Le sort des contrats en cours pendant la procédure collective

Le sort des contrats en cours

    Tout espoir de sauvegarde d’une entreprise en difficulté demeure vaine lorsque les partenaires contractuels refusent de poursuivent leurs prestations eu égard à la situation financière délicate de leur cocontractant.

Aussi l’article L 622-13 Code de Commerce règle le sort des contrats en cours en mettant à la disposition de l’administrateur judiciaire un droit d’option de continuer ou non les contrats en cours.

 

1 ) La notion de contrat en cours.

Un contrat en cours s’entend d’un contrat conclu ce au jour du jugement d’ouverture mais qui n’est pas totalement exécuté ou dont les effets juridiques essentiels ne sont pas encore produits à ce moment-là.

Cela peut être aussi bien un contrat en cours d’exécution, qu’un contrat en cours d’existence, c’est-à-dire né à la vie juridique, antérieurement au jugement d’ouverture et dont l’existence n’a pas encore pris fin à la date de ce jugement.

En revanche, un contrat n’est plus en cours dès lors qu’il a été entièrement exécuté et par conséquent a épuisé ses effets. Ainsi, les contrats à exécution successive tel que le crédit-bail, le contrat de concession exclusive ou l’ouverture de crédits qui ne sont pas parvenus à terme ou ne sont pas résolus avant le jugement d’ouverture, constituent des contrats en cours.

Cependant, il arrive qu’un contrat à exécution instantanée n’ait pas produit tous ses effets avant l’ouverture de la procédure ; c’est le cas du contrat de vente dont le prix est payable par mensualités ou dont le transfert de propriété se trouve différé par le jeu d’une clause de réserve de propriété :

  • dans la première hypothèse, seules sont affectées les modalités de paiement du prix et l’échange de consentement ayant opéré le transfert de propriété avant le jugement d’ouverture; auquel cas le contrat n’est plus en cours et les mensualités échues après ce jugement ne bénéficient pas du privilège de l’article L 622-17 Code de Commerce.

En ce sens, un contrat de vente en viager ne cesse pas d’être un contrat instantané par le simple fait que les parties ont convenu d’un échelonnement partiel du prix, le transfert de propriété ayant eu lieu le jour de la vente ; il ne constitue donc pas un contrat en cours.

  • Dans la seconde hypothèse, toute exécution du contrat est retardée, c’est-à-dire le transfert de propriété et le paiement du prix, ce transfert étant réalisé par le paiement complet du prix. C’est un contrat en cours si, à l’ouverture de la procédure collective, une partie du prix reste à payer.

S’agissant d’un contrat de prêt, il n’est pas un contrat en cours si les fonds ont été remis à l’emprunteur avant l’ouverture de la procédure collective ; c’est en effet la remise des fonds qui constituent la principale prestation. Il s’agit d’un contrat en cours dès lors que les fonds n’ont pas été intégralement remis à l’emprunteur avant le jugement d’ouverture.

La question s’était posée de savoir si les contrats conclus intuitu personae relevaient du domaine d’application de l’article L 622-13 ; la cour de cassation a considéré dans un arrêt de principe du 8 décembre 1987 que l’administrateur judiciaire à la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours lors du prononcé du redressement judiciaire sans que l’on puisse distinguer selon que les contrats ont été ou non conclus en considération de la personne.

Il s’ensuit que lorsqu’il le demande, l’administrateur judiciaire peut obtenir la continuation pendant la période d’observation des conventions de comptes courants, des conventions d’ouverture de crédit, de découvert ou d’autorisation d’escompte au jour du jugement d’ouverture sauf pour l’établissement financier à bénéficier des dispositions de l’article L 629-17 Code de Commerce et, s’il y a lieu, des dispositions de l’article L 313-12 al 2 CMF. Cette solution ne comporte aucune ambiguïté car la créance née de la continuation du contrat bénéficie du régime privilégié de l’article L 622-17 Code de Commerce. Par ailleurs, cet arrêt apporte quelques précisions relatives à l’application de l’article L 313-12 al 2 CMF. Ce texte autorise l’établissement de crédit à résilier sans préavis toute ouverture de crédit consentie à un client dont la situation s’avère irrémédiablement compromise.

 

2 ) L’exercice de l’option.

L’administrateur judiciaire doit choisir avec précaution les contrats qu’il décide de poursuivre. Son droit d’option n’est enfermé dans aucun délai ; le cocontractant a cependant la faculté de lui adresser une mise en demeure qui, si elle reste sans réponse pendant plus d’1 mois, a pour conséquence la résiliation de plein droit du contrat.

Néanmoins avant l’expiration de ce délai, le juge commissaire peut impartir à l’administrateur judiciaire un délai plus bref ou lui accorder une prolongation pour prendre partie sans que celle ci puisse excéder 2 mois.

 

3 ) Les conséquences de l’option.

Lorsque l’administrateur judiciaire opte pour la continuation du contrat, le cocontractant doit remplir ses obligations malgré l’inexécution du débiteur antérieurement au jugement d’ouverture. Il peut cependant obtenir des dommages et intérêts pour défaut d’exécution contractuelle dont il doit déclarer le montant au passif dans les délais légaux. Il se trouvera alors en situation de créancier privilégié car il bénéficiera des dispositions avantageuses de l’article L 622-17 Code de Commerce pour les créances nées de cette inexécution contractuelle postérieurement au jugement d’ouverture.

Néanmoins, si le contrat a été poursuivi conformément aux dispositions de l’article L 622-13 et se trouve résilié ultérieurement, les indemnités et pénalités ne bénéficient pas du 3e rang de l’article L 622-17, contrairement à la créance principale issue de la continuation du contrat sous réserve que le cocontractant ait consenti un délai de paiement.

Lorsque la prestation due par le débiteur attrait au paiement d’une somme d’argent, celui-ci doit se faire comptant. Néanmoins l’administrateur judiciaire peut demander au cocontractant des délais de paiement. À défaut de paiement ou d’accord de celui-ci, le contrat est résilié de plein droit, auquel cas le parquet, l’administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire ou le contrôleur peuvent saisir le tribunal en vue de mettre fin à la période d’observation.

Si en revanche, l’administrateur judiciaire décide expressément ou tacitement de ne pas continuer le contrat, une mise en demeure du cocontractant, adressée à l’administrateur judiciaire et restée sans réponse pendant 1 mois, entraîne la résiliation de plein droit du contrat. L’entreprise en difficulté devient alors redevable de dommages et intérêts à l’égard de son cocontractant qui devra les déclarer au passif de la procédure collective.

L’option prise par l’administrateur judiciaire ne peut être mise en échec pas une clause résolutoire.

Sa décision peut être déférée par le cocontractant au juge commissaire qui statue par voie d’ordonnance. Il en va de même lorsque le cocontractant refuse de continuer l’exécution du contrat ; l’appel contre les ordonnances du juge commissaire est porté devant le tribunal.

 

4 ) Les contrats dérogeant au régime de l’option.

L’article L 622-13 Code de Commerce, qui a une portée générale, ne supporte qu’une exception : les contrats de travail.

Dès lors que le second objectif des procédures collectives est le maintien des emplois, il apparaît logique que les contrats de travail soient continués de plein droit en période d’observation.

Parallèlement, certains contrats, bien que non exclus de l’article L 622-13, connaissent un régime particulier : le contrat d’assurance, contrat de bail et contrat de vente de marchandises en cours de livraison.

 

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