Le législateur et le juge face au principe de légalité pénale

La signification du principe de légalité pénale pour le législateur et le juge

            Le principe de légalité suppose qu’on ait recours à la loi répressive afin de créer des crimes et des délits, ce qui signifie qu’on aura recours à la loi que pour protéger des valeurs sociales fondamentales. Le législateur et le juge vont être tenus de respecter ce principe de légalité.

§1 : La signification du principe à l’égard du législateur

            Le législateur est tenu de respecter un certain nombre d’obligations dans l’élaboration des lois, lorsqu’il crée une incrimination, mais aussi lorsqu’il prévoit des sanctions à cette incrimination.

A/ Le respect de la hiérarchie des normes

            Le Conseil constitutionnel est selon l’expression le gardien des libertés et droits fondamentaux contenus dans un bloc de constitutionnalité fixé par le Conseil lui-même. A priori, les lois peuvent être soumises à la censure du Conseil constitutionnel.

Ce dernier, dans une décision du 2 mars 2004, a estimé qu’à partir du moment où les dispositions contenues dans la loi Perben II se référaient à des dispositions expresses du Code procédure pénale pour la délimitation des nouvelles règles de procédure dans la délimitation des nouvelles règles applicables en matière de criminalité organisée, cette loi n’était pas illégale.

Un arrêt de la CEDH du 30 mars 2004 permet d’éclairer la précédente décision. En l’espèce, la radio France Info a diffusé lors d’un de ses flashs une information diffamatoire à l’encontre d’un fonctionnaire, qui a été reprise pendant 24 hures, toutes les heures et en direct. En matière d’infraction de presse, c’est le directeur de publication qui engage sa responsabilité, mais dans une émission en direct, c’est l’auteur de la diffamation.

Or dans cette affaire, c’est le directeur de publication qui a été poursuivi, et qui a donc fait valoir la règle ci-dessus. Les juridictions françaises ont condamné le directeur de publication en estimant que la réitération du message toutes les heures équivalait à une fixation.

            La CEDH a estimé que la Convention Européenne des Droits de l’Homme ne proscrit pas la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par l’interprétation jurisprudentielle d’une affaire à l’autre, à condition que le résultat soit cohérent avec la substance de l’infraction et raisonnablement prévisible. La jurisprudence européenne admet dans cet arrêt la rétroactivité d’une peine plus sévère si elle est cohérente avec l’infraction.

B/ Les obligations concernant les incriminations

            A priori, le législateur est tenu de rédiger des textes clairs et précis, et en vertu de l’article 111-3 du Code pénal, le législateur doit définir les éléments constitutifs des infractions, et a une compétence exclusive en matière délictuelle et criminelle. Cela signifie que lorsqu’un acte choquant n’a pas été envisagé par la loi, son auteur ne peut pas être poursuivi par la loi.

            Dès lors que la disposition pénale renvoie à un règlement afin de décrire les agissements frauduleux, aucune infraction ne sera caractérisée tant que les agissements n’auront pas fait l’objet de cette description. Quoi qu’il en soit, les dispositions pénales qui créent un crime ou un délit doivent caractériser les éléments matériel et moral constitutifs de l’infraction.

C/ Les obligations quant aux sanctions

            L’individu doit connaître a priori les faits qui sont pénalement sanctionnés, ainsi que les peines auxquelles il s’expose. Ainsi sera censuré un arrêt qui condamne un individu à une peine supérieure à ce que le Code pénal prévoit au maximum pour l’infraction commise, ou si la condamnation comporte une peine complémentaire qui n’est pas prévue par le Code pénal.

§2 : La signification du principe à l’égard du juge

            Le juge peut apprécier les dispositions pénales qui lui sont soumises, et ce en respectant le principe de l’interprétation stricte des dispositions pénales. Le juge ne peut retenir que les actes qui ont fait l’objet d’une incrimination sous forme de crime ou de délit par la loi ou par un règlement pour une contravention.

Cela concerne toutes les infractions, ce qui veut dire que le ministère public, les juridictions d’infraction ainsi que les juridictions de jugement vont devoir rechercher le texte applicable à l’espèce. Ils doivent rechercher si l’élément légal est caractérisé, et vérifier que les éléments constitutifs énumérés par la loi sont réunis.

En l’absence de texte applicable, le procureur de la République doit classer l’affaire sans suite, le juge de juridiction doit rendre une ordonnance de non-lieu, et la juridiction de jugement doit acquitter s’il s’agit d’un crime.

La correctionnalisation judiciaire, très critiquée par la doctrine, est une pratique qui va permettre de considérer qu’un crime est un délit, et ce pour que l’affaire relève d’un tribunal correctionnel, qui est souvent plus sévère et plus facile à réunir.

Le principe d’interprétation stricte des dispositions pénales est consacré à l’article 111-4 du code pénal. Il peut être rattaché au principe de la présomption d’innocence : en effet, on estime que l’on doit toujours donné un sens favorable à l’accusé en cas de dispositions peu claires (le doute profite à l’accusé).

            Les lois doivent donc être interprétées de façon stricte, ce qui ne s’oppose pas à ce que le juge tienne compte de la volonté du législateur. C’est d’ailleurs ce que les juges ont fait lorsqu’il s’est agi de refonder la responsabilité pénale.

            Ce principe ne s’oppose pas non plus à ce que le juge prennent en considération les évolutions techniques ou des comportements nouveaux qui n’avaient pu être envisagés au moment de l’adoption de la loi (exemple : infractions sur internet, rapprochées de la législation audiovisuelle).

            Si la loi est obscure, le juge devra l’interpréter et lui rendre son sens réel. A cet égard, on peut citer l’arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 29 juin 2001. Il s’agissait ici de femmes enceintes depuis une longue période, et qui étaient victimes d’accidents de la route entraînant la mort du fœtus.

La Cour a rappelé que le principe de légalité des délits et des peines qui impose une interprétation stricte de la loi pénale s’oppose à ce que l’incrimination prévue par l’article 121-6 du Code pénal réprimant l’homicide involontaire d’autrui soit étendu au cas de l’enfant à naître dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l’embryon et le fœtus.

Le principe d’interprétation stricte est parfois méconnu par la Cour de cassation, notamment en cas de prescription des infractions d’affaire.

 

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