionnelle. Dans le cas de l’Allemagne, on partage le nombre de sièges à pourvoir en deux moitiés égales. La première moitié est attribuée à des votes dans les circonscriptions par un scrutin majoritaire uninominal à un tour. La seconde moitié se fait par un vote de liste. Sur ces listes, on va prendre un nombre qui ajouté au siège direct va permettre d’arriver à la proportionnalité.
Exemple d’un Bundestag comprenant 500 membres (600 en réalité aujourd’hui). Prenons l’hypothèse dans laquelle les deux grands partis traditionnels (la CDU et le SPD) ont chacun 45% et les libéraux qui font 10%. Les sièges sont distribués en deux séries.
La première série : 250 sièges attribués au scrutin uninominal majoritaire à un tour (à l’anglaise). Imaginons que dans cette série, le SPD, obtient 100 sièges, que la CDU obtient 150 et que le FDP en obtienne 0 (jamais en tête de circonscription). Mais en même temps, les électeurs ont voté par la 2eme voix, c’est-à-dire qu’ils ont donné la proportion de 45% au SPD, de 45% à la CDU et de 10% au FDP. Si le Bundestag est proportionnel, le SPD doit avoir 45% des 500 sièges, soit 225 sièges. Idem pour la CDU, qui choppe 225 sièges, et le FDP doit avoir 10% du Bundestag, soit 50 sièges. Au final, le Bundestag est 225×2+50.
Les 250 sièges de listes sont attribués de manière à ce que le total soit proportionnel. Si le SPD a 100 sièges au suffrage uninominal majoritaire, il a le droit à 125 sièges sur la liste. La CDU a le droit à 75 sièges sur la liste, et le FDP a droit à 50 sièges sur la liste. Ce système est entièrement proportionnel, avec un scrutin majoritaire corrigé de manière à arriver à un système proportionnel. On a à la fois des élus directs liés à la circonscription et un système proportionnel. Idée extrêmement intéressante, parfois évoquée en France, mais jamais retenue. La Nouvelle-Zélande a retenu ce système il y a 10 ans.
Dans les élections de 2005 : la CDU/CSU a 35,2% des voix et 36,8% des sièges. Le SPD a 34,2 et 36,2 des sièges. Le FDP a 9,8 et 9,9% des sièges. Le parti de gauche à 8,7% des voix et 8,8% des sièges. Les verts 8,1% des voix et 8,3% des sièges.
Deuxième exemple : les proportionnelles dites « renforcées » (qui sont en réalité atténuées). Idée qui consiste à supprimer l’inconvénient de la proportionnelle qui est l’éparpillement : donner une prime, une surreprésentation, aux plus grands partis. Cette surreprésentation peut déjà être donnée par l’utilisation d’une faible amplitude (ex. : France, Espagne, avec 5 ou 6 sièges par circonscription). On peut aussi utiliser une barre (5% en Allemagne, 4% en suède). On peut aller plus loin et ça peut être prévu par la loi qui ajoute officiellement un correctif majoritaire :
B) Les municipales en France
Il faut dire un mot de la loi municipale française de 1982 puisque c’est avec elle que nous vivons encore. Elle est ainsi fabriquée (pour l’élection au conseil municipal). Le nombre de siège à pourvoir dans un conseil municipal est divisé en 2 moitiés. Une moitié, est mise de côté comme prime pour le parti gagnant. Quand on vote, au premier tour, soit le parti A = 51, B = 30 et C = 19. Au premier tour, on a majorité absolu, ce premier tour est considéré comme composer. On lui donne la moitié des sièges pour gouverner la ville. La deuxième moitié est partagée à la proportionnelle entre toutes les listes, y compris celle qui a gagné. Du coup ça va donner ici A = 10 sièges, B = 7 sièges, C = 3 sièges. Ainsi les 40 sièges sont répartis, mais le parti qui gagne à 30 sièges sur 40, soit 75% des sièges, avec 50% des voix. Ici : proportionnelle avec un correctif majoritaire. L’opposition, même si minorée, peut contrôler. Si le premier tour n’est pas conclusif, on procède à un second tour et la répartition des sièges se fait sur le résultat du second tour, la prime allant à la liste de tête qui au second tour n’a pas besoin de la majorité absolu.
Si A = 41, B = 30 et C = 29 au 2eme tour, A = 8 sièges, B = 6 sièges, C = 6 sièges. Dans ce cas là, une liste qui n’a pas la majorité absolue a quand même une liste qui lui permet de gouverner. Ce système très critiqué à l’époque est finalement très bien accepté aujourd’hui. Plus personne ne discute la loi municipale. Il y a une majorité et elle peut gouverner, mais la minorité est représentée. A telle point que ce système a été introduit dans la loi électorale régionale. C’est maintenant le même principe. Loi régionale du 19 janvier 1999 et modifiée par la loi du 11 avril 2003 avec des modalités extrêmement compliquée. Dans les régionales, la prime est de ¼ des sièges et les ¾ restant sont distribués à la proportionnelle entre toutes les listes, y compris celle qui a la majorité. Dans une région très disputée où il y aurait 3 tiers, celle qui a le plus de sièges à le quart des sièges mais aussi sa part à la proportionnelle, c’est-à-dire un autre quart : elle a donc 50% des sièges, soit une majorité.
Ces modes de scrutins renforcés permettent de garder l’avantage de la proportionnelle, c’est-à-dire la représentation des minorités même si elle est atténuée. Ce système n’existe pas en France pour l’élection législative, mais existe dans beaucoup d’élection qui ont leur importance (municipale, régionale).
C) La recherche de scrutins mixtes
Les députés sont élus de différentes manières. Peut-on concilier les deux ? Concilier non pas dans une formule hybride (en juxtaposant) mais en désignant une partie par un mode de scrutin majoritaire et une partie par un mode de scrutin proportionnel, avec ou sans renfort. On a fait des recherches sur ces scrutins mais finalement cela n’a pas vraiment évolué.
L’idée la plus simple, encore qu’elle ne se justifie pas totalement, est d’élire une moitié au scrutin majoritaire et une moitié au scrutin proportionnel.
C’était le cas de la Russie en 1993 et 1995, 1999, et 2003, après la réintroduction du pluralisme. Dans la Douma, il a 450 sièges distribués pour la première moitié au scrutin uninominal majoritaire à un tour (à l’anglaise) et pour l’autre moitié à la proportionnelle au niveau national selon la méthode de Hondt. Ce système vient d’être abandonné et ne sera donc pas utilisé en 2007 ; en effet, les russes reviennent à une proportionnelle nationale avec l’idée que le problème du pays était de construire un système de grands partis politiques, ce que la proportionnelle nationale permettra. Ce système de moitié existe dans quelques pays d’Europe de l’est et aussi en Andorre.
Deuxième exemple, au Japon après la loi de 1994 appliquée en 1996 pour la première fois puis en 2000, 2003, 2005 : 200 sièges au scrutin uninominal majoritaire à un tour, et 200 au scrutin proportionnel à 11 circonscriptions.
L’Italie utilisait également un système mixte depuis une loi de 1993, appliquée en 1994, 1996 et 2001, mais qui fut abandonnée pour les élections de 2006 au profit de la proportionnelle. Trois quarts des sièges étaient attribués au scrutin uninominal majoritaire à un tour et le quart restant à la proportionnelle avec une barre de 4% dans les régions. Il a accompagné la création de partis majoritaire droite et gauche, ce qui n’était pas le cas autrefois.
En France se pose la question, où, depuis une 15aine d’année, on réfléchi sans pour autant conclure à l’introduction (l’instigation) d’une dose de proportionnelle dans le scrutin majoritaire pour l’élection de la majorité. En 1993 sous François Mitterrand avait été créée une commission. Le rapport suggérait d’ajouter au suffrage universel à deux tours une dose de 10% de proportionnelle (idéalement de 20% dans l’idée de Colliard) à l’échelle nationale sur une liste de parti. Ce système n’a pas été très bien accueilli par l’opinion, les uns le trouvant trop proportionnel et d’autres pas assez. L’idée ressurgi parfois notamment à la veille de chaque présidentielles. Tous les partis envisagent ce genre de système.
Bien d’autres systèmes existent avec des variantes à l’infini. Cette complexité montre évidemment que s’il y a un débat technique, il y a aussi des arrière-pensées politiques. C’est le parlement qui vote la loi électorale, et il est composé de membres du parti. Sauf à avoir un altruisme extraordinaire comme les sociaux-démocrates suédois, on change plutôt une loi par une autre qui nous arrange. On présuppose que tel ou tel mode de scrutin aura tel effet. L’effet est double :
C’est là un des problèmes le plus classique de la science politique en France qui a cependant reculé mais reste extrêmement présent à l’étranger. Maurice Duverger dégage un certain nombre de lois (lois au sens sociologique du terme) qui, même si elles ont été critiquées, ont été confirmées dans l’ensemble. On retiendra pour l’essentiel :
On terminera en soulignant l’interaction qu’il y a entre système de partis et système électoral. Le système électoral tend à façonner le système de partis, mais il est lui-même le produit de ce même systèmes de partis, car ce sont eux qui votent la loi électorale. Ce système électoral ne peut être considéré comme le facteur exclusif du système de parti. La montée du parti gaulliste en France ne s’explique pas uniquement par le système de scrutin. Le déclin des partis communistes ne s’explique pas non plus par le mode de scrutin.
On s’accorde à penser (Maurice Duverger), que le système électoral fonctionne comme un « frein » ou comme un « accélérateur » à l’évolution du système de partis. Il favorise la simplification ou la complexification du système de parti.
Ce qu’il faut retenir, c’est que ces modes de scrutin, aujourd’hui méprisé car ils n’auraient que peu d’intérêts, sont pourtant le point de passage de tout mécanisme de représentation. Il y a forcément une distorsion, c’est-à-dire que l’expression du suffrage entraîne obligatoirement sa déformation. Et aussi les élections sont l’occasion de l’encadrement du suffrage, puis que les électeurs se regroupent autour de partis politiques
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