Le Service Public : définition, création, suppression

LE SERVICE PUBLIC

 L’Etat ne dispose de sa puissance que pour assurer les besoins collectifs. 

Pour Réné Chapus : une activité constitue un service public quand elle est assurée ou assumé ou assuré par une personne publique en vue d’un intérêt public. Le service public est un ensemble d’activité auquel s’applique un régime juridique spécifique.

 

La détermination du Service Public résulte de deux critères :  

 

  • Dimension organique du Service Public : le rattachement a une personne publique.

Une activité peut être de Service Public que si elle est géré directement (régie) ou indirectement (délégation de SP) par une personne publique. 

Le critère organique fait référence aux institutions, aux structures, qui assurent cette activité. Il s’agit des services de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics.  C’est un ensemble d’agents et de moyens matériels.

Une institution avec ses personnels, ses biens et ses matériels. 

Cependant, identifier automatiquement d’adm au service public est simplificateur. Certaines activités des organes adm ne relèvent pas du Service Public et de nombreuses missions de Service Public sont prises en charges par des personnes privées. Le Service Public ne coïncide pas toujours avec la personnalité publique.  

 

 

  • Dimension fonctionnel du Service Public : une activité d’intérêt général.

Le contenu de la mission doit être un but d’intérêt général. L’intérêt général est une notion difficile à cerner, elle est généralement le fruit de la volonté des gouvernants. Elle doit avoir un caractère désintéressé (≠ recherche exclusive de gain) + prise en compte d’objectif a long terme. L’Intérêt Général évolue avec le temps. En 1916 les activités culturelles sont reconnues de Service Public.  

 

  • Dimension matériel : règles spécifique au fonctionnement du service public.

 

Léon Duguit : conception objective du Service Public : Service Public = toute activité dont l’accomplissement doit être assuré, réglé et contrôlé par les gouvernants parce que l’accomplissement de cette activité est indispensable a la société et parce qu’elle est de telle nature qu’elle ne peut être réalisé que par l’intervention de la force gouvernante. 

Le Service Public contient l’idée de finalité sociale, de satisfaction des besoins collectifs, il est le pivot du rôle de l’Etat. Le pouvoir de l’Etat ne se justifie qu’en tant qu’il réalise des services pour la collectivité. 

Gaston Jèze : les gouvernants décident quels sont les besoins communs qu’il convient de satisfaire par le biais du Service Public. 

Rôle idéologique du Service Public: le Service Public est au cœur du débat sur le rôle de l’Etat, sur ses fonctions – finalités. 

Le Service Public fonde la distinction entre le Droit Administratif et le droit commun. Le Service Public est la légitimation du droit administratif. 

 

Critique libéral de l’extension service public :  

  • Philosophiques (=le Service Public est vecteur d’une idéologie socialisante = danger pour les libertés individuelles). – Economique (= rôle croissant de l’administration : augmentation des dépenses publiques donc des prélèvements obligatoires). Le Service Public est non compétitif, de faible productivité.

La notion de service public a évolutive et l’Etat procède a une redéfinition constante du champ d’intervention du Service Public. Transfert de pans entiers d’activités au secteur privé. 

 

I- LA NOTION DE SERVICE PUBLIC

 

Il faut qu’une activité d’intérêt général (§1) ait été érigée en Service Public, ce qui suppose une prise en charge par l’administration (§2), et qu’existe un certain régime pour de détecter cette volonté (§3).

 

§ 1. Une activité d’intérêt général

La notion de Service Public est lié a l’intérêt général. L’Intérêt Général permet de légitimer l’intervention publique, l’Intérêt Général est la raison d’être des Service Public. L’Intérêt Général ≠ neutre. C’est le produit d’un choix opéré par l’autorité publique qui conduit a sacrifier / valoriser telle catégorie d’intérêt aux dépens d’autres.

 

  1. Définition de l’intérêt générale   
  • Approche utilitariste : l’intérêt commun est la somme des intérêts particuliers.
  • Approche volontariste : l’intérêt commun transcende les intérêts spécifiques des groupes ou personnes, il est l’expression de la volonté générale. C’est ce qui confère a l’Etat la mission de poursuivre des fins qui s’imposent à l’ensemble des individus. Conception prédominante en France.

Dans un Etat gendarme, l’Intérêt Général est limité a l’exercice de fonctions régalienne, l’Intérêt Général se confond avec le maintien de l’ordre, seules certaines activité relevait de l’intérêt commun. L’Etat ne pouvait agir dans d’autres domaines, ce serait pénétrer dans la sphère réservée aux personnes privées.

Quel qu’en soit le contenu, l’intérêt général conditionne celle du service public. 

 

  1. La caractérisation de l’intérêt générale: résulte d’une démarche en 2 temps:
  • Approche subjective :l’Intérêt Général est le résultat d’un choix effectué par les pouvoirs publics.

Contient ce qui est nécessaire pour la collectivité entière et/ou d’un arbitrage entre des intérêts contradictoires. De + en + d’activité sont reconnus faire partie du Service Public (culture). 

Aujourd’hui il est d’Intérêt Général de répondre aux besoins collectifs de la population, par une action des pouvoirs publics, dans de nombreux domaines : assurer la cohérence sociale (lutte contre les inégalités, éducation, sport) et territoriale (urbanisme, communication). La poursuite d’objectifs économiques, la sauvegarde du patrimoine commun de la Nation en ses différentes dimensions. 

  • Approche objective : s’interroge sur la nature de l’intérêt en cause. Le juge statue en fonction des représentations sociales de son époque.

Mission d’Intérêt Général —>  caractère désintéressé de l’activité lié à la garantie d’une prise en compte d’objectifs à longs terme profitable à la collectivité (CE 1997 Ordre des avocats de la Cour de Paris). 

Difficulté de caractérisations des activités mixtes —>  imbrication des interventions publiques et privées et des objectifs poursuivis (statut des fédérations sportives). Les SPIC sont écartelés entre la nécessité d’agir selon une logique financière et la réalisation de leur mission de Service Public. Des opérations peuvent être d’intérêt général bien qu’elles concourent aussi à la satisfaction d’intérêts privés. L’activité est considéré l’Intérêt Général car la recherche d’avantages financiers et les bénéfices des personnes privées n’interviennent qu’à titre accessoire, complémentaire, et non comme finalité exclusive de l’action administrative.

 

§ 2 – La prise en charge par une personne publique (élément organique)

Au début du XXe siècle seules les personnes publiques (Etat, Collectivité Territoriale, Etablissement Public ) pouvaient exercer une activité de Service Public.

Aujourd’hui la présence d’une personne publique est toujours nécessaire afin de crée ou d’organiser un Service Public, mais cette prise en charge du Service Public peut être : 

  • Directe : le service est géré directement par une personne publique qui en assure la direction. (En régie ou dans le cadre d’un organisme spécialisé de droit public).
  • Indirecte : par l’intermédiaire d’une personne privée, la personne publique se contente d’assumer la gestion en contrôlant l’activité des organismes privés qui interviennent.

Une mission d’Intérêt Général confiée à un organisme privé sera reconnue comme un Service Public si elle exerce une mission d’Intérêt Général, avec des prérogatives de puissance publiques et est contrôlé par l’administration (CE 1963, Narcy).

La jurisprudence CE 2007 Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés établit un autre critère pour définir s’il s’agit d’un service public. Le juge dispose de 3 hypothèses :

  • Le législateur peut avoir définit au préalable si il s’agit d’une activité de Service Public ou pas.
  • Les 3 critères de la jurisprudence Narcy.
  • Dans la carence des deux critères précédent, un faisceau d’indices (conditions de sa création, organisation et fonctionnement, mesures prises, gestion etc).

Application de la jurisprudence APREI : CE 2008 Commissariat de l’énergie atomique. 

Une personne privé peut exercer une mission de Service Public dans plusieurs hypothèses : 

-Habilitations unilatérales : une personne publiques a charge unilatéralement une personne d’une mission de Service Public. 

– Délégations contractuelles : l’activité d’Intérêt Général a été confiée à une personne privée par un contrat. L’existence d’un contrôle permet de caractériser la volonté de l’administration de créer un Service Public, et la détention de prérogatives de puissance publique sont déterminé a partir des stipulations contractuelles. 

  • Services publics d’initiative privée : une personne privée prend l’initiative de créer une activité d’intérêt général que l’administration transforme ultérieurement en Service Public en exerçant un droit de regard sur son organisation / lui accordant des financements.

 

§ 3 – Un régime juridique a caractère spécifique

Élément matériel : soumission a un régime juridique spécifique, règles communes à tous les services, justifié par la mission d’intérêt général. 

            -La détention de prérogatives de puissance publique est un critère qui permet de différencier de simples activités d’intérêt général et le service public. 

Les organismes de droit privé ne détenant pas de prérogative de puissance publique peuvent néanmoins être considéré comme gérant un Service Public en vertu d’une loi ou s’ils sont soumis à un contrôle étroit de l’administration (eu égard à l’Intérêt Général de son activité, conditions de sa création, organisation, fonctionnement, obligations imposées, vérification). 

      Obligations de service public : égalité et continuité. 

 

II – CREATION OU SUPPRESSION DES SERVICES PUBLICS

 

§1. La compétence pour la création ou la suppression du service public

Si l’Etat se veut garant de l’intérêt général, les Service Public ne peuvent être créés ou supprimés que par une autorité publique.  La création peut s’opérer ex nihilo ou ériger une activité préexistante en Service Public. La compétence diffère selon que le Service Public sera considérer de dimension nationale (A) ou locale (B).

 

   A. Services publics nationaux 

Avant 1958 : la création/ suppression d’un Service Public de dimension nationale relevait de la compétence du législateur.  La création de Service Public est considéré comme portant atteinte aux libertés publiques (la liberté d’entreprendre) le pouvoir réglementaire ne pouvait agit que sur l’habilitation. 

Après 1958 : la compétence est celle du pouvoir réglementaire. Le législateur intervient que si la création du Service Public découle ou mets en cause des dispositions constitutionnelles. C’est le cas de services dont l’existence est prévue par la Constitution (défense, justice, sécurité sociale), par un traité international ou par l’article  34 de la Consitution (création de catégorie d’EP). C’est aussi le cas des Service Public mettant en causes des garanties fondamentales. 

Pour le reste le pouvoir réglementaire est compétent. 

La définition des règles constitutives du Service Public relève de la loi si c’est elle qui l’a créé. Le pouvoir réglementaire peut préciser les dispositions législatives grâce a la jurisprudence. Suppression: principe de parallélisme des compétences.  Cas particulier des Etablissements Publics : seul le Législateur est compétent que pour créer des nouvelles catégories d’Etablissement Public , la création des établissements se fait par décrets. 

Pour déterminer si un nouvel Etablissement Public entre dans une catégorie préexistante on doit se demander s’il existe déjà un Etablissement Public ayant une spécialité analogue ou une mission comparable. Si oui, a-t-il le même rattachement territorial ? 

Le Législateur doit fixer les règles constitutives des catégories d’Etablissement Public , le cadre général de son organisation et fonctionnement. 

 

   B. Service publics locaux 

Création: les assemblées délibérantes des collectivités territoriales (conseils municipaux, généraux ou régionaux) ont une compétence de principe. Ils sont soumis au respect de la décentralisation administrative (répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités locales) et la liberté du commerce. Ils peuvent le faire uniquement dans le cadre d’habilitations législatives précises ou sur la base de leur clause générale de compétence. 

Suppression: mêmes conditions. L’organisation des services relève de l’assemblée pour les règles générales et de l’autorité territoriale pour le reste. 

 

§ 2. L’obligation ou la faculté d’exercer cette compétence

Dans notre Etat d’économie libéral le champ du Service Public n’est pas neutre idéologiquement. Si les Service Public venait couvrir l’ensemble des activités des la vie économique, il y aurait une socialisation de l’économie contraire à la liberté d’entreprendre (principe a valeur constitutionnelle). 

Ainsi le domaine du service public est divisé entre des secteurs d’interventions obligatoire (A) ou facultatifs (B). 

 

   A. Les services publics obligatoires 

Collectivités locales : liste de services qu’elle est tenue d’assurer, fixé par les lois de décentralisation.

Etat : la nécessité de certains services publics nationaux découle de principes/ règles de valeurs constitutionnel.

Ces services ne saurait être supprimé et laisser régir le libre jeu des acteurs économiques privés. Service Public obligatoires : 

            – Service Public liés aux fonctions de souveraineté : défense nationale, relations extérieures, justice, police, monnaie     – Service Public non régalien permettant la réalisation de droits fondamentaux: enseignement public et laïc, formation professionnelle, aide et sécurité sociales. C’est un  secteur ou l’initiative privé n’est cependant pas exclus. 

Service publics nationaux : le service est accompli à l’échelon national par une seule entreprise: services qui sans être exigé par la Constitution, ne saurait être transféré au secteur privé par le législateur. 

 

   B. Les services publics facultatifs 

Le champ du Service Public est le résultat d’un choix politique. Toute activité ne doit pas être un Service Public et tout Service Public ne doit pas avoir un domaine d’action trop étendu.

La loi peut apporter a la liberté d’entreprendre des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’Intérêt Général a condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionné a l’objectif poursuivie.

Aujourd’hui, l’acte adm qui crée un Service Public en l’absence de dispositions législatives explicites doit respecter tant la liberté du commerce et de l’industrie que le droit de la concurrence. 

 

Cette approche est le fruit d’une évolution jurisprudentielle :

                     1) Phase libéral du Conseil d’Etat

La liberté du commerce et de l’industrie interdisait aux personnes publiques d’ériger en Service Public des activités économiques et de concurrencer ainsi des entreprises privées. 

                  2) 1914 : développement de l’interventionnisme économique public 

Cet interventionnisme a entrainé des assouplissements à ce principe. La multiplication des Service Public venant concurrencé le secteur privé à alors faire naître l’exigence qu’au moins cette compétition soit égale comme l’impose les règles du droit de la concurrence. L’assouplissement du principe de non concurrence s’est accompagné de l’affirmation d’une exigence d’égale concurrence. 


 

  • Le principe de non concurrence ne peut être invoqué contre les Service Public visant a subvenir aux besoins de l’adm. L’adm doit toujours pouvoir remplir elle même ses besoins qui découle de ses mission de Service Public, par ses propres moyens, sans que cette activité ne puisse être contestée au nom de la liberté de commerce et d’industrie.

Ex : l’adm peut proposer un service de photo pour les photos des passeports. 

  • Le principe de non concurrence ne peut être invoqué contre les Service Public non marchands. Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie vise a exclure les personnes publiques du marché en leur interdisant la prise en charge d’activités économique conçues comme relevant normalement des entreprises privés. Ce principe ne saurait donc être invoqué contre la création de Service Public qui se situent hors marché et relèvent des missions normales des personnes Ex : CE 1997 Ordre des avocats à la Cour de Paris.

 

 La légalité de la création d’un Service Public exerçant une activité économique est subordonné a nécessité d’un intérêt public. 

En vertu du principe de la liberté du commerce et de l’industrie l’activité économique d’un Service Public doit être justifiée par un intérêt public. 

Depuis l’arrêt du CE 1930 Chambre syndicale du commerce de Nevers, en cas de carence ou d’insuffisance de l’initiative privé il est possible pour l’Etat de créé un Service Public pour répondre à un besoin important de la population. Ce Service Public peut aussi constituer le complément ou l’accessoire d’un Service Public existant. Si la création d’un Service Public à vocation économique n’est légale qu’a titre complémentaire ou subsidiaire, le juge tend à l’admettre de + en + aisément. 

 

                  > … l’affirmation de l’exigence d’égale concurrence  

La création par une personne publique d’un service marchand n’est légale que si cette personne, dans la détermination des modalités d’accomplissement de cette activité, n’utilise pas les avantages dont elle dispose pour fausser le jeu de la concurrence. 

 

 

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