Le système politique Suisse, un régime d’assemblée

Le Régime d’assemblée en Suisse

À partir de 1815, la Suisse acquiert une pleine souveraineté en tant que confédération de 22 cantons indépendants. Cependant, cette période d’autonomie cantonale est marquée par des tensions internes, culminant avec une guerre civile au milieu du XIXᵉ siècle :

  • Le Sonderbundkrieg (1847) oppose les cantons catholiques conservateurs à ceux plus libéraux et protestants.
  • À la suite de ce conflit, une volonté d’unité et de stabilité conduit à la création d’un État fédéral.

Le 29 mai 1874, une nouvelle Constitution fédérale est adoptée, posant les bases d’un État fédéral moderne et d’une démocratie directe. Cette Constitution :

  • Établit une séparation claire entre l’État fédéral et les cantons, tout en maintenant une forte autonomie cantonale.
  • Définit la Suisse comme une démocratie directoriale, un régime unique dans lequel le pouvoir exécutif est confié à un Conseil fédéral collégial plutôt qu’à un président ou un gouvernement classique.

Section 1 – Résumé des caractéristiques du régime d’assemblée suisse

Bien que parfois qualifié de régime d’assemblée, le système suisse se distingue par plusieurs particularités :

  • Autorité suprême de l’Assemblée fédérale :

    • Composée de deux chambres (le Conseil des États et le Conseil national), elle exerce les principaux pouvoirs législatifs et un contrôle étroit sur l’exécutif.
    • Contrairement à d’autres régimes, l’Assemblée fédérale détient des compétences parfois réservées à d’autres organes, comme le droit de grâce ou l’élection des membres du Conseil fédéral (exécutif).
  • Un exécutif collégial sans orientation politique :

    • Le Conseil fédéral, composé de sept membres, est élu par l’Assemblée pour une durée de quatre ans. Ses membres sont rééligibles indéfiniment.
    • Contrairement à un gouvernement classique, il fonctionne davantage comme un conseil d’administration chargé de gérer les affaires publiques et d’appliquer les lois votées par l’Assemblée.
    • Les membres du Conseil fédéral ne sont pas de véritables politiciens, mais plutôt des administrateurs qui respectent un équilibre linguistique, religieux et politique.
  • Absence de responsabilité politique directe :

    • Le Conseil fédéral n’est pas responsable devant l’Assemblée fédérale et ne peut être renversé.
    • En contrepartie, il est tenu de respecter les directives émises par l’Assemblée, qui peut voter des interpellations en cas de désaccord.

 

Section 2 – Les Institutions de la Suisse

Le système institutionnel suisse repose sur une répartition équilibrée des pouvoirs, une tradition de consensus, et une gestion collégiale des affaires publiques. L’Assemblée fédérale exerce une autorité prépondérante tout en laissant une grande stabilité à l’exécutif, représenté par un Conseil fédéral collectif, non partisan et soumis aux orientations législatives. Ce modèle garantit une gouvernance transparente et évite les dérives liées à une concentration du pouvoir, tout en assurant une représentativité des sensibilités culturelles, politiques et linguistiques du pays.

A – L’Assemblée fédérale

L’Assemblée fédérale est l’autorité suprême en Suisse. Elle exerce des pouvoirs législatifs et de contrôle, bien qu’elle ne puisse pas renverser l’exécutif ni être dissoute. Elle est composée de deux chambres aux pouvoirs égaux :

  • Le Conseil des États :

    • Représente les cantons.
    • Composé de 46 membres, avec deux représentants par canton, indépendamment de leur taille ou population.
  • Le Conseil national :

    • Représente les citoyens suisses.
    • Composé de 200 membres, élus au scrutin proportionnel pour une durée de quatre ans.

Les deux chambres collaborent étroitement pour adopter les lois, contrôler l’exécutif, et exercer des prérogatives spécifiques qui, dans d’autres pays, relèveraient souvent de l’exécutif ou du judiciaire, comme le droit de grâce.

Un pouvoir unique : l’élection de l’exécutif
L’une des particularités de l’Assemblée fédérale est qu’elle élit les membres du Conseil fédéral, c’est-à-dire l’exécutif suisse. Cette élection renforce l’autorité de l’Assemblée et reflète son rôle central dans le fonctionnement institutionnel.

B – Le Conseil fédéral

Le Conseil fédéral constitue l’exécutif suisse et agit comme une autorité directoriale collective.

1. Composition et fonctionnement

  • Nombre de membres : Le Conseil fédéral est composé de sept membres, élus par l’Assemblée fédérale pour une durée de quatre ans. Ces membres sont indéfiniment rééligibles, ce qui garantit une certaine stabilité institutionnelle.
  • Élection sans orientation politique : Contrairement à un gouvernement classique, le Conseil fédéral n’est pas directement partisan. Il fonctionne davantage comme un conseil d’administration, regroupant des hauts fonctionnaires plutôt que des figures politiques marquées.
  • Respect des équilibres : Les membres du Conseil fédéral sont choisis pour refléter des équilibres :
    • Linguistiques : Représentation des francophones, germanophones et italophones.
    • Religieux : Répartition entre protestants et catholiques.
    • Politiques : Présence des principaux partis de droite et de gauche, selon la « formule magique ».

Chaque membre dirige un département administratif, équivalent à un ministère, et participe collectivement aux décisions stratégiques.

2. Le président de la Confédération

  • Rôle symbolique : Le président de la Confédération est élu chaque année parmi les membres du Conseil fédéral.
    • Il dirige les débats du Conseil fédéral.
    • Il représente la Suisse lors de cérémonies ou à l’international.
    • Il n’a ni rôle de chef d’État ni prérogatives supplémentaires en matière de gouvernance.
  • Un chef d’État collectif : La Suisse se distingue par l’absence d’un chef d’État unique. Le Conseil fédéral, en tant que directoire collectif, remplit cette fonction, ce qui reflète la volonté d’éviter une concentration excessive du pouvoir.

3. Fonctionnement du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral est chargé de mettre en œuvre les lois et décisions adoptées par l’Assemblée fédérale. En cela :

  • Il agit sous le contrôle de l’Assemblée fédérale, qui lui transmet des directives contraignantes.
  • Bien qu’il dispose d’une certaine autonomie administrative, il reste soumis aux orientations fixées par le législatif.

 

Section 3 – La Suisse, régime et démocratie originaux

La Suisse se distingue par son régime politique original, qualifié de démocratie de consensus

A- Un régime politique directorial

Le régime politique suisse se distingue par son caractère directorial, inspiré par le modèle du Directoire introduit par Napoléon Ier au XIXᵉ siècle. Ce régime a été conservé, même après de nombreuses révisions constitutionnelles, dont une réforme majeure en 1999. Contrairement aux idées reçues, ce système ne peut pas être qualifié de régime d’Assemblée.

Bien qu’il repose sur une séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, il se démarque des régimes parlementaires ou présidentiels classiques :

  • Le Conseil fédéral exerce la direction du pays, sous contrôle de l’Assemblée fédérale (les deux chambres réunies).
  • Le régime suisse est décrit comme non parlementaire et mono-représentatif, car l’exécutif n’est pas subordonné au législatif, et les pouvoirs sont distribués sans prédominance absolue de l’un sur l’autre.

1. Un exécutif collégial et stable

L’exécutif suisse, le Conseil fédéral, repose sur une organisation collégiale et une relative irresponsabilité politique :

  • Composition et élection :

    • Le Conseil fédéral est composé de sept membres, élus individuellement par l’Assemblée fédérale, qui regroupe les deux chambres, après chaque renouvellement du Conseil national (tous les 4 ans).
    • Les membres sont rééligibles indéfiniment, et leur durée moyenne de mandat dépasse souvent 12 ans.
    • Les membres du Conseil fédéral dirigent chacun un département (ministère) spécifique.
  • Égalité des membres :

    • Tous les membres du Conseil fédéral ont un statut égal. La présidence, qui change chaque année, est purement honorifique et n’accorde pas de pouvoirs supplémentaires.
    • Le Conseil fédéral est partiellement renouvelé, ce qui limite les alternances politiques brusques et renforce la stabilité.
  • « Formule magique » :

    • Depuis 1959, la composition du Conseil fédéral suit une règle informelle appelée « formule magique ». Celle-ci répartit les sièges entre les grands partis politiques selon leur poids électoral, assurant une représentation proportionnelle des sensibilités politiques.

2. Un législatif à la fois puissant et limité

Le système suisse est caractérisé par un Parlement bicaméral composé de :

  • Le Conseil national : Chambre basse de 200 membres, élus pour 4 ans selon un système de représentation proportionnelle.
  • Le Conseil des États : Chambre haute de 46 membres, représentant les cantons (1 ou 2 élus par canton selon sa taille).

Ces deux chambres, réunies en Assemblée fédérale, jouent un rôle central dans le système suisse :

  • Elles élisent les membres du Conseil fédéral (exécutif).
  • Elles disposent d’un pouvoir législatif fort, auquel l’exécutif est subordonné dans l’exécution des lois.

Cependant, contrairement à un régime parlementaire classique :

  • L’exécutif ne peut pas être renversé par le Parlement. Le Conseil fédéral reste en place quelles que soient les critiques formulées par les parlementaires.
  • En cas de désaccord, les parlementaires peuvent voter des interpellations pour exprimer leur mécontentement, mais sans conséquence contraignante sur l’exécutif.

En pratique, cette configuration produit un équilibre subtil :

  • Bien que irresponsable politiquement, le Conseil fédéral est soumis à la volonté de l’Assemblée fédérale, car il doit tenir compte des critiques et diriger en conformité avec les grandes orientations parlementaires.
  • Le Conseil fédéral conserve néanmoins une grande latitude pour diriger la politique nationale, grâce à sa stabilité et à son indépendance institutionnelle.

Résumé  : Le régime directorial suisse se distingue par :

  1. Son exécutif collégial et stable, qui garantit la continuité des politiques publiques.
  2. Une influence parlementaire forte, bien que non coercitive, qui assure un contrôle démocratique sans remettre en cause la stabilité gouvernementale.
  3. Une représentation proportionnelle des partis politiques majeurs au sein de l’exécutif, renforçant la légitimité et le consensus.

B- Le système politique suisse : une démocratie singulière

La Suisse combine des éléments variés pour former un régime politique atypique :
  • Une décentralisation extrême, où les cantons jouent un rôle central.
  • Une démocratie directe poussée, où les citoyens interviennent régulièrement dans le processus législatif et constitutionnel.
  • Une démocratie de consensus, qui privilégie la stabilité au détriment d’une alternance politique marquée.
Ce modèle, parfois critiqué pour ses lenteurs et ses limites, reste un exemple rare de gestion politique dans une démocratie multiculturelle et multi-linguistique

         

1. Une séparation verticale des pouvoirs très marquée

La Suisse se distingue par une séparation verticale des pouvoirs particulièrement forte, comparable au fédéralisme américain, mais souvent considérée comme encore plus poussée :

  • Chaque canton jouit d’une autonomie considérable vis-à-vis de l’État fédéral et des autres cantons. Cette autonomie remonte à la Confédération suisse du XIIIᵉ siècle, une alliance initialement militaire entre cantons. Ce système s’est consolidé en une fédération moderne en 1848, avec la création d’un État fédéral.
  • La diversité linguistique joue un rôle essentiel dans cette organisation :
    • Allemand : 75 % de la population.
    • Français : 20 %.
    • Italien : 4 %.
    • Romanche : 1 %.
      Les décisions politiques doivent souvent tenir compte de cette diversité, ce qui renforce la nécessité de préserver une décentralisation politique pour refléter les spécificités culturelles et linguistiques des cantons.

2. Le pays du référendum : une démocratie directe exceptionnelle

La Suisse est réputée pour sa pratique intensive de la démocratie directe. Ce mécanisme est inscrit au cœur de son système politique :

  • Une fréquence exceptionnelle : La Suisse organise plus de référendums nationaux que tous les autres pays du monde réunis sur une période donnée.
  • Huit types de référendums :
    • Référendum obligatoire : Utilisé pour les révisions constitutionnelles.
    • Référendum facultatif : Possible pour des lois ordinaires, à l’initiative du peuple ou de 8 cantons.
    • Initiatives populaires : Permettent aux citoyens de proposer directement des modifications constitutionnelles ou des lois. Les initiatives populaires peuvent aussi servir de contre-projets face aux propositions gouvernementales, un mécanisme qui a abouti à deux tiers des révisions constitutionnelles adoptées.

Cependant, certains aspects du référendum en Suisse méritent d’être nuancés :

  • Faible participation : Le taux de participation est souvent bas, en raison de la multiplication des consultations et de l’intérêt limité pour certaines questions.
  • Effets démocratiques ambivalents :
    • Dans l’histoire, les référendums ont parfois été utilisés par des groupes marginaux ou réactionnaires pour promouvoir des idées peu démocratiques.
    • Par exemple, certains cantons suisses ont résisté longtemps à l’introduction du droit de vote des femmes, qui n’a été accordé au niveau fédéral qu’en 1971.
    • Le référendum peut également être un frein au progrès, selon la nature des questions posées et l’influence des traditions locales.

3. La démocratie par le consensus : un gouvernement de concordance

La Suisse pratique un régime politique original, qualifié de démocratie de consensus, qui contraste avec les démocraties d’alternance (comme en France ou au Royaume-Uni). Ce modèle repose sur :

  • Un exécutif collégial : Le gouvernement suisse, appelé Conseil fédéral, est composé de sept membres élus individuellement.
    • Ces membres sont choisis en fonction d’un équilibre soigneux entre les appartenances politiques, linguistiques et religieuses.
    • Répartition politique : Les sièges sont attribués selon la force électorale des partis. Traditionnellement, les deux grands partis obtiennent chacun deux sièges, et un siège est accordé à un parti plus petit.
    • Répartition linguistique et religieuse :
      • Quatre germanophones, deux francophones, un italophone.
      • Quatre protestants et trois catholiques, bien que cette division soit devenue moins rigide ces dernières années.

Ce système présente des avantages et des inconvénients :

  • Avantages :
    • Paix et stabilité politique : Ce modèle évite les conflits politiques violents et favorise une prise de décision consensuelle.
    • Représentation équilibrée : Il reflète la diversité culturelle et linguistique du pays.
  • Inconvénients :
    • Faible alternance politique : En l’absence de changements significatifs dans la composition du Conseil fédéral, les citoyens mécontents des grands partis se tournent parfois vers des partis extrémistes, comme l’extrême droite, qui a réalisé des avancées électorales importantes ces dernières années.
Isa Germain

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