Ordonnances et législation royale au Moyen-âge

 L’objet de la législation royale et les ordonnances au Moyen-âge.

A partir du 16ème siècle, roi commence à légiférer sur certains domaines juridiques >< au Moyen-âge. Le droit privé reste régir par droit écrit dans le nord et droit romain dans sud -> échappe à volonté politique du roi. Droit privé = question de société. Ce n’est pas au politique de dire à une société ce qu’elle doit être. Apparition au 16ème siècle des ordonnances de réformation (grandes lois royales qui portent sur sujets divers) alors qu’aux 17-18èmes siècles, lois du roi réforme champs juridiques particuliers.

  • &1. Ordonnances de réformation.

Il faut comprendre par « réformation » un double sens :

  •      Aujourd’hui, réforme signifie modifier pour l’avenir.
  •     Dans AR, remettre dans forme ancienne, reformer ce que temps a déformé.

Temps = élément d’éloignement à une forme originelle pour l’AR -> ordonnances font suite à réunion des Etats généraux. Roi et ses conseillers entendent requêtes, doléances, sollicitations des 3 ordres afin que la justice, l’administration, que l’organisation de l’Etat soit meilleure. On parle d’ordonnances de réformation de la police du royaume. Monarchie réforme inlassablement -> pas de retour à un hypothétique passé mais à changer les choses pour l’avenir donc retour au passé = seulement un discours politique.

A) L’innovation dans la réformation.

Ordonnance de Montil-lès-Tours de 1454 qui ordonne mise par écrit de toutes les coutumes du royaume. Elle est présentée comme « ordonnance de réformation de la justice ». Justice désorganisée pendant Guerre de Cent Ans donc beaucoup d’articles concernent organisation. Réformation de la mise par écrit des coutumes = hardie car innovation majeure. Autre exemple : ordonnance de Villers-Cotterêts adoptée par François Ier en août 1539 -> ordonnance de réformation elle aussi. Dans 192 articles de cette ordonnance, la monarchie confirme main mise sur appareil judiciaire, restreint compétences des juges d’Eglise, traite de la procédure pénale (caractère secret de la procédure + Inquisition) et de la procédure civile. Ordonnance d’adaptation de la justice mais 2 éléments font que cette ordonnance = puissamment réformatrice -> Etat civil. Curés des paroisses sont invités à tenir registres de baptême qui permettent de faciliter preuve de l’identité et de l’état des personnes. Curés sont aussi tenus par cette ordonnance d’enregistrer les sépultures pour faciliter mode de preuves devant juge civil. Cette mesure = considérée comme réformation de la justice pour éviter usurpation d’identité, bigamie… (Abus). Mais substituer preuve écrite d’identité des personnes à preuve d’état = innovation considérable. Etat des personnes = à la limite du droit privé et droit public en ce sens qu’améliorer administration de la preuve devant les tribunaux permet bon ordre public. On ne touche pas en principe aux questions de fond du droit privé. Les actes doivent être rendus en 2 langues dont le français (contrats, testaments, actes notariés…). Pouvoir unificateur de la monarchie à travers la langue -> enjeu culturel, politique avec rejet du latin et des langues locales pour affirmer unité juridique de la France.

B) Le désordre apparent des ordonnances de réformation.

Ordonnance de Moulins (466) qui interdit aux parlements les remontrances réitérées. Interdiction de traiter des matières de droit civil et censure. Obligation d’une preuve par écrit pour un contrat dont montant > 100 livres.

Ordonnance de Blois : réforme organisation de la police du royaume. Ordonnance porte sur réception en droit français des réformes issues du Concile de Trente en matière de mariage (droit privé canonique). Puis elle évoque après organisation des hôpitaux, de l’armée et des universités. Pourquoi des ordonnances fourre-tout ?

Réformation consiste à corriger ce qui a été déréglé/altéré par le temps et ce dans différents domaines et à différents degrés. Logique profonde = amélioration de la police/justice du royaume en fonction des besoins. Tendance revient actuellement. Forme et manière d’être des ordonnances royales changent considérablement au 17ème siècle.

  • &2. Les ordonnances de codification.

Ordonnances de codification prennent plein essor sous règne de Louis XIV. Louis XIV monte sur le trône en 1643 à 5 ans avec Régence d’Anne d’Autriche et du Cardinal Mazarin pendant la Fronde parlementaire et nobiliaire qui marque Louis XIV. Radicalisation de l’absolutisme à cette période et, en 1661, Louis XIV devient monarque absolu donc la conception très absolutiste de la monarchie s’affirme. Pouvoir normatif pour Louis XIV appartient en théorie et en pratique personnellement au roi qui règne et qui gouverne. Louis XIV ne pardonnera jamais au parlement de Paris la Fronde et il considère que les Assemblées comme les Etats généraux sont formées de comploteurs qui ne sont là que pour créer du désordre car noblesse s’affirme comme contre-pouvoir politique. Louis XIV décide d’éloigner noblesse du pouvoir politique et de l’administration. Il abandonne donc technique des ordonnances de réformation souvent issues de la réunion des EG pour préférer le remodelage, bloc par bloc de pans entiers/catégories entières de la législation. Désormais textes de loi sont conçus selon ordre très organisé (chapitres, sections, articles…) et plusieurs régions du droit vont être ainsi totalement revisitées qui préfigurent les grands codes napoléoniens. 4 grands textes de Louis XIV répondent à ces caractéristiques : ordonnance civile d’avril 1667 (Code Louis), ordonnance criminelle d’août 1670 -> signées à St Germain en Laye, ordonnance du commerce de mars 1673 et ordonnance de la marine d’août 1681. Caractéristiques : ces ordonnances ne portent plus nom de la ville où elles ont été signées.

Après règne de Louis XIV, grandes ordonnances = + difficiles à adopter mais sous règne de Louis XV, 3 ordonnances adoptées -> ordonnance sur donations, une sur les testaments (1735) et sur les substitutions (août 1745).

A) Ordonnances civiles et criminelles (1667 et 1729).

Faux amies car par nom, on peut penser que textes préfigurent code civil et code pénal mais non car ordonnance civile porte sur procédure civile et non sur le fond du droit civil. Idée que roi n’a toujours pas le droit de toucher au droit coutumier (fond du droit civil) mais pour établir une bonne justice, il lui appartient d’unifier procédure en matière civile et criminelle. Les procédures devant juridictions civiles et criminelles étaient complexes jusqu’au 17ème siècle. Les stiles = règles de procédure coutumières parfois rédigées et qui différaient d’une région à l’autre du royaume. Et le roi estime que, pour bien administrer justice du royaume, il lui appartient que procès se déroulent de manière identique, preuves puissent être apportées de manière identiques et non selon coutume particulière de son ressort géographique. Juridictions avaient tendance à faire traîner en longueur les affaires afin que les juges puissent s’enrichir. Simplification des formes, des formalités, réduction des délais… mais ne sera jamais vraiment appliquée. Frais de justice réduits et accessibilité à la justice pour tous = priorité de Louis XIV -> réduit pouvoir arbitraire et discrétionnaire dont dispose les juges. Inspiration du Code de procédure civile de 1806 -> certains grands principes d’aujourd’hui en sont toujours imprégnés.

Procédure inquisitoire -> enquête conduite par magistrat spécialisé dans enquête (inquisiteur) et non plus de procédure accusatoire menée par avocats de l’une des parties. Secret de l’instruction normalement toujours en vigueur. Meilleure preuve = aveu et pour cela, développement de la « question » (torture) qui disparaît dans els faits au 18ème siècle. Nombreux points de cette ordonnance figurent dans code de procédure pénale napoléonien.

B) Ordonnances du commerce & de la marine.

Mise en place par Colbert, contrôleur général (ministre) des finances de Louis XIV qui traduisent implication de la monarchie dans économie. Au Moyen-âge, Eglise intervenait dans économie pour protéger veuve et orphelin. Au 17ème siècle, véritable ébauche de politique économique où puissance n’est plus mesurée en faisant la guerre mais en ayant une bonne économie. Volonté de l’Etat de mettre en place règles communes en matières commerciale et marine. Ordonnance s’intéresse au fond du droit (qui vient en complément/contradiction du droit coutumier). Caractéristiques du droit commercial/maritime–> concerne personne d’horizons et de territoires différents. Ordonnance fabriquée par enquête (spécialistes de ces questions) à la demande de Louis XIV et de Colbert et compilée dans le Code marchand qui va être très largement repris dans Code de commerce de 1807.

Ordonnance de la marine -> même mécanisme. Règles reprises dans livre 2 & 3 du Code de commerce et dans traités internationaux pour commerce maritime car elle correspondait au commerce maritime.

C) Ordonnances du 18ème siècle.

Adopter des textes dans droit privé en faisant échec aux coutumes nécessite pouvoir politique très grand -> pouvoir politique très autoritaire. Codes napoléoniens adoptés sur pouvoir politique très puissant. On va assister à intervention du pouvoir politique dans droit privé sous les règnes de Louis XV et Louis XVI qui sont des rois moins autoritaires que Louis XIV -> volonté codificatrice pas démentie mais réaction de la population (exigence de liberté conçue comme respect des coutumes). Au 17ème siècle, c’est à l’initiative du chancelier d’Aguesseau (ministre de la Justice de Louis XV) que droit privé va être unifié et codifié. Ordonnance concernant donations (1731), celle concernant testaments (1735) et celle concernant les substitutions (visent à préserver patrimoine à l’intérieur d’une famille -> 1737). Trois domaines de droit dans lesquels la diversité des coutumes était handicapante. Lorsque dans une même famille, on veut faire donations, régir testaments ou faire substitutions, mais qu’elle habite dans différentes régions, le même droit doit s’appliquer à tous. Parlements = cours souveraines ont âprement négocié ces ordonnances avec chancelier car le fait que roi légifère dans droit privé était considéré comme une atteinte aux citoyens. 2 statuts différents : Nord et Sud de la France. A partir des années 1750, travail d’unification par voie codificatrice = abandonné et jusqu’en 1789, il n’y aura aucune grande ordonnance. Pouvoir politique est plus faible sous règne de Louis XVI et il faudra ensuite attendre pouvoir fort de Napoléon Ier pour voir réforme et codification du droit privé aboutir. Période de grande revendication des libertés a fait que codification a été abandonnée. Libertés avant 1789 s’analysent sur mode réactionnaire = pas projection vers avant mais revenir à époque au cours de laquelle monarchie française avait  un caractère absolutiste. Ce qu’attendent populations = revenir monarchie par conseil, consultation, dans laquelle sujets sont amenés à participer (EG) -> remise en cause extrêmement puissante de monarchie de type Louis XIV. Pouvoir normatif émane du roi mais aux autres stades, pouvoir absolu en principe et en pratique = peu absolu. Autre chose qui limite pouvoir normatif royal : juridictions peuvent rendre arrêts de règlement dont portée = erga homnes (à l’égard de tous) -> arrêts qui ont une portée normative dans matières policière,… monarchie essaye de limiter arrêts de règlement mais échec car ce n’est qu’à partir de la Révolution Française et Napoléon que juges ne seront qu’applicateurs de la loi et non plus législateurs. Mais aujourd’hui, juges peuvent se prononcer sur les lois grâce à plusieurs mécanismes à tel point qu’aujourd’hui, certains constatent que CC° et CE rendent arrêts de règlement. Arrêts de règlement de l’AR n’ont portée que du ressort du parlement qui l’a rendu.

  • &3. Dilatation de l’intervention royale par voie normative.

Le Roi n’intervient pas dans domaine du droit privé qui est réglé soit par coutumes soit par droit romain soit par droit canonique. Présentation des choses = vraie mais mérite d’être nuancée.

1ère observation : ordre juridique coutumier et ordre juridique canonique, dès 16ème siècle, sont intégrés dans législation royale. Droit canonique s’impose en droit français fin 16ème siècle mais de manière indirecte par biais des ordonnances royales. Monarchie s’abstient, à exception des grandes ordonnances, à formuler règles de droit privé qui tirent pourtant majoritairement de la législation royale.

2ème observations : le pouvoir royal augmente dans domaine de droit public.

  •     Administration de la justice, organisation des juridictions,… -> pas de distinction entre justice et administration car justice = rendre service. Bonne gestion de la société passe par bonne administration de la justice. D’où importance d’un appareil judiciaire efficace.
  •     En matière pénale/criminelle, on se place du point de vue de la société et non de la victime/criminelle. Droit pénal a vocation a géré ordre public donc il est considéré comme appartenant au droit public -> crimes et tout ce qui concerne droit des peines applicables est régi par ordonnances royales qui sont de plus en plus importantes jusqu’à fin de l’AR.
  •     Police sous l’Ancien Régime a un sens différent de l’actuel -> traduit idée d’un pays policé, civilisé. Ce sont toutes les règles qui vont toucher comportement individuel, des métiers, réserves pour aléas climatiques,… Hôpitaux publics aussi qui doivent débarrasser société des « bras inutiles » (mendiants,…) en les rassemblant et en les soignant physiquement & moralement.

Ordonnance de Villers-Cotterêts : François Ier prescrit dans celle-ci registres de baptême, de mariage et de sépulture -> organisation de l’état civil des personnes pour faciliter preuve en cas de litiges dans différents matières possibles. Administration de la preuve appartient au droit public (bonne harmonie sociale). A partir de la Renaissance, avoir un état civil permet d’identifier population et voir à quoi correspond population du royaume (quantifier population du royaume) afin d’avoir véritable politique notamment économique adaptée aux besoins des populations. A la veille de la Révolution, le roi dispose en matière législative d’un pouvoir absolu -> en théorie, roi peut légiférer sur tout et à tout moment. Pour autant, monarchie d’AR repose sur l’histoire -> légitimité car volonté de Dieu et dynastie (ancienneté du pouvoir). En matière juridique, le roi peut innover parce qu’il a un pouvoir absolu mais il est aussi très respectueux des traditions car ça reste dans les fondements même de son pouvoir. Respect et attention du roi des privilèges ancestraux et coutumes venues du fond des âges. Etat a monopole de l’édiction du droit positif (droit national) pas encore unifié mais unification sera parachevée par Révolution Française dans une certaine continuité.

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