Le tribunal des conflits

Le rôle de compétence du Tribunal des Conflits

Le Tribunal des Conflits est né en 1850 mais supprimé après le coup d’Etat de 1861 et rétabli en 1872. Il a pour rôle de répartir les compétences entre les deux juridictions. On dit que c’est un tribunal paritaire avec 4 membres de la Cour de Cassation et 4 du Conseil d’Etat. Il est toujours présidé par le Garde des sceaux ministre de la justice qui vient vider le partage des voies lorsqu’il y a 4 et 4. Il a vidé le partage des voies dans l’arrêt Blanco. L’adoption du critère du Service Public doit son existence au départage du Garde des sceaux en 1873.

Depuis une loi du 21 avril 1932, il est aussi juge du fond dans une hypothèse : celle du déni de justice.

1) La diversité des procédures de saisine du Tribunal des Conflits

Il peut être saisi dans 4 situations différentes :

  • Lorsque les deux ordres de juridiction revendiquent leurs compétences : le conflit positif
  • Lorsqu’aucun ordre de juridiction ne s’estime compétent
  • Lorsque les deux ordres s’estiment compétent et ont rendus des décisions contradictoires au fonds, ce qui justifie que le Tribunal des Conflits soit juge du fond.
  • Lorsqu’il y a une difficulté sérieuse de compétence aperçue par une des cours suprêmes.
  • Le conflit positif :

Les textes prévoient deux procédures symétriques mais il n’y en a qu’une qui a prospérée. La première (qui a prospérée) est celle applicable devant les Tribunaux Judiciaires qui ont été saisis par les parties et les Juges Administratifs vont estimer qu’elles sont compétentes en réalité. C’est le préfet qui va demander aux juridictions judiciaires de décliner leurs compétences. Décret du 28 octobre 1849. La deuxième qui existait devant le Conseil d’Etat, celui-ci est saisi par les parties et ce sont les ministres qui doivent revendiquer devant le Conseil d’Etat la compétence en soutenant qu’en réalité l’affaire n’appartient, ne relève pas au contentieux administratif. Et les ministres dans les textes originels devaient saisir le Tribunal des Conflits. Cette procédure n’a pas prospérée. Le Conseil d’Etat ne s’estime pas compétent qui ne sont pas l’expression de la fonction administrative mais de la fonction gouvernementale. Et du coup c’est la théorie des actes de gouvernement qui a pris la place de cette possibilité pour les ministres de revendiquer devant le Conseil d’Etat des affaires qui n’appartiendraient pas au contentieux administratif. Et donc il n’y a plus de symétrie. Ca a donc été remplacé par la théorie des actes de gouvernement.

Les tribunaux judiciaires sont saisis, le préfet va demander au Tribunal Judiciaire saisi de décliner sa compétence et de sursoir à statuer sur le fond pour que le Tribunal Judiciaire se prononce sur sa compétence. Si le Tribunal Judiciaire persiste en faveur de la compétence judiciaire, le préfet va pouvoir élever le conflit en prenant un arrêté de conflit qui dessaisi le juge judiciaire et qui saisi le Tribunal des Conflits. Le Tribunal des Conflits devra une foi saisi, confirmer ou infirmer l’arrêté de conflit pris par le préfet. Il y a toutefois quelques hypothèses où le préfet ne peut pas élever le conflit, l’hypothèse de l’atteinte à une liberté individuelle : la loi du 7 février 1933 codifié à l’article 136 du CPP. Le Tribunal des Conflits a toujours interprété très restrictivement cette impossibilité pour le préfet d’élever le conflit dans cette matière, le Tribunal des Conflits a restreint aux seuls hypothèses de voie de fait.

  • Le conflit négatif :

Les deux ordres de juridiction s’estiment incompétent. Pendant longtemps, dans cette hypothèse la procédure était longue car l’ordre judiciaire est saisi, il s’estime incompétent, le requérant doit saisir le juge administratif qui s’estime incompétent et donc il doit ensuite saisir le Tribunal des Conflits. Un décret a été pris le 25 juillet 1960 pour éviter les conflits négatifs. Ce décret oblige le deuxième ordre de juridiction saisi qui s’estime aussi incompétent, à saisir directement le Tribunal des Conflits ce qui raccourci la procédure et évite que ce soit les parties qui soient obligées de saisir le Tribunal des Conflits.

Il peut arriver que le Tribunal des Conflits partage dans sa décision le litige entre les deux ordres de juridiction car le litige pose deux questions différentes dont l’une relève des JJ et l’autre des Juridictions Administratives.

  • Conflit de décisions au fond aboutissant à un déni de justice :

Loi du 20 avril 1932 a été votée pour résoudre une affaire, l’affaire de monsieur Rosay. Il a été victime d’un accident de voiture dans une affaire où un véhicule administratif et un véhicule privé étaient en cause. Les Tribunaux Judiciaires ont considérés que c’était le véhicule privé qui était responsable des dommages causés à monsieur Rosay alors que les Tribunaux Administratifs avaient jugés que c’était pas le véhicule privé qui était dans son tort mais que c’était le véhicule administratif. Donc Rosay se trouvait détenteur de deux décisions contradictoires émanant des deux ordres de juridictions différentes, une décision déclarant la compagnie d’assurance privée responsable et la deuxième décision déclarant l’Etat responsable. Le législateur a voté une loi de circonstance pour résoudre le cas particulier de monsieur Rosay, la loi a prévu de façon générale que le Tribunal des Conflits serait désormais compétent pour résoudre les contrariétés au fond entre les deux ordres de juridiction, et pour dire au fond quel est le patrimoine responsable en cas de dommages. Il y a eu trois cas de contradictions au fond.

Arrêt du 14 février 2000 Ratinet: était en cause la responsabilité d’une clinique privée, d’un hôpital et personnellement d’un docteur anesthésiste. Le Tribunal des Conflits consacre un PGD qui est celui de l’indépendance professionnelle des médecins. Le Tribunal des Conflits statut au fond parce que les Tribunaux Judiciaires avait déclaré responsable et Tribunaux Administratifs non responsable.

  • Quatrième hypothèse de saisine du Tribunal des Conflits :

Il n’y a pas de conflit mais où la cour de cassation ou le Conseil d’Etat, à l’occasion d’une affaire dont ils sont saisi, considère que l’affaire présentent à juger une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et qui met en jeu le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires. Donc chacune des cours suprêmes a la faculté de saisir le Tribunal des Conflits si elle estime se trouver devant une difficulté sérieuse de compétence. ça date d’un décret du 25 juillet 1960.

2) La régulation complexe des conflits de compétence par le Tribunal des Conflits

La régulation est complexe pour deux raisons.

Premièrement, même lorsqu’un ordre de juridiction est compétent pour connaitre d’un litige, il arrive que pour résoudre le litige il est nécessaire de poser à l’autre ordre de juridiction, une question préjudicielle. C’est une question qui pose une difficulté sérieuse nécessaire au règlement du litige et qui ne peut être résolue que par un autre ordre de juridiction. L’ordre de juridiction saisi du litige doit sursoir à statuer, poser la question à l’autre ordre, et une fois qu’il a reçu la réponse va devoir reprendre le cours du litige qui lui est soumis. On a donc des questions préjudicielles dans les deux sens.

La loi du 31 décembre 1957 prévoit que l’Etat est responsable sans faute des dommages causés par les véhicules de l’administration conduits par des agents publics dans l’exercice de leurs fonctions. Les Tribunaux Judiciaires ne sont pas compétents en application du principe de séparation des autorités, pour apprécier si l’agent public au moment de l’accident était bien dans ses fonctions ou pas. Le militaire qui se promène le dimanche avec le véhicule de l’armée, le dimanche il n’est pas dans l’exercice de ses fonctions et s’il cause un dommage, la question de savoir s’il était ou non dans l’exercice de ses fonctions, cette question sérieuse dont dépend la solution, est une question préjudicielle de la compétence exclusive de la juridiction administrative : arrêt de 1963 Caruelle du TC.

Savoir si la route est normalement entretenue ou non, savoir s’il y a eu défaut d’entretien normal de l’ouvrage public est une question purement administrative qui relève de la compétence exclusive des TJ. Il faut savoir s’il y a un entretien normal de l’ouvrage public, car de cette question préjudicielle découle la solution du litige : arrêt du Tribunal des Conflits du 17 décembre 2001 Société des autoroutes Paris Rhin-Rhône.

Deuxième raison qui explique la répartition complexe : le Tribunal des Conflits s’est toujours efforcé de constituer des blocs de compétence mais en même temps il a prévu des exceptions où la compétence de l’autre ordre s’infiltre. Et donc ca n’est jamais homogène. On peut citer des exemples sur les causes des conséquences dommageables d’un accident.

Une opération de travaux publics comme une construction d’une route, on a des tires de mines. Mais pour construire une route il faut des camions et des engins de travaux publics. Quand la construction d’une route créé des dommages de voisinage à des propriétés riveraines, et que les dommages du point de vue des propriétaires proviennent des vas et viens des engins de travaux publics qui provoquent des poussières, du bruit, des mauvaises odeurs. Pour les propriétaires la question parait simple : les dommages sont provoqués par des véhicules et donc saisine des Tribunaux Judiciaires en application de la loi du 31 décembre 1957 et demande de réparation des conséquences dommageables. Mais le Tribunal des Conflits dans une appréciation plus fine des faits de l’espèce considère qu’en réalité il y a deux débiteurs différents de l’indemnité, à l’issu de deux actions distinctes devant les deux ordres de juridictions : causé à la fois par le va et viens des engins (devant les Tribunaux Judiciaires selon la loi de 1957) mais les bruits générés par les tires de mines sont consécutifs à la conduite des opérations de travaux publics et donc pour la réparation de cette partie de dommage il faut saisir le Tribunal Administratif pour responsabilité des dommages de travaux publics. Le voisin devra saisir les deux ordres de juridiction mais en application des règles de fond différentes : arrêt du Conseil d’Etat 16 novembre 1992 Entreprise Razelle (?).

Autre exemple : au 25 novembre 1963 le Tribunal des Conflits a rendu un arrêt Madame veuve Mazran ( ?) qui a été critiqué. Cette dame était un agent contractuel d’une commune pour aider les institutrices à l’école maternelle qui s’occupent des enfants. Le Tribunal des Conflits saisi par une personne agent de service aidant les institutrices de la rupture de son contrat de travail, le Tribunal des Conflits estime que cette dame Mazran doit distinguer deux périodes dans sa collaboration avec la commune. La première période où elle a été employée, elle l’a été que pour s’occuper du nettoyage et du chauffage des salles de classes. Ensuite on lui a confié d’autres taches. Ensuite, lorsqu’on lui a donné la mission de s’occuper des enfants, elle a participé à la mission de Service Public de l’enseignement. On a donc une partie du contrat qui est privé, et une partie qui est administratif.

Ensuite le Tribunal des Conflits a rendu le 25 mars 1986 un arrêt Berkani: le Tribunal des Conflits a posé un principe des personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un SPA sont des agents administratifs quelque soient leurs emploies, que ce soit des taches secondaires ou des taches essentielles à l’exécution du Service Public.

Mais le Tribunal des Conflits est revenu à une solution extrêmement compliquée dans une décision du 23 novembre 2009 mademoiselle Tourdot où une demoiselle qui avait été recrutée par l’université d’abord sur un contrat emploie solidarité puis sur un emploi jeune et ensuite avait eu successivement des contrats avec l’université à durée déterminée successif. La personne a le toupet de demander des indemnités. Le Tribunal des Conflits répond que pendant la période ou elle était emploi jeune, TJ. Et pour la période avec les CDD successifs, elle était agent publique et elle doit demander des indemnités au JA. Le Tribunal des Conflits aurait pu appliquer l’arrêt Berkani.