Le trafic d’influence
Définition du trafic d’influence (article 433-1 s., 432-11 du code pénal) : c’est une infraction consistant dans le fait de solliciter ou d’agréer des offres, dons , promesses pour abuser d’une influence réelle ou supposée. dans le but de faire obtenir, d’une autorité ou d’une administration publique, des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable. Le fait est plus sévèrement réprimé lorsqu’il est accompli par une personne exerçant une fonction publique. (Lexique des termes juridiques. DALLOZ)
Parenté avec infraction de corruption d’ordre criminologique : il s’agit d’une délinquance du même genre que celle relevant d’une infraction de corruption, car elle témoigne d’une absence d’intégrité des personnes exerçant une fonction publique. Cet aspect est en corrélation avec la place de cette infraction dans le Code pénal, qui se situe dans les mêmes articles que infraction de corruption active/infraction de corruption passive dans le secteur public. Il existe donc une dualité d’incrimination, supposant de reprendre le caractère actif et passif de l’infraction. Cependant, le législateur ne reprend pas exactement cette distinction mais consacre :
- – Article 432-11 alinéa 1 : trafic d’influence commis par une personne exerçant une fonction publique.
- – Article 433-1-2° : trafic d’influence commis par un particulier, à l’égard d’une personne exerçant une fonction publique.
- I) Condition préalable.
Comme infraction de corruption active/infraction de corruption passive, le trafic d’influence actif/trafic d’influence passif font référence à une « personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif ». Cette personne est :
- Article 432-11-2° trafic d’influence actif : l’auteur de l’infraction
- Article 433-1 trafic d’influence passif : elle le sera à l’égard de cette personne.
- Éléments constitutifs.
- Actes prohibés.
- Trafic d’influence actif.
Article 432-11 il s’agit pour cette personne de solliciter ou d’agréer, à tout moment, directement ou indirectement, un avantage pour elle ou pour autrui (cf. infraction de corruption).
2) Trafic d’influence passif.
Article 433-1 : consiste de la part d’un particulier :
– à proposer, à tout moment, un avantage à une personne exerçant une fonction publique, pour elle ou pour autrui.
- ou bien, de céder à la personne publique qui a cédé à l’avantage/sollicitation précité.
- Finalité des actes.
- Trafic d’influence passif.
On constate que les actes constitutifs d’une telle infraction tombent sous le coup de la loi pénale. Article 432-11 : lorsque la personne publique aura sollicité ou agrée cet avantage pour abuser de son influence réelle ou supposée, en vue de faire obtenir, d’une autorité ou d’une administration publique, des distinctions, emplois, marchés ou tout autres décisions favorables.
2) Trafic d’influence actif.
Article 433-1 : réprime la proposition du particulier, ou le fait, pour lui, de céder aux sollicitations de l’agent public, pour que ce dernier abuse de son influence dans les mêmes conditions que le trafic d’influence passif.
- Caractéristiques de la finalité.
La finalité est d’exercer un abus d’influence, en vue d’obtenir une faveur trafiqué e
1) Abus d’influence.
- a) Notion d’abus d’influence.
Il s’agit pour la personne incriminée d’exercer un abus d’influence réel ou supposé. L’agent public ne se place pas dans le cadre de sa fonction (différent de la corruption), mais se place en dehors de ses limites. Il joue alors un rôle d’intermédiaire, révélé par le fait qu’il va tenter d’exercer une influence.
Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 1er octobre 1984 :
– décrit l’auteur de cette abus d’influence : personne qui est considérée ou se présente comme un intermédiaire, dont l’influence peut permettre l’obtention d’une certaine faveur
– précise que la personne publique use ou abuse du crédit qu’elle possède ou croit posséder, du fait de sa position dans la fonction publique, des relations professionnelles ou personnelles qu’elle a pu nouer en raison de sa position, des liens qu’elle a pu établir avec d’autres fonctionnaires.
- b) Distinction abus d’influence/infraction de corruption.
En pratique, il est difficile de distinguer l’infraction de corruption lorsque la personne publique exerce un acte facilité par sa fonction/trafic d’influence –> peut conduire à une relative difficulté de qualification par le juge.
Illustration :
– arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 6 juin 1989 : directeur régional du service de la garantie. Or, il avait sollicité d’un bijoutier un versement d’une certaine somme d’argent, en lui faisant miroiter qu’il interviendrait en sa faveur afin que des procès-verbaux qui étaient intervenus à son encontre n’aient pas de suites pénales. Or, il n’appartient pas à un directeur régional d’opérer le classement de procès-verbaux, de telle sorte qu’on pouvait se demander s’il s’agissait d’une corruption par un acte facilité par les fonctions ou d’un trafic. Les 1ers juges avaient opté pour la question d’une infraction de corruption : s’il n’avait pas la possibilité de classer les procès-verbaux, il pouvait profiter de ses fonctions pour l’obtenir. La Cour d’appel procède à une requalification : trafic d’influence passif, le directeur régional s’étant placé hors de ses fonctions. La Chambre criminelle approuve la Cour d’appel d’avoir substitué la qualification.
– arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 7 juin 2000 : interprète en langue turc, inscrite sur la liste des experts d’une Cour d’appel (relevant ainsi de l’article 432-11) avait sollicité des sommes d’argent, pour intervenir auprès des autorités administratives, en vue de pouvoir obtenir la libération de ressortissants turcs maintenus en situation d’attente pour cause de situation irrégulière. Trafic d’influence passif, cet interprète étant sorti de sa fonction en voulant ainsi intervenir et exercer une influence à l’égard de l’autorité administrative.
2) Faveur trafiquée.
La personne publique qui exerce un trafic d’influence agit, « en abusant de son influence, en vue d’obtenir d’une autorité ou d’une administration publique ….. ».
- a) Destinataires.
Celle auprès de laquelle la personne publique exerce son influence, celle dont la faveur est attendue est une autorité ou administration, qui sont, selon la jurisprudence ancienne, françaises (arrêt de la Cour d’appel de Paris du 15 février 1941 fixe cette jurisprudence).
- b) Nature de la faveur.
Enumérée limitativement : « distinctions, emplois, marché ou tout autre décision favorable » :
– « distinctions » : entendues traditionnellement : médaille, récompenses, recommandations.
- « emploi » : Interprété comme désignant :
- les postes intégrés dans la hiérarchie administrative ou
- ceux au sein d’un ensemble placé sous le contrôle de la personne
– « marché » : doit s’entendre comme les conventions conclues avec l’autorité publique ou des administrations placées sous le contrôle des administrations ou autorités publiques. Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 9 novembre 1995 : le maire de commune, qui était par ailleurs conseiller général avait obtenu d’une entreprise qu’elle mette gratuitement à sa disposition des autocars afin de faire venir des militants d’un partie politique, en s’engageant, en contrepartie, à favoriser le trafic des transports, en usant notamment de son influence auprès de la Commission des transports du Conseil Général.
– « toute autre décision favorable » : la jurisprudence interprète traditionnellement (arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 20 janvier 1943) tout acte favorable qui, au lieu d’être obtenu et poursuivi par des moyens légitimes, a été obtenu ou poursuivi par des influences coupables → notion large, la jurisprudence montre qu’il s’agit généralement de l’obtention d’une autorisation, de l’obtention d’une subvention, etc.….
III) Répression.
- A) Peines.
Peines prévues à titre principale sont identiques à celle prévues par infraction de corruption car mêmes textes d’incrimination, prévoyant pour trafic d’influence passif/trafic d’influence actif : 10 ans et 150 000 euros d’amende.
Peines complémentaires : articles 432-17 (trafic d’influence passif) et 432-22 et 432-33 (trafic d’influence actif).
- Procédure.
- Prescription de l’action publique.
Délai de 3 ans (identique à l’infraction de corruption). Point de départ : arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 12 décembre 1989 : jour de la proposition illicite ou de la perception de l’avantage.
2) Action civile.
Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 7 février 2001 : l’action civile en vue d’obtenir une réparation est irrecevable lorsqu’elle est exercée par une personne qui, de mauvaise foi, a remis une certaine somme d’argent à l’auteur ou complice du trafic d’influence, en vue d’obtenir l’une de ces faveurs.