Le Second Empire : un régime autoritaire puis libéral

LE SECOND EMPIRE

Le Second Empire, dirigé par Napoléon III, s’étend de 1852 à 1870, entre la Deuxième République et la Troisième République. Ce régime, marqué par une forte concentration du pouvoir entre les mains de l’empereur, s’inscrit dans la continuité de l’autoritarisme du Premier Empire, tout en s’appuyant sur des mécanismes de légitimation populaire tels que le suffrage universel et les plébiscites. Cependant, il connaît une évolution notable, passant d’un empire autoritaire à un empire libéral, avant de s’effondrer avec la défaite de 1870.

Plan du cours :

Le Second Empire est un régime ambivalent :

  • Sur le plan politique, il incarne un retour à l’autoritarisme, limitant les libertés publiques et concentrant le pouvoir autour de Napoléon III.
  • Sur le plan économique et social, il favorise le développement industriel et modernise les infrastructures françaises, notamment les chemins de fer.

Nous abordons d’abord un résumé, puis nous verrons chaque période séparément :

Résumé sur le second Empire

Un régime dictatorial et centralisé

Dès son instauration, le Second Empire se caractérise par un pouvoir fortement centralisé autour de Napoléon III.

Un pouvoir exécutif prédominant

Napoléon III détient l’ensemble des pouvoirs exécutifs :

  • Initiative des lois : L’empereur est le seul à pouvoir proposer des textes législatifs.
  • Nomination et révocation des ministres : Ceux-ci dépendent directement de l’empereur et ne sont pas responsables devant les assemblées.
  • Contrôle des institutions : Le Conseil d’État, le Sénat et même le Corps législatif, bien qu’élu au suffrage universel, sont étroitement subordonnés à sa volonté.

Des libertés réduites

Le régime repose sur une surveillance rigoureuse de la population :

  • La presse est censurée, les libertés de réunion et d’expression sont strictement encadrées.
  • L’opinion publique est muselée, et les opposants au régime, notamment les républicains, sont persécutés ou exilés.

Le suffrage universel comme outil de contrôle

Si les députés sont élus au suffrage universel masculin, ce mécanisme démocratique est largement détourné pour renforcer l’autorité impériale :

  • Les circonscriptions électorales sont manipulées pour favoriser les candidats soutenant le régime.
  • Les élections sont surveillées, et l’administration locale joue un rôle déterminant dans l’orientation des résultats.
  • Les plébiscites, bien qu’officiellement des consultations populaires, sont utilisés pour légitimer les choix politiques de Napoléon III dans un contexte contrôlé.

Une imitation assumée du Premier Empire

Le Second Empire s’inspire clairement du modèle établi par Napoléon Ier, notamment dans sa mise en place et son organisation.

Une légitimation par l’héritage napoléonien

Le régime naît d’un coup d’État, le 2 décembre 1851, date choisie en référence :

  • À la victoire d’Austerlitz (2 décembre 1805).
  • Au couronnement de Napoléon Ier (2 décembre 1804).

Initialement, Louis-Napoléon Bonaparte conserve la forme républicaine du régime, mais les institutions mises en place rappellent celles du Premier Empire :

  • Un Sénat nommé par le pouvoir, chargé de valider les décisions impériales.
  • Un Conseil d’État, organe technique entièrement subordonné à l’exécutif.
  • Un Corps législatif élu, mais aux pouvoirs très limités.

Une légitimité appuyée sur le suffrage populaire

Comme son oncle, Napoléon III recourt régulièrement au plébiscite pour justifier ses décisions majeures :

  • Le plébiscite de 1852 légitime son accession au titre d’empereur, avec une majorité écrasante.
  • Ces consultations renforcent l’illusion d’une participation populaire tout en consolidant un pouvoir autoritaire.

L’évolution du régime : de l’empire autoritaire à l’empire libéral

L’empire autoritaire (1852-1860)

Dans les premières années, le Second Empire se veut un régime de stabilité et d’ordre :

  • Les pouvoirs législatifs sont neutralisés.
  • Les libertés publiques sont sévèrement restreintes.

Cependant, ce contrôle strict suscite des critiques croissantes, notamment de la part des républicains et des libéraux, qui dénoncent l’absence de débat démocratique.

L’empire libéral (1860-1870)

Face aux pressions internes et aux évolutions sociales, Napoléon III amorce une série de réformes libérales pour répondre aux attentes de la population et renforcer la légitimité du régime :

  • En 1860, les débats du Corps législatif sont rendus publics, et celui-ci gagne un droit d’adresse à l’empereur.
  • En 1864, Adolphe Thiers formule les « libertés nécessaires », plaidant pour une monarchie constitutionnelle avec des contre-pouvoirs effectifs.
  • En 1867, la presse bénéficie de libertés accrues, et les réunions publiques commencent à être autorisées.
  • En 1870, une révision constitutionnelle renforce le rôle du Corps législatif, qui obtient l’initiative des lois, amorçant une évolution vers un régime parlementaire.

La chute du Second Empire : la défaite de 1870

Le Second Empire s’effondre brutalement avec la défaite de la France face à la Prusse lors de la guerre de 1870.

  • Le 1er septembre 1870, Napoléon III est capturé lors de la bataille de Sedan.
  • Le 4 septembre 1870, la République est proclamée à Paris, marquant la fin définitive de l’expérience impériale.

Les causes de cet effondrement sont multiples :

  • Une politique étrangère aventuriste, qui isole la France sur la scène internationale.
  • Une modernisation économique et sociale insuffisante face aux mutations industrielles.
  • Une opposition croissante au régime, tant chez les républicains que chez les monarchistes légitimistes.

 

Le cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs parties :

I. La mise en place du régime

Le Second Empire, établi sous Napoléon III, repose sur une concentration du pouvoir autour de l’empereur, un héritage assumé du Premier Empire de Napoléon Ier. Sa mise en place résulte d’un processus habilement orchestré, alliant révision constitutionnelle, plébiscites populaires et domination institutionnelle. Le régime se structure dès 1852, un an après le coup d’État du 2 décembre 1851.

A) Une Constitution taillée pour un pouvoir personnel

La rédaction de la Constitution : une commission fidèle au prince-président

À la suite du plébiscite de décembre 1851, qui conforte Louis-Napoléon Bonaparte dans ses fonctions, il confie la rédaction de la nouvelle Constitution à une commission de cinq membres totalement acquis à sa cause, dirigée par Eugène Rouher, un fidèle parmi les fidèles. Cette commission établit un texte qui traduit clairement les ambitions autoritaires du prince-président.

Promulguée le 14 janvier 1852, la Constitution consacre un régime présidentiel fort, avec des institutions subordonnées à l’exécutif.

Les dispositions fondamentales : un exécutif prépondérant

Les articles clés de la Constitution reflètent cette domination présidentielle :

  • Article 2 : « Le gouvernement de la République française est confié pour 10 ans au prince Louis-Napoléon Bonaparte, actuel président de la République française. »
  • Article 3 : « Le Président de la République gouverne au moyen des ministres, du Conseil d’État, du Sénat et du Corps législatif. »

Ces dispositions placent le Président au centre du pouvoir.

  • Il détient l’intégralité du pouvoir exécutif.
  • Il monopolise l’initiative des lois et peut les veto à sa guise.
  • Il dispose du pouvoir de révision constitutionnelle, en lien avec le Sénat, par le biais des sénatus-consultes.

B) Des institutions subordonnées au chef de l’État

Le Sénat : un outil au service de l’empereur

Le Sénat devient une institution clé de la domination impériale.

  • Il est composé de membres nommés à vie par le président, souvent issus des élites militaires, religieuses et civiles.
  • Le Sénat exerce un double rôle :
    • Contrôle de constitutionnalité : il valide la conformité des lois à la Constitution.
    • Pouvoir constituant : il adopte des sénatus-consultes pour modifier la Constitution, toujours sous l’approbation présidentielle.

En pratique, le Sénat est un instrument docile, entièrement contrôlé par l’exécutif. Sa fonction est de légitimer les décisions de l’empereur.

Le Conseil d’État : un auxiliaire législatif

Le Conseil d’État est également subordonné à l’exécutif :

  • Ses membres sont nommés et révoqués par le président.
  • Il joue un rôle de conseiller juridique, rédigeant les projets de lois et décrets impériaux.
  • Il peut s’opposer aux amendements proposés par le Corps législatif, consolidant la domination présidentielle.

Le Corps législatif : une autonomie limitée

Contrairement au Premier Empire, le Corps législatif est élu au suffrage universel direct. Cependant, son rôle est strictement encadré :

  • Il vote les lois et l’impôt, mais ne peut initier les lois.
  • Il ne peut censurer le gouvernement, qui est uniquement responsable devant l’empereur.
  • Il peut être dissous par le président en cas de désaccord.

Le choix du scrutin uninominal dans de petites circonscriptions favorise les candidats soutenus par le régime, souvent des notables locaux fidèles à Napoléon III. Ce système limite les possibilités d’opposition organisée.

C) L’établissement formel de l’Empire : la montée en puissance de Napoléon III

Le rôle du Sénat dans le rétablissement de l’Empire

Le dernier obstacle à la transformation du régime en Empire est levé par le Sénat.

  • Le 7 novembre 1852, un sénatus-consulte, adopté à l’unanimité moins une voix, rétablit la dignité impériale au profit de Louis-Napoléon Bonaparte, qui prend le titre de Napoléon III.
  • Ce texte instaure également une succession héréditaire, ancrant le régime dans la continuité dynastique.

Le plébiscite du 21-22 novembre 1852 : une légitimité populaire affichée

Pour renforcer la légitimité de ce changement, un plébiscite est organisé. Les résultats montrent un soutien massif :

  • 7,8 millions de voix pour.
  • 250 000 voix contre.

Ces chiffres témoignent d’une adhésion populaire, bien que le contrôle exercé par le régime sur les élections relativise leur portée démocratique.

Une proclamation symbolique : 2 décembre 1852

Le 2 décembre 1852, Napoléon III est proclamé empereur, choisissant une date hautement symbolique :

  • Le sacre de Napoléon Ier (1804).
  • La victoire d’Austerlitz (1805).
  • Le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte (1851).

Cette continuité avec le Premier Empire consolide l’image d’un régime inspiré de la gloire napoléonienne.

D) Un régime autoritaire, mais ancré dans les pratiques électorales

Malgré son caractère autoritaire, le Second Empire maintient le suffrage universel masculin et des élections régulières, qui jouent un rôle paradoxal :

  • Pour le régime : Les élections servent à légitimer l’autorité impériale, notamment en favorisant les candidats officiels grâce à un contrôle strict des processus électoraux.
  • Pour l’opposition : Bien que limitée, elle utilise les élections comme un moyen de contestation symbolique, notamment dans les grandes villes comme Paris.

Ce contexte prépare une progressive politisation de la population, qui, combinée à la montée des tensions sociales et politiques, poussera Napoléon III à engager des réformes dans les années 1860.

Conclusion : La mise en place du Second Empire repose sur une stratégie habile mêlant contrôle institutionnel, plébiscites populaires et références historiques napoléoniennes. Si le régime est solidement ancré autour de l’empereur, il contient déjà les germes de son évolution future :

  • Le suffrage universel et les élections régulières offrent à l’opposition un espace, aussi limité soit-il, pour s’exprimer.
  • Le caractère autoritaire du régime, bien qu’efficace dans un premier temps, génère un mécontentement qui se manifestera dans les années suivantes, obligeant Napoléon III à libéraliser progressivement ses institutions.

 

II. L’empire autoritaire : un pouvoir absolu et ses premières limites

Le Second Empire (1852-1870), sous Napoléon III, repose initialement sur une concentration totale du pouvoir autour de l’empereur. Cette domination s’appuie sur un contrôle rigoureux des institutions, une surveillance des élections et un encadrement strict de l’opposition. Cependant, ce modèle autoritaire, bien qu’efficace à court terme, montre rapidement ses faiblesses : un mécontentement croissant et une opposition latente, qui obligent le régime à amorcer une libéralisation tardive dans ses dernières années.

A) La centralisation des pouvoirs : le Sénat comme instrument impérial

Dès les débuts du Second Empire, le Sénat devient le principal outil institutionnel de la domination impériale :

  • Par le sénatus-consulte du 25 décembre 1852, Napoléon III obtient le droit de présider le Sénat, confirmant son rôle d’instrument docile entre les mains de l’empereur.
  • Le Sénat, loin d’être une chambre haute indépendante, est chargé de valider les décisions impériales et de restreindre encore davantage les pouvoirs du Corps législatif.

Cette concentration des pouvoirs autour de Napoléon III s’inscrit dans une continuité napoléonienne, où les institutions ne sont que des paravents d’un pouvoir absolu.

B) Un contrôle des élections sans précédent

Le régime maintient le suffrage universel masculin, mais en limite considérablement la portée par un contrôle strict des processus électoraux.

Le cadre législatif : les décrets électoraux de 1852

Les élections se déroulent selon des règles fixées par les décrets du 2 février 1852, qui instaurent :

  1. Un scrutin uninominal à deux tours, dans des circonscriptions larges (environ 35 000 électeurs par circonscription).

    • Au premier tour, un candidat doit obtenir au moins le quart des électeurs inscrits pour être élu, une règle toujours en vigueur aujourd’hui.
  2. Un contrôle direct du pouvoir sur les élections :

    • Les candidats officiels, soutenus par le gouvernement, bénéficient de l’appui des préfets et des maires, qui exercent des pressions sur les électeurs (par la propagande, les intimidations ou des avantages accordés localement).
    • Une affiche blanche, réservée au candidat officiel, signale clairement celui soutenu par l’empereur, orientant les choix des électeurs.
    • Une fois élus, les députés doivent prêter un serment de fidélité à l’empereur. En cas de refus, ils perdent leur mandat.

Une opposition marginalisée

Le contrôle strict des élections limite considérablement l’expression de l’opposition :

  • Dans les arrondissements où le contrôle est moins efficace, notamment à Paris, quelques députés d’opposition parviennent à se faire élire.
  • Jusqu’en 1860, sur 260 députés, seuls 6 à 10 siègent dans l’opposition, principalement des républicains ou des monarchistes libéraux.

Malgré ces restrictions, les élections offrent une tribune limitée à l’opposition :

  • Dans les circonscriptions où les pressions sont moindres, l’opposition utilise les élections comme un moyen de contestation politique, notamment à Paris, où la population reste frondeuse.
  • Ces élections, bien qu’encadrées, permettent une éducation politique progressive, notamment par le vote en opposition aux candidats officiels.

Une participation décroissante

La faible compétitivité des élections entraîne une abstention croissante.

  • L’absence d’enjeux réels décourage les électeurs, bien que le régime reste soutenu par les notables locaux, souvent issus du personnel politique de la monarchie de Juillet.
  • Ces anciens adversaires du bonapartisme s’adaptent au régime pour protéger leurs intérêts, devenant des alliés opportunistes du Second Empire.

C) Un régime sans enracinement populaire

Le pouvoir absolu de Napoléon III, bien qu’efficace pour maintenir l’ordre, montre rapidement ses limites :

  • Le régime ne suscite pas une adhésion populaire massive, restant perçu comme autoritaire et centralisé.
  • Les critiques portent moins sur la personne de l’empereur que sur sa manière de gouverner, jugée trop rigide et éloignée des réalités locales.

D) L’amorce d’une libéralisation hésitante

Face à ces critiques, Napoléon III comprend qu’il doit desserer l’étau, mais cette prise de conscience reste progressive et tardive :

  • Les premières réformes, comme le décret du 24 novembre 1860 (instaurant un dialogue limité entre le Corps législatif et les ministres), restent symboliques.
  • Ce n’est qu’à partir des années 1869-1870 que le régime amorce une transition vers un modèle parlementaire, avec des réformes plus substantielles, mais insuffisantes pour consolider durablement le régime.

 

Conclusion : un pouvoir fort, mais fragile. La période initiale du Second Empire est marquée par une concentration totale des pouvoirs autour de Napoléon III, soutenue par des institutions contrôlées et un système électoral verrouillé. Cependant, cette domination n’aboutit pas à un véritable enracinement du régime :

  • Les élections, bien qu’encadrées, offrent une tribune limitée à l’opposition, qui gagne progressivement en influence.
  • La concentration des pouvoirs, perçue comme excessive, contribue à une désaffection populaire.

Ces fragilités conduisent Napoléon III à engager une libéralisation tardive, trop hésitante pour inverser la dynamique. Le Second Empire reste ainsi un régime autoritaire dans ses fondements, qui ne parvient pas à évoluer à temps pour répondre aux attentes démocratiques croissantes de la société française.

 

III. La libéralisation du Second Empire : une évolution contrainte par les difficultés

La libéralisation du Second Empire, amorcée dans les années 1860, est une réponse pragmatique de Napoléon III aux difficultés intérieures et extérieures rencontrées par son régime. Confronté à une opposition croissante et à des défis internationaux majeurs, l’empereur engage une transformation progressive des institutions impériales pour élargir leur base de soutien et répondre aux attentes démocratiques, sans pour autant renoncer à son autorité. Ces réformes successives aboutissent en 1870 à une évolution vers un empire parlementaire, bien que cette tentative soit brutalement interrompue par la guerre franco-prussienne.

A) Contexte de la libéralisation : défis et pressions

Difficultés extérieures et perte de soutien populaire

  1. Guerre d’Italie (1859-1860) : Bien que couronnée de succès avec l’unification partielle de l’Italie, cette guerre divise l’opinion publique française. Les catholiques critiquent Napoléon III pour avoir affaibli les États pontificaux, tandis que les républicains dénoncent les coûts de cette politique étrangère.
  2. Traité de libre-échange avec l’Angleterre (1860) : Ce traité, favorable aux échanges commerciaux, fragilise l’industrie française, notamment les secteurs les plus sensibles à la concurrence britannique.
  3. Montée en puissance de la Prusse : La victoire de la Prusse sur l’Autriche en 1866 lors de la bataille de Sadowa bouleverse l’équilibre européen, mettant la France dans une position diplomatique vulnérable.

Montée de l’opposition politique

Malgré la censure et les restrictions imposées, l’opposition gagne en influence :

  • Les élections de 1863 montrent une progression notable des voix pour les candidats républicains, même si leur nombre de sièges reste limité.
  • En 1869, l’opposition représente environ un tiers des députés, obtenant 93 sièges sur 292, et récolte 3,4 millions de voix contre 4,4 millions pour les candidats officiels. Ces chiffres témoignent d’un désenchantement croissant vis-à-vis du régime.

B) Les étapes de la libéralisation

Premières réformes institutionnelles (1860-1867)

  1. Décret du 24 novembre 1860 :

    • Instaure un dialogue entre le corps législatif et les ministres à travers le mécanisme de l’adresse.
    • Le corps législatif peut ainsi adresser des critiques ou suggestions à l’empereur sur sa politique, amorçant un début de contrôle parlementaire.
    • Cette pratique, inspirée de la monarchie de Juillet, réintroduit une forme de débat institutionnel.
  2. Sénatus-consulte du 18 juillet 1866 :

    • Renforce le rôle du corps législatif en lui accordant un droit d’amendement sur les projets de loi soumis par l’empereur.
    • Élargit les prérogatives du Sénat, qui peut désormais émettre un veto suspensif sur les lois pour en juger l’opportunité, amorçant une transition vers un rôle de chambre haute à fonction politique.
  3. Décret du 19 janvier 1867 :

    • Introduit la pratique de l’interpellation, permettant au corps législatif de demander des comptes au gouvernement sur des aspects précis de sa politique.
    • Bien que les ministres ne soient pas encore responsables devant les chambres, cette réforme préfigure un mécanisme de responsabilité politique.

L’élargissement des réformes après 1869

La montée en puissance de l’opposition aux élections de 1869 pousse Napoléon III à accélérer la transformation du régime :

  1. Sénatus-consulte du 8 septembre 1869 :

    • Accorde au corps législatif le droit d’initiative législative, alignant ses prérogatives sur celles d’un véritable parlement.
    • Renforce le rôle du Sénat en tant que chambre haute politique, tout en supprimant ses prérogatives constituantes (le pouvoir de modifier la Constitution par sénatus-consulte).
    • Prépare la voie vers un régime parlementaire bicaméral, inspiré du modèle britannique.
  2. Nomination d’Émile Ollivier (2 janvier 1870) :

    • Napoléon III nomme Émile Ollivier, figure de l’opposition libérale, à la tête du Conseil des ministres.
    • Bien que le titre de président du Conseil ne soit pas formalisé, Ollivier joue un rôle similaire, formant un gouvernement responsable devant les chambres et renforçant la collégialité ministérielle.
  3. Sénatus-consulte du 20 avril 1870 :

    • Finalise la transformation des institutions en un empire parlementaire :
      • Les ministres deviennent responsables devant les assemblées.
      • Le bicamérisme est consolidé, avec un Sénat jouant pleinement son rôle de chambre haute.
      • Les modifications constitutionnelles doivent désormais être approuvées par un plébiscite populaire.
  4. Plébiscite du 8 mai 1870 :

    • Ratifie ces réformes avec 7,4 millions de voix pour et 1,6 million de voix contre.
    • Confirme la popularité persistante du régime, bien que les voix contre témoignent d’un socle d’opposition significatif.

C) La chute brutale du Second Empire

La guerre franco-prussienne (juillet-septembre 1870)

Malgré la libéralisation des institutions, le Second Empire s’effondre rapidement sous le poids d’une politique étrangère désastreuse :

  • Le 19 juillet 1870, la France déclare la guerre à la Prusse, un conflit déclenché par la question de la succession au trône d’Espagne (dépêche d’Ems).
  • La bataille de Sedan (2 septembre 1870) marque une défaite humiliante : Napoléon III est fait prisonnier, laissant le régime sans autorité centrale.

Proclamation de la République (4 septembre 1870)

  • Face à l’effondrement du pouvoir impérial, la République est proclamée à Paris.
  • Cette chute met fin à 80 ans de tentatives de concilier monarchie et aspirations républicaines, amorçant une nouvelle phase de l’histoire politique française dominée par la Troisième République.

D) Bilan de la libéralisation du Second Empire

La libéralisation des années 1860 représente une évolution majeure du Second Empire, marquant son passage d’un régime autoritaire à un régime parlementaire en gestation. Ces réformes répondent à des défis internes et externes :

  • Intérieurement, elles cherchent à apaiser une opposition croissante et à moderniser les institutions pour mieux refléter les attentes démocratiques.
  • Extérieurement, elles visent à renforcer la légitimité du régime face à des crises diplomatiques et économiques.

Cependant, cette transformation reste inachevée : la libéralisation intervient trop tard pour consolider un véritable parlementarisme, et les tensions persistantes, tant internes qu’externes, précipitent la chute du régime. Le Second Empire laisse en héritage des institutions réformées, qui inspireront le modèle parlementaire de la Troisième République.

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