Le système juridique international

LE SYSTEME JURIDIQUE INTERNATIONAL

Un système au sens d’une logique d’ensemble qui l’anime, qui permet de le comprendre, qui en rend compte. Le système du droit international est bien un système juridique.

§1) Préliminaires.

A) les systèmes juridiques, éléments constitutifs.

Quand on parle de système juridique, presque toujours on voit le droit comme un ensemble de règles. Le droit c’est aussi autre chose. Il y a une multiplicité de pièces qui interviennent dans le jeu juridique.

Les systèmes juridiques se constituent de deux sortes d’éléments. Il y a d’abord des modes de production du droit, les moyens de fabriquer du droit et des effets de droit. D’autre part, il y a des objets juridiques, légaux qui résultent de ces opérations de fabrication du droit.

1) Les modes légaux de production de droit.

L’ensemble du droit se produit par deux techniques : celle de l’acte juridique et celle du fait juridique.

a) Les faits juridiques.

Les faits juridiques ce peut être soit de purs événements, puis on a à coté de ces événements il y a les comportements, les conduites, des faits qui résultent de l’agissement ou du non agissement de quelqu’un. Par exemple, conduire sa voiture et causer un accident est un fait juridique. Ce simple comportement matériel est érigé en comportement juridique, en fait juridique. Source de conséquences. D’où vient la qualification de fait juridique : ce sont des faits matériels interprétés par des règles de droit qui voient dans ces faits matériels des faits juridiques et qui attribuent à ces éléments matériels des conséquences et des effets de droit.

b) les actes juridiques.

Les actes juridiques sont fondamentalement différents des faits juridiques, en ce qu’ils sont voulus pour produire un certain effet de droit. D’où vient l’effet de l’acte juridique ? Est-ce que cet effet juridique vient de la volonté de l’auteur de l’acte, la volonté à elle seule ne peut pas faire que l’activité matériel d’écriture soit autre chose qu’une activité matérielle d’écriture, il faut un ensemble de règles de droit qui attribuent à cette activité matérielle des effets et des conséquences juridiques. Les effets de droit des actes juridiques ne résultent pas de l’acte juridique lui-même, ni de ce que les parties ont voulu produire un effet de droit, mais résulte de ce que l’effet de droit voulu résulte d’une règle de droit objectif et qui rattache un effet juridique à la volonté de l’auteur de l’acte.

2) Les objets légaux : les effets de droit.

Ces objets sont de deux sortes : les normes et une catégorie plus difficile à nommer, les institutions (concepts juridiques) et les êtres juridiques individuels (situations juridiques).

  • a) Les normes.

Une norme c’est ce qui entend soit déterminer un comportement futur, soit qui permet d’apprécier les comportements passés. Les deux fonctions se rejoignent, chaque norme juridique permettant à la fois de dire comment se comporter et permettent d’apprécier (par exemple pour un juge) si le comportement est conforme au modèle de conduite. Une multiplicité de normes. Il n’y a pas que des normes qui prescrivent des conduites. Les normes d’habilitation: toute personne a le pouvoir de faire un contrat par exemple. Cette norme n’ordonne nullement à ses destinataires de faire les choses qu’elle prévoit. Il y a à coté de ces normes d’habilitation, des normes prescriptives avec différents degrés dans la prescriptivité, en ce sens qu’une norme n’en est pas moins une norme lorsqu’elle n’est pas obligatoire. La classification la plus intéressante au sein des normes est l’opposition normes générales, normes individuelles.

Les normes générales ce sont des règles, et les normes individuelles n’ont pas de nom particulier, mais ne sont pas des règles. Une norme individuelle est celle qui s’adresse à un destinataire particulier, individualisé. La norme dit que un tel devra faire telle chose. La norme peut être individualisée tel que rencontrant une situation, un tel doit faire telle chose. Au contraire, les normes dites générales statuent de manière générale. Elles s’adressent aux destinataires qu’elles définissent en tant que catégorie. Elle ne les décrit pas, elle s’adresse à eux qui sont définis en tant qu’il appartienne à la catégorie définie. On ne connaît après à l’édiction de la règle les personnes qu’elle pourra intéresser. Cette distinction, norme catégorique et norme hypothétique. Hypothétique en ce sens qu’elles définissent une hypothèse qui se formulerait : chaque fois que quelqu’un réalisera les conditions d’application de la présente règle, alors ce quelqu’un devra faire telle chose.

  • b) Les institutions et les êtres juridiques individuels.

La propriété, le concept de propriété, la filiation, le concept de filiation, la citoyenneté, la nationalité, voilà des institutions. De même, pour l’état, le fonctionnaire,… Tout cela, ce sont des concepts juridiques, c’est-à-dire des être qui n’existent pas matériellement, ils sont constitués par le droit et à chacun de ces mots, le droit attache un certain statut. Nous avons là des concepts juridiques qui sont le produit de règles, mais qui ne sont pas en eux-mêmes des règles. C’est ce que l’on peut appeler des institutions légales, ou des concepts légaux. Il s’agit là de quelque chose de purement abstrait. Il faut trouver des supports : les êtres juridiques individuels. Quand un individu entre dans un concept : un ensemble de droit va lui être reconnu. Le concept s’incarne dans un individu: c’est ce que l’on appelle une situation juridique individuelle.

  • c) Le problème de l’opposabilité des objets légaux.

Ces énoncés, aux yeux de qui valent-ils ? A qui sont opposables les effets de droits conséquents de ces énoncés ? On retrouve l’opposition entre système juridique étatique, et système juridique interétatique.

B) le système juridique étatique : le modèle hiérarchique.

L’état ou plus exactement le droit de l’état obéit à un modèle d’organisation : hiérarchique. Un modèle vertical ou tout va du haut vers le bas.

1) Production du droit : l’état, producteur primaire du droit.

En ce qui concerne en premier lieu la production, l’état est un producteur de droit, mais il n’est pas le seul. Les personnes privées produisent elles aussi du droit, mais de manière considérée comme accessoire par rapport au mode de production primaire de l’état.

a) Production publique : pouvoir de production originaire (le « type-loi » ; différenciations dans le droit objectif).

La production publique, dans l’état, il y a un mode de production du droit qui est du droit public. Il y a un mode de production unilatéral de droit. Au nom de quoi l’état a-t-il le pouvoir de faire des lois sans que nous ayons à les examiner pour faire connaître notre opinion ? Lorsqu’une loi a été votée et promulguée, elle a une vertu obligatoire intrinsèque. Il y a donc ici l’expression d’un phénomène de pouvoir justifié par le fait que l’état exprime l’intérêt général par opposition aux citoyens qui n’exprime que leurs intérêts particuliers. Or le général est plus important que le particulier.

A l’intérieur même du modèle loi, il y a d’abord une distinction entre les différents degrés de la hiérarchie. En outre, à l’intérieur du droit public il faut distinguer les actes de l’état et ceux des personnes publiques secondaires.

b) Production privée : pouvoir de production drivé des particuliers.

Il reste malgré tout une place pour la production privée de droit. Nous avons des pouvoirs légaux, ce que nous faisons, nos actions sont pertinentes au regard du droit. Nous produisons aussi des situations juridiques. La question à propos de ces effets de droit que nous créons sont d’abord la question de l’opposabilité. Par exemple, la propriété, entre nous il y a désormais une situation juridique constituée qui est opposable à tous : le droit réel est opposable à tous. La qualité de propriétaire que nous avons constituée par l’acte est opposable à l’égard des tiers. Nous avons un pouvoir réel de production de droit de la part des sujets réels qui ont des effets dépassant le cercle des producteurs privés.

Ce pouvoir juridique des particuliers est un pouvoir dérivé. Par opposition au pouvoir originaire de l’état. L’article 1134 du Code Civil. Nous tirons le pouvoir de produire du droit de ce que la loi attache à ces opérations matérielles que nous avons fait une qualité juridique.

2) La réalisation du droit : l’Etat, garant du droit.

S’il y a un différend sur un point de droit, nous pouvons saisir les tribunaux. Ce sont des organes de l’état et mis à disposition. Unilatéralement, on peut constituer quelqu’un en défendeur par une action en justice. Encore des mécanismes hiérarchiques. Si après que j’ai obtenu un jugement, j’ai la possibilité de solliciter de l’autorité publique des mécanismes d’exécution forcée. Cette hiérarchie n’existe pas en droit international.

§2) Le système juridique international : un modèle anarchique.

Un système qui ne comporte pas le mécanisme du pouvoir au sens de cette unilatéralité que nous avons vu dans l’état.

A) La souveraineté de l’état, première approche.

1) La société étatique : égaux mais non souverains.

La société interne, une fois que l’on retire l’état, c’est nous et nous nous sommes égaux. Nous ne sommes pas égaux en puissance, pas égaux en capacité de fait. Ces inégalités sont des inégalités de fait. En droit nous sommes tous égaux. Par conséquent, nous obéissons à notre volonté de produire du droit librement. Egaux, mais non souverain dans la société interne. L’égalité est canalisée par l’existence d’un droit qui nous est supérieur : le droit objectif. Les sujets que nous sommes sont sujets de l’état, assujettis à l’état. Autrement dit les sujets sont soumis à un droit supérieur.

2) La société interétatique : la souveraineté comme attribut négatif (rejet du phénomène du pouvoir).

Egaux souverain. Les états sont égaux : une égalité légale en droit. Dans les faits il n’y a aucune égalité, comme pour les individus dans la société. En droit, il n’y a pas de petits ou de grands états. Ces états qui sont tous égaux sont égaux à un même niveau et un niveau supérieur. Egalité souveraine ou souveraineté égale. Ces deux aspects sont la conséquence l’une de l’autre. La souveraineté ce n’est pas la puissance, c’est le pouvoir de n’être pas commander. Pas de pouvoir légal au dessus de l’état. Le droit international est nécessairement un droit qui fonctionne sans mécanisme de pouvoir et qui permet la verticalité. Les sujets que sont à leur tour les états ne sont assujettis à personne, mais ils ne sont pas des sujets au sens ou nous sujets internes sommes des assujettis à l’état. L’état n’obéit qu’à lui-même. Il en résulte que la société des états ressemble d’une certaine manière à la société des individus. Il y a à la fois des ressemblances et des divergences. En droit interne, nous obéissons au sens de notre intérêt individuel. La différence, c’est que quand nous faisons valoir nos intérêts particuliers, nous le faisons dans le cadre du droit objectif qui canalise le jeu des intérêts particuliers. Il n’y a pas de tout cela dans l’ordre interétatique. Personne n’a qualité pour dire ce qu’est l’intérêt général.

Comment concevoir une société organisée juridiquement sans loi ?

B) Une société sans loi, 1 : production du droit international.

Le modèle international est à peu près aux antipodes du modèle étatique. A partir du moment où une loi est valable, elle produit ses effets. L’efficacité de la loi en droit est que l’on ait prévu des effets légaux dans des textes.

1) principe général : distinction de la production et de l’opposabilité du droit.

Dans l’ordre international, il va toujours falloir dissocier le mécanisme de production du droit et ses effets.

En droit international, il y a plusieurs modes de production de droit. Il y a trois grands modes : le conventionnel, le coutumier et les unilatéraux. Ces mécanismes comportent une apparence, une ressemblance avec des mécanismes de droit interne. La formation des traités. La loi quant elle a été ainsi votée, désormais elle est une loi (par le mécanisme de la majorité) et elle est inconditionnelle. Elle est opposable à l’ensemble des sujets. Le traité a pu être adopté à la majorité. Il n’oblige personne tant que les états par des actes unilatéraux individuels n’acceptent ce traité. Distinction de la production des règles qui se fait par l’adoption du traité et les effets réels de la règle qui du fait que les états ont accepté que le traité produise des effets à leur égard. Nécessité de dissocier la fabrication du droit et l’efficacité du droit qui repose sur des procédures différentes. Il en résulte un certain nombre de conséquences qu’il faut présenter.

2) Production et opposabilité des normes. Inexistence du type-loi ; corollaire.

  • Les normes internationales sont nécessaires des normes relatives. On peut dire qu’une norme existe objectivement, mais la règle lie l’état A et l’état B qui a accepté les effets du traité. Mais l’état X n’est lié ni à A, ni à B. La règle est intersubjective entre A et B et tous les états qui l’ont accepté seulement. Relativité généralisée, il est très improbable qu’une règle soit acceptée par tous les états du monde. Le droit international général c’est un abus de langage.
  • Le fait que le droit international est indifférencié, ou très faiblement différencié. En droit international, quel est le fondement ultime des règles et des normes ? Le fondement ultime, c’est la volonté des états. Tous les traités reposant sur la volonté des états sont égaux. Toujours pas de hiérarchie : anarchie. Des traités plutôt de caractère législatif ou de caractère contractuel, mais pas de différenciation hiérarchique. Il ne peut donc y avoir de nullité en droit international.

3) Production et opposabilité des situations : résultant d’actes juridiques, de faits juridiques.

En droit interne, prenons la création d’une personne morale et la création d’une personne physique, l’équivalent en droit international, cela va être la création d’une organisation internationale et la naissance de l’état.

Dans le premier cas, nous avons formation par un fait juridique. L’organisation des N.U. s’est constituée par un acte juridique, un traité qui institue une organisation internationale. Il y a une dizaine d’année encore, l’union soviétique et les pays de l’est refusaient de reconnaître la CEE en tant qu’organisation internationale. L’union soviétique considérait que l’existence de la CEE ne lui était pas opposable et qu’elle avait le droit reconnu de regarder directement dans les yeux les états membres de la CEE. Les effets juridiques de l’existence de cette organisation internationale dépendent de l’acceptation par les états tiers de la formation du droit et des effets du droit.

Autre exemple, naissance d’un enfant et naissance d’un état. On déclare un bébé, à partir du moment ou il est déclaré, son existence en fait et en droit (son statut) sont opposable à tout le monde : l’existence, la capacité juridique,… existent à partir du moment ou l’existence a été constatée en droit. Pour un état, il résulte comme la production d’un enfant, résulte de pur fait, un certain nombre de conditions de pur fait réunies permettent la constitution en droit de l’état. L’état existe ? Certains états vont l’accepter comme un membre du club des états indépendants. La reconnaissance en une collectivité des traits caractéristiques de l’état et donc on le reconnaît. Un autre état ne reconnaît pas cet état. L’état ni n’existe, ni n’existe pas. Relativité généralisée. Les états n’existe qu’intersubjectivement qu’aux yeux de ceux qui l’on reconnu. Univers mouvant dans un système de relativité.

C) Une société sans loi, 2 : réalisation du droit international.
1) Mécanismes juridictionnels.

En droit interne, un litige avec quelqu’un et ce litige on n’arrive pas à le résoudre. Ce différend, je décide de le porter devant des tribunaux. En droit international, cela existe aussi, il y a des juridictions internationales. Ces tribunaux sont créés par les états mêmes qui vont comparaître devant eux. Pas comme en droit interne d’organisation juridictionnelle qui résulterait de la loi : il n’y a pas de loi, ni de super-état. Le tribunal est la création des parties elles-mêmes : la situation rare en droit interne d’arbitrage devient droit commun en droit international. Les états ont donc tendance à voir ces tribunaux comme n’ayant pas de véritables pouvoirs, comme étant leurs créatures. En droit international, la juridiction obligatoire n’existe pas. Les tribunaux ne sont compétents que si A et B sont d’accord pour lui transmettre la compétence pour connaître de leur différend. Ils peuvent l’accepter après que le différend soit né, ou s’engager par avance. Il reste que même si la juridiction devient obligatoire, elle ne l’est que parce que les états l’on accepté à l’avance.

2) Sanctions légales : des actes illégaux, des faits illicites.

En droit interne, il y a des mécanismes d’exécution forcée. En droit international, ceci n’existe pas, c’est chaque état qui déclenche lui-même des mécanismes d’exécution forcée. Des mécanismes décentralisés de réaction à l’illicite en droit international et pas de mécanisme centralisé.